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ENCORE UNE TRISTE ANNÉE 1798

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Odieuse tyrannie. — Une nuit tragique. — Après le drame.  

I. — ODIEUSE TYRANNIE.

Dès le début de 1798, les délateurs de Rieux poursuivent leur infâme besogne. « Ah ! pour du zèle, nous en avons, écrit le 3 janvier, l'administration de Rieux au département ; mais il nous faut être bien conduits, alors nous marcherons vers la paix en chassant de notre commune trois ou quatre bons drôles, créatures du scélérat Poisson. Nous pourrions les arrêter, mais ce serait illégal et ils seraient renvoyés sans sanction. Il faudrait avoir des mandats d'amener. Voici leurs noms : Guillaume Tual, chouan ; attaqua à la foire de Rieux Julien Delon, le reconduisit jusqu'à la Poterie où, au détour de la chapelle, il l'assomma à coups de pierres. Delon put à peine se transporter chez lui.

Penhaleux, dit Duby, chouan amnistié ; a tué à coups de fusil dans le cimetière, Cadié, potier, pour avoir pris du lard chez une parente à lui (après la Révolution, on se moquait de Duby, en lui criant : Pif, paf, pour un morceau de lard ! Ce qui le mettait en rage).

Deny, domestique chez du Quercron ; suivit son maître comme chouan ; a pris le fusil de Heinleix, bon patriote ; sa femme dernièrement faisait la quête pour le recteur, pour le rachat des captifs ». LALLEMAND, HEINLEIX, GOGUÉ.

Ces signataires ont soin de réclamer le secret sur leurs noms, puis, aux précédents, ils ajoutent « Poisson qui a fait nommer la municipalité de germinal ». (Archives départementales, L. 289).

Le nouveau serment exigé des prêtres : haine à la royauté et fidélité aux lois de la république, ne faisait aucune allusion à la question religieuse. Aussi, à la grande réunion des prêtres à Limerzel, présidée par M. Le Gal, ancien Supérieur du Grand Séminaire, la plupart furent pour l'acceptation de ce serment. Ainsi signèrent : Toussaint Guého, ex-vicaire de Rieux, 45 à 50 ans ; Julien Gatinel, 60 ans et J. Béniguel, 40 ans, ex-recteur et ex-vicaire de Caden ; R.J. Hémery, 55 ans, ex-vicaire de Saint-Gorgon ; Fr. Mahé, simple prêtre, 72 ans, de Caden ; J. Mabile, simple prêtre.

Le 4 janvier, ils notifièrent la chose à l'administration. Or, peu après, le ministre ordonnait de les arrêter « attendu que la loi ne souffrait aucune exception ».

M. Poisson et les autres prêtres de Rieux étaient opposés au nouveau serment. Lallemand en profite pour les dénoncer encore. « Le 13 janvier, notifie-t-il à l'administration, des Arbres de la Liberté ont été replantés à Rieux et à Béganne. On y proclama la paix avec l'Empereur (L'Empereur d'Allemagne) et avec le Saint Père le Pape. L'esprit public de cette ville de Rieux n'est pas à la hauteur des principes. La cause, nous vous le répétons, c'est la présence de la soeur du prêtre Poisson, qui occupe toujours le presbytère et en impose aux habitants. Débarrassez-nous donc de ces Poissons qui infectent la commune... La commune n'a plus de sous, envoyez-nous des fonds, sans cela la machine ne peut marcher, malgré notre civisme ».

Pauvre Lallemand ! On ne daigne pas lui répondre ! Il s'en plaint à l'ami Cornu, alors fonctionnaire à Vannes (8 février) : « Tout cela n'est point beau et finira par nous faire égorger ; déjà nous sommes sur le bord de l'abîme... Le Gite (le presbytère) est toujours occupé par Mlle. P. (Poisson) qui y reçoit son frère ; et on y fait toutes cérémonies. Quelle abomination ! C'est une peste pour le canton ! En voilà plus que je ne voudrais, mais je perds la tête ».

Quelques jours après, l'administration municipale est ainsi constituée : Lallemand, président ; Gogué, agent ; Heinleix, adjoint ; Thébault, commissaire.

Si la conduite sectaire du Directoire qui vient de faire prisonnier le Pape, Pie VI, encourage les jacobins, elle n'obtient pas que le peuple délaisse ses pratiques religieuses, même pas ses réjouissances à l'occasion de mariages. « Hier, écrit l'administration au département le 15 février, trois brigands se sont introduits dans la maison du citoyen Perrin, vers les trois heures après-midi ; le mari et la femme étaient à des noces ; ils prirent la clef sur une fenêtre, entrèrent et volèrent ce qu'ils trouvèrent d'argent... Ah ! si nous avions eu un poste à la Poterie !... ».

Le 20 février, « Rieux réclame l'arrestation de du Quercron et de Foucaud, chefs de chouans, et de Bily ; ce dernier est un monsieur dévot qui va à la grand'messe tous les dimanches... Je signe seul, car quelque ivresse pourrait faire jaser mes collègues ». LALLEMAND.

Pas très gentil pour ses collègues, le président !... Il nous apprend par ces lignes que la grand'messe était célébrée alors à Rieux ; dans quelles conditions ?...

Enfin, le début de mars apporte une nouvelle très réjouissante pour son coeur de délateur : de Vannes, le 4 mars, on lui annonce l'arrestation de Julie Poisson. « C'est, écrit-il, la soeur du méchant prêtre de ce nom que l'on n'a pas pu saisir. Le presbytère qu'elle occupait ne servira plus, il faut l'espérer, de point de ralliement aux ennemis de la République. Réunissez tous les faits à sa charge ; faites toujours surveiller le dangereux Poisson ; tendez bien vos filets, il s'y prendra tôt ou tard » (Archives départementales, L. 307). Ce n'est pas sûr !

Au 10 juillet, il court encore, « Nous retenons Julie Poisson, mande Vannes à Rieux ; arrêtez son frère ; quand nous apprendrons sa capture, ce sera avec joie » (Archives départementales, L. 298).

Pour le prendre, on multiplie donc les visites domiciliaires. Le 19 juillet, les Bleus passent « à la Bousselaie, occupée par Boulo, ci-devant capitaine de chouans ; chez Conérat, gardiataire des effets de Julie Poisson ; à la maison des Trinitaires, acquise par Seconda, payeur destitué de la Marine à Lorient ; à Kerbonnaire, Camzon, la Robinardière, à la maison de Gicquel au Val. Et le détachement n'a rien trouvé... » (Archives départementales, L. 306).

Entre temps, les autorités célèbrent le mieux possible les fêtes nationales, comme le 14 juillet et le 10 août. Mais l'enthousiasme populaire fait défaut. Comment fêter pareil régime ?

Le 5 août, à La Grée, chez Lallemand, on organise de nouvelles perquisitions. Mais pour ne pas éveiller l'attention, on prétexte une simple battue aux loups, décidée pour tout le département. Ainsi on fouille : « la Bousselaie, terre d'émigrés et où loge un capitaine de chouans dans le ci-devant château ; Villeneuve, à Geneviève Grignon ; la Robinardière ; la Châtaigneraie, séjour fréquent de Poisson et dont le fils du fermier est le colporteur des dispenses du ci-devant grand vicaire ; la Trinité, à Seconda ; Kerbonnaire où l'adjoint a trouvé un siège en buis (comment est-ce un siège contre-révolutionnaire ?) ; Camzon ; chez Conérat, allemand d'origine ; finalement le presbytère : comme on n'ouvrait pas, un serrurier en fut chargé. Nous n'avons rien découvert, notent avec dépit Heinleix, Lallemand et Picot, la distance de la fouille annoncée à notre apparition fut trop longue » (Archives départementales, L. 306).

Le 13 août, la Sûreté demande que l'on recommence, mais dans le plus grand secret : « si les visites n'ont pas de succès, cela vient de ceux qui racontent tout à leurs amis et à leurs femmes » (Archives départementales, L. 304).

Après avoir de nouveau réclamé un poste de soldats à la Poterie, Lallemand adresse aux autorités, le 26 août « un plan pour se débarrasser de Poisson et de toute sa séquelle en partant de ces différents points à la même minute :

Le château de Trégouët, où est la Sécillon, mariée depuis quelques jours à Rado (du Matz), ancien gendarme ; Poisson pourrait y être et deux émigrés Sécillon ;

La maison de La Noë, où demeure Josso qui a des habitudes avec Poisson ;

Le presbytère : il y a des caches secrètes ; à fouiller ;

La Trinité, maison de moines (Trinitaires), acquise par la Secunda qui a des affinités avec Poisson ;

Cran : fouiller les deux maisons à la fois ;

La maison de Conérat, dans le haut de la ville en arrivant du Passage-Neuf ; aubergiste, capitaine de chouans du canton appelé par Poisson, il est d'Auvergne ou du Languedoc (le 5 août, il était Allemand !) ;

La maison noble du Tertre, où Poisson a exercé les fonctions de prêtre ; occupée par des paysans ;

Kerbonnaire, occupé par des cultivateurs ; Poisson y a exercé.

Le recteur, observe Lallemand, a bien des amis à Vannes et, si la chose vient à être connue, bonjour ! Nous ne l'attrapperons plus, ou ce serait un hasard ».

 

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II. — UNE NUIT TRAGIQUE.

Les doléances de Lallemand aux autorités se font de plus en plus pressantes. « Tout cela (les battues des Bleus) n'a rien produit, mande-t-il le 27 septembre ; il ne nous reste plus qu'à nous démettre, ne pouvant opérer le bien seul au milieu des orgies que le vin nouveau occasionne (parmi les patriotes). Le sang coule ; il nous faut des secours... Notre situation devient de plus en plus alarmante... Mais vaincre ou mourir, voilà la devise d'un vrai républicain ». On lui répond de Roche-Sauveur que le général Duthil est dans l'impossibilité de fournir des hommes.

Lallemand est en effet plus courageux que certains patriotes, par exemple Tual et Cornu qui successivement refusent le poste de juge de paix du canton de Rieux. « Les républicains craignent pour leur peau, écrit Lallemand le 20 octobre au département. Il devrait y avoir une force armée au lieu des séances d'administration. Il faut donc nous abandonner à suivre notre destinée ! Dieu fera le reste ». Parole bien déplacée sous la plume de ce sectaire !... 

« Tual et Cornu, continue-t-il, ne connaissent que les places lucratives ; ce sont encore de ces républicains comme tant d'autres qui ne savent pas se sacrifier au moment où le Gouvernement ne peut pas leur faire un pont d'or, eu égard à la pénurie des finances...

Dites-moi pourquoi le département ne m'a pas envoyé son arrêté de mise en liberté de la charmante Julie Poisson. Son frère qui s'en est chargé m'est venu trouver avec un extrait de l'arrêté, croyant que j'allais faire droit à sa prière. Il s'est trompé. Je n'agis jamais qu'officiellement. Je lui ai bien donné à dîner et lui ai fait espérer que, reçu l'arrêté, je lui accorderais son petit trousseau, à condition de ne pas rester longtemps dans ma commune ».

Pourquoi M. Poisson accepta-t-il l'invitation de Lallemand ? Que purent se dire pendant le repas ces deux antagonistes ? Rien ne nous le révèle.

Ce qui paraît évident, c'est que les autorités semblent lassées des plaintes continuelles du président du canton de Rieux.

Celui-ci réussit enfin à trouver un juge de paix ; c'est, écrit-il le 24 octobre, « le citoyen Lanoë, d'Allaire, qui accepte la place ; Thébault se porte garant de son républicanisme et de sa probité ».

Un peu plus tard, le 11 novembre, Lallemand envoie à la Sûreté un Avis secret contre de Sol, Conérat et Poisson. Il termine ainsi : « Je suis absolument sans force dans le canton ».

Ce devait être sa dernière dénonciation : la nuit suivante, lui et deux autres patriotes, allaient périr assassinés.

Le lundi 12 novembre 1798, deux membres de l'administration de Rieux qui avaient réussi à s'échapper : Heinleix, agent, et Picot, greffier, arrivent à Redon sur les six heures du matin. Ils apportent la tragique nouvelle, transmise aussitôt à Roche-Sauveur et à Vannes. Puis, deux jours après, ils adressent au département le rapport suivant (14 novembre).

« ... Dans la nuit du 21 au 22 brumaire (11 au 12 novembre), la troupe des chouans se présenta vers les 11 heures du soir chez le citoyen Lanoë au bourg d'Allaire à qui l'on intima l'ordre d'ouvrir au nom de la Loy. Lorsqu'il eut ouvert, ils s'en saisirent et le forcèrent de les suivre... Les brigands se rendirent ensuite chez Texier. On frappa doucement en disant que l'on voulait allumer la pipe, et comme on n'ouvrait pas, on insista au nom de la Loy. Texier père, soupçonnant le danger, ordonna à son fils, revenu depuis peu de Nantes, d'ouvrir et monta dans le grenier se cacher entre la muraille et le foin.

Le fils se disposait à ouvrir, lorsqu'il entendit Lanoë crier : " Vous êtes des assassins ". Texier courut alors rejoindre son père qui lui ordonna de descendre. Ayant obéi, il trouva la porte enfoncée à coups de hache et la maison pleine d'individus vêtus en gardes-nationaux, avec des chapeaux de campagne et des fusils. Il reconnut de Sol et d'autres, sans savoir leurs noms. A cette demande : Où est ton père ? Il répondit : à Redon. Ils le forcèrent alors à les précéder dans toutes les pièces.

Dans le grenier, l'un des chouans fouilla le foin avec sa bayonnette et plusieurs fois l'arme passa près du ventre de Texier. Un autre fut d'avis de bouleverser le foin, un troisième d'y mettre le feu... Enfin ils quittèrent le grenier...

Un moment, le fils Texier se voyant en danger prit sa course et reçut un coup de feu ; le projectile lui rasa l'oreille : il tomba évanoui, les cheveux roussis, et ne rentra qu'au point du jour. Sa soeur se sauva en chemise par une petite fenêtre. Après le départ du gros de la troupe, certains qui avaient volé 700 livres se les partagèrent...

Après avoir quitté Allaire, la troupe, entraînant toujours Lanoë, se dirigea sur la Poterie, fit halte au-dessus du Vaudepierre et fusilla le captif sur le territoire de Rieux.

Les brigands entrèrent ensuite à petit bruit dans le bourg de la Poterie vers les 2 heures du matin. Au lieu d'entrer par le portail de la maison de la Touche, dont le portail et la petite porte (disparue depuis) étaient sans doute fermés, ils contournèrent le bâtiment et enfoncèrent la porte dite de la Menuiserie (nom conservé). Ils montèrent l'escalier de pierre et enfoncèrent la porte du corridor : ils étaient alors dans l'antichambre.

A ce moment, le président (Lallemand) sortit de sa chambre et sur les cris d'ouvre la porte, il répondit : Retirez-vous ou je tire. A l'instant, un coup de fusil, lâché par ces scélérats, l'étendit mort. Ils le poignardèrent ensuite à coups de bayonnettes. De là, ils entrèrent dans sa chambre et furent sur le point d'assassiner son épouse. Leur, chef, de Sol, ouvrit l'armoire et s'empara des fonds de la commune et des siens, de sa montre en or, de ses armes et du linge. Sur son bureau, les brigands prirent ses papiers pèle-mêle et les brûlèrent.

Ils se présentèrent ensuite chez Gogué. Ayant pénétré dans l'escalier qui conduisait chez le citoyen Thébaut, commissaire, ils enfoncèrent la première porte du corridor, entrèrent dans sa chambre, le jetèrent par terre de sur son lit et l'assassinèrent.

Les brigands, pressés, car le jour allait paraître, abandonnèrent le projet d'assassiner l'agent Heinleix et s'enfurent jusqu'à la Montagne, près de la fontaine d'Aucfer. Le secrétaire (Picot), entendant du bruit, s'était levé et, avec une lumière d'une main, une carabine de l'autre, il attendait, monté au bureau, résolu à se défendre. Mais ils ne vinrent pas.

L'enlèvement des corps a été fait par ordre de l'agent et du secrétaire et le même tombeau renferme ces trois amis de la République » (Archives départementales, L. 305, 309).

 

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III. — APRÈS LE DRAME.

Des notes concernant les victimes furent envoyées à l'administration centrale par Hallier, leur ami. En voici un aperçu.

« Le citoyen Pierre Lallemand. — Patriote prononcé depuis le commencement de la Révolution. Acquéreur de biens nationaux, il fut plusieurs fois pillé à sa campagne de La Grée. Il accomplissait ses fonctions avec zèle en dépit des chouans. On peut présumer que les responsables de sa mort sont : de Sol, les deux Sécillon, leur beau-frère Rado, les Grignon, Léhellec, Couëssin, les Héry, de la Béraye et de Deil, Fouesnel, du Vaudequin, et enfin le recteur Poisson (toujours lui !). Lallemand réunissait aux lumières et à la fermeté un patriotisme inébranlable. Il avait résolu de républicaniser le canton de Rieux... Il laisse une veuve, un fils établi à Redon et une fille mariée au citoyen Vaillant, capitaine de navire.

Le citoyen Thomas-Marie Thébault. — Commissaire près du canton de Rieux. Il s'attacha dès le principe au char de la République. Ses talents le firent porter dès 1790 à la place de secrétaire-greffier à La Roche-Bernard, puis à celle d'administrateur du même district. Il sollicita vivement la condamnation de Grignon et de Dondel, fusillés à Roche-Sauveur. Plus que le citoyen Lallemand, Thébault a encouru la vengeance de la famille Poisson. Il a pour héritier un frère sans enfant, cordonnier. Il était d'une fortune médiocre.

Le citoyen Lanoë. — Demeurait au bourg d'Allaire ; excellent patriote. Quelque temps administrateur à Redon jusqu'au 27 juillet 1795. Il ne cessa de marcher en tête des colonnes mobiles. Son état de notaire était presque sa seule ressource. Les chouans lui avaient volé des sommes considérables qu'il avait reçues comme percepteur aux contributions de la commune. Il laisse une veuve et six enfants presque tous en bas âge. Lui aussi était suspect à messieurs les chouans, notamment aux familles Grignon, Rado et Poisson.

Ces trois malheureuses victimes étaient entièrement dévouées à la cause publique. La Poisson a dû inspirer l'attentat. A sa sortie de détention, elle est restée deux décades à Rieux. La cause immédiate a dû être la vente des effets du presbytère annoncée pour le 15 novembre... Mais la mort de ces généreux républicains rendra encore plus difficile la capture de Poisson. On ne doit avoir aucun ménagement pour ces scélérats assassins que l'on porte à 50 ou 60. Ils se sont annoncés au nom de la Loy pour avoir plus de facilité ». HALLIER (Archives départementales, L. 306, 309).

Aussitôt le meurtre, soldats et gendarmes circulent pour découvrir les coupables. « D'après les indications données par les municipaux qui ont échappé, sont arrêtés et conduits à la prison de Roche-Sauveur : Conérat, Louis Maucoiffé, Guillaume Boyer, dit Frislain, ex-chouan, Augustin Bucas, meunier à Gléré, Guillaume Réveillard son domestique, et Yves Boulo, ex-chef de chouans, les tous de Rieux. On dit que ce dernier a été vu dans les rues de Rieux se promener avec de Sol. On recherche actuellement Jean Piraut, de Foleux. On a été la nuit dernière à Dolay où l'on n'a jamais pu mettre la main sur le prêtre Chauvel. Roche-Sauveur à Vannes, 17 novembre 1798 ».

Tous ces inculpés furent renvoyés devant le Conseil de guerre par le jury de Vannes (Archives départementales, L. 326). Quel en fut le verdict ?...

Afin d'indemniser les familles des victimes, le ministre de la Police envoie 1.200 francs « pour être distribués un décadi avec le plus de solennité possible, afin que tous sachent que le gouvernement veille sur les veuves et les orphelins » (Archives départementales, L. 309). De plus, il leur adresse une lettre de condoléances.

La veuve Lanoë répond que « la famille conservera la lettre du ministre comme un monument impérissable... ». La veuve Lallemand écrit qu' « elle verse tous les jours des pleurs sur la mort de son époux et sur le tombeau d'un ami de la République ; sa douleur serait plus grande si elle n'éprouvait la douce consolation de savoir que son époux est mort pour la Patrie ». Le frère de Thébault ne dut rien répondre.

Les familles engagèrent de plus un procès contre les communes rendues responsables des assassinats. Et, par arrêt du 28 novembre, le tribunal condamna solidairement les communes de Roche-des-Trois, Peillac, Caden, Rieux et Allaire à verser 49.758 livres. 6.000 livres revenaient à la veuve Lallemand, 15.000 à la veuve Lanoë, 3.000 au frère de Thébault, 859 pour les pertes de Texier, Cornu et Julienne Boucher ; le reste, soit plus de 24.000 livres, à la République comme amende.

Les communes imposées protestent énergiquement. Allaire, par la voix de Voisin, agent, et de Baron, adjoint, se prétend la plus pauvre commune du Morbihan ; cette condamnation forcerait à vendre les bestiaux et à laisser les terres sans culture. « Elle s'offre cependant à assurer un sort à la veuve Lanoë et à ses enfants » (27 décembre). Alors le département envoie une garnison à Allaire pour n'avoir pas payé l'amende dans la décade et désigne « vingt des plus notables propriétaires comme devant verser la somme sous peine de recevoir un garnissaire (soldat à héberger) et plus tard de voir leurs biens vendus. A eux d'avoir recours sur les autres habitants ».

A Rieux, « les vingt laboureurs plus forts contribuables exposent à l'administration, avec la franchise qui les caractérise (!?) qu'ils ne peuvent en ce moment payer dans le délai prescrit et implorent une prolongation ». Signé : Joseph Chemin, Guillaume Guého, Joseph Torlay, Joseph Perrin, Joseph Cottin, Joseph Lelièvre.

Disons dès maintenant que réclamations et appels à Nantes ne furent pas reçus (10 février 1799).

Chose curieuse, les familles des victimes étaient taxées comme les autres ; elles s'en plaignirent et leur part fut réduite au dixième.

A la suite de ce triple meurtre, M. Poisson jugea prudent de disparaître. « Il trouva, dit un document sans plus de précision, une retraite paisible ». Il ne reparaîtra qu'en 1801.

Dans les dernières semaines de 1798, les chouans continuent à se montrer très actifs. « Ils se rencontrent à chaque pas, remarque l'administration de Roche-des-Trois ; ils courent de maison en maison et se montrent avec ostentation, partout bien accueillis ; tous les paysans veillent avec le plus grand scrupule pour leur conservation » (23 décembre).

Enfin le département envoie un poste de 17 soldats à la Poterie ; en retour, le 28 décembre, elle prie l'administration de Rieux « de rentrer dans son ressort ».

Ce poste n'empêche pas le général de Sol d'introduire dans le Morbihan par Boro en Saint-Vincent-sur-Oust un convoi d'armes et de poudre. « Au moyen de la glace, rapporte Redon à Vannes le 30 décembre, on a tiré avec des cordes les barils et les ballots, ce qui a duré plusieurs jours à cause des précautions que l'on prenait. Deux vedettes étaient placées sur tous les points et on a menacé de mort qui parlerait » (Archives départementales, L. 320).

C'est ainsi que s'acheva l'année 1798. Elle eût été de tous points lamentable, si la Campagne d'Egypte ne l'eût irradiée de ses brillantes victoires et préparé en Bonaparte un libérateur à la France agonisante d'anarchie (abbé Henri Le Breton).

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