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Histoire du culte de la Sainte-Vierge dans la ville de Rennes.

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HISTOIRE DU CULTE DE LA SAINTE VIERGE DANS LA VILLE DE RENNES.

Le culte de la sainte Vierge a commencé à Rennes, comme partout ailleurs, avec la prédication du christianisme, c'est-à-dire avec le premier siècle de l'ère chrétienne ; et Notre-Dame de la Cité fut le premier temple élevé au vrai Dieu dans ses murs. Car maintenant qu'il est démontré que Grégoire de Tours s'est trompé en plaçant la première évangélisation des Gaules sous saint Fabien, en 250 (Voyez les Monuments inédits, par M. Faillon, t. II, p. 347 et suivantes), rien ne peut plus infirmer l'autorité du catalogue des évêques de Rennes, par l'hagiographe Legrand, qui d'ailleurs appuie son récit de l'autorité d'un très-ancien manuscrit des archives de Saint-Pierre. Il est vrai que ce manuscrit s'est perdu ; mais qui pourrait refuser de croire le père du Paz, dominicain du couvent de Bonne-Nouvelle, lequel affirme l'avoir lu et transcrit fidèlement ? Or voici ce qu'on lit dans ce document, au début même du catalogue.

« Maximinus, disciple de l'apôtre saint Philippe et de l'évangéliste saint Luc, ayant été envoyé ès Gaules, vint en Bretagne, et s'arrêta à Rennes qu'alors on appelait civitas rubra, ville rouge, laquelle était située entre les rivières de Vilaine et de Lisle. En peu de jours, il convertit ce peuple, purgea un temple près de la ville qui était dédié à la déesse Thétis, dont il brisa l'idole, et dédia ce lieu à Dieu, sous l'invocation de la glorieuse Vierge, laquelle chapelle s'appelle encore Notre-Dame de la Cité, située dans l'ancienne cité de Rennes, entre la porte Morlaise et la maison de ville ; et se servit, ce prélat et ses sept successeurs, de cette chapelle pour église cathédrale, jusqu'au temps de saint Lunaire, en 312, qu'on dédia l'église Saint-Pierre. En mémoire de ce qu'en ce premier lieu avait été le siège de l'évêché, jadis le chœur de la cathédrale y disait les petites heures de Notre-Dame, et puis allait réciter les canoniales en la cathédrale ; et, aux fêtes solennelles, tous les chanoines allaient de Saint-Pierre en solennelle procession, après tierce, à Notre-Dame de la Cité.

C'était encore en cette église, ajoute Legrand, que nos anciens rois et ducs de Bretagne allaient rendre grâces à Dieu, et faire hommage à la Mère de Dieu, après avoir été couronnés, comme a remarqué le sieur d'Argentré en son Histoire de Bretagne (liv. 12, ch. I), où il récite les cérémonies du couronnement du duc François Ier : la cérémonie achevée, dit-il, qui est toute telle que celle du couronnement d'un roi, fors l'onction, s'en partit le duc de l'église, le clergé devant aller en procession à l'église de Notre-Dame de la Cité, les quatre bacheliers de Bretagne portant un riche poêle sur lui, et le sieur de Blossac, grand écuyer de Bretagne, portant l'épée en un fourreau étoffé en pierreries. L'oraison finie, on retourna à l'église Saint-Pierre, où l'évêque de Rennes célébra ».

Ce document, que nous avons copié textuellement, se recommande par l'analogie avec ce qui s'est passé dans la plupart des autres diocèses des Gaules, lesquels ont été évangélisés à la même époque par les envoyés du saint-siége, et ont eu pour premier temple chrétien une église sous le vocable de la sainte Vierge, ainsi que nous l'avons souvent remarqué et que nous le remarquerons encore ; il se recommande de plus par le titre même de Notre-Dame de la Cité, qu'a porté incontestablement l'église la plus ancienne de Rennes, et qui confirme l'opinion de sa fondation par saint Maximin.

Aussi Notre-Dame de la Cité a-t-elle toujours occupé une place d'honneur dans les annales de Rennes ; elle domine et résume toute la tradition de la ville, capitale de la Bretagne, et relie les âges passés aux monuments de notre âge. Malheureusement la Révolution la vendit comme ne pouvant servir à aucun établissement public, et l'ensevelit dans ses registres mortuaires. Mais si l'humble chapelle fut effacée du sol, Marie demeura toujours la reine de la ville et du diocèse ; une chapelle de la métropole dédiée à Notre-Dame de la Cité, avec des inscriptions qui en consacrent le souvenir, vint bientôt remplacer heureusement l'antique sanctuaire ; et à peine cette dédicace fut-elle connue qu'on vit renaître de toutes parts la dévotion la plus populaire à Notre-Dame de la Cité ; on y vit recourir surtout les femmes enceintes ; et l'on remarqua que toutes celles qui l'invoquèrent firent d'heureuses couches.

A ce premier monument d'amour pour la sainte Vierge, la ville de Rennes en ajouta plusieurs autres : d'abord elle donna le titre de Notre-Dame à l'antique église de Saint-Melaine, si célèbre par les vicissitudes qu'elle avait traversées dans le cours des siècles, et qui, cinq fois ruinée, avait été cinq fois reconstruite. Puis au-dessus du porche, elle releva la tour Notre-Dame qu'avait déjà refaite, lorsqu'elle menaçait ruine, l'abbé Jean d'Estrades, de 1672 à 1676 ; et elle plaça au sommet de la tour une statue colossale de la sainte Vierge bénissant la ville. Ainsi la métropole de la Bretagne eut sa Notre-Dame : la foule s'y pressa et s'y presse encore chaque jour silencieuse et recueillie.

Notre-Dame est comme le centre de la dévotion à Marie dans la cité : c'est la qu'on vient s'enrôler dans les confréries du Saint-Cœur de Marie, de Notre-Dame de la Salette, de la Réparation des blasphèmes et de la profanation du dimanche, du Bon-Pasteur et de la Compassion de la sainte Vierge pour la conversion des pécheurs : c'est là qu'on fait des prières publiques, aussi fréquentes que ferventes, pour obtenir le retour au bien des âmes dévoyées ; c'est là enfin que la dévotion à Notre-Dame de Paimpont, dont nous parlerons plus bas, fait ses principaux exercices.

Après Notre-Dame de Rennes, Notre-Dame des Miracles, dans l'église Saint-Sauveur, est un des monuments de l'amour de Marie les plus chers au cœur des Bretons ; et voici quelle en est l'origine. L'an 1341, Jean III, duc de Bretagne, étant mort sans laisser d'enfants, deux grands partis se disputèrent la succession au duché. C'étaient d'une part Charles de Blois, à qui le duc avait, de son vivant, donné sa nièce en mariage, et légué par testament sa succession ; d'autre part le comte de Montfort, qui, quoique cadet, prétendait avoir plus de droits que la nièce du défunt duc. De là prit naissance une guerre déplorable qui ne finit qu'après vingt-trois ans de luttes terribles et sanglantes, par la mort de Charles de Blois et la victoire du jeune comte de Montfort, fils de celui qui avait commencé la querelle. Pendant ce long laps de temps qui couvrit la Bretagne de calamités, la seule ville de Rennes eut à soutenir plus de quatre sièges, dont deux surtout, ceux de 1343 et de 1357, furent des plus désastreux. Le comte de Montfort, voyant Charles de Blois soutenu par la France, avait appelé à son secours Edouard, roi d'Angleterre , dont il avait épousé la fille ; Edouard était venu en personne combattre pour la cause de son gendre ; les deux armées en étaient venues souvent aux mains : enfin l'armée de France avait forcé l'ennemi de consentir à une trêve de deux ans. A l'expiration de cette trêve, qui fut d'ailleurs assez mal gardée, les Anglais, comprenant d'une part l'importance de prendre la capitale de la province, de l'autre désespérant d'en venir à bout par la force, conçurent le projet de s'en emparer par la ruse ; et en conséquence, au mois de février 1345, ils creusèrent une mine dont l'entrée était éloignée de la ville d'une distance tout à fait insolite dans ces sortes d'ouvrages. Ils la poussèrent si secrètement et avec tant d'activité, qu'ils arrivèrent bientôt sous l'église Saint-Sauveur, qui était au cœur de la ville, et que déjà ils se préparaient à faire irruption. Les assiégés, informés de ces travaux souterrains, étaient dans une perplexité extrême : d'un côté, les vivres commençaient à leur manquer ; le duc de Lancastre, qui commandait l'armée ennemie, les pressait de toutes parts ; de l'autre, ils ne pouvaient savoir où aboutirait la mine, et où il fallait concentrer la défense. Pendant qu'ils se désolaient dans cette cruelle anxiété, voilà que tout à coup les cloches de Saint-Sauveur sonnent d'elles-mêmes à plusieurs reprises ; ils y accourent et voient deux cierges allumés sur l'autel de la Vierge ; ils comprennent le sens du prodige ; c'est un avertissement du ciel, que là doit déboucher l'ennemi : mais où fouiller pour déjouer son projet ? par où sortira-t-il de terre ? En vain le seigneur de Penkoat et les autres chefs examinent et cherchent, ils ne peuvent rien découvrir ; ils prient la Vierge, et aussitôt, chose merveilleuse, la statue, par un mouvement sensible de la main, leur indique le lieu de l'orifice de la mine. Ils y rassemblent en toute hâte leurs préparatifs de défense ; puis ils fouillent la terre, rencontrent les pionniers anglais, lancent sur eux l'huile bouillante, la poix fondue, l'eau en ébullition, et les ensevelissent dans la propre fosse qu'il s'étaient faite. Les Anglais du camp, voyant leur mine éventée, perdent courage, désespèrent d'un siège qui durait depuis dix mois, et se mutinent tellement que le duc de Lancastre est contraint de composer avec les assiégés et de désemparer. Ainsi grâce à Marie, la ville de Rennes fut sauvée ; et dès lors, sans crainte, elle ne songea plus qu'à célébrer sa libératrice par des prières d'actions de grâces et des réjouissances publiques. Elle ne s'en tint pas là ; elle voulut que, comme monument éternel de sa reconnaissance, un cierge brûlât à jamais jour et nuit dans l'église de Saint-Sauveur ; et même, pendant longtemps, elle le fit brûler au dehors dans une lanterne en pierre qui était sur la rue à l'endroit du carrefour. De plus, une pierre fut placée sur l'orifice de la mine, portant en inscription le récit du fait miraculeux ; et de nombreuses fondations eurent lieu pour l'entretien du cierge : à peine se trouva-t-il quelques habitants qui ne s'empressassent d'y contribuer.

La statue à laquelle la ville devait son salut devint dès lors l'objet spécial de la vénération publique, sous le titre de Notre-Dame des Miracles ; et l'on y vint prier de toutes parts avec confiance et amour. C'était là la ressource de Rennes dans toutes les nécessités publiques et privées, mais surtout dans les temps de guerre. Ainsi, lorsqu'en 1392, Charles VI, pour venger la querelle du connétable de Clisson, vint en personne à la tête d'une grande armée fondre comme la tempête sur la Bretagne aux abois, on se pressa autour de Notre-Dame des Miracles, et la Bretagne n'éprouva aucun des maux qu'on redoutait. Il en fut de même sous Charles VIII. Alors le lendemain même de la triste journée de Saint-Aubin, où l'armée de Bretagne fut mise en déroute, Rennes, sommée de se rendre à discrétion au seigneur de la Trémouille, lieutenant de l'armée royale, eut recours à sa libératrice en l'église Saint-Sauveur ; le seigneur de la Trémouille se retira sans insister, et trois ans après, par le mariage de Charles VIII avec la duchesse héritière du pays, cette noble province, s'ajoutant aux autres fleurons de la couronne, partagea la paix dont jouissait le royaume ; la Bretagne devint toute française, l'hermine de ses ducs s'allia aux fleurs de lis de nos rois, et fin fut mise pour toujours aux guerres qui la désolaient depuis si longtemps.

Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner de la dévotion merveilleuse que fit éclater la ville dans la cérémonie à jamais mémorable du 7 avril 1658. Alors pour agrandir l'église Saint-Sauveur, qui ne suffisait point au grand nombre de suppliants qui s'y pressaient chaque jour, on avait déplacé de son autel l'image miraculeuse ; et les travaux d'agrandissement terminés, on crut convenable de la rapporter triomphalement à l'autel, d'où elle avait sauvé la ville : cette pensée fut accueillie avec enthousiasme par tous les habitants. Une procession solennelle s'organisa où se déployèrent toutes les splendeurs du culte catholique. On partit de Saint-Sauveur en bel ordre à dix heures du matin, avec la sainte statue, que rendaient éblouissante de beauté tous les riches brillants, toutes les pierreries précieuses fournies par les dames de Rennes ; quatre anciens échevins en habit de cérémonie la portaient sur leurs épaules, accompagnés des trésoriers de l'église, tenant chacun un cierge à la main. Derrière ceux-ci, marchaient les présidents et conseillers, soit du parlement, soit du présidial ; venait ensuite un concours extraordinaire tant de gens de qualité de l'un et de l'autre sexe, que de simple peuple, puis des chœurs de jeunes gens gracieusement et diversement costumés, portant de riches guidons aux chiffres de Marie, où se lisaient des devises ingénieuses en son honneur. L'air retentissait de ses louanges, du son des trompettes, des tambours et de divers instruments ; les rues et les places étaient magnifiquement décorées ; et de distance en distance la mousqueterie faisait entendre des salves joyeuses.

La procession, arrivée ainsi à la cathédrale, y déposa quelque temps la sainte image pour laisser au peuple le loisir de l'approcher et de lui rendre les hommages de sa piété ; puis repartit pour Saint-Sauveur en plus grande pompe encore, assistée de tout le chapitre, de tout le clergé, de tous les corps religieux, et, arrivée à l'église, elle replaça à son premier autel la Vierge libératrice. Là, de tout le jour, le concours des fidèles ne discontinua pas aux pieds de la sainte image, et depuis ce temps, la vénération alla toujours croissant ; on y vint prier en foule, on y fit célébrer grand nombre de messes, et beaucoup d'ex-voto y furent déposés, comme témoignage des grâces obtenues par l'intercession de Notre-Dame des Miracles.

Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, dans la paroisse de Saint-Aubin, n'est guère moins célèbre, et est due à la même guerre pour la succession au duché de Bretagne, qui donna naissance à Notre-Dame des Miracles. En 1364, le comte de Montfort, pendant le siège d'Auray, avait proposé à Charles de Blois de se partager entre eux la Bretagne en deux portions égales, afin de terminer par là une guerre si désastreuse [Note : Tout ce récit est extrait d'un manuscrit de 1658]. Charles, cédant aux instances de sa femme, qui ne voulait point entendre à ce partage, avait rejeté bien loin cette proposition, et s'était avancé avec son armée pour livrer bataille. Sollicité de nouveau d'accepter un arrangement, il avait même déclaré que le lendemain, dimanche 29 septembre, sans plus tarder, il en viendrait aux mains. En conséquence, le 29 au point du jour, après plusieurs messes en l'un et l'autre camp, où communièrent des milliers de soldats, en présence des troupes rangées en bataille, le comte de Montfort proteste de nouveau contre l'obstination de Charles de Blois, qui résiste à tout accommodement, tombe à genoux, baise la terre en recommandant la justice de sa cause à Dieu et à la glorieuse Vierge Marie, de tous temps si chérie dans sa maison, surtout par l'illustre Simon de Montfort, cet intrépide défenseur de l'honneur de la Mère de Dieu contre les Albigeois ; et au lever du soleil commence la bataille. Les ennemis, prenant pour le comte de Montfort un simple soldat qu'il avait revêtu de son armure pour les tromper, fondent aussitôt sur lui, le tuent ; et élevant au haut d'une lance sa casaque d'hermine, s'écrient : Victoire, le comte n'est plus. A ce cri, l'armée du comte est saisie d'effroi, et elle allait prendre la fuite, lorsque celui-ci s'avance, en criant à son tour : « Erreur, erreur ! mon Dieu, qu'est-ce donc que ceci ? sainte Vierge, sauvez-nous, et je fonderai une église en votre honneur dans la capitale de mon duché ». Puis levant la visière de son casque, il court à travers les rangs des soldats qui le reconnaissent et se rassurent. Animés par sa présence et aidés de la cavalerie, ils attaquent le bataillon de Charles de Blois par derrière, le contraignent de lâcher prise, puis se rallient, reprennent leurs rangs, relèvent la bannière du comte qui avait été abattue, et mettent leurs ennemis en déroute.

Empressé de savoir ce qu'était devenu Charles de Blois au milieu de la débâcle, Montfort envoie à sa recherche ; et l'envoyé, l'ayant trouvé mort, revint promptement faire son rapport au comte, en lui criant du plus loin qu'il put se faire entendre : « Bonne nouvelle, monseigneur, bonne nouvelle : en ce jour vous êtes le duc de Bretagne sans conteste ». Alors le comte s'adressant aux seigneurs qui l'accompagnaient : « Je regrette extrêmement, leur dit-il, que Monsieur de Blois, mon cousin, soit venu à cette extrémité : car c'était un vaillant chevalier : mais la Bretagne ne pouvait jouir d'une paix durable que par la  mort de l'un de nous. Son opiniâtreté l'a perdu. Mais puisqu'il a plu à Dieu nous octroyer cette victoire, j'ordonne qu'un monastère soit bâti à Rennes en l'honneur de la Mère de Dieu, lequel s'appellera Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ». De là le comte allant visiter lui-même le corps de Charles, pleura amèrement : « Hélas ! messire Charles, cher cousin, dit-il, pour soutenir votre parti, vous avez attiré bien des malheurs en Bretagne ; Dieu vous le pardonne ! ». Après quoi, proclamé duc de Bretagne, sous le nom de Jean IV, surnommé le Conquérant, le vaillant et le triomphant, il rangea à son obéissance toutes les villes et places de son duché, convoqua, en 1366, ses Etats à Rennes, y fit son entrée ducale, y reçut les hommages et serments de ses sujets, et en pleine assemblée, déclara le vœu qu'il avait fait, au camp devant Auray, conclut à la fondation d'un monastère en l'honneur de Notre-Dame dans le faubourg de Rennes ; et manifesta l'intention de le confier aux Dominicains. Le 11 avril 1368, en présence de sept évêques, de presque toute la noblesse du pays, et d'une multitude innombrable de peuple, il en posa luimême la première pierre, avec un riche tablier de fourrure d'hermine, un marteau et une truelle de vermeil, et déclara qu'il élevait cet édifice à l'honneur de Dieu et de sa sainte mère, sous l'invocation de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. A l'offrande de la messe qui se dit aussitôt après, il donna cent florins d'or pour les frais de construction ; et les autres seigneurs, à son exemple, contribuèrent à la bonne œuvre par de généreuses offrandes. Ce bâtiment fut bientôt achevé ; car tout le monde y prenait intérêt : la révolte même générale du pays ne put l'interrompre ; et le seigneur de Laval, après avoir attaqué et pris Rennes pour le roi de France, ne voulut point distraire de leur pieuse destination les deniers alloués à la construction du saint édifice.

Le duc qui s'était réfugié en Angleterre pendant la révolte, ne fut pas plutôt rentré en possession paisible de sa capitale, qu'il vint en remercier Notre-Dame de Bonne-Nouvelle dans son nouveau sanctuaire, et lui donna mille florins d'or. Il fit de ce lieu son église de prédilection ; il en appelait les religieux ses amis et féaux chapelains, comme le portent ses lettres patentes ; il allait là de préférence entendre la messe ; et, en mourant au château de Nantes, le 1er novembre 1399, il recommanda à sa femme et à ses enfants de parachever cette sainte chapelle.

Le duc Jean V eut pour Notre-Dame de Bonne-Nouvelle les mêmes sentiments que son père : il ratifia les fondations que celui-ci avait faites, et y ajouta plusieurs beaux présents. En 1410, il donna au monastère dix mille écus d'or, et assigna quatre mille livres sur les recettes de l'évêché, pour payer les ouvriers qui travaillaient à élever le couvent. Lorsqu'il fut fait prisonnier par Marguerite de Clisson, la duchesse sa femme le voua à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ; et il se préparait à venir remercier Marie de sa délivrance, lorsqu'il fut pris de la maladie dont il mourut le 17 juillet 1450.

Le duc Pierre II et la bienheureuse Françoise d'Amboise sa femme, venaient tous les jours prier à Bonne-Nouvelle, pendant que leur cour était à Rennes. Ils y donnèrent plusieurs riches ornements ; et lorsqu'en 1452, ils rassemblèrent les Etats de Bretagne, ils préludèrent à leurs séances en conduisant les députés, en procession solennelle, à la sainte chapelle.

Le connétable de Richemont, au retour de chacune de ses glorieuses expéditions, venait toujours rendre grâce de ses victoires à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ; il lui offrait les armes et les trophées pris sur ses ennemis ; et lorsqu'en 1459 il reçut la couronne ducale, il vint de même en remercier solennellement la sainte Vierge.

François II, le dernier des ducs de Bretagne, n'était pas moins dévot à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ; et cependant la duchesse Anne sa fille le fut encore davantage. Elle donna au sanctuaire vénéré sa couronne ducale, trois chapelles entières en drap d'or, dont la première était faite de sa robe de noces et de son grand manteau royal à queue, et y ajouta plusieurs riches fondations et beaux privilèges.

Aussi le pape Martin V, informé de la sainteté de ce lieu et de la dévotion qu'on y avait à la Vierge-mère, accorda des indulgences à ceux qui contribueraient à l'achèvement de l'édifice. Un légat de Paul II en France et en Bretagne, ayant vu de ses propres yeux l'affluence des peuples à cette sainte chapelle, y ajouta de nouvelles indulgences, qu'augmentèrent encore dix-huit cardinaux ; enfin le pape Paul III, eu égard aux fréquents miracles qui s'opéraient dans ce sanctuaire et à l'affluence qui le visitait, y accorda, en 1539, des indulgences plus considérables encore, ainsi que l'avait déjà fait l'évêque de Rennes, mu par les mêmes motifs, en 1507 et 1515.

En 1629, le prieur des Dominicains, à l'aide des offrandes abondantes qu'on déposait sur l'autel de Marie, rebâtit à neuf la chapelle Notre-Dame, et y fit enchâsser l'image miraculeuse dans un tabernacle ou dôme de tuffeau, richement orné de marbre, d'or et d'azur ; il décora également le frontispice intérieur d'un retable de tuffeau, supporté sur quatre colonnes de marbre noir et jaspé ; le tout, ainsi que les garnitures d'autel, doré et orné par les largesses de la duchesse de Vendôme ; et, le 2 février 1623, deux cent cinquante ans après la fondation, l'évêque de Rennes bénit l'autel, l'enrichit de reliques et d'un magnifique devant d'autel.

Nous ne saurions dire tous les miracles que Dieu opéra dans cette dévote chapelle. Une lampe riche et magnifique y rappelait autrefois la miraculeuse guérison du maréchal de Brissac, lequel frappé d'apoplexie et d'épilepsie en novembre 1620, désespéré de tous les médecins, passa tout à coup à une santé parfaite, après les prières et la messe offertes, en son intention, à l'autel de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. Deux enquêtes de l'évêque de Rennes, l'une du 14 décembre 1624, l'autre du 14 octobre 1626, constatèrent également deux guérisons : la première celle d'une jeune fille de la Rochelle, laquelle recouvra, pendant la messe qu'on y célébrait pour elle, l'usage de ses jambes jusques là percluses ; la seconde celle de Louise le Duc, affligée de plusieurs maux, qui, depuis deux ans, la faisaient beaucoup souffrir. Mais ce fut surtout dans la peste de 1632 qu'éclata la puissance miraculeuse de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. Il y avait huit ans que la ville de Rennes et les contrées voisines étaient ravagées par la contagion, lorsque tous les corps et tous les ordres de la cité, d'un consentement unanime, firent un vœu à ce béni sanctuaire. Aussitôt le vœu prononcé, personne ne fut plus frappé ; ceux qui étaient atteints furent guéris ; et la maison de santé, qui, depuis 1624, avait été remplie de morts, de malades ou de gens suspects de la peste, se vida à l'instant par la rentrée de chacun dans ses foyers.

Les habitants, heureux d'être délivrés d'un mal si terrible, commandèrent à un orfévre de Paris un édicule en argent représentant la ville de Rennes avec ses murs, ses tours, ses églises ou édifices les plus remarquables ; et au-dessus, l'image de Notre-Dame, qui d'une main étendue protégerait le couvent de Bonne-Nouvelle, et de l'autre tiendrait l'enfant Jésus donnant la bénédiction à la ville. L'orfèvre employa deux ans à l'exécution de ce dessein ; et enfin au mois d'août 1634, arriva à Rennes et fut déposé à l'hôtel de ville son merveilleux travail, du poids de cent dix-neuf marcs. Le 8 septembre fut choisi pour en faire processionnellement la translation solennelle à l'église de Bonne-Nouvelle. Rarement il y eut une cérémonie plus magnifique. En tête, marchaient, la hallebarde en main, les hérauts de la ville, vêtus de leurs casaques de velours blanc, semées d'hermine de velours noir avec filets d'argent ; après eux venaient cent enfants pompeusement vêtus, s'avançant sous douze guidons splendides, précédés d'un chœur de violons et suivis de la grande enseigne accompagnée de musique. Puis apparaissait le vœu, chef-d'œuvre de l'orfèvrerie parisienne, sur un brancard, couvert d'une housse de satin blanc parsemée d'hermine de velours noir. Huit échevins, élus à la pluralité des voix, le portaient, environnés de vingt-quatre enfants, habillés en anges, tenant représenté sur leur écu chacun un miracle de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, et suivis du connétable, du syndic, des miseurs ou arbitres, des échevins et du corps de la ville, que précédait un jeu de hautbois ; enfin des hérauts ou mortepayes, vêtus et armés comme ceux qui ouvraient la marche.

On arriva ainsi a la cathédrale, dont la nef avait été superbement tapissée, et où, à l'entrée du chœur, était élevé un autel richement paré, entouré, d'un côté, des chanoines, des religieux de l'abbaye Saint-Mélaine et du présidial ; de l'autre, du Parlement en robes rouges, et du corps de ville. Après le sermon et la messe pontificale, l'évêque s'étant assis en face du peuple, reçut le vœu que lui présentèrent les huit échevins- précédés du connétable et du procureur-syndic, lequel, dans une harangue éloquente, pria l'évêque de l'accepter au nom de Dieu, « en reconnaissance publique de la santé recouvrée par les prières de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, » et de l'offrir lui-même à cette puissante libératrice.

Après que l'évêque eut béni le vœu et chanté le Te Deum, on sortit de Saint-Pierre pour se rendre à Bonne-Nouvelle, au bruit du canon, qui déjà avait fait entendre ses salves bruyantes à la sortie de l'hôtel de ville, comme à l'entrée de la cathédrale ; et là, se développa une procession encore plus nombreuse et plus splendide. En tête, marchaient vingt-huit confréries, les unes de métiers divers, les autres de dévotion, chacune précédée de douze torches armoriées de ses armes, et chaque confrère tenant un cierge à la main ; venaient ensuite les bannières et les croix des neuf paroisses de Rennes, un chœur de joueurs de violon vêtus de robes blanches, les cent enfants dont nous avons parlé, un chœur de joueurs de hautbois, vêtus de robes de futaine blanche barrée de rouge, et la tête couronnée de guirlandes de fleurs ; puis venaient les religieux, Minimes, Capucins, Cordeliers, Carmes, Dominicains, chaque couvent sous sa croix ; le clergé séculier de Rennes et autres lieux en tunique ou en chapes, tenant à la main un cierge allumé ; les moines de Saint-Melaine dans leurs plus riches ornements, suivis d'un chœur de joueurs de hautbois, en casaque blanche barrée de soie bleue et rouge tombant sur les talons, et la tête couronnée de guirlandes et chapeaux de fleurs. Paraissait ensuite l'enseigne de la cérémonie, en taffetas blanc de dix pieds carrés, semé de lis et d'hermine, portant d'un côté le nom de Marie surmonté d'une Vierge qui tenait entre ses bras l'enfant Jésus, élevé au-dessus de la ville de Rennes, de l'autre le nom de Jésus avec les images de saint Sébastien et de saint Roch, les armes de France et de la ville ; et sous cette enseigne marchaient vingt-quatre jeunes gens vêtus en anges, des soleils d'or sur la tête, des ailes à leurs épaules, tenant d'une main un cierge allumé, de l'autre chacun son écu ceint de lauriers verdoyants, avec un miracle de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle représenté en peinture et décrit en vers grecs et latins. Au milieu de cette troupe, était porté le vœu, suivi de la musique, des chanoines de la cathédrale, dans leurs plus riches ornements, de l'évêque en mitre suivi de ses aumôniers et chapelains, du Parlement, du présidial, du corps de ville, des mortepayes ou hérauts de la cité fermant la marche, et de plus de cinquante mille hommes.

Pendant toute la procession, le canon tonnait de distance en distance ; toutes les rues étaient magnifiquement tapissées ; et, à l'entrée du cimetière Sainte-Anne, s'élevait un portail de vingt-quatre pieds, orné de sept riches tableaux, représentant saint Dominique qui reçoit le Rosaire des mains de la sainte Vierge, avec six de ses plus nobles enfants, saint Antoine de Florence, Albert Legrand, saint Vincent Ferrier, saint Ambroise de Sienne, saint Jacques de Venise et le bienheureux Jacques Allemand. A droite, se dressait un théâtre où une musique douce et suave charmait délicieusement l'oreille ; et, sur la porte du cimetière, étaient représentées les armes du Pape entre deux trophées, les armes du roi entre celles de Bretagne et de Richelieu, plus bas celles de l'évêque, de la ville et du général des Dominicains. A l'entrée de l'église, s'élevait un autre portail composé de trois pyramides, entre lesquelles deux anges en satin blanc, à broderies d'or, donnaient de l'encens d'une main et des fleurs de l'autre.

La procession, entrée dans l'église, déposa le vœu dans le chœur ; d'où il fut porté dans la chapelle Notre-Dame, demeura devant l'autel pendant divers chants à l'honneur de la Vierge, puis fut placé par l'évêque et ses officiers sur une table de marbre noir fort élevée, où l'on arrivait par des gradins disposés à cet effet, et que supportaient deux colonnes de diapré, d'ordre ionique, avec chapiteaux dorés, dans le contre-corps desquelles était enchâssée une tablette de marbre noir, portant écrites, en lettres d’or, ces paroles :

Sacrum Deo Virginique Matri,
Ob civitatem Rhedonensem à peste liberatam,
Anno M. DC. XXXII.

L'évêque exposa ensuite le Saint-Sacrement pour l'ouverture des quarante heures ; et, la procession terminée, il y eut un grand feu de joie devant la porte Royale. Le lendemain, il y eut, à la maison de santé, une messe pontificale de Requiem pour les victimes de la peste ; les jours suivants, on vint suspendre devant l'autel de Notre-Dame les guidons et les écus qui avaient été portés à la procession, ainsi que les clefs et cadenas qui avaient servi, dans la maison de santé et ailleurs, à fermer les lieux infectés.

Telle fut la magnifique cérémonie où les Bretons firent éclater leur amour pour la sainte Vierge ; et l'on regarda comme un miracle que, nonobstant l'innombrable multitude venue de toutes les parties de la Bretagne, de la Normandie, du Maine, de Touraine, de l'Anjou et du Poitou, il n'y eût eu aucun désordre. La dévotion absorbait toutes les âmes ; ce n'était que communions et visites des églises, surtout de la chapelle de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, qui ne désemplissait pas, et de la grande église du couvent, où la foule se pressait pour entendre les deux plus grands prédicateurs de l'époque. Dès le second jour, le pain manqua, et l'on souffrit la faim sans se plaindre.

De si magnifiques cérémonies jetèrent un grand éclat sur Bonne-Nouvelle ; depuis cette époque, les pèlerinages y vinrent en foule, et ce ne fut point en vain : les vœux, les châsses de mort, les béquilles, les chaînes, les sacs à procès, les représentations de membres en cire, qui couvraient les parois et les voûtes de la chapelle, sans compter les lampes d'argent, les vases de prix, les parements d'autel, les courtines, tapisseries et autres riches ornements, étaient autant de témoins qui déposaient en faveur des prodiges qu'on y obtenait.

Parmi les grâces extraordinaires dont le récit se conservait aux archives de Bonne-Nouvelle, on lisait, à la page 245, la guérison subite d'un goutteux, aussitôt après avoir émis le vœu de visiter le pieux sanctuaire ; à la page 355, celle d'un homme perclus de tous ses membres; à la page 375, en 1597, la délivrance d'un homme tombé entre les mains des voleurs, qui, après l'avoir garrotté et horriblement maltraité, se préparaient à le pendre ; à la page 377, en 1625, la guérison de Louise Le Duc, affligée de maux de reins et d'une débilité de nerfs qui ne lui permettaient pas de se mouvoir ; à la page 390, en 1620, le sauvetage d'un homme qui se noyait dans le Rhône ; à la page 439, la guérison subite de Jacques Gautier, qui, depuis quatre ans, ne pouvait faire aucun usage de ses membres ; à la page 456, en 1598, le rétablissement, aussi prompt que parfait, de Jean Brignon, que tous les médecins avaient déclaré incurable ; à la page 466, la vue et l'intelligence rendues à Jean le Levande, affligé tout à la fois de cécité et d'imbécillité ; à la page 529, en 1597, la résurrection de Françoise Couaron, déjà mise dans la bière, et, plus tard, sa guérison de la maladie de la gravelle. Nous arrêtons ici cette nomenclature, qui nous mènerait trop loin : ce que nous avons dit suffit pour faire voir les prodiges qui s'obtinrent pendant des siècles aux pieds de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle.

Malheureusement la révolution de 1793 fit disparaître et l'église de Bonne-Nouvelle et le vœu magnifique qu'y conservait précieusement la piété des fidèles. Mais, en 1861, le curé de la paroisse Saint-Aubin, dans les limites de laquelle se trouvent les restes de l'ancienne chapelle, eut la bonne pensée de rétablir le monument vénérable de la foi bretonne, non point en relevant l'église, ce qui eût été plus difficile, mais au moins en demandant de nouveau à l'orfèvrerie parisienne la reproduction du vœu de 1632. Les habitants de Rennes accueillirent cette idée avec enthousiasme ; des souscriptions abondantes mirent le curé de Saint-Aubin à même de faire la commande qu'il désirait si ardemment. L'orfèvre de Paris M. Trioullier fit le chef-d'œuvre qu'on attendait de son talent ; et, le 8 septembre 1861, la ville de Rennes, inaugurant ce monument avec une pompe au moins égale à celle de 1634, vit une de ces grandes manifestations religieuses dignes d'être enregistrées dans les annales d'une cité. Il fut démontré, ce jour-là, que la capitale de la Bretagne aimait encore Marie comme l'avaient aimée les anciens Bretons, et que les siècles pervers en passant sur sa tête n'avaient rien changé dans son cœur, toujours dévoué à l'Eglise et à Marie, qui en est la reine.(Hamon André Jean-Marie).

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