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CAHIER DE DOLÉANCES DE LA PARTIE URBAINE DE LA VILLE DE RENNES EN 1789

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LA VILLE DE RENNES (partie urbaine).

POPULATION. — En 1780, 42.600 habitants (OGÉE, Dictionnaire de Bretagne, t. II, p. 445). MARTEVILLE, dans une note au bas de cette même page, émet, en s'appuyant sur le chiffre des naissances de cette année 1780, l'opinion que la population devait être d'environ 42.750 habitants. La Population du royaume, de 1787 (voir la note 1 qui suit), en prenant aussi pour base le mouvement des naissances, indique 32.021 habitants. — Le préfet Borie, en donnant pour l'an IX le chiffre de 25.904 habitants, y compris 1.056 « défenseurs de la patrie », ajoute que la population était d'un tiers plus nombreuse en 1788 (voir la note 2 qui suit).

Note 1 : Document présenté par Calonne à l’assemblée des notables (Arch. Nat. H 1444), cité par LEVASSEUR, La population française. t. I, p. 227.

Note 2 : BORIE, Statistique du département d'Ille-et-Vilaine, Paris, an IX, in-8°, pp. 3-4. On sait que Borie, premier préfet du département en l'an VIII, était sénéchal de Rennes on 1789.

CAPITATION. — Rôle de 1788 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4063) ; 5.313 articles ; total, 56.344 l. 4 s. 9 d. dont 39.360 l. s 4 d pour le principal.
VINGTIÈMES. — Rôle de 1798 (Ibid., C 4614) : 2.027 articles; total, 44.458 l. 1 s. 6 d.
VINGTIÈMES D’INDUSTRIE. — Rôle de 1788 (Ibid., C 2167) ; 815 articles ; total, 2.509 l. 13 s. 3d.

PROCÈS-VERBAL (Ibid., série B). — Première séance, à l'Hôtel de Ville, le 1er avril, à 8 heures du matin. Après un discours du maire, Trehu de Monthierry, l'assemblée a décidé de nommer des commissaires pour vérifier les pouvoirs des représentants des corps, corporations et habitants et pour rédiger « le cahier des charges, griefs, plaintes et pétitions ». Mais, avant de procéder à la nomination des commissaires, on a discuté la question de savoir « si les nobles, anoblis ou agents des seigneurs pouvaient être nommés commissaires, ensuite électeurs à l'assemblée de la sénéchaussée, etc. ». On a voté : 52 voix se sont prononcées pour l'exclusion absolue de tous nobles, anoblis, agents des seigneurs, 11 pour l'admission, et 7 « pour faire une exception particulière en faveur de Monsieur Le Chapelier » (voir la note 1 qui suit). L'assemblée a alors « unanimement arrêté de consigner dans la présente délibération comme la preuve de son attachement aux vrais principes, de n'avoir pour représentant ou pour commissaire aucun noble, anobli ou agent de seigneur et ses regrets d'être forcée d'exclure Monsieur Le Chapelier, qui a montré tant de zèle pour la cause du Tiers Etat et si bien mérité de ses concitoyens ». Elle a arrêté aussi « que, dans une élection relative aux Etats généraux, les représentants de la ville ne pourront voter en faveur d'aucun noble, anobli, privilégié, qui n'ont pas renoncé à leurs privilèges avant le deux du présent mois, et généralement tous ceux dont l'exclusion est prononcée par les délibérations du Tiers Etat des 22 au 27 décembre 1788 et 19 février 1789 ». Ont été nommés commissaires : MM. Du Breil Le Breton, Fermont (voir la note 2 qui suit), Lanjuinais (voir la note 3 qui suit), Glézen (voir la note 4 qui suit), Maugé, Frot (voir la note 5 qui suit), Gandon (voir la note 6 qui suit), Trehu de Monthierry (voir la note 7 qui suit), Bouvier des Touches (voir la note 8 qui suit), Legomeriel, Hardouyère et Sevestre (voir la note 9 qui suit).

Note 1 : Le Chapelier (Isaac-René-Guy), né en 1754, mort en 1794 ; avocat au Parlement de Rennes, député de la sénéchaussée de Rennes aux Etats généraux. Il joua, un rôle très considérable aux Etats généraux et à la Constituante. Son père avait reçu des lettres de noblesse en 1769. Le Chapelier appartenait donc à l'ordre de la noblesse ; mais les services qu'il avait rendus à la cause du Tiers, dans les premiers mois de 1789, décidèrent l'assemblée électorale à faire une exception particulière en sa faveur. Cf. René KERVILER, Recherches et notices sur les députés de la Bretagne aux Etats généraux et à l'Assemblée nationale Constituante de 1789, t. II, pp. 71 et sqq., et LEVOT, Biographie bretonne, t. II, p. 209.

Note 2 : Defermon des Chapelières (Jacques) (1752-1831), procureur au Parlement de Bretagne ; député du Tiers de la sénéchaussée de Rennes aux Etats généraux ; député du département d'Ille-et-Vilaine à la Convention; député au Conseil des Cinq-Cents ; commissaire de la Trésorerie nationale en février 1797. Sous le Consulat, il devint conseiller d'Etat ; en 1808, il fut ministre d'Etat et l'un des principaux directeurs des Finances. Il fut banni par le gouvernement de la Restauration en 1816. Cf. René KERVILER, op. cit., t. I. pp. 204 et sqq., et LEVOT, op. cit., t. I, pp. 495-498.

Note 3 : Lanjuinais (Jean-Denis) (1753-1827), avocat, professeur de droit canonique à la Faculté de Rennes ; député de la sénéchaussée de Rennes aux Etats généraux ; il fut à la Constituante l'un des principaux auteurs de la Constitution civile du clergé. Député d’Ille-et-Vilaine à la Convention ; proscrit avec les Girondins, obligé de se cacher, il ne revint à l'Assemblée qu'après le 9 thermidor. Député aux Anciens, en 1795, mais n'ayant pas été réélu en 1797, il fut nommé professeur de législation à l'Ecole Centrale d'Ille-et-Vilaine. Il devint sénateur en 1800, membre de l'Académie des Inscriptions en 1808. Pendant la Restauration, il fut membre de la Chambre des Pairs. Cf. René KERVILLER, op. cit., t. II, pp. 13 et sqq., et LEVOT. op. cit., t. II, pp. 144-150.

Note 4 : Glézen (Jacques-Marie) (1737-1801), avocat au Parlement, professeur à la Faculté de droit de Rennes, député de la sénéchaussée de Rennes aux Etats généraux. Cf. René KERVILER, op. cit., t. I, pp. 368 et sqq.

Note 5 : Frot, avocat à Rennes, agrégé de droit ; cf. R. KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. XV, p. 36.

Note 6 : Gandon (Yves-Nicolas-Marie) (1745-1834), avocat au Parlement, syndic de la communauté de Rennes en 1788 : élu procureur de la commune de Rennes en mars 1790 ; élu juge au Tribunal de cassation par le département d’Ille-et-Vilaine ; il fut maintenu à la Cour de cassation par la Restauration. Cf. R. KERVILER, Bio-bibliographie, t. XV, p. 172.

Note 7 : Trehu de Monthierry était maire de Rennes depuis septembre 1788 ; lorsque le nouveau corps municipal fut organisé, en mars 1790, il fut élu maire de la commune de Rennes et resta en fonctions jusqu'à la fin de 1790. Cf. OGÉE et MARTEVILLE, Rennes ancien et Rennes moderne, t. II, pp. 66 et sqq.

Note 8 : Bouvier des Touches (Urbain-René) (1745-1804), avocat au Parlement, puis conseiller au présidial de Rennes ; commissaire du roi à Saint-Brieuc en 1790 ; cf. R. KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. VI, 112.

Note 9 : Sevestre de la Mettrie (Joseph-Marie-François) (1753-1846), commis au greffe des Etats de Bretagne ; membre de la municipalité de Rennes en 1790 ; député d’Ille-et-Vilaine à la Convention ; messager d'Etat du Conseil des Cinq-Cents, puis des autres assemblées législatives jusqu'en 1814 ; banni par la Restauration en 1816. Cf. LEVOT, op. cit., t. II, pp. 850-852.

Une deuxième séance a eu lieu le dimanche 5 avril 1789. — Les commissaires ont fait leur rapport sur les pouvoirs des députée à l'assemblée ; de la vérification dont ils se sont chargés, il résulte que ces représentants sont (voir la note qui suit) :

Note : Le premier chiffre indique la cote de la capitation, et le second, la cote des vingtièmes d’industrie.

Présidial : Harembert ; Bouvier des Touches (voir la note 1 qui suit). — Libraires et imprimeurs : Vatar (voir la note 2 qui suit) ; Blouet. — Chancellerie : Du Bois de Hautbreil ; Lamy. — Huissiers au Parlement : Richelot ; Cordier (avec sa femme, marchande, 24 ; 1 servante, 3). — Apothicaires : Duval ; Amiral. — Procureurs au Parlement : Tual ; Fermond. — Ciriers : Hamelin. — Notaires : Pontalié ; Duclos. — Maréchaux : [Alexandre Piel, dit] L'Epine (47). — Chirurgiens : Blin (voir la note 3 qui suit) ; Maugée ; — Facultés de droit : Lanjuinais ; Aubrée (voir la note 4 qui suit). — Gantiers et mégissiers : Lenée, maître blanconnier (21 + 2,10). — Avocats : Frot, agrégé de droit (exempt de casernement, 79,12) ; Glézen (51,5 ; 1 servante) ; Le Chapelier (exempt de casernement, 61,8) ; Le Gommeriel de Littré. — Procureurs au Présidial : Malherbe (18) ; Cottard (9 ; 1 servante). — Teinturiers : Peluet. — Serruriers : Bourbet. — Vitriers : Du Bourg le Métayer. — Médecins : Hardrouyère ; Du Lattay. — Commerce : Simonnet ; Rihet. — Consuls : Louvel Longpré ; Solier de la Touche. — Arquebusiers: Goyard (8 ; 1 servante, 1). — Tailleurs : Lay. — Orfèvres : Fion ; Vanneau. — Bouchers : Fustec. — Eaux et Forêts : Sevenne (exempt de casernement, 21,8) ; Parsy. — Boulangers : Veillard père (59,9 ; 1 servante). — Monnaie : Gazon des Rivières (voir la note 5 qui suit) ; Bongérard de Grandmaison. — Menuisiers : Veillon. — Plombiers : Pointeau (25 ; 2 compagnons ; 1 servante, 5). — Perruquiers : Carré (6 ; 1 garçon) ; Bigot (1,10). — Cordonniers : Ménard. — Pâtissiers : Manella. — Sergers : Mestrail. — Tanneurs : Biard. — Corroyeurs : Le Breton (voir la note 6 qui suit).

Note 1 : Les commissaires avaient fait figurer, à cet endroit, les représentants des officiers de la milice bourgeoise, MM. Bouvard et de la Croix-Thébaudais. Mais on a fait observer que ces officiers restent toujours attachés aux communautés, corps ou corporations dont ils font partie, et que, comme corps militaire, ils ne peuvent envoyer des représentants. Par 50 voix contre 11, l'Assemblée a décidé de les exclure. Dans la séance du 5 avril, à 3 heures, les représentants de la milice bourgeoise ont fait une nouvelle démarche pour être admis. L'Assemblée, par 47 voix contre 16, a décidé de maintenir la décision prise le matin du même jour.

(Note 2 : Vatar (Julien-Charles) était libraire et non imprimeur ; il ne figure pas dans l'étude de A. DE LA BORDERIE, Les Vatar imprimeurs à Rennes et à Nantes (Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou, an. 1893, t. X, pp. 405-421).

Note 3 : Blin (Jacques-Bonaventure) (1726-1811), médecin des épidémies, membre du conseil général d’Ille-et-Vilaine en 1790. Cf KERVILLER, Bio-biobliographie bretonne, t. IV, p. 2.

Note 4 : Aubrée de Kernaour (Louis-Anne-Marie), avocat et professeur à la Faculté de droit de Rennes ; juge au tribunal du district de Rennes en 1796 ; professeur de droit civil en 1806 ; conseiller à la cour d’appel en 1821. Cf. R. KERVILLER, Bio-bibliographie, t. I, pp. 324-325.

Note 5 : Gazon des Rivières, général provincial des monnaies depuis 1768 ; il avait succédé à son père. Cf. Edouard AUBRÉE, Une famille de monnayeurs rennais, p. 186 ; voy. aussi R. KERVILER, op. cit., t. XV, p. 347.

Note 6 : Après le député des corroyeurs, les commissaires avaient fait figurer les représentants des commissaires de police. MM. Kernert et Le Métayer. On a fait observer que les commissaires de police sont nommés par la municipalité et ne peuvent former un corps particulier. L'assemblée, par 32 voix contre 16, a décidé de ne pas les admettre.

PAROISSES.Saint-Pierre en Saint-Georges : Sauveur Duval (17) ; Moulin [huissier] (6). — Saint-Martin : Du Breil Le Breton (voir la note 1 qui suit) [avocat et juge de la commanderie] (exempt de casernement, 61,9 ; 1 servante) ; Riche, marchand de sel et denrées (12,10 + 2). — Saint-Jean : Meurgé ; Le Clerc [marchand de draps et soies] (12 ; 1 servante). — Toussaints : Even ; Derguais. — Saint-Germain : Rouxel [sans doute avocat] (30 ; 1 servante) ; Sevestre de la Mettrie, commis au greffe des Etats (2,10). — Saint-Aubin : Parcheminier; Besnard. — Saint-Etienne : Le Buff ; Chabert. — Saint-Sauveur : Varin (voir la note 2 qui suit) ; Barbarin [probablement l'apothicaire] (74 ; 1 servante + 10).

Note 1 : Il habite rue d'Estrées (paroisse de Saint-Germain), mais c'est le seul de ce nom que nous ayons trouvé sur le rôle de la capitation.

Note 2 : Varin de la Brunelière (1752-1793), avocat au Parlement ; élu, en 1759, député suppléant de la sénéchaussée de Rennes aux Etats généraux, il alla siéger à l'Assemblée nationale, en octobre, après la mort de Huard, et y fit partie du comité des rapports. Après la dissolution de la Constituante, il fut élu membre du directoire du département d’Ille-et-Vilaine ; il prit parti contre Silvestre et les Jacobins, et figura dans le mouvement fédéraliste. Arrêté comme fédéraliste, il fut condamné par le tribunal révolutionaire et guillotiné, le 2 nivôse an II, Voy. KERVILLER, Recherches et notice sur les députés de la Bretagne, t. II, pp, 298-300.

Huissier des Eaux et Forêts : Moissé (3). — Couteliers : Cordier. — Huissiers audienciers du Parlement : Gicquel ; Louason. — Trehu de Monthierry ; Lucas de Montrocher, échevin, substitut du procureur général (32,5 ; 2 domestiques, 5) ; Buchet de Belleville, avocat (exempt de casernement, 9,14) ; Barbier Dupuits, échevin, négociant et consul (exempt de casernement, 48,10 ; 2 domestiques, 5+26) ; Vanneau [procureur au présidial] (30 ; 1 clerc, 1 servante) ; Rouessart, trésorier des guerres, financier et consul (exempt de casernement, 140,9 ; 2 domestiques, 5+36) ; Gandon, avocat (39 ; domestiques) ; Le Marchand de l'Epinay, greffier de la ville (6,3) ; Bidard, trésorier de la ville (exempt de casernement, 201,10 ; 2 domestiques, 5) ; Le Minihi de la Villehervé.

« A l'endroit a été observé que la présidence donnée par le Règlement du Roi aux officiers municipaux a servi de prétexte à MM. les maire et échevins, formant, au nombre de dix, le Bureau servant ou d'administration pour prétendre, à raison de la présidence, qui ne leur a pas été consentie provisoirement, à avoir chacun voix, et même à être chacun juge des discussions qui pourraient s'élever dans l'assemblée ; que si les dix membres, qui composent ce corps, avaient tous voix individuellement, tandis que l'assemblée n'est formée que de représentants, ils auraient une influence excessive, au préjudice de l'égalité des représentations que tous les corps ont droit d'attendre.

Qu'il paraîtrait que Messieurs du Bureau formant cette prétention, tous les membres de la municipalité pourraient aussi se qualifier d'officiers municipaux, et leur nombre étant de quarante-deux, ils auraient, sous le même prétexte, l'équivalent de la moitié des voix de l'assemblée.

Qu'il n'est pas possible de concilier avec l'idée de présidence seulement celle des dix voix, et lorsqu'en exécution de l'arrêt du Conseil du 20 janvier, les députés du Tiers Etat, appelés à s'assembler à Rennes, au trois février, devant MM. les officiers municipaux, formèrent leur assemblée, elle ne fut présidée que par un seul officier municipal, sans qu'aucun des autres fût admis à en être membre, et y voter.

Que d'après ces considérations, et plus encore d'après le droit incontestable de toute assemblée de la nature de celle-ci, de se choisir son président, et de juger ce qui regarde sa composition, on ne peut admettre la prétention de MM. les maire et officiers municipaux ».

D'autre part, les membres du Bureau ont invoqué à l'appui de leur prétention l'art. 30 du Règlement du 24 janvier et les lettres patentes de 1780, relatives à « l'établissement de sa municipalité », puis ils se sont retirés à la Chambre du greffe. — L'assemblée a nommé pour président M. Frot, son doyen, et après avoir étudié les documents cités ci-dessus, « elle n’y a point trouvé de fondement à la prétention de MM. du Bureau » ; mais, « pour entretenir la concorde et l'union », on a proposé de leur accorder deux voix avec la présidence. La proposition a été votée par 57 voix contre une seule « en faveur de la proposition de MM. du Bureau ». Les membres du Bureau ont refusé d'accéder à la délibération et se sont retirés.

Troisième séance, le 5 avril, à 3 heures. — On a commencé la lecture du projet de cahier des charges, rédigé par les Commissaires. Le plan en a été adopté. « Délibérant sur la nature des pouvoirs à donner aux députés aux Etats généraux, pour concilier avec le désir de faire le bien commun du royaume la nécessité de conserver les droits de la nation bretonne, il a été arrêté que les députés auront pouvoir de délibérer sur la constitution à former pour la nation française, et sur toutes matières qui se présenteront, et de coopérer au bien commun du royaume, à la charge expresse que la constitution qui sera arrêtée aux Etats généraux et tous les autres arrêtés seront, avant de faire la loi dans la province de Bretagne, proposés, délibérés librement et consentis dans l'assemblée des Etats de cette province, formée d'après les principes d'une représentation complète, telle que l'ordre du Tiers l'a demandée ».

Quatrième séance, le lundi 6 avril, à 8 heures du matin. — Avant de nommer les électeurs, qui doivent porter le Cahier à l'assemblée de la sénéchaussée, on a décidé « de les charger expressément de demander, dès la première séance de cette assemblée, qu'on n'admettrait à concourir à la représentation du Tiers Etat les nobles, anoblis, officiers des seigneurs, agents des fermes et autres exclus par les arrêtés et délibérations de l'ordre du Tiers dans ses assemblées de décembre et février dernier ». On a élu les 16 électeurs, qui sont : MM. Glézen, Du Breil Le Breton, Fermont, Lanjuinais, Maugé, Richet, Frot, Legommeriel, Simonnet, Le Clerc, Bouvier des Touches, Duclos, Malherbe, Du Lattay, Gandon, Besnard. L'assemblée leur donne pouvoir « de porter à la sénéchaussée le cahier des charges qui a été adopté ».

Cinquième séance, le 6 avril, à 3 heures. — On a nommé 4 membres suppléants, destinés à suppléer ceux des 16 électeurs qui pourraient être empêchés de se rendre à l'assemblée de la sénéchaussée. Ont été élus : MM. Peluet, Pointeau, Even, Carré. — M. Bouvier des Touches, désigné comme électeur, a déclaré « qu'il n'avait pu renoncer à ses privilèges, parce, que sa compagnie n'avait pas encore délibéré sur cet objet ; il s'est retiré, et l'assemblée délibérant a envoyé vers lui l'engager à renoncer à ses privilèges, ce qu'il a fait à l'instant, déclarant ne le faire que personnellement, et sans nuire aux intérêts de sa compagnie. L'assemblée, désirant donner à M. Bouvier des Touches une preuve de la considération particulière que mérite son patriotisme, a arrêté de se départir en sa faveur de la délibération du 1er avril, en ce qu'elle porte que la renonciation aux privilèges serait faite avant le deux du même mois ».

Le cahier de la ville de Rennes n'a pu étre retrouvé ; il n'en est nulle part question dans les délibérations du Conseil de ville de Rennes.

 

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CHARGES DONNÉES A MM. LES DÉPUTÉS DE LA VILLE ET COMMUNAUTÉ DE RENNES PAR L'ASSEMBLÉE MUNICIPALE DE LADITE VILLE, ARRÊTÉES EN LA CHAMBRE DU CONSEIL DE L'HÔTEL DE VILLE, LE 20 OCTOBRE 1788 (voir la note qui suit).
(Reg. des délibérations de l'assemblée municipale de la ville et communauté de Rennes. 1787-1790, fol. 36 et suiv., Arch. commun. de Rennes, n° 541. — Un exemplaire imprimé se trouve à la Bibl. Nat., Lb39 659).

Note : Ces charges reproduisent presque intégralement un projet présenté le 9 octobre, par Robinet, Phelippe de Tronjoly. Barbier Dupuits, Glézen, Frot et Lemarchand de l’Epinay (Arch. comm. de Rennes. Cartons des Affaires, de Bretagne, C 1 bis).

[L'Assemblée municipale charge ses députés :]

1° De défendre les droits et intérêts du Tiers Etat dans toutes les circonstances et notamment dans l'affaire des fouages extraordinaires, dont la perception, faite jusqu'à présent sur le Tiers seulement, devrait être répartie sur tous les ordres, avec restitution à l'Ordre du Tiers de ce qui a été induement levé par le passé (voir la note qui suit).

Note : Les fouages extraordinaires ne sont, aux termes des délibérations des Etats, imposés que par forme d'emprunt sur les contribuables aux fouages (note du texte).

2° De présenter un Mémoire aux Etats, à l'effet d'obtenir sur l'imposition de la Capitation de la Ville de Rennes, pour l'année 1788, une reluise proportionnée à la perte que la ville a soufferte par la cessation de la Justice (voir la note 1 qui suit), et de demander pareillement que pour l'avenir l'imposition de ladite ville de Rennes à ladite Capitation soit diminuée et proportionnée à son peu d'aisance (la Capitation sur le Tiers Etat n'étant nulle part aussi forte qu'à Rennes, comme le prouve un Mémoire mis sur le Bureau par M. Simonet) ; et qu'à cet effet il soit fait une nouvelle répartition générale de la Capitation (voir la note 2 qui suit).

Note 1 : A la suite des édits de mai 1788 et de la résistance du Parlement à ces édits, celui-ci dut, dès le début de juin, s'ajourner à une date indéfinie : Cf. POCQUET, Les origines de la Révolution en Bretagne, t. I, chap. III et IV.

Note 2 : En 1788, le rôle de la capitation de Rennes (y compris la milice et le casernement) s’élevait à la somme de 56.344 l. 4 s 9 d., dont 39.390 l. 8 s. 4 d. pour la capitation seule (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4063). L’ensemble de la province payait en vertu de l’abonnement passé par les Etats em 1786, la somme de 2.559.003 l., dont 1.778.470 l. pour la capitation propement dite ; dans ces sommes, l’évêché de Rennes entrait pour 342.518 l., dont 235.696 l. pour la capitation proprement dite ; ce dernier chiffre se répartit de la façon suivante : capitation de la noblesse, 15.887 l. ; — villes et communautés : 92.393 l., dont 65.105 l. pour la capitation proprement dite ; — paroisses de la campagne : 234.237 l., dont 154.703 l. pour la capitation proprement dite. — Cette répartition est faite par la Commission intermédiaire des Etats (Ibid., C 3981).

3° De solliciter des Etats un secours suffisant et les fonds nécessaires pour l'établissement de Casernes en cette ville, le Casernement en nature étant infiniment onéreux pour les Habitants (voir la note qui suit).

Note : Malgré l'ordonnance royale du 25 octobre 1716, le logement des troupes chez l'habitant a persisté en Bretagne, et on n'établit de casernes que dans un petit nombre de localités. Voy. A. DUPUY, L'Administration municipale en Bretagne, pp. 204 et sqq. et DE GOUÉ, Charges et obligations militaires imposées à la Bretagne, pp. 138 et sqq. — Le 26 février 1789, les commissaires des généraux des paroisses de Rennes offrent au bureau d’administration de la ville « de former un rôle relatif à la contribution au logement des gens de guerre, casernement et à la patrouille ». Le bureau et l’assemblée acceptent l’offre (Reg. des délibérations municipales du conseil de ville de Rennes, 1787-1790, fol. 68, et Reg. du bureau d’administration municipale, 1789-1790, fol. 11, Arch. communales de Rennes, n° 557).

4° De présenter un Mémoire aux Etats, à l'effet d'obtenir que l'ordre du Tiers soit augmenté, surtout les Députés des Villes principales ; que, conformément à l'article 4 du chapitre 4 du dernier Règlement des Etats, on admette des Députés des Villes ou lieux considérables, qui jusqu'à présent n'ont pas eu de représentants (voir la note qui suit) ; qu'on y ajoute aussi des Députés des habitants des Campagnes, classe la plus importante de la Nation ; qu'aucuns Nobles, anoblis parvenus au degré du partage noble, ayant partagé noblement, Subdélégués du Commissaire départi, Procureurs fiscaux, Receveurs de Seigneurs ou Employés dans les Fermes et Régies du Roi ou de la Province, ne puissent être députés dans l'Ordre du Tiers, de quelques dignités, charges ou offices qu'ils soient revêtus ; que tous les Députés des Villes, en quelque nombre qu'ils soient, aient voix délibératives ; et finalement de s'opposer, au cas que les Etats nomment des députés aux Etats généraux, à ce qu'aucuns Nobles ou Anoblis ayant partagé noblement, Subdélégués, Procureurs fiscaux, Receveurs de Seigneurs ou Employés dans les Fermes et Régies du Roi ou de la Province, y soient députés pour le Tiers.

Note : Sur la représentation du Tiers aux Etats de Bretagne, cf. DU BOUËTIEZ DE KERRORGUEN, Recherches sur les Etats de Bretagne, t. I, pp. 59-119.

5° De demander que dans les Commissions intermédiaires, chargées des administrations établies par les Etats, le nombre des Commissaires du Tiers soit égal au nombre réuni des Commissaires de l'Eglise et de la Noblesse ; que les Commissaires nommés ne puissent pas être continués plus de six ans, de manière qu'à chaque Tenue des Etats, il en soit nommé le tiers de nouveaux.

6° De demander aux Etats, conformément au vœu qu'ils ont déjà manifesté, que la corvée en nature soit définitivement supprimée, et qu'il y soit suppléé par une imposition sur les propriétés appartenantes aux Trois Ordres.

Il a été représenté que MM. les Recteurs devraient, par des Députés dans chaque diocèse, avoir séance et voix délibérative dans l'ordre du Clergé aux Etats ; et il a été unanimement délibéré que MM. les Députés de la Ville solliciteraient des Etats l'admission de MM. les Recteurs, comme faits pour éclairer davantage les Représentants de la nation sur les intérêts des Peuples, et comme devant essentiellement faire partie du Clergé dans l'Assemblée de la Province.

A l'endroit, M. le Député de l'Abbaye de Saint-Melaine a dit que les religieux propriétaires n'étaient point représentés aux Etats ; que cependant ils avaient de grandes possessions ; qu'il serait peut-être nécessaire de donner charge à MM. les Députés de réclamer pour eux la faculté d'avoir par la suite des Représentants auxdits Etats. Sur quoi délibérant, l'Assemblée a arrêté de charger ses Députés de demander que MM. les Religieux réguliers [Note : Le texte imprimé porte rentés au lieu de réguliers] eussent des Députés aux Etats.

Sur la représentation faite, l'Assemblée a arrêté que les articles de charges, donnés aux Députés de la Ville, seront imprimés, et qu'il en sera envoyé un exemplaire à chacune des Municipalités députantes aux Etats, afin de leur communiquer les vues de la Communauté de la Ville de Rennes, et de les prier de lui faire part des leurs.

 

DÉLIBÉRATION DE LA COMMUNAUTÉ DE VILLE DE RENNES du 24 novembre 1788.
(Reg. des délibérations de l'assemblée municipale de la ville et communauté de Rennes. 1787-1790, fol. 42 et suiv., Arch. commun. de Rennes, n° 541. — Des exemplaires imprimés [Rennes, F. Vatar et Bruté de Rémur, 1788, 39 p. in-8°] s'en trouvent, aux mêmes Archives, dans les Carton. des Affaires de Bretagne, C1 ter, et à la Bibl. Nat., Lb39 697).

[Après le réquisitoire du Procureur-Syndic, l'assemblée municipale] a arrêté de persister dans sa délibération du 20 octobre 1788, en déclarant toutefois que l'expression suivante qu'on y lit, article 4, anoblie parvenus au degré du partage noble, ayant partagé noblement n’a été employée que pour signifier anoblis parvenus au degré du partage noble, et qu'elle demeure restreinte à cette dernière acception.

Confirme à MM. ses Députés aux Etats les charges contenues dans ladite Délibération du 20 octobre 1788.

Et ajoutant auxdites charges, elle recommande expressément à MM. ses Députés de demander aux Etats de la province :

1° Qu'à l'avenir toutes les impositions soient également réparties entre les trois Ordres, et qu'à cet effet il soit fait de nouveaux rôles qui seront communs à tous les Ordres, et une nouvelle répartition de tous les impôts qui se lèvent on pourront se lever en argent.

2° Qu'il suit fait également, par la contribution égale et proportionnelle de tous les Ordres, et sur toutes les personnes, habitants des villes et des campagnes sans aucune distinction, un fonds suffisant pour l'abolition de la corvée sur les grands chemins, pour l'achat des miliciens (si les Etats ne jugent pas à propos de demander ou s'ils ne parviennent pas à obtenir la suppression de la levée de la milice), pour l'établissement de casernes dans les villes principales (sans laisser lieu à exiger aucune contribution en nature) pour payer une indemnité suffisante du logement des soldats dans les lieux de passage ou de cantonnement, pour le paiement d'un guet ou patrouille dans les villes (lequel fonds, pour ce dernier article, sera fait pour chaque ville sur toutes les personnes qui l'habitent, sans aucune exception); et enfin, que jusqu'à ce que l'établissement des casernes soit parfait, il n'y ait aucune exemption de la fourniture au casernement des troupes.

3° Que les Etats sollicitent la faculté d'imposer le clergé et les biens ecclésiastiques, conjointement avec les deux autres Ordres et leurs biens ; en conséquence, que, dès les premiers jours de la tenue, il soit remis un Mémoire à MM. les Commissaires du Roi, tant à cette fin que pour obtenir de Sa Majesté la distraction des impositions du clergé de la province, et des biens ecclésiastiques qui y sont situés, de l'état général des contributions du clergé de France.

4° Qu'en événement que la faculté d'imposer le clergé de Bretagne ne soit pas rendue indéfiniment à la province pendant la prochaine tenue, toutes les impositions en argent, de même que les fonds à faire pour éteindre celles qui sont exigées en nature, et auxquelles le clergé ne pourrait être forcé de contribuer, soient fournis par une répartition égale et proportionnelle sur la noblesse et le Tiers Etat, observant que, dans cette dernière hypothèse, le clergé doit toujours contribuer aux fonds à faire pour la suppression de la corvée, le logement et le casernement des troupes, l'achat des miliciens, le paiement du guet et de la patrouille, et même à la fourniture au casernement des troupes en attendant la construction des casernes.

5° Arrête la Communauté de Ville de refuser et d'interdire à MM. ses députés tout pouvoir de délibérer sur aucune matière, sur aucun impôt, sur aucune demande du Roi, sur aucune affaire particulière, qu'ils n'aient préalablement obtenu des Etats justice sur la demande d'un Règlement qui assure la composition et la représentation plus parfaite du Tiers Etat, tant aux Etats de la province pour les tenues à venir, qu'aux commissions de travail pendant les tenues et aux commissions intermédiaires, à commencer dès la prochaine tenue, et qu'ils n'aient pareillement obtenu justice sur la demande d'une contribution égale, ainsi qu'elle est expliquée ci-dessus, aux impositions de la capitation, des vingtièmes, des fouages, aux fonds à faire pour l'entretien des grands chemins, le logement et le casernement des troupes, les gages de la maréchaussée et autres contributions de même nature ; et, en événement, ce qu'il n'y a pas lieu de croire, que les Etats refusent justice sur l'un ou l'autre point, l'assemblée ordonne à ses députés de l'en instruire sur-le-champ, et ce sans déroger à la défense leur faite de délibérer.

L'assemblée excepte seulement de cette prohibition générale le don gratuit, sur lequel elle laisse à ses députés la faculté de délibérer, le don gratuit n'étant que l'hommage et le tribut de l'amour des trois ordres pour la personne sacrée du souverain. Autorise néanmoins ses députés à délibérer sur la proposition qui pourrait être faite d'autoriser la régie des Devoirs, en attendant le renouvellement du bail.

6° Quand la contribution égale à toutes les impositions pour l'avenir aura été consentie par les Etats, la communauté de ville autorise MM. ses députés à s'en référer à la justice de l'Assemblée nationale sur le rapport, au profit du Tiers Etat, de tout ce qui a été levé jusqu'à ce jour sous le titre de fouages extraordinaires ; à l'exception toutefois de la somme nécessaire pour compenser ou rembourser ce qui peut avoir été payé par les seigneurs de fiefs pour acquérir le droit de lods et ventes sur les contrats d'échange, somme dont le rapport sera exigé pour exécuter ladite compensation ou le remboursement, à l'effet d'affranchir pour l'avenir les contrats d'échange du paiement des lods et ventes.

7° Autorise pareillement MM. ses députés à délibérer (en attendant la décision de Sa Majesté sur la faculté qui sera demandée d'imposer le clergé et les biens ecclésiastiques) sur les affaires publiques et particulières, parce que, et non autrement, les Etats auront d'abord rendu justice sur la demande du Tiers Etat, à fin de la composition et représentation plus parfaite de cet Ordre, et que MM. de l'Ordre de la Noblesse se seront préalablement engagés à une répartition égale et proportionnelle entre eux et le Tiers Etat de tous les impôts et de toutes les charges mentionnées dans l'article 5, auxquelles Sa Majesté ne permettrait pas d'imposer le clergé et les biens ecclésiastiques.

8° Au cas que la province députe aux Etats généraux, la Communauté de ville réserve le droit de faire le choix des députés du Tiers Etat, ou de concourir à ce choix ; en conséquence, elle défend à MM. ses Députés aux Etats de la province de faire ladite nomination ou d'y concourir.

9° L'assemblée charge MM. les députés de demander aux Etats que, vacation avenant, par mort ou par démission, de l'une des deux places de procureur général syndic de la province, il y soit pourvu, en faveur de l'un des membres de l'Ordre du Tiers Etat, dans la forme prescrite par le Règlement, laquelle place restera irrévocablement attachée à cet Ordre ; que la première norninatioon qui aura lieu d'un greffier en chef des Etats soit en faveur d'un membre de l'Ordre du Tiers, et qu'à l'avenir cette place soit alternativement remplie par ceux de la noblesse et du Tiers (voir la note qui suit).

Note : L'art. 9 reproduit textuellement les art. 6 et 7 de l’arrêté des officiers municipaux de Nantes du 4 novembre (Arch. commun. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne. K1, et Bibl. Nat., Lb39 670).

10° L'Assemblée décerne acte à M. le Procureur-Syndic du dépôt par lui fait au greffe d'un acte de renonciation à tous les privilèges dont jouissent plusieurs membres de l'Assemblée municipale, lesquels privilèges opèrent une surcharge pour le peuple : ordonne que ledit acte demeurera déposé au greffe pour être présenté à tous les privilégiés qui voudront le souscrire.

11° L'Assemblée, pour prévenir toute induction défavorable à son attachement et à son respect pour ce qui tient à la constitution de la province, déclare reconnaître que le droit de la nation est de voter aux Etats de la province, par Ordre et non par Tête.

12° Arrête que la présente délibération, ensemble le réquisitoire fait par M. le Procureur du Roi le 17, et l'acte mentionné à l'article 10, seront imprimés et adressés par M. le Maire à toutes les municipalités qui députent aux Etats.

[Suit la renonciation faite, le 17 novembre, par les membres de l'Assemblée municipale aux exemptions dont ils jouissent, relativement au casernement et logement des soldats, fourniture aux milices, patrouille].

 

DÉLIBÉRATION DES COMMISSAIRES DES GÉNÉRAUX DES DIX PAROISSES DE RENNES, du 19 décembre 1788.
(Reg. des délibérations des commissaires des généraux des paroisses de Rennes, 1770-1799, fol. 13 v°. Arch. d'Ille-et-Vilaine, série G ; extrait ms., Arch. commun. de Rennes, Cart. des Affaires de Bretagne, D2 ; — impr. s. l. n. d., 12 p. in-4°, Arch. d’Ille-et-Vilaine C 3899).

[Dans les trois premiers articles, les commissaires demandent l'exclusion des nobles, anoblis, etc., l'éligibilité du président du Tiers, le doublement du Tiers, le vote par tête (sauf sur le consentement ou refus des demandes du roi et sur l'emploi du produit des revenus de la province, objets pour lesquels sera requise l'unanimité des trois ordres), la publicité des débats, des budgets et des comptes des Etats].

4° Sur l'article 6° de la délibération [de la municipalité de Rennes] du 24 novembre, les généraux de paroisse ne croient pas qu'on puisse refuser à l'ordre du Tiers la restitution de ce qui a été levé sous le nom de fouages extraordinaires et à titre d'emprunt : ce serait ajouter une nouvelle injustice à celle qu'on a déjà fait éprouver à la classe particulière des citoyens sur qui on a levé cet emprunt. La compensation que la municipalité propose de faire de la restitution due au Tiers avec le prix des droits de lods et ventes sur les contrats d'échange ne procurerait dans le fait qu'une faible indemnité au profit du Tiers ; que l'édit de 1700 porte même que l'acquisition de ces droits a été faite des deniers communs de la province et au profit des trois ordres. S'il était vrai que celui de la noblesse eût payé partie du prix, le remboursement qu'on lui en ferait ne pourrait jamais opérer qu'une compensation insuffisante. En conséquence, les généraux de paroisses ont arrêté de demander à la municipalité que, rectifiant l'article 6 de sa délibération, elle charge ses députés de demander au profit du Tiers Etat le rapport et restitution de tout ce qui a été levé jusqu'à ce jour sous le titre de fouages extraordinaires, sauf d'après la restitution accordée à délibérer sur l'emploi le plus avantageux à faire de ce fonds au profit de la classe la plus malheureuse du Tiers Etat, et de demander également l'affranchissement du payement des lods et ventes pour les contrats d'échange (voir la note qui suit).

Note : Sur les lods et ventes portant sur les contrats d’échange, voy. H. SÉE, Les classes rurales en Bretagne du XVIème siècle à la Révolution, pp. 112-113 ; Cf. GOHIER, Mémoire pour le Tiers Etat de Bretagne, pp. 92 et sqq.

5° [Ils demandent] la suppression de la corvée pour le service militaire ou un payement suffisant dans tous les cas où le bien du service demande une célérité qui force d'avoir recours à la corvée, et dans ce dernier cas sans exemption ni privilège pour tous ceux qui ont des charettes et harnois..., objet sur lequel les paroisses de la ville qui s'étendent sur la campagne ont répété leurs réclamations.

6° Par une suite du système d'égalité dont la justice et la nécessité sont reconnues en matière d'impositions, les généraux estiment qu'on ne peut se dispenser de s'opposer à la continuation de la perception des francs-fiefs, impôt devenu singulièrement onéreux par les additions de sous pour livre, impôt aussi odieux qu'onéreux puisqu'il est une tache d'humiliation pour l'ordre du Tiers, dont chaque membre est obligé de le payer par cela même qu'il est né roturier ; que d'ailleurs un pareil impôt est un obstacle toujours subsistant au bien commun de la société, qu'il éloigne la classe la plus nombreuse et la plus utile de l'acquisition et de l'amélioration d'une partie des biens fonds de la province ; qu'il est inouï que l'homme laborieux, l'artiste industrieux et le citoyen qui, par ses talents, en rendant service an public, ont augmenté leur fortune, ne puissent songer à acquérir un domaine noble, à l'améliorer, ni même à bâtir sur un fonds noble, sans envisager qu'ils vont s'exposer aux recherches du fisc pour le payement de droits qu'on leur demandera à raison de leur naissance et qu'on étendra à proportion des augmentations et améliorations qu'ils auront faites à leurs propriétés ; qu'en demandant qu'un abolisse ces traces humiliantes de servitude, le Tiers Etat doit d'autant mieux espérer de réussir que le franc-fief n'a jamais été consenti par la nation, et encore moins les huit sols pour livre additionnels, et, en conséquence, les généraux ont arrêté de demander à la municipalité qu'elle charge ses députés d'obtenir de l'Assemblée nationale qu'elle s’oppose à la perception des francs-fiefs à l'avenir.

7° La demande formée par la municipalité d'une répartition égale des impôts semble faite pour donner la confiance qu'aucune exemption ne sera tolérée, et les généraux observent seulement qu'il est à leur connaissance que les forges, bois et forêts, les rentes féodales et autres droits féodaux de presque tous les propriétaires de seigneuries dans la province ne sont point imposés au vingtième, quoique ce soient des biens très réels, et que le produit des fiefs surpasse quelquefois la valeur des domaines ; qu'ainsi, dans la nouvelle répartition, on ne doit pas les oublier. Ils observent encore qu'il est à leur connaissance qu'on fait payer les vingtièmes aux villes sur leurs octrois et qu'il est injuste d'asseoir un impôt sur un autre, que l'octroi dans la plupart des villes se perçoit sur les objets de consommation, que ces objets sont le produit des biens fonds qui payent les vingtièmes et n'en devraient pas payer une seconde fois ; que d'ailleurs, les droits d'octroi étant en raison de la consommation et le Tiers Etat procurant beaucoup plus de consommation que l'ordre de la noblesse, puisqu'il a infiniment plus de consommateurs, il arrive que les octrois sont presque en entier payés par le Tiers, tandis que le vingtième de ces octrois, perçu en décharge des vingtièmes de la province, dans lesquels la noblesse, à raison de ses grandes propriétés, est fondée pour la plus grande part, tourne par la même raison pour moitié au moins au profit de cet ordre, qui n'y a presque en rien contribué ; que, par exemple, à Rennes, si la ville paye 17.000 l. pour vingtième de ses octrois, cette somme, perçue sur la consommation, est payée presque en entier par le Tiers et employée à décharger la noblesse de 8.000 l. au moins sur les vingtièmes qu'elle aurait à supporter (voir la note qui suit). Il arrive encore que plusieurs nobles et autres se prétendent exempts d'octrois et que ces exemptions sont des abus et en entraînent à leur suite par la facilité qu'elles donnent aux domestiques de ces exempts de jouir de la même exemption ; ont en conséquence les généraux arrêté de demander à la municipalité qu'ayant égard aux présentes observations, elle charge ses députés d'obtenir des Etats qu'aux rôles des vingtièmes seront à l'avenir compris les forges, bois, forêts, rentes féodales et tous droits féodaux certains et casuels appartenant aux seigneuries, que les octrois des villes cesseront d'être imposés aux vingtièmes et qu'aucun citoyen ne pourra prétendre à l'exemption de ces droits...

Note : Les villes avaient, en effet, à payer le vingtième de tous leurs revenus, même de leurs deniers d'octroi (A. DUPUY, Etudes sur l'administration municipale en Bretagne au XVIIIème siècle, pp. 186 et 328). En 1788, le compte de l'octroi de Rennes portait une recette de 193.780 l. 7 s. 1 d., d'où il faut déduire, pour les frais de perception, une dépense de 16.210 l. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 795). Un extrait du rôle des « trois vingtièmes et 4 sous pour livre du premier vingtième de l’année 1786 sur les villes et communautés de Bretagne à raison de leurs revenus patrimoniaux et d'octrois » indique que la ville de Rennes doit la somme de 14.822 l. 4 s. 1 d. Le 8 août 1786, les commissaires des Etats ordonnent que « cette somme soit payée le 1er octobre par le miseur de la ville et communauté de Rennes à la caisse du trésorier des Etats à Rennes, et ce par préférence à toute autre créance » (Comptabilité de la ville de Rennes, année 1788. Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 279 ; — Arch. de la Loire-Inférieure, série B). Dans ce dernier dossier se trouve une quittance du 30 août 1788, pour les vingtièmes imposés en 1785, et qui se monte à la somme de 14.822 l. 4 s. 1 d. (Ibid.).

 

DÉLIBÉRATION DES MÊMES, du 26 décembre 1788. (Même registre, fol. 18).

[L'assemblée formule à nouveau les vœux politiques du Tiers, en y ajoutant l'article suivant] :

7° Les commissaires déclarent être surpris de ne voir dans les arrêtés qui ont été pris et dans les charges données par les villes aucune réclamation particulière contre un impôt qui ne tombe que sur la dernière classe des citoyens. Les droits sur les boissons d'un usage habituel, comme les vins, cidres et bières, sont sûrement plus à la charge du peuple que des autres citoyens : c'est lui qui fréquente les cabarets, c'est lui qui y va prendre à pot ou à bouteille, parce qu'il n'a pas l'aisance nécessaire pour faire des provisions ; mais au moins a-t-il la même liberté que les autres citoyens ? Il a le droit, lorsqu'il le peut, de s'approvisionner de ces boissons ; il n'y a point d'entraves particulières à sa liberté, mais il n'en est pas de même pour les eaux-de-vie et liqueurs ; les droits sont principalement établis sur ces boissons et le peuple seul est soumis à ces droits exorbitants. Un privilège qui n'est assis sur aucune base raisonnable autorise l'ecclésiastique, les gentilshommes, les notables bourgeois à s'approvisionner de ces liqueurs, et l'artisan, le manœuvre, le métayer, etc., ne peuvent en loger en pièce, ne peuvent en demander ailleurs qu'au bureau du fermier et en les payant le double ou environ de ce qu'on les ferait payer aux premiers. Ces liqueurs cependant ne servent qu'à augmenter le luxe des tables des riches privilégiés ; d'autres n'usent de leurs privilèges que pour se bénéficier en fraude et pour des reventes clandestines des droits dus à la province ; la classe seule qui a besoin d'eau-de-vie pour restaurer ses forces épuisées par l'excès du travail est assujettie aux droits et obligée de les payer.

Sur tout quoi les Commissaires délibérants ont arrété : ........
Sur l'art 7, de demander à la municipalité qu’elle charge ses députés de solliciter que, dans les conditions du bail prochain des devoirs, on supprime la prohibition faite à la clase du peuple de s’approvisionner d’eau-de-vie, ou que, si les besoins de la province exigent qu’elle subsiste, on n’admette aucune exception ni privilèges en faveur des premiers ordres, et que tous les citoyens sans distinction soient assujettis à la même prohibition et aux mêmes droits.

 

DÉLIBÉRATION DES MÊMES, du 19 janvier 1789.
(Même registre, fol. 21. — Extrait ms., Arch. commun. de Rennes, Cartons des Aff. de Bretagne, L ; — exemplaire imprimé, à la suite duquel se trouve une lettre d'envoi de cette délibération par la commune de Renne aux généraux des paraisses de la province, s. l., 1789, 42 p. in-16, Arch. Nat., C 23, l. 134).

[Après de longues considérations en faveur d'une meilleure représentation du Tiers, du vote par tête et d'une plus juste répartition des impôts, l'assemblée adhère aux arrêtés du Tiers des 22-27 décembre, réclame le doublement du Tiers aux prochains Etats généraux et demande] que, dans le nombre des députés de l'ordre de l'Eglise, les recteurs, ayant dix ans de sacerdoce, seront appelés pour moitié, qu'ils seront à cet effet autorisés à s'assembler par évêché pour entre eux nommer des électeurs, qui ensuite choisiront des députés.

(H. E. Sée).

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