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LA PAROISSE DE SAINT-AUBIN (après la Révolution)

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L'Ecole Charitable des Pauvres Jeunes Filles de la Paroisse Saint-Aubin (1800-1820).

Si le quartier de la Rue Haute a toujours été un des plus déshérités de Rennes, il a au moins été l'objet de toute la sollicitude pastorale du clergé de Saint-Aubin. Nous avons pu le voir déjà en lisant les biographies de M. Jamouays et de M. Mongodin.

En 1714, sous l'épiscopat de Mgr Turpin de Crissé, une école gratuite pour les jeunes filles pauvres fut établie par Messieurs Esnouf et Perrin vicaires généraux. Avec les aumônes qui leur furent remises ils achetèrent une maison et un jardin dans la rue Haute [Note : Emplacement vers 1935 de l'Ecole de la Providence à l'angle de la rue Saint-Malo et de la rue de l'Hôtel-Dieu], en la paroisse de Saint-Germain pour y former des classes et loger des institutrices. M. de la Garaye dont le nom est célèbre dans l'Histoire du Bienheureux Grignon de Montfort, connu, par ses vertus et sa grande charité, plaça sur les Etats de Bretagne 538 livres de rentes pour pourvoir à la subsistance et à l'entretien des institutrices. Mademoiselle Geffrard fut la première supérieure de cette école. Elle mourut en 1748 et fut remplacée par Mlle Richelot [Note : Cette Demoiselle vivait encore en 1805], sa nièce, jusqu'à la Révolution. Cette dernière refusa de prêter le serment à la Constitution exigé des institutrices. La Municipalité nomma à sa place, Mlle Romelain et s'empara de tous les titres. Cette demoiselle ne se plaisant pas dans la rue Haute, obtint son changement pour un autre quartier de la ville.

La maison restée inhabitée pendant la Révolution menaçait de tomber en ruines. C'est alors que M. Monnier, préfet du Département, donna le jardin et la maison au Bureau de Bienfaisance qu'il avait fondé en 1800, et y fit faire quelques répa­rations urgentes.

En 1802, un prêtre, M. l'abbé Le Forestier, vint habiter rue Haute qu'on appelait alors rue Port-Malo. Ce prêtre joua un rôle trop important dans la paroisse pour que nous passions sous silence ce que nous savons de sa vie. Né à Pleurtuit le 1er juin 1747, M. Le Forestier fit ses études à Kergu, puis entra dans les ordres, Il fut tonsuré en 1773 et ordonné prêtre le 21 septembre 1776. Il fut nommé principal [Note : M. l'abbé Le Forestier ne pouvait pas faire de ministère car il était bègue] de la Maison de Kergu où il resta jusqu'à la Révolution. En 1790, la Municipalité ferma l'école. Le 21 juillet 1792 M. Le Forestier obtint un passeport pour Jersey, mais il ne dut pas s'y rendre puisqu'on lui donna en 1795 un certificat de résidence à Rennes.

Pendant la tourmente révolutionnaire, M. Le Forestier fut caché par les Religieuses de l'Hôpital Saint-Yves. « Un jour, le Chef de la brigade nationale qui avait fait sans succès une perquisition à l'Hospice, passait à côté de la cachette où se trouvait ce prêtre. Furieux de n'avoir point réussi, il se tourna vers la Supérieure qui l'accompagnait : " Citoyenne, dit-il, jure qu'il n'y a point de calotin caché dans ta maison ". — Moi, jurer, répondit-elle, si je le faisais, tu ne croirais pas à mon serment » et M. Le Forestier fut sauvé.

Au lendemain de la Révolution, dans cette population grouillante de près de 3.000 âmes que comptait alors la rue Port-Malo, la moralité n'était pas spécialement à l'honneur. Les rapports de l'époque sont unanimes à déclarer que l'ignorance et l'immo­ralité y étaient effrayantes et y marchaient de pair avec la misère la plus noire.

Emus à la vue de cette misère et de la déchéance dans laquelle tombaient la plupart des jeunes filles de ce quartier, M. l'abbé Le Forestier et M. Hunault curé de Saint-Aubin, résolurent d'y apporter remède en établissant une école gratuite pour les jeunes filles pauvres de ce quartier. Mais il fallait des dames dévouées pour s'occuper de ces enfants. Justement, une personne charitable, Mlle du Jarday, vint s'établir rue Saint-Malo. M. Le Forestier lui demanda de prendre la direction de l'école.

On réussit à réunir environ 80 enfants dans des locaux de fortune. Voyant le succès de leur entreprise, MM. Hunault et Le Forestier firent une démarche auprès du Préfet pour obtenir les bâtiments et le jardin dont nous avons parlé précédemment.

Cette démarche ne fut pas agréée. Aussi Mlle du Jarday se détermina à en prendre la location pour 250 fr., afin d'avoir le temps de faire de nouvelles tentatives auprès du Gouvernement Impérial. Ceci se passait en 1804.

MM. Hunault et Le Forestier apprirent sur les entrefaites que l'empereur avait rendu à leur destination primitive les bâtiments non vendus des écoles de charité.

Le moment était donc favorable pour réclamer une maison qui avait toujours été consacrée à une oeuvre de ce genre.

M. Hunault étant tombé malade, M. Le Forestier fut chargé par la Fabrique de faire les démarches nécessaires. Il écrivit à Mgr Enoch, évêque de Rennes, alors à Paris, qui répondit par cette lettre dont le début ne manque pas de malice : « On ne fait rien, Monsieur et cher Abbé, on ne commence rien dans ce pays-ci, sans une pétition à la main. Je me chargerai avec le plus grand plaisir de présenter à Madame [Note : Il s'agit de Madame Loetitia, Mère de l'Empereur] et de suivre celle que vous m'adressez pour elle, mais ce n'est point elle, je crois, à prononcer en cette affaire ».

Il indiquait ensuite la marche à suivre : écrire d'abord au Préfet d'Ille-et-Vilaine (si ce dernier refusait, porter l'affaire au Conseil d'Etat). Il disait en terminant « qu'il lui tardait d'être réuni à ces Messieurs de Rennes, et se déclarait leur très humble et très obéissant serviteur ».

Une pétition faite par les fabriciens [Note : Nous relevons dans cette pétition les noms de MM. Villeneuve, Gouzillon, de Kermeno, de Farcy] de Saint-Aubin fut adressée au Préfet, M. Bonnain. Elle est datée du 5 messidor an 13 (1805).

M. Bonnain, après avoir reçu un avis favorable du Comité du Bureau de Bienfaisance décida « que la maison, cour et jardin de l'école charitable des filles seraient mis à la disposition de la paroisse de Saint-Aubin de Rennes qui y ferait continuer l'instruction gratuite aux enfants pauvres suivant le but de la fondation ».

Le Comité du Bureau de Bienfaisance dans la séance du 15 fructidor an 13, réclama à la Fabrique le montant du loyer et 1.100 fr. pour les réparations qu'il avait entreprises. Il décida également « dans le cas où les fabriciens ne pourraient plus remplir le but qu'ils se proposaient, ceux-ci seraient tenus de la remettre en la possession du Comité ». Cette délibération fut approuvée par le Préfet, mais fut refusée par les fabriciens qui firent remarquer que la maison devait revenir au Gouvernement et non au Bureau de Bienfaisance qui n'avait aucun droit sur elle.

Le registre de l'école donne ensuite le procès-verbal de la situation de la Maison et le nom des premières directrices : Mlle Daniel du Jarday, Mlle de Corbigny, Mlle Pichardel, et Mlle Dupré. Ces quatre Directrices avaient une autorité égale, mais Mlle du Jarday avait une voix prépondérante dans les délibérations.

Trois maîtresses [Note : Les noms de ces premières Maîtresses sont Marie Bourgouin, Anne Biet, Marie Morin] étaient chargées de faire la classe et de diriger les travaux de l'ouvroir.

Le règlement de la Maison approuvé par « Le Seigneur Evêque » se composait de trois chapitres. Le chapitre premier énumère, en 16 articles, les devoirs des Directrices. Le chapitre second nous fait savoir en 14 articles le rôle des maîtresses et le troisième concerne le règlement des enfants.

Ce règlement est fort intéressant à plus d'un point de vue. Il est l'oeuvre de M. Le Forestier qui a utilisé l'expérience que lui avait donnée sa fonction de Principal de la Maison de Kergu. Malheureusement il est trop long et ne peut être publié dans cette brochure.

Les enfants recevaient deux heures d'instruction le matin et deux heures l'après-midi. On leur apprenait les prières, le Catéchisme, la lecture et l'écriture. Le reste du temps était employé à tricoter, à filer, à écarder de la laine et à coudre. Elles restaient en classe depuis 7 heures ou 8 heures du matin jusqu'à midi et de 1 heure à 5 heures ou 7 heures du soir, suivant les saisons.

En somme on voulait faire de ces enfants qui seraient restées à courir dans les rues ou à mendier, de bonnes chrétiennes, des ouvrières habiles capables de gagner honnêtement leur vie [Note : Le premier samedi de chaque mois les enfants recevaient le prix de leurs travaux]. La Révolution avait désorganisé toutes les écoles, c'était donc un réel progrès pour l'époque. Il faut croire que les parents eux-mêmes étaient enchantés de cette institution puisque le nombre des enfants passa en quelques années de 80 à plus de 200.

Les ressources de cette Maison étaient constituées par celles que la Providence envoyait. Dieu n'abandonne jamais ceux qui travaillent pour sa gloire, mais ne leur ménage pas les épreuves. Monsieur Le Forestier chargé de l'administration de l'Ecole put l'éprouver.

En 1807, M. Le Forestier fut obligé d'entreprendre divers travaux dans la maison qui menaçait ruine, travaux estimés par le Sieur Binet, expert de la Ville, à plus de 3.000 francs. On fit une quête dans la paroisse et chez les principaux habitants de Rennes. Elle rapporta 1.878 francs. En réalité les dépenses occasionnées par ces travaux dépassèrent plus de 5.000 francs. Comment combler le déficit ?

M. Le Forestier fit des démarches auprès de la Municipalité et auprès du Préfet pour obtenir de la Ville une indemnité de 3.000 frs. Ces démarches eurent un plein succès (12 mars 1807). Mais on avait compté sans le Gouvernement qui raya en 1807 les 3.000 francs de subvention accordés par la Ville et les remplaça par 4.000 frs qui devaient être consacrés à l'établissement d'un dépôt de mendicité « conforme aux vues bienfaisantes de l'empereur ».

Inutile de dire que M. Le Forestier remua ciel et terre pour essayer de trouver les 3.000 frs que le Gouvernement lui refusait. Il a laissé des brouillons de lettres qu'il écrivit au Ministère de l'intérieur, S. Excellence Mgr le Comte de Crétet, au Préfet et au Conseil Municipal, pour maintenir les 3.000 f. dans les budgets de la Ville de 1808, 1809 et 1810. Se plaçant sur le terrain d'utilité publique, il mit tout en oeuvre pour attendrir le coeur de ceux qui détenaient l'autorité et assurait « qu'une foule de jeunes enfants lèveront au ciel leurs mains innocentes pour demander la conservation de leurs bienfaiteurs ». S. Exc. Mgr le Comte de Crétet, restait sourd aux suppliques malgré les recommandations chaleureuses du Conseil Municipal et du Préfet. Heureusement au cours de l'année 1809, il fut remplacé par. M. le Comté de Montalivet. Le 20 novembre 1809 La Fabrique envoya une pétition au nouveau ministre de l'intérieur « pour éclairer sa religion » (sic) sur la question de l'Ecole Charitable de la rue Haute. Cette pétition fut signée par M. Percevaux, curé de Saint-Aubin, Jugan et par MM. Prioul, Guynemer, Haitaudière, Caron, fabriciens.

Le Maire, M. de la Bourdonnaye-Blossac et Mgr Enoch recommandèrent vivement cette supplique. Nul à Rennes ne pouvait alors contester l'utilité de cette école et toutes les autorités religieuses ou civiles se plaisaient à rendre hommage à M. Le Forestier pour la belle oeuvre qu'il avait créée.

M. Forestier de son côté avait écrit à plusieurs personnes qui habitaient Paris : à l'une de ses parentes, dont nous ignorons le nom, à Mme de Talhouët (?) dame du Palais de Sa Majesté l'Impératrice et à Mgr Bareau de Girac ancien évêque de Rennes.

L'effet de ces démarches ne tarda pas à se faire sentir. Le Comte de Montalivet s'intéressa à cette oeuvre et la dépense de 3.000 frs fut maintenue au budget Municipal de Rennes pour l'année 1810. M. le Forestier reçut la somme demandée le 19 février 1810.

L'école Charitable fit le bien dans le quartier jusqu'en 1820. Les années 1813 et 1814 furent particulièrement difficiles. Mais le Préfet M. Bonnain protégea cette école charitable, et lui fit remettre des dons en argent et en nature. Avec les ressources trouvées par ailleurs M. Le Forestier put installer un fourneau économique et donner tous les jours, pendant quatre mois, de la soupe à plus de cent enfants.

Par suite des guerres de Napoléon il y eut une crise économique dont les effets se firent sentir à Rennes. Le registre des délibérations de l'école (2 mars 1814) constate avec peine que les travaux des petites filles s'écoulent difficilement et que, d'autre part, les aumônes se raréfiant il fallait songer à diminuer le train de vie de l'école et le traitement des maîtresses (Celles-ci n'étaient pourtant pas payées cher : 200 francs par an). C'est le dernier acte signé par M. Le Forestier. Il mourut la même année [Note : Il avait été nommé Chanoine Titulaire en 1811] (Henri Poisson).

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