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LES ANCIENS PRIEURÉS RÉGULIERS DE RENNES

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Les anciens prieurés réguliers de la métropole et leur union au chapitre de Rennes (1728-1729).

Le 8 avril 1728, l'évêque de Rennes, Mgr Le Tonnelier de Breteuil se rendait de grand matin à la cathédrale et procédait seul à la visite générale de son chapitre. Chacun de ses membres fut invité à répondre à l'appel de son nom depuis le doyen et l'archidiacre jusqu'au dernier des chantres. Au cours de l'allocution qui suivit, l'évêque annonça son intention de procéder immédiatement à la réforme de son chapitre tant au temporel qu'au spirituel. Puis il donna lecture d'un mémoire en neuf articles, protestant cependant de ne rien faire que de concert avec son clergé. Le quatrième article visait expressément les prieurés anciens de la métropole : « Obliger les quatre chanoines réguliers à résider aux termes des fondations de leurs prieurés, pour aider à faire l'office divin, ou en cas de refus, chercher les moyens de remettre les choses en règle ». Fin juin, Mgr de Rennes communiquait aux intéressés deux mémoires fournis par le chapitre. Il leur était reproché de ne plus rendre aucun service à l'Église, de n'assister que rarement à l'office, alors qu'ils jouissaient tous quatre ensemble de 2.000 livres de rentes pour le moins « provenant des seuls bienfaits du dit chapitre ».

A la fin du mois de juillet, les frères Nivet et du Breuil, prieurs de Saint-Martin et de Saint-Moderan, unis à leurs deux autres collègues, remettaient à l'évêque un mémoire rappelant l'ancienneté de leurs fondations. Déjà un siècle plus tôt, le chapitre de Rennes avait eu maille à partir avec eux. N'ayant pu obtenir justice au Parlement de Rennes « à cause de ce qui s'était passé au choeur de la dite église le 12 septembre 1638 », les prieurs s'étaient pourvus en appel devant le Conseil du Roi et avaient obtenu de lui, le 2 septembre 1641, des lettres d'évocation dont le bénéfice avait été prorogé par le gouvernement de la reine mère. Un arrêt du Parlement de Paris était venu reconnaître en 1652 le bien fondé de leurs titres.

Cependant, en octobre 1728, le bruit courut à Rennes qu'entre temps ces fondations avaient été supprimées et réunies d'office au chapitre. L'évêque avait obtenu du Roi confirmation du règlement préparé par lui à cet effet dès le début de juin. Courant décembre, Mgr de Breteuil présentait requête au Parlement de Bretagne pour faire procéder à l'enregistrement des lettres patentes obtenues le mois précédent. Le 23 décembre, les frères Nivet et du Breuil faisaient opposition à cet enregistrement devant le Parquet de la Cour. Le lendemain 24, ils se rendaient en consultation auprès de quatre anciens avocats, manifestant leur intention, avec les prieurs de Saint-Michel et de Saint-Denis, de se pourvoir en appel comme d'abus devant la Chancellerie royale. Le 3 janvier 1729, la Cour de Rennes rendait un arrêt renvoyant les prieurs à se pourvoir devant S. M. en son Conseil privé, contre l'arrêté épiscopal du 2 juin 1728.

Pour parer à ce recours en opposition, le conseil de l'évêque de Rennes s'avisa de soutenir que le concile de Trente n'avait interdit que l'union des bénéfices simples. Or, il ne s'agissait selon lui que de simples servitories instituées pour le chapitre sur des biens d'Église. Encore fallait-il prouver que les biens en question entraient dans cette catégorie. Seul l'examen de leurs titres pouvait témoigner en faveur de l'origine régulière de leur dotation et de leur caractère perpétuel. D'où l'intérêt de revenir sur les circonstances historiques de leur fondation [Note : Cf. GUILLOTIN DE CORSON. Pouillé historique de l'archevêché de Rennes. t. 1. pp. 25-248].

LE PRIEURÉ SAINT MICHEL, anciennement du Vieux Chastel était sans doute la plus ancienne fondation religieuse de la ville ducale. Dans le mémoire circonstancié que son titulaire, alors non résident, présenta en 1729, J. P. Corbin fit observer que « Mgr de Rennes avait pris pour fondation ce qui n'était qu'une union très ancienne avec l'église métropolitaine et pour un simple don à la cathédrale, la fondation ducale elle-même ». Celle-ci remontait à 1147 ; l'original en langue latine de cette fondation rapportée dans Dom Lobineau [Note : Preuves. T. II, col. 293-294. Arch. dep. I. et V. H 166] est explicite à cet égard : c'est la confirmation par le duc Conan III d'une aumône faite naguère à l'instigation de sa mère, la Comtesse Ermengarde, veuve d'Alain Fergent... Il s'agissait d'une chapelle que sa mère avait fait bâtir sur une tour de son château de Rennes et dotée par elle alors qu'il était encore enfant. « Erat in tube Rhedonensis turris modica muro contigua, super quam mater mea, suis sumptibus, aedificavit ». Cette tour n'était autre que l'ancienne « tour du Comte », dont les vestiges se dressaient encore au début du XVème siècle, près de l'ancienne « porte Chatelière », cet édifice sera remplacé entre 1410 et 1425, lors des travaux d'élargissement de la première enceinte, par la porte Saint Michel (1425) face au faubourg actuel du même nom, et survivra jusqu'en 1720. Dédiée à la Vierge Marie, à sainte Marie-Magdeleine et à saint Lazare par l'évêque Marbode, la chapelle comtale avait été, lors de sa fondation, assez largement dotée. Elle reçut, outre une partie du droit d'étalage sur les maisons du fief du comte à l'intérieur de la première enceinte, la dîme du lignage, la rente censive sur les maisons appelées à être édifiées ultérieurement sur l'emplacement du dit Chastel, enfin de diverses aumônes sur le manse du monastère bénédictin de Redon. Il était convenu à l'initiative de la duchesse que le prieur serait admis à la table seigneuriale, toutes les fois que la Cour Ducale viendrait à s'arrêter à Rennes. Si le comte et la comtesse entendaient la messe dans leur chapelle castrale, la totalité de l'oblation reviendrait au prieur, s'il la chantait, sauf à la partager dans le cas contraire avec le chapelain ducal. Lorsque Conan III confirma la fondation de sa mère, il était déjà âgé de 45 ans. C'est alors, en 1147, qu'à la sollicitation d'Hamelin évêque de Rennes, il entendit parfaire la donation primitive en remettant désormais la chapelle, avec sa dotation ancienne « à tous les chanoines de Sainte-Marie de la Roé en Anjou », avec mission que le service divin n'y manque jamais, « ce qui pourrait advenir par négligence s'il était confié à un seul ». Le prieur jouirait des rentes des maisons bâties sur un ancien fossé de la ville, ainsi que de celles situées à la Porte du Marché qui se tenait un peu plus haut à l'entrée même de l'ancienne Cité. La charte portait la signature non seulement de l'abbé de la Roe mais d'Alain évêque de Rennes, de deux archidiacres et de deux chanoines de la métropole.

Il s'agissait donc à l'origine, d'une dotation pleine et entière faite par un comte haut justicier à une petite église, baptisée dans la charte tantôt de « capellam », tantôt d'« ecclésiam », alors indépendante de la métropole et le service devait en être assuré exclusivement par des religieux augustins extérieurs à la ville. En 1206, cependant un changement intervint dans la desserte de cette fondation. L'édification de la cathédrale romane était alors en cours et, à l'initiative de Pierre évêque de Rennes, cette chapellenie ducale fut unie à une autre, de fondation ecclésiale celle-là, émanant de Joce, fils de Pierre, chanoine de la cathédrale. On convint qu'à l'avenir les deux chapellenies n'en formeraient plus qu'une qui serait desservie désormais dans l'église du bienheureux Pierre de Rennes dont le chœur venait d'être achevé. Le chapitre de la cathédrale choisirait celui des chanoines de l'abbaye qu'il voudrait, à l'exclusion des religieux constitués en dignité, pour célébrer à l'autel de la bienheureuse Vierge Marie, sans pour autant être dispensé de chanter l'office dans la cour du Comte, s'il en était requis. La référence à la première fondation comtale « ad quod eorum capellania primo fuit instituta » est ici explicite. L'intention de l'évêque était qu'une fraternité active soit instituée désormais entre les deux chapitres de Rennes et de la Roë : fraternité de prières certes, mais aussi assistance mutuelle aux besoins temporels, les chanoines de Rennes pouvant être admis sans difficultés à la Roë et réciproquement.

Cet acte ne dérogeait en rien à celui de 1147, puisque la nouvelle fondation métropolitaine continuait à être regardée comme celle de l'ancien bénéfice comtal, à en assumer les charges et à jouir de sa dotation primitive.

Une tradition s'instaura qui fut respectée jusqu'à l'Union de la Bretagne et de la France, selon laquelle les ducs présentaient toujours à l'abbé de la Roë un sujet pour remplir l'antique prieuré de Saint-Michel. Anne de Bretagne lui resta fidèle. Alors qu'elle était devenue reine de France, elle présenta le 19 mai 1513 frère Etienne Royer à l'abbé de la Roë qui lui donna sa collation. Louis XII ratifia la présentation de son épouse par lettres patentes du 25 février 1514. Après l'union de 1532, ce droit d'élection anciennement réservé à la famille ducale, revint en jouissance au chapitre de Rennes, sans que rien ne fut changé à l'état du bénéfice, l'abbé de la Roë continuant à conférer la collation à un de ses religieux ainsi que cela se produisit tour à tour en 1571, 1671 et 1714. Le prieuré du Vieux Chatel était en effet un prieuré électif qui ne tenait pratiquement aucun de ses biens du chapitre de Rennes. Loin de constituer une simple servitorerie de la métropole, comme le prétendait l'évêque, c'était une fondation indépendante de l'Ordinaire. Parmi les privilèges du chapitre de Rennes figurait, pour ses membres, celui d'assister en étole à toutes les cérémonies religieuses tant à la cathédrale que dans toutes les autres paroisses de la ville même extra muros, sauf, était-il précisé, « aux parties du "Chatelet" » ressortissant au spirituel de l'ancienne chapellenie ducale [Note : Arch. dép. I. et V. G 166. Titres du Chapitre. Chapellenie Saint-Michel]. Les religieux qui en étaient titulaires rendaient aveu au Roi, successeur des ducs de Bretagne. Celui de 1620 mentionne Bertrand Le Gendre, prêtre séculier, lequel est alors qualifié de « prieur commendataire du prieuré de Saint Michel ». D'autres actes, nous apprennent qu'il fut postulé en Cour de Rome par un ecclésiastique nommé Thomas Gombault. Ce dernier n'avait pas hésité à faire procès à un concurrent Richard Le Roy, lequel tenait lui sa collation de l'évêque de Rennes. A ses yeux l'intéressé en était mal pourvu, attendu que seul l'abbé de la Roë pouvait lui en donner provision. La contestation, digne du Lutrin de Boileau, débuta en 1647 par requête devant le présidial de Rennes et dura jusqu'en 1650, époque ou frère Gombault obtint gain de cause ainsi que l'attestent les quittances de revenus du prieuré établies à son nom de 1650 à 1668. A la mort de Gombault en 1671, nous voyons l'abbé de la Roë conférer le prieuré à Jacques Thiboué, chanoine régulier de son abbaye.

Entre temps, les revenus de la fondation s'étaient considérablement amoindris. Déjà les travaux de construction de la seconde enceinte au milieu du XVème siècle, avaient fait disparaître quelques anciennes maisons en amont de l'antique porte Chatelière attachées à sa dotation primitive. Dans la suite ce furent les dîmes sur le sel, le lignage et l'ancienne Monnaie ducale qui lui furent ôtées au bénéfice de la Monarchie ainsi que certains droits d'étalage au profit de la ville.

En 1534, le prieur de Saint-Michel résidait encore à Rennes, car nous le voyons afféager pour trente sols de rente une maison de 10 pieds de large « fort ruineuse caduque et indigente », sise jouxte sa propre maison, rue des Dames. Son titulaire Jean Agäesse, recteur de Laillé, promet alors obéissance pour ce logis à Pierre Le Forestier, chanoine de Rillé, sur les terres duquel se trouvait cet édifice. En 1562, cependant frère Chaussure, prieur percevait encore 52 livres de rente des mains du receveur de la ville de Rennes. En 1650, ses revenus ne se montaient plus qu'à 100 livres. A cette époque, ils étaient devenus en fait insuffisants pour permettre la résidence permanente du chanoine titulaire à Rennes. Les prieurs de Saint-Michel avaient été obligés de se retirer dans leur communauté de la Roë. Les évêques de Rennes continuaient néanmoins à les astreindre à résidence. Loin de réserver à ces prieurs les privilèges honorifiques qui étaient les leurs, ils affectaient de les placer, comme leurs trois autres collègues réguliers, après les offices du bas choeur, leur défendant l'accès au fond du chevet où se trouvait l'autel de la Vierge, geste jugé par l'abbé Corbin attentatoire à l'esprit de fraternité qui était censé juré entre les deux chapitres.

 

LE PRIEURÉ SAINT-DENIS.

Ce prieuré qui dépendait de l'abbaye de Rillé (Fougères) avait une origine tout aussi vénérable. Sa fondation dont la date exacte nous est malheureusement inconnue remontait elle aussi à une époque — fin XIème, début XIIème siècle où les chanoines de Rennes, alors peu nombreux, consentaient volontiers à se dépouiller de partie de leurs fiefs et droits de juridiction « intra muros » en faveur de religieux réguliers de l'extérieur dont ils n'attendaient apparemment d'autre secours que l'assistance permanente au service divin, service qu'ils étaient alors apparemment impuissants à assurer seuls. Anciennement en effet ce prieuré de l'abbaye de Rillé, sujet à chapellenie en l'église de Rennes, était possessionné dans cette ville « intra muros » où il jouissait d'une chapelle, de plusieurs maisons et d'une juridiction qui s'exerçait au présidial. Sa chapelle était encore visible à la fin du XIXème siècle au fond de la Cour du 11 de l'actuelle Rue des Dames qui portait anciennement le vocable de rue Saint-Denis. Elle reposait en partie, elle aussi, sur le mur de l'ancienne enceinte gallo-romaine. Logée dans une niche sur un bâtiment dont la façade sud donnait encore à la fin du XIXème siècle dans la cour du 20 quai Duguay Trouin, se voyait alors une belle statue du saint. Cet ancien bâtiment remplacé aujourd'hui par les hangars du traiteur Gandin était relié à la fin du XVIIème siècle à l'hôtel de Coniac, alors résidence du duc de Chaulnes. Hors de la ville, le prieur de Saint-Denis jouissait anciennement du patronage de trois paroisses, celles de Noyal-sous-Bazouges, Orgères et Le Rheu. La première lui devait seize livres de rentes, la seconde douze, la troisième une vingtaine. Mais depuis 1351, ces vingt livres avaient été abandonnés au chapitre. A cette époque en effet une transaction était intervenue entre le prieur de Saint-Denis et les chanoines de la métropole qui s'étaient engagés en contre-partie à augmenter le service divin. Ces derniers prétendaient néanmoins obliger le dit prieur à entretenir trois compagnons aux termes de sa fondation primitive. Le chapitre qui revendiquait depuis longtemps déjà le patronage de la paroisse du Rheu ne niait pas qu'anciennement elle appartenait au prieuré « qui ab antiquo fuit ». On pouvait s'étonner de la rigueur dont faisait preuve le chapitre à l'égard de ce vieux prieuré, qui depuis longtemps ne pouvait plus entretenir de religieux en permanence à Rennes. En 1729, ses revenus ne dépassaient pas cent livres, somme insuffisante, même pour l'entretien du seul prieur. Le 29 novembre 1602. Nic-Le Roy, prieur de Saint-Denis, obtenait du parlement de Bretagne un arrêt condamnant Arthur d'Epinay abbé de Rillé à lui payer une pension annuelle de 40 écus. Déjà à cette époque, selon le frère Le Roy cette somme jointe aux maigres revenus du prieuré, ne lui suffisaient pas pour observer une résidence régulière et en 1604, le chapitre avait finalement consenti à l'en exempter, sauf pendant quinze jours correspondant aux quatre principales fêtes de l'année. Le 5 mai 1606, l'abbé de Rillé se pourvoyait cependant devant le Conseil d'Etat du Roi qui, sans avoir égard à l'arrêt de la Cour, le déchargeait de sa rente de quarante écus et de l'obligation pour ses religieux de résidence à Rennes.

Cette singulière sentence d'une cour laïque ne mit pas fin au litige. La querelle rebondit en 1608. A l'intérieur de l'ancienne enceinte de Rennes, se voyait encore à l'époque une petite chapelle placée sons le patronage de Saint-André. Aux termes de la transaction de 1351, l'entretien et le service de cet oratoire devaient être assurés par le prieuré de Saint-Denis, lequel était tenu d'y célébrer des messes. Hélas, les seules ressources originairement rattachées à cette fondation, — à savoir les dîmes de la paroisse de Broons (évêché de Saint-Malo) — lui avaient été retirées : elles étaient tombées dans la jouissance d'un chanoine de Rennes. Le frère Le Roy s'était pourvu à ce sujet devant le présidial de Rennes contre le chapitre et en avait obtenu une sentence confirmative d'août 1608. Les successeurs avaient beau jeu de soutenir que le chapitre qui prétendait être le bénéficiaire exclusif de la dite donation, était mal fondé à poursuivre le titulaire pour raison d'indiscipline. Pouvait-on punir le collateur pour la faute des bénéficiers, alors que celle-ci s'expliquait à l'évidence par l'insuffisance, de ressources des religieux ? Il en allait en effet du prieuré de Saint-Denis comme de celui de Saint-Michel. Nombre de maisons dépendant de l'ancien prieuré de Rillé, situées près de l'ancien château mais aussi rue Baudrairie et rue Neuve, — mentionnées pour quelques sols de rente dans la déclaration de Mathurin Bocel, du 1erjuin 1545 — avaient entre temps été détruites ou ravagées par le récent incendie.

Ce qui était vrai de ces deux prieurés le prieuré de Saint-Martin l'était aussi des deux autres dits de Saint-Martin et de Saint-Moran.

 

Le prieuré de SAINT-MARTIN procédait d'un échange entre un membre du chapitre de Rennes et les religieux augustins de l'abbaye de Paimpont. En 1231, Adam, chanoine de Rennes et trésorier du chapitre, qui avait réuni une bibliothèque importante pour l'époque s'était résolu à en faire don pour l'entretien d'une chapellenie à la cathédrale. Les religieux de Paimpont qui avaient envie de ces livres, et craignaient qu'ils ne soient dispersés à sa mort au bénéfice de l'Eglise de Rennes, demandèrent au chapitre de remplir cette fondation, ce qui leur fut accordé par l'évêque, à condition toutefois qu'ils fourniraient un religieux pour célébrer tous les jours la messe et assister nuit et jour aux heures canoniales. Les chanoines de Paimpont devaient assigner à cette fondation un revenu sûr et suffisant. Guillaume de Vezin, alors abbé de Paimpont, approuva cette convention et assigna au nouveau prieur trente quartiers de blé (480 boisseaux), à prendre sur les dîmes que l'abbaye possédait dans la paroisse de Messac, accord qui fut ratifié par l'évêque Josselin de Montauban. Un peu plus tard, en 1237, les chanoines, du consentement de l'un d'entre eux, Guillaume Boterel, patron de la paroisse Saint-Etienne de Rennes, concédèrent à l'abbé de Paimpont une petite église sur cette paroisse, dédiée à Saint-Martin, sise jouxte la vieille chapelle de Notre-Dame de la Cité, rue de la Cordonnerie (nunc rue de la Monnaie). A cette fondation, qui jouissait d'une prairie au Moulin du comte, fut rattachée dans la suite une maison toute proche, fruit d'une donation ultérieure. Comme ce logis menaçait ruine en 1568, le prieur de Saint-Martin reçut en son lieu et place une maison rue des Dames estimée lui valoir 200 livres de revenus. Les ressources annuelles de cette fondation, à laquelle étaient attachés la résidence et l'obligation d'une messe par semaine, pouvaient valoir en 1729 350 livres. Hélas le logis du prieur n'avait point été entretenu par son titulaire. La chapelle menaçait ruine et en 1728, le prieur avait pris l'habitude de dire toutes ses messes à la cathédrale...

 

LE PRIEURÉ DE SAINT-MODERAN.

C'était encore l'évêque de Rennes Josselin de Montauban qui avait, en 1224 pris l'initiative de faire patronner un autre prieuré celui de Saint-Moderan, vulgairement baptisé Saint-Moran, en accord avec l'abbaye Saint-Jacques de Montfort. Il était convenu que ce prieuré recevrait les revenus de l'église Sainte-Marie de Coons (Bourg des Comptes) à condition que son titulaire, prêtre ou chanoine, présenté par l'abbaye pour desservir la cure, tiendrait compte de leur temporel à deux chanoines réguliers de Montfort dont l'un au moins serait tenu d'assister à l'office canonial de la cathédrale. La substitution était subordonnée à l'accord commun du chapitre et de l'abbaye. En 1227, Robert de Saint-Gonlay, abbé de Saint-Jacques qui avait reçu pour cette fondation une somme de cent livres, chargea le prieur récemment établi à Rennes de l'acquitter en lui assignant dans ce but, les deux-tiers des dîmes de la paroisse de Langan, évêché de Dol, laquelle appartenait à cette abbaye. Outre ces revenus de fondation le prieur de Saint Modéran jouissait d'une juridiction qu'il faisait exercer à Rennes dans la salle du Présidial : son petit fief était situé rue Saint-Thomas à l'entrée du faubourg Saint-Hélier depuis l'emplacement du collège de Jésuites (nunc Lycée) jusqu'à l'ancienne Maison Centrale (nunc Maison de la Culture) d'une part... entre le pavé de la rue de la Cordonnerie (rue de la Monnaie) et les anciens murs de la ville vers les Lice d'autre part. C'était de ce côté que se dressait naguère la dite chapelle, à laquelle était rattachée la jouissance des prés Saint Modéran, lesquels s'étendaient près du vieux Saint-Etienne, sur les bords de l'Ille [Note : Pré proche du lieu dit « Gaillon » (1 journal : 32 livres), 17 avril 1612, (Arch. dép. I. et V. G.166). Voir aussi acte de location de partie du logement du prieur, rue de la Cordonnerie, à Gilles Brousel pour 30 L. par an (ibid)]. Parmi les obligations auxquelles étaient astreints ses titulaires figurait, outre l'assistance aux heures canoniales, le service de quatre messes hebdomadaires et le port des saintes ampoules aux fonds baptismaux à Pâques et à la Pentecôte. Le revenu des prieurs n'avait cessé de décroître depuis l'installation des Jésuites rue Saint-Thomas et surtout la vente de l'ancien logis prioral (chapelle et jardin) aux religieuses du Refuge qui y avait édifié leur monastère de la Trinité sur la place actuelle de ce nom. Il ne dépassait pas 300 livres en 1729.

De la part de l'évêque de Rennes, il y avait quelque abus à soutenir que ces prieurés dont la collation appartenait bien à des abbés de chapitres ou de communautés religieuses, ne constituaient pas de véritables bénéfices en titre. Fussent-ils de collation laïque, voire royale, ils demeuraient sujets à contrôle disciplinaire de la part de l'Eglise ou du Pape. Pourquoi discuter aux abbés de la Roë, Rillé, Montfort et Paimpont, le droit de conférer les prieurés en question, alors qu'ils étaient acquis par fondation et longue possession ? Jamais ces établissements religieux n'avaient cessé de regarder ces prieurés comme des membres de leurs abbayes, même s'ils étaient astreints à l'égard du chapitre épiscopal à certaines obligations disciplinaires.

L'avocat de l'évêché alléguait comme précédent, la suppression obtenue du roi par arrêt du 1er février 1725 de quelques petits prieurés dépendant anciennement de l'abbaye bénédictine de Saint-Georges pour les réunir à la mense commune. L'abbesse avait seulement obtenu que, soient rattachés à la mense commune des portions qui lui avaient été originairement remises par les ducs de Bretagne, leur fondateur, pour l'entretien du service divin puis distraites injustement dans la suite des temps en faveur de quelques religieuses. Elles n'avaient jamais formé de véritables bénéfices. L'arrêt du Conseil du Roi du 19 novembre 1729 s'était borné à déclarer que ces prieurés autrefois détachés et qui n'étaient plus capables d'assurer leur autonomie seraient réunis de plein droit à l'abbaye.

En l'espèce, il ne s'agissait de rien de tel. Il n'était pas question pour l'évêché de faire rentrer dans la mense du chapitre des biens qui auraient pu lui être distraits au cours des siècles, mais de ravir indirectement à des religieux réguliers indépendants de la métropole un droit de collation et une possession d'état de plus de 600 ans. L'évêque, en ce faisant ne pouvait se dispenser, sous des prétextes disciplinaires, d'observer dans cette union les formes prescrites par le droit canon.

Le fait que quatre évêques aient approuvé la fondation du prieuré Saint Michel et fait desservir cette chapellenie par des religieux augustins de l'abbaye de la Roë, n'ôtaient point à ce bénéfice le caractère de fondation ducale. Comme les autres prieurés, il avait été doté originairement à titre principal non point sur le regaire épiscopal mais bien sur des terres dépendant des comtes de Rennes ; dans la suite ils avaient continué, à rendre aveu au roi de France, leur successeur. Cette union discrétionnaire était d'ailleurs contraire aux privilèges de la Bretagne en matière bénéficiale. C'est pourquoi elle n'avait jamais été enregistrée en cour de parlement de Rennes.

A partir de 1729, les titulaires des quatre prieurés supprimés ne furent plus désignés et reconnus comme tels par l'évêché. Jamais cependant les abbayes dépossédées ne consentiront à s'incliner devant le dictat épiscopal. Elles réclameront sans cesse contre la décision de l'évêque et continueront — pour sauvegarder leurs prétentions qu'elles estimaient imprescriptibles — d'envoyer des prieurs vers l'église cathédrale de Rennes pour participer au service divin. Le chapitre cependant ne voulut point entrer dans cette contestation et il refusa constamment de les recevoir en cette qualité dans le chœur de la cathédrale. Tous les titulaires envoyés par ces abbayes et dont nous avons conservé la liste durent se contenter jusqu'à la fin de l'Ancien Régime d'« une prise de possession purement civile faite devant notaire ». Le procès, entre les évêques de Rennes d'une part, la Congrégation de sainte Geneviève d'autre part, demeura ainsi pendant jusqu'en 1790.

L'église de Rennes mit ainsi fin à une possession multiséculaire, sans que les règles canoniques en matière bénéficiale aient été observées de sa part dans leur forme et teneur.

En détruisant les anciennes rues Chasteliere, de la Cordonnerie, sises alors entre la rue actuelle de la Monnaie et la place des Lices, où les prieurés Saint Michel, Saint Moran et Saint Martin étaient naguère possessionnés, le grand incendie de 1720 avait porté un coup fatal à cette portion intra muros de l'ancienne ville médiévale, ne laissant subsister autour de l'ancienne cathédrale, alors fort délabrée, que quelques îlots — actuelles rue Saint Guillaume, de la Palette, du Four, du Chapitre — où l'évêché et le chapitre conservaient d'importants intérêts.

Le sinistre ouvrait la voie sur les terrains des prieurés dévastés à d'importantes opérations immobilières auxquelles les prieurés seuls étaient alors incapables de faire face et leur union procurait à la mense épiscopale les moyens de restaurer avantageusement la portion subsistante de l'ancien régaire et d'y mieux loger les chanoines de la métropole, en améliorant éventuellement leurs revenus.

En permettant la reconstruction de la ville royale selon un tracé plus régulier, cet incendie venait toutefois de sonner le glas de l'ancienne cité médiévale, celle des comtes et des évêques qui dans les limites de la première enceinte abritait encore à la fin du XVIIème siècle, à côté de quelques hôtels aristocratiques, nombre de prieurés et de chapelles édifiés au XIIème et XIIIème siècles avec le concours d'ordres réguliers voisins qui, comme le très ancien oratoire Notre-Dame de la Cité, avaient été édifiés ou réédifiés sur les murs mêmes de l'enceinte gallo-romaine de la ville primitive.

(Michel Duval).

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