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SAINT MODÉRAN ET SON PRIEURÉ A RENNES

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Tout ce que nous savons de la vie de ce saint évêque de Rennes, tout ce qu'en ont recueilli les hagiographes, est puisé ou dans les anciens légendaires manuscrits de l'Eglise de Rennes, ou dans quelques pages de Flodoard, historien de l'Eglise de Reims. Nos vieilles légendes, parlant de l'origine de Modéran, le font naître en Armorique, d'une famille illustre : « ex nobilibus de Tornacis comitibus procreatus, » dit l'auteur auquel sont empruntées les leçons de l'ancien propre du diocèse. Le légendaire ajoute qu'il était armoricain, « natione fuit Armoricus ». Le P. Albert le Grand en a tout de suite conclu que saint Modéran était né dans la Bretagne Armorique et dans l'évêché de Rennes. C'est aller un peu vite en besogne. Mais on sait que telle est l'habitude du bon Dominicain.

Dom Lobineau, plus exact et d'une autorité historique tout autrement sérieuse, ne tranche pas si lestement la question ; il garde le silence sur la patrie du saint.

Je crois qu'en s'en tenant aux termes de la légende, qui parait ancienne, et en la conférant avec le récit de Flodoard, qui vivait au commencement du Xème siècle, par conséquent peu éloigné de l'époque où florissait Saint-Modéran, je crois, dis-je, qu'on serait amené à des conclusions toutes différentes de celles qu'admet Albert le Grand.

Le terme d'Armoricus avait une étendue plus vaste que les limites de notre Bretagne. Toutes les côtes des Gaules, depuis la Garonne jusqu'à l'embouchure du Rhin, portaient au Vème et au VIème siècles, et plus tard encore, le nom de contrées armoriques, c'est-à-dire « maritimes ». Le légendaire, qui était sans doute un moine de Berzeto, monastère où le saint évêque de Rennes finit ses jours, a dû prendre ce terme dans son acception la plus large et dans le sens où l'employaient les Italiens de son temps : or pour les peuples d'Italie, jusqu'au VIIIème siècle, l'Armorique n'était pas exclusivement la petite Bretagne.

Rappelons-nous maintenant que saint Modéran était fils d'un comte de Tournay : « nam pater ejus comes fuit nominatissimus,... de Tornacis ». Tornacis, en effet, ne peut être traduit que par « Tournay » ; cette ville occupe justement une position à laquelle les expressions du légendaire s'adaptent fort bien : assise sur les bords de l'Escaut, à peu de distance de la mer, Tournay était pour l'écrivain monastique une ville d'un pays armorique.

Cette origine de saint Modéran ne laissera plus de doute si on se reporte au récit de Flodoard. Cet historien appelle notre saint MODERAMNE, Moderamnus ; et je suis convaincu que c'est là, en effet, la forme primitive de son nom, corrompue depuis en Moderannus, Moderandus, et en français « Modéran, Maurand et Moran ». Evidemment c'est là un nom d'origine franque, germanique. Il ne faut pas oublier que Rennes, au VIIIème siècle, n'obéissait point aux petits chefs bretons qui occupaient avec leurs clans la partie occidentale de la péninsule Armorique ; Rennes était une ville gallo-romaine soumise aux rois francs mérovingiens. Aussi Chilpéric II, roi de Neustrie et de Bourgogne, dont elle dépendait alors, est-il le roi à qui Moderamne s'adresse pour obtenir l'autorisation de faire son pèlerinage de Rome. Il part, et ses pas se dirigent d'abord, où ? vers le Nord, vers les contrées voisines de l'Escaut et du Rhin ; pour aller à Rome, il passe par Reims. Cela n'indique-t-il pas qu'en satisfaisant sa dévotion pour saint Rémi, Moderamne désirait aussi visiter en passant son ancienne patrie, les domaines de sa famille où peut-être son père vivait encore ? Tournay n'est pas si loin de Reims.

Et qu'on ne m'objecte pas qu'il y a peu d'apparence que Modéran, appartenant à une famille flamande, fut devenu évêque de Rennes : aux siècles dont il s'agit, ces transmigrations de pieux personnages étaient une chose commune. Pour n'en citer que peu d'exemples, ne voyons-nous pas, presque contemporain de Modéran, le saint abbé Hermeland, né à Noyon, venir fonder l'abbaye d'Aindre-sur-Loire en Bretagne ? Saint Winnoc, prince domnonéen, aller terminer sa sainte carrière dans l'évêché de Térouanne ? Le grand saint Amand de Maestrich n'était-il pas originaire du pays nantais ? Saint Josse, frère de saint Judicaël, n'alla-t-il pas cacher sa vie dans un ermitage du Ponthieu ? [Note : Il y aurait peut-être, mais ce n'est pas ici la place, une étude curieuse à faire sur cet échange de missionnaires et d'évêques civilisateurs, dans le plus beau sens du mot, entre les contrées orientales de notre Bretagne et les provinces flamandes]. Je pourrais en ajouter beaucoup d'autres.

Je crois donc qu'on doit regarder comme indubitable l'origine flamande de Moderamne, et j'admets, avec le légendaire, qu'il était fils d'un comte de Tournay. Ce comte, bien entendu, n'était pas tout à fait le comte héréditaire des temps féodaux ; c'était plutôt une sorte de gouverneur, mais choisi par les rois francs dans les anciennes familles nobles du pays. Quoi qu'il en soit, ce qu'il y a de certain et de bien constaté, c'est que les vertus, la sage et prudente adm­nistration du saint évêque laissèrent dans son diocèse d'universels regrets, quand, pour obéir à la voix de Dieu, Moderamne se sépara de son troupeau.

Après quelques années d'une vie pleine de mérites pour le ciel, le saint prélat mourut à Berzeto ; « célèbre par ses miracles, dit Ferrarius dans son Catalogue des Saints d'Italie, il s'endormit dans le Seigneur, le XI des calendes de novembre (22 octobre) l'an 730 ».

La mémoire d'un si pieux et si admirable pasteur resta bénie et vénérée dans son ancien diocèse. L'Eglise de Rennes célébrait en son honneur un office double le 22 novembre, et très-anciennement, l'abbaye de Saint-Melaine lui avait consacré le 17 des calendes de juin (16 mai).

Aussi, lorsqu'au XIIIème siècle, les évêques et le chapitre de Saint-Pierre de Rennes s'occupèrent de fonder dans leur église des prieurés réguliers, c'est-à-dire desservis par des chanoines appartenant à des congrégations régulières ou abbayes du dehors, qui fournissaient un ou plusieurs de leurs membres pour contribuer à l'éclat du culte et au service divin dans la cathédrale, en échange de certaines dotations ; lors, dis-je, que ces fondations furent successivement établies, l'une d'elles dut être naturellement placée sous le patronage de saint Modéran.

Ce fut Josselin de Montauban, évêque de Rennes, qui, en 1224, érigea le premier fonds de ce prieuré. « Considérant, dit le prélat fondateur, le petit nombre de clercs qui desservent notre église et consultant en ce que nous statuons, son avantage et son utilité, nous avons, de l'aveu et consentement de notre chapitre, donné et octroyé à l'abbaye de Saint-Jacques-de-Montfort, l'église de Sainte-Marie-de-Coons [Note : Appelée depuis « Bourg-de Comps » dont l'ignorance moderne a fait « Bourg-des-Comptes »], avec ses appartenances, sauf le droit de l'évêque, ceux de l'archidiacre et du doyen ».

Note : Charte de fondation du prieuré de Saint-Moran ou Modéran. Universis Christi fidelibus, etc. J. Dei gratia Redonensis episcopus salutem in vero salutari. Raritatem deservientium in nostra ecclesia attendentes et in hoc utilitati ipsius quantum possumus consulentes, Ecclesiam Ste Mariœ de Coona (alias Coons) cum pertinenciis suis, cum assensu et voluntate Capituli nostri, Abbatiœ Sti Jacobi de Monte forti charitative contulimus salvo Jure Episcopali, Archidiaconi et Decani. Ita tamen quod si placuerit Abbati et Conventui dicti loci, licebit eis, nobis nostrisque successoribus ad curam animarum ejusdem ecclesiœ unum de canonicis suis presbiterum et idoneum vel alium honestum in habitu sœculari prœsentare, qui per nos et Archidiaconum et Decanum, prout moris est, ibidem institutus, nobis de spiritualibus et duobus canonicis prœdictœ abbatiœ in ecclesia nostra in habitu ecclesiœ nostrœ competenti ad omnes horas deservientibus quorum unus sit presbiter, et alter alterius sacri ordinis, de temporalibus prout inter eos convenerit, respondebit. Quorum prior a capitulo nostro de conventu beati Jacobi eligetur, et ad petitionem ipsius destinabitur, excepto Priore vel Cellario, vel Ballivo ; qui missus prior non nisi requisito et habito consensu Capituli Redonensis poterit revocari, nisi ut fiat prior abbatiœ vel Cellarius vel Ballivus ; et tunc requisito consensu dicti Capituli poterit revocari, et tunc alius modo supra scripto in ecclesia nostra serviturus ab abbatia priori substituetur. Hanc autem substitutionem cum assensu Capituli nostri, Abbatiœ et capituli Sti Jacobi de Monte forti factam, Abbas qui fuerit pro tempore indicta abbatia electus, post susceptum numus benedictionis suœ a suo episcopo, ad Ecclesiam nostram intra quindecimam diem accedens, proprio juramento se fideliter servaturum supra sacrum altare proprio manu firmabit. Qui si rebellis super hoc extiterit, redditus illius ecclesiœ in manu nostra capere licebit, eis non vocatis, donec abbas supradictum fecerit juramentum. Quod ut ratum et firmum et notum posteris habeatur, presentem Cartam in memorabile testimonium sigillo nostro et capituli nostri et Abbatis et conventus Sti Jacobi de Menteforti fecimus communiri. Actum apud Redonas in capitule generali, in crastino Purificationis beatœ Mariœ anno gratiœ 1224. Cet acte est pris sur une copie du XIIème siècle, aux archives départementales d'Ille-et-Vilaine, fonds du Chapitre de Rennes, 5 G, 1, 64.

Cette donation, dont nous résumons l'acte un peu prolixe, était faite à condition que le chanoine ou prêtre séculier présenté par l'abbaye pour desservir la cure tiendrait compte du temporel à deux chanoines réguliers de Montfort, l'un prêtre, l'autre dans les ordres sacrés, obligés d'assister à l'office canonial dans la cathédrale, le premier desquels serait au choix du Chapitre de Rennes ; ledit élu ne pouvait être révoqué sans le consentement du Chapitre, excepté dans le cas où il serait devenu prieur du cloitre, célerier, bailli ou procureur du monastère ; alors la substitution devait avoir lieu avec l'agrément du Chapitre et d'accord avec l'abbaye. L'abbé de Saint-Jacques, après avoir été élu et installé dans sa charge, était tenu de venir, sous quinzaine, prêter serment sur l'autel de Saint-Pierre, qu'il serait fidèle aux susdites conventions. Cet acte fut dressé à Rennes, en chapitre général, le lendemain de la fête de la Purification, l'an 1224.

Quelque temps après, un des dignitaires du Chapitre, Guillaume Beranger, scholastique ou maître des écoles du diocèse, fonda une chapellenie qu'il dota de 100 livres une fois payées : cette somme fut donnée aux religieux de Saint-Jacques de Montfort, à charge de remplir et exécuter les volontés du testateur. En conséquence, par un acte de 1227, Robert de Saint-Gonlay, abbé de Saint-Jacques, avec l'assentiment unanime de sa communauté, chargea leur confrère, le prieur récemment établi à Rennes, d'acquitter cette fondation. Il lui assigna, dans ce but, les deux tiers des dîmes de la paroisse de Langan, évêché de Dol, qui appartenaient à l'abbaye.

De ces deux fondations réunies résulta le prieuré de Saint-Modéran ou Saint-Moran, comme on l'appela dans la suite.

Outre ces revenus d'établissement primitif, le prieur de Saint-Moran jouissait d'un droit de juridiction, laquelle s'exerçait encore à la fin du XVIIème siècle, dans la salle basse du Présidial, comme toutes les autres juridictions de moyenne et basse justice ressortissant de la cour de Rennes. Le fief s'étendait dans la rue de la Cordonnerie, (aujourd'hui la rue de la Monnaie), la rue Saint-Thomas, le terrain occupé par les Jésuites en 1606, le lieu de la Flèche, au faubourg Saint-Hellier, et l'emplacement où se voit aujourd'hui la maison de Force ou maison centrale. La circonscription de ce fief fut successivement rescindée : d'abord par la troisième enceinte de remparts, bâtis depuis 1454, pour accroître la ville ; puis par les acquisitions de la communauté de ville pour l'établissement des Jésuites. En 1708, la construction de l'ancienne maison du Petit-Séminaire, rue Saint-Hellier, opéra une nouvelle réduction sur ce fief. Des sommes d'argent ou des rentes foncières indemnisèrent le prieur de Saint-Moran. Depuis 1691, il en touchait une de 273 livres 4 sous, qui lui était servie par les religieuses de Notre-Dame-de-Charité, établies à Rennes en 1663, dans le couvent de la Trinité. Le 8 février de cette année, elles avaient acheté du prieur les maisons, cour, chapelle et jardins du prieuré de Saint-Moran, moyennant cette rente perpétuelle. Il y en avait une autre due par l'abbaye de Saint-Georges, pour indemnité de quelque terrain appartenant au prieur ou relevant de son fief.

Enfin, de ce prieuré dépendaient encore quelques pièces de terre et prairies, les unes situées entre les murs de la Ville et le moulin de Saint-Hellier, un pré, près le gué Torcoul, vis-à-vis la maison de Gaillon, au bout du Mail ; enfin, le Pré de Saint-Moran, près du vieux Saint-Etienne, sur le bord de la rivière d'Ille.

Les maisons, jardins et chapelle du prieuré de Saint-Moran étaient situés entre le pavé de la rue de la Cordonnerie et les anciens murs de la ville, vers les Lices. Cette situation est précisée dans les registres de la réformation du domaine de Rennes au XVème et au XVIIème siècles, conservés aux archives départementales d'Ille-et-Vilaine et aux archives de la Loire-Inférieure. On lit en effet dans la Réformation de 1455, sous la rubrique suivante : « La Cordonnerie jucques à la porte Mordelaize du costé de vers la Motte du Chastel de Rennes : ……  Le jardin de Saint-Mauran, joignant dun costé à la maison (Jehan Gallais et enfans feu Jehan de Beaucé), et dautre a lentrée de la ditte chapelle qui est pres les murs de la ditte ville ». — La Réformation de 1646 donne une description un peu plus détaillée : « La vingt et neufviesme maison (de la Cordonnerie, costé vers septentrion) est le portal, entrée, court, maison et chapelle de Saint Moran, contenant par le devant du pavé de la dite rue 28 pieds, et depuis le dit pavé, à travers la ruelle, court, logemens et chapelle jusques à la muraille de la ville 83 pieds … le tout pocedé par noble et discret missire Jean de la Fond, prieur de St. Mauran, qui déclare tenir ledit prieuré au fief du Roy … à charge de prières et oraisons ».

Les charges qui incombaient au prieur se réduisaient aux points suivants : 1° Obligation pour lui et son compagnon d'assister à toutes les heures de l'office canonial dans l'église de Rennes, aux termes des actes de fondation et d'une sentence de l'officialité rendue en 1401. — 2° Obligation de célébrer quatre messes par semaine à l'autel de Saint-Jacques situé dans la Recherche (les collatéraux du choeur) de l'église cathédrale. — 3° De porter les ampoules, contenant les saintes huiles, aux fêtes de Pâques et de la Pentecôte, lors des processions qui ont lieu aux fonts baptismaux et autour de l'église, dans ces solennités.

Le prieuré de Saint-Moran fut supprimé, en 1728, par ordonnance de Mgr. de Breteuil, évêque de Rennes, en même temps que les trois autres prieurés réguliers desservis dans l'Eglise de Rennes, et sa dotation fut réunie à la mense capitulaire.

Personne n'a oublié à Rennes la cérémonie qui eut lieu le 26 octobre 1845, à l'occasion de la translation solennelle et réception à la cathédrale de Rennes des reliques de saint Modéran, envoyées à Mgr. Saint-Marc du monastère de Berzeto. (Paul Delabigne-Villeneuve).

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