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L'HÔTEL DU HALGOUET A RENNES. |
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L’Hôtel du Halgouet, rue Trassart, aujourd’hui rue du Docteur-Régnault, n° 8 [Note : Cette notice est presque entièrement l’œuvre du Vte Joseph DU HALGOUET, ministre plénipotentiaire. Archiv. d’I.-et-V. C. 291, 299, 273. BANEAT, 2 éd., p. 253. Courte notice dans le Nouveau dictionnaire des architectes français, 1887, de Banchal. Rien dans le dictionnaire de Bénézit, 1913, ni dans le Lexikon de Thieme, 1916].
Les plans, que je possède, et où l’on reconnaît, tant pour les intérieurs que pour l’extérieur, les dispositions qui existent à l’heure actuelle, sont datés du 9 février 1733, signés « Forestier » et visés par « Baudoin et Faligant » (qu’une pièce du dossier désigne comme étant l’entrepreneur et le charpentier), ils portent le « Bon pour estre exécuté, ce neuf février 1733, de Coniac », d’où l’on doit inférer que c’est à cette époque qu’ont été édifiés les bâtiments que nous avons sous les yeux.
M. de Coniac dont la famille possédait ces terrains depuis 1665 au moins et pour qui les travaux furent exécutés, était alors à son apogée. Jean-François-Dinan de Coniac, né à Rennes en 1684, conseiller au Parlement depuis 1707, s’était marié, en secondes noces, le 20 juillet 1728, avec Marie-Anne-Geneviève, fille du premier président de Brilhac et veuve du conseiller A. de Robien ; il mourut à Paris le 26 mars 1739. De son mariage avec Mlle de Brilhac naquit, le 7 février 1732, un fils Pélage de Coniac qui fut lui-même conseiller au Parlement en 1755 et joua un rôle important au cours de l’affaire La Chalotais, en qualité de sénéchal de Rennes, charge qu’il exerça de 1758 à 1774.
A la date de 1733, fier de son alliance et de la naissance de son fils, le conseiller de Coniac se décida à construire une belle demeure. L’architecte auquel il s’adressa n’est pas un inconnu. Il appartient à une dynastie d’artistes comme il s’en rencontre souvent à cette date, et sur laquelle M. Bourde de la Rogerie a recueilli de précieuses notes [Note : Dont nous devons la communication à l’obligeance de sa nièce, Mlle de Dieuleveult. Voir Kerviler, Bio-Bibliographie, XIV, 174. L’entrepreneur Faligant est mentionné en 1730, dans C 2329. Mais peut-être doit-on lire Saligant]. Il s’agit certainement de François Forestier, auteur du plan de Rennes de 1724, levé avec la collaboration de Huguet. Quant à « Forestier l’aîné », sans doute son fils, il reconstruisit Saint-Sauveur en 1758 et la Commission intermédiaire en 1760.
L’hôtel ne resta qu’une trentaine d’années dans la famille de son premier maître. Le sénéchal de Coniac construisit ou agrandit en 1773 l’hôtel situé entre la rue des Dames et la rue de la Monnaie [Note : Voir BANÉAT, 2e éd. p. 134-135 (13-15 rue des Dames) et 330 (23, rue de la Monnaie)] auquel le nom de sa famille est resté attaché.
C’est alors qu’il vendit l’hôtel de la rue Trassart à M. de Langle, ancien lieutenant-colonel au régiment de Rohan-Rochefort, qui en était, au reste, locataire depuis plus de sept ans. Cet officier était lui-même fils, petit-fils et arrière petit-fils de conseillers au parlement de Bretagne.
Il n’habita que le rez-de-chaussée de l’hôtel, sous-louant une partie des communs au commandeur de Brilhac, le premier étage à M. du Merdy de Catuélan, et le deuxième étage, d’abord à Mlle de Bédée, puis à M. Euzenou de Kersalaün, fils d’un conseiller au Parlement.
Lors du décès de M. de Langle, survenu dès 1778, l’hôtel échut à sa fille Françoise, épouse de Jean Le Corgne, comte de Launay, qui, à son tour, le vendit en 1803, à René Bonin de la Villebouquais, ancien conseiller au Parlement. L’une des filles de ce dernier, Anne-Louise, ayant épousé mon arrière-grand-père Constant-Hippolyte de Poulpiquet du Halgouet, c’est ainsi que je suis devenu, par succession, à la quatrième génération, propriétaire de la maison.
Depuis 1805, une partie de l’hôtel fut louée au second évêque concordataire de Rennes, Mgr Enoch [Note : En effet, les Etrennes rennaises de 1808 donnent l’adresse de Mgr Enoch, rue Trassart. Celles de 1812 l’indiquent : à l’Evêché].
Lorsqu’on entre par la rue Trassart on accède à la cour principale par une grille de fer qui a été substituée à l'ancienne porte cochère en bois à grosses moulures sculptées, qui était autrement décorative.
L’« élévation sur la rue Trassart » dressée par Forestier en 1733 montre un grand portail de pierre cintré ; l’archivolte fortement saillante repose sur des consoles à ses extrémités, un cartouche la décore à sa clef. Les vantaux ne sont pas représentés sur ce dessin. Un autre feuillet porte la légende : « Nouvelle porte cochère pour l’hôtel de Coniac. D. B... Pour chifrature, Forestier l’aisné, architecte ». Cette signature diffère de celle qui se lit au bas des plans de 1733. Ce nouveau portail n’est pas couvert. Deux piliers de pierre encadrent de beaux vantaux de bois. On lit au-dessous : « les deux impostes en tuffeaux feront même profil que l’imposte en bois et le pourtour des piliers ». Les piliers actuels ressemblent fort à ceux qu’a tracés Forestier l’aîné, mais ils n’ont qu’un ressaut au lieu de deux.
Les pavillons latéraux étaient, au début, entièrement réservés à l’usage du service. L’extrémité attenante à la rue n’a jamais été surélevée comme le donnerait à penser l’élévation dessinée par l’architecte Forestier qui a, d’autre part, omis de mentionner que les ailes comportent un entresol. Le rez-de-chaussée de l’aile gauche n’était pas à l’origine entièrement clos : il servait d’écurie et de remise, destination qu’il conservait encore dans ma jeunesse.
Le passage qui fait actuellement communiquer les cours est et ouest n’a été pratiqué à travers les caves qu’au cours de la première moitié du XIXème siècle, à l’époque où un affaissement dans le pignon sud du corps central a nécessité une reprise de ce pan de mur en matériaux plus légers que ceux du reste de l’édifice.
Chacune des ailes est dotée de son escalier particulier ; ils ont, l’un et l’autre, conservé leurs anciennes rampes de bois à balustres.
Aux côtés de la grande porte d’entrée j’ai connu des éteignoirs pour les torches, mais la rouille les a fait disparaître.
Le vestibule du rez-de-chaussée du logis principal est de plain pied avec la pièce qui se trouve à droite au bas de l’escalier. Cette pièce est qualifiée « premier antichambre ou salon à manger ». Au sud, est un cabinet de forme irrégulière ou « petite garde robe » qui sert d’office et communique, par l’escalier de droite avec la cuisine, située dans l’aile sud, au niveau de la cour. Cette cuisine a, depuis, été transformée en remise mais la grande cheminée y subsiste toujours.
La grande pièce qui, au rez-de-chaussée, a vue sur la rue Gambetta, était le « salon » de M. de Coniac. La distribution de cette partie du bâtiment n’a jamais été rigoureusement celle que montrent les plans. La chemise dans laquelle sont encastrés ceux-ci porte d’ailleurs pour titre « Différents plans dont une partie a été exécutée ». Le salon a pris la place de la 2ème antichambre et une autre cloison a été élevée symétriquement à la première de façon à donner une grande chambre et une sorte de vestibule d’où l’on accédait directement au jardin. Celui-ci n’a disparu qu’au moment (vers 1885) où l’étroite rue des Violiers qui seule le séparait de l'abbaye Saint-Georges, a été élargie pour former la rue Gambetta. Ce jardin comportait à l’emplacement du garage actuel, et dans son prolongement une terrasse surélevée plantée de vieux tilleuls sous lesquels j’ai joué dans mon enfance. Les trumeaux peints et la glace qui orne la cheminée sont demeurés en place depuis l’époque de la construction ; d’autres glaces, qui se trouvaient entre les fenêtres, ont été remontées au salon du premier étage.
Le dessus de la cheminée de la chambre contiguë au salon est encore garni de son trumeau du XVIIIème siècle.
L’escalier d’honneur, dont le développement harmonieux contribue largement à conférer à l’hôtel son caractère de noblesse, n’a subi aucune altération ; le dessin de sa belle rampe de fer forgé se reconnaît très distinctement sur les plans de 1733.
La distribution de la partie Est du premier étage est également différente de celle qui avait été primitivement prévue. Le mur a pris la place de la cloison entre la chambre nord et l’antichambre. Cette antichambre réunie à la chambre voisine forme actuellement le salon.
Le cabinet voisin, maintenant salle à manger, a repris complètement son aspect primitif, grâce à la reconstitution par M. Henri Jobbé-Duval, de la peinture, dont les traces ont été retrouvées sous l’enduit dont elles avaient été indûment recouvertes, et au rétablissement des petits carreaux des fenêtres pour lequel il m’a suffi de faire replacer dans les entailles subsistantes les croisillons qui en avaient été enlevés sous le second Empire.
Au premier étage, ont été respectés, fait assez rare pour mériter d’être mentionné, tous les serrures, clanches, fermetures originaux tels que les décrit, avec une minutieuse précision, un état des lieux dressé du temps où l'hôtel appartenait à M. de Langle. Dans d'autres parties de la maison, si des serrures ont disparu, certaines clefs ont été conservées, qui pourraient être avec raison qualifiées de chefs d'œuvre dans leur genre.
Bien que la plupart des tableaux de famille aient cherché momentanément un autre refuge, quelques-uns sont demeurés à cet étage. Des deux côtés de la cheminée du salon quatre pastels dus à la main de Mme de Goulaine reproduisent ses propres traits ainsi que ceux de ses sœurs et de son beau-frère, M. de Goyon, gouverneur de Nantes. Le rôle joué par le tuteur d’Anne de Bretagne étant assez discutable, c’est uniquement à titre d’ancêtre direct que le maréchal de Rieux figure ici : j’ignore quel est l’original de ce portrait ; le présent tableau ne semble pas contemporain, mais il n’est certainement pas moderne non plus, son existence dans la famille étant tracée depuis plus d’un siècle.
La Madeleine qui lui fait pendant, est un portrait de famille du XVIIème siècle, provenant de l’estoc Bonin, comme l’hôtel.
Le président Colin de la Biochaye et sa femme, dont les effigies au pastel ornent la cloison ouest, n’ont pas habité l’hôtel ; ce sont mes arrière-grands-parents par ma grand’mère paternelle ; les familles de parlementaires ont continué à s’allier entr’elles, même après la disparition de la cour souveraine de Bretagne. L’un des tableaux les plus attachants du salon est probablement la petite scène intitulée « la Leçon d’histoire naturelle » qui groupe M. de la Biochaye, sa femme et ses enfants en une scène tout à fait dans le goût de la fin du XVIIIème siècle. Le jeune homme assis en face de son père est l’artiste lui-même, qui ne manquait pas de talent ; il a laissé une appréciable série de portraits et de dessins, signés pour la plupart « Colin peintre » (Colin est le patronyme des La Biochaye), entr’autres des croquis saisis sur le vif lors du procès de Cadoudal, véritables documents dans lesquels revivent, avec un accent d’incontestable vérité, le général Moreau et quelques-uns des accusés.
J’ai rapatrié de Londres, où il avait échoué, le « Moulin » de Daubigny, qui l’avoisine. Sur le palier, le portrait en garde du corps est celui d’un M. de la Barre de Nanteuil, par un élève de Gros. Les deux panneaux de l’école de Vernet qui l’accompagnent ont été sauvés de Pétrograd. Les portraits de la chambre voisine sont ceux de mon père (en uniforme de dragons) par un peintre rennais, M. Roy, de son frère aîné (en uniforme d’artillerie) et de l’une de leurs sœurs portant les insignes de chanoinesse.
L’escalier qui conduit au deuxième étage, a malheureusement été « habillé » à la mode du jour, lors de la réfection du pignon auquel il est appuyé ; mais il ne serait pas difficile de lui restituer les balustres de chêne qui lui siéraient mieux qu’une rampe de fonte. L’antichambre triangulaire à laquelle il aboutit, a conservé jusqu’à il y a 80 ans, sa décoration originale, consistant en faux livres, qui la tapissaient entièrement, simulant une bibliothèque.
Quant au couloir qui lui fait suite, il est de création toute récente. Dans cet hôtel, ainsi que dans la plupart de ses contemporains, même les plus élégants, toutes les pièces se commandaient. Nos pères ne voyaient pas d’inconvénients à la nécessité de traverser, à tout propos, des appartements habités par d’autres personnes. Nos mœurs se prêtent mal à une vie quotidienne en commun de la sorte. Aussi a-t-il paru indispensable, étant donné surtout le nombre restreint des chambres d’habitation, de prélever ce corridor sur les pièces très spacieuses orientées au levant et qui joignaient auparavant celles qui donnent à l’ouest. Les unes et les autres y ont gagné l’indépendance, sans dommage pour l’aspect de l’hôtel. La modification apportée au cloisonnement du premier étage a entraîné celle des séparations du deuxième étage (mansardes du plan). Rapprochées l’une de l’autre les cloisons ont réduit la « bibliothèque » primitive à une pièce de dimension plus modeste tandis que chacun des « cabinets » se trouvait transformé en une grande chambre à deux fenêtres.
Pour des raisons qu’il est difficile d’élucider, et comme le fait entendre la note à laquelle il a été fait allusion tout à l’heure, la construction n’a, semble-t-il, jamais été complétée entièrement. C’est, du moins, la conclusion que suggèrent certains détails comme le maintien dans son état actuel de cette sorte d’annexe qui se trouve au pignon nord du corps de logis principal, à l’angle de la rue Saint-Georges. Il en est de même du manque de balcons à certaines fenêtres, alors que d’autres sont pourvues de ferronneries élégamment ouvragées.
Note : On rappelle que celui qui parle à la première personne dans la notice sur l’hôtel du Halgouet est son possesseur M. le vicomte J. du Halgouet, ministre plénipotentiaire.
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