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L'HÔTEL DE BLOSSAC A RENNES.

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L'hôtel de Blossac est le plus important et le plus beau monument de l'architecture privée que possède la ville de Rennes [Note : Illustrations dans le Vieux Rennes de Paul Banéat, Édition Larcher, 1925, p. 108 (façade), 110 et 111 (escalier) ; dans la Généalogie La Bourdonnaye, par le comte Alphonse de La Bourdonnaye, 1960, p. 309 (façade et escalier), notice p. 284. Outre ces ouvrages, on a souvent consulté Guillotin de Corson, Pouillé historique de l'archevêché de Rennes, 6 vol.], mais sa construction est entourée d'obscurités dans lesquelles je voudrais essayer de projeter quelque lumière. On ne sait avec précision ni la date, ni les circonstances, ni le maître de l'œuvre. Malheureusement, les archives de l'hôtel, qui devaient comporter plans, devis, correspondance, etc., n'ont pas été retrouvées. Il me faudra donc progresser en tâtonnant et à défaut de certitudes proposer des hypothèses en indiquant pour lesquelles j'opte.

L'hôtel Blossac à Rennes (Bretagne).

L'hôtel de Blossac tranche si fortement sur son entourage, il se dresse avec une telle hauteur souveraine au-dessus des autres maisons des Rennais qu'il est nécessaire de connaître, au moins sommairement, le quartier pour apprécier la grandeur et l'originalité de cette demeure aristocratique ; politique aussi, puisqu'elle a été la résidence des commandants en chef de la province, c'est-à-dire des premiers représentants du roi et que pour cette raison elle a été le théâtre de mainte scène historique [Note : J'énumère les noms de ces hauts personnages depuis 1732 : le maréchal d'Estrées, 1732, le maréchal de Brancas, 1738, le maréchal de la Fare, 1746, le duc de Chaulnes, 1750, le duc d'Aiguillon, 1753, le duc de Duras, 1768, le maréchal de Fitz-James, 1771, le maréchal d'Aubeterre, 1775, le comte de Montmorin, 1784, père de Pauline de Beaumont, et finalement le comte de Thiard, 1788. La Bretagne de 1736 jusqu'à la fin de l'ancien régime n'a eu qu'un gouverneur, le duc de Penthièvre, fils et successeur du comte de Toulouse]. Le duc de Penthièvre, gouverneur de Bretagne, et petit-fils de Louis XIV, y séjourna quand il vint en Bretagne présider les États, ce qui fut très rare [Note : En 1746 et 1774 (B. Pocquet, Histoire de Bretagne, t. VI, p. 226 et 339)].

L'hôtel de Blossac est situé 6, rue du Chapitre, au cœur de la cité dans son enceinte romaine. La rue du Four-du-Chapitre (c'est son nom complet) va de l'est à l'ouest. Son côté nord (numéros pairs actuels) contribue à former un îlot, limité par la rue Saint-Sauveur, parallèle à celle du Chapitre, et, aux deux bouts, par la rue de la Psalette qui contourne l'abside de la cathédrale et, à l'est, par la rue de la Minterie (des mintiers ou minotiers), dite plus tard de la Mitrie, tracée du nord au sud, à peu près sur l'emplacement de la rue actuelle de Montfort, mais légèrement plus à l'ouest.

Le côté sud de la rue du Four-du-Chapitre formait un autre îlot avec en approximatif parallèle la rue Saint-Yves et, aux extrémités, à l'ouest la rue des Lauriers (aujourd'hui Georges-Dottin), tandis qu'à l'est les deux rues convergeaient vers une place dite de la Grand-Pompe, ancienne place du Marché-à-l'Avoir (des bestiaux, probablement des porcs) ou encore des Porches, à cause des maisons munies de cet abri qui la bordaient au nord. Au XVIIème siècle, on l'appela place du Calvaire, en raison du monastère qui en formait le côté sud.

Nous connaissons les maisons de la rue du Chapitre et leurs propriétaires du XVème au XVIIIème siècle par les réformations du domaine royal, le terrier du chapitre, l'état des maisons sinistrées en 1720, le terrier des quartiers incendiés imprimé en 1739 et, dans une moindre mesure, par les rôles de la capitation qui, à la différence des documents précédents, n'indiquent pas les propriétaires, mais les habitants [Note : Réformations de 1455-1461 et de 1646, aux Archives départementales, A, suppl. 42 et 40 ; de 1678, appartenant à M. Raymond Cornon, architecte en chef des Monuments historiques, qui m'a aimablement permis de le consulter à loisir ; terrier du chapitre cathédral, 1674, Archives départementales, G 175. Registres de la capitation, C 4019 (1758), 4029 (1767), 4043 (1777), 4049 (1781) et 4063 (1788). États des sinistrés de l'incendie de 1720 aux Archives départementales, C 3328, et municipales, 566 et 567].

Ces documents cadastraux font d'abord découvrir la géographie des « mouvances », autrement dit des fiefs. Plusieurs maisons relevaient du roi, soit comme seigneur de Fougères, soit à cause de son domaine de Rennes. Deux maisons étaient exemptes du paiement de toute redevance dont l'une parce que son possesseur, Nicolas Racine, l'avait rachetée en versant un capital au trésor de la duchesse Anne qui, en 1488, en avait un urgent besoin [Note : Nicolas Racine était un avocat et riche bourgeois de Rennes, comme le prouvent divers textes de 1485 à 1493. En cette dernière année, il fut commis par le roi au nombre des conseillers des grands jours (Dom Morice, Histoire de Bretagne, Preuves, t. III, c. 462, 562, 692 et 782)]. La majorité des maisons étaient dans la seigneurie du chapitre. Celle-ci s'accrut en 1674 de la mouvance de trois maisons de la rue du Chapitre, cédée par l'évêque en échange de celle qui pesait sur d'autres maisons acquises par les prêtres du grand séminaire, rue d'Échange et rue Saint-Étienne.

La plupart de ces maisons étaient des tenures roturières [Note : Tel sera le cas de l'hôtel de Blossac]. Un petit nombre étaient nobles. Celles-là ne payaient pas de rente féodale, mais devaient verser le « rachat », soit un an de revenu à chaque mutation de vassal.

La carte des paroisses était presque aussi enchevêtrée que celle des fiefs. La rue du Chapitre était coupée en deux par une ligne nord-sud qui donnait à Saint-Sauveur ce qui était à l'est et laissait à Saint-Étienne ce qui se trouvait à l'ouest. La cathédrale, toute proche, ne formait pas une paroisse. L'hôtel de Blossac était tout entier en Saint-Sauveur.

Quelques monuments publics se voyaient dans la rue du Chapitre. Du côté nord où s'alignaient quatorze maisons, en comptant les deux « coins » extrêmes, la seconde à partir de l'est était le presbytère de Toussaint, la huitième la chapelle Saint-Melaine (du XIIIème siècle) et la onzième était le four banal qui avait prêté son nom à toute la rue. Du côté sud, parmi les seize maisons qu'il comprenait, la onzième était la résidence urbaine des Bénédictins de Saint-Melaine et la dixième le logement du chapelain qui desservait la chapelle sise en face.

Les maisons, quoique inégales, pouvaient se répartir entre deux types. Toujours la façade sur la rue était étroite : de 10 à 20 pieds. Mais en profondeur la différence était grande. Certaines maisons n'étaient guère plus longues que larges. D'autres s'étendaient assez loin jusqu'à rejoindre la rue opposée, en traversant tout l'îlot. De l'une de celles-là nous avons une description détaillée rédigée à l'occasion de sa mise en vente comme bien national [Note : C'est le n° 5. Possédé au début du XVIIème siècle par Bonabes Biet, procureur général syndic des Etats de Bretagne, il échut à sa fille mariée à Gilles de l'Escu, seigneur du Colombier, conseiller au Parlement, et à leurs descendants. Leur petit-fils, Pierre de l'Escu, comte de Runefau, a laissé son nom à l'hôtel. La petite-fille de ce dernier, Marie-Gabrielle, fut mariée en 1725 à Jean-François de Poulpiquet du Halgouet, dont le petit-fils, Constant-Hippolyte, fut « volontaire à l'armée des Princes », ce qui explique la confiscation révolutionnaire (Archives départementales, 1 Qa 360. Rebillon, La vente des biens nationaux, p. 155, n. 178, mss. Saulnier, à la Bibliothèque municipale de Rennes)]. Les hôtels de cette catégorie comprenaient un premier corps de logis sur la rue composé de deux grandes pièces à chaque étage, l'une ouvrant sur la rue et l'autre sur une cour en arrière ; au delà de cette cour était un second corps de logis semblable au premier. Les deux logis étaient raccordés par une aile qui permettait la communication. Au delà régnait une autre cour où étaient les écuries et les remises à carrosse, débouchant dans la rue Saint-Yves. Cette dernière était moins garnie de maisons que la rue du Chapitre, où les immeubles se touchaient sans aucun intervalle.

Au XVIème et au XVIIème siècle, plusieurs maisons furent renouvelées et reçurent un rez-de-chaussée construit de pierre de taille alors que les étages supérieurs continuaient, selon la tradition médiévale, à être bâtis en pans de bois. Deux ou trois maisons s'ouvraient sur la rue par de grandes arcades en plein cintre qui étaient l'entrée de remises à carrosse.

Les terriers permettent de suivre les vicissitudes successorales ou autres de chaque maison, mais ce n'est pas ici le lieu de nous appesantir sur ces détails.

Venons-en à l'hôtel de Blossac et à l'hôtel de Brie qui est son ancêtre. La famille Loaisel de Brie était représentée au XVème siècle dans la rue du Chapitre par Jean Loaisel qui y possédait deux maisons, la première et la troisième du côté sud. La première semble avoir été elle-même la réunion de trois portions dont chacune était astreinte à une rente féodale différente. L'une, le vendredi benoît, devait au Duc « un blason d'armes apprécié deux sols », l'autre « à cause du fié au sénéchal Guillaume » payait 1 parisis, etc. Au XVIIème siècle, la seconde des deux maisons avait été partagée en deux. A cette époque, les Loaisel s'étaient défaits des maisons qu'ils avaient possédées du côté sud parce qu'ils leur préférèrent celles qu'ils avaient acquises du côté nord.

Cette famille Loaisel jouissait d'une grande notoriété surtout depuis que Jean Loaisel, en 1457, avait été président et juge universel de Bretagne, c'est-à-dire chef du Parlement. C'est lui qui acquit la seigneurie de Brie. Son fils, Guillaume, en 1500, rendit aveu pour l'hôtel de Brie, sis place du Marché-à-l'Avoir, à charge de « vingt colliers à prendre cailles ». Cet hôtel était très proche de la rue du Chapitre, mais il ne peut se confondre avec la demeure que les Loaisel y construisirent. Voici quelles causes les amenèrent d'un côté de la rue à l'autre.

Jacques Loaisel, mort, avant 1543, avait été le mari de Goharde du Tiercent. Celle-ci était arrière-petite-fille de Jean Ier du Tiercent, implanté au XVème siècle dans la rue du Chapitre, où il possédait, du côté nord, la troisième maison, celle qui suivait le presbytère de Toussaint, ainsi qu'une autre maison, assez petite un peu plus loin. Cette dernière fut englobée au XVIIème siècle dans le nouvel hôtel de Brie.

Celui-ci (au n° 8 actuel) s'éleva en 1624 sur l'emplacement de trois immeubles plus anciens et comporta trois corps de logis dont deux bâtis de pierre : un logis sur la rue percé en son centre d'une grande arcade abritant un portail, un autre en arrière décoré d'un perron et entre les deux des dépendances.

Les trois maisons remplacées par le nouvel hôtel de Brie étaient d'abord celle de Jean du Tiercent signalée plus haut, puis une maison ayant appartenu à Perrot du Breil et enfin une troisième bien plus considérable. C'était le « manoir de Fontenay », dont la surface était grande, car il avait des issues, non seulement sur la rue du Chapitre, mais encore sur celles de Saint-Sauveur et de la Mitrie. Ce manoir de Fontenay avait été originairement, le bien de l'illustre famille de Malestroit. Catherine de Malestroit, morte en 1434, l'avait porté à son époux, Jean d'Acigné, qui, par sa mère, Jeanne de Fontenay, avait hérité de la seigneurie de ce nom, sise dans la paroisse de Chartres, près de Rennes. Jean d'Acigné, chambellan du duc, était seigneur de Brie en 1452. Il est donc possible que le « manoir de Fontenay » ait été acquis par Jean Loaisel, au XVème siècle, en même temps que la seigneurie de Brie [Note : Couffon de Kerdellec. Recherches…… t. I. p, 435, reproduit par Kerviler. op. cit., t. I, p. 43. Le passage que j'ai relevé dans Morice, Preuves, t. II, c. 1628, dit seulement : seigneur de Brye].

Ce rassemblement de terres permit la construction de l'hôtel de Brie en 1624. Celui qui en prit l'initiative fut Isaac Loaisel de Brie, président au Parlement de Bretagne, marié en 1588 à Catherine Faucon de Ris, dont le père, premier président au même Parlement, est célèbre dans l'histoire de Bretagne à cause de l'enlèvement dont il fut victime, ainsi que son gendre, de la part de ligueurs opérant pour le compte du duc de Mercœur [Note : Sur cette aventure voir B. Pocquet, op. cit., t. V, p. 94]. Ces magistrats étaient protestants, mais le président de Brie abjura en même temps qu'Henri IV, semble-t-il. Son fils François, qui lui succéda en 1634, fut comme lui président au Parlement et devint en 1660 marquis de Brie. Il décéda en 1670 et sa femme, Catherine de Baud, en 1676, sans postérité. Leur héritage passa à une ligne collatérale en la personne de Guyonne de Montbourcher, alors veuve de Sébastien de Cahideuc, marquis du Bois de la Motte.

Après cette dame, en 1688, l'hôtel fut hérité par son fils Jean-François, conseiller au Parlement, mort en 1712, puis par le fils de celui-ci, Henry-Charles, qui en était propriétaire lors de l'incendie de Rennes en 1720.

Ces deux derniers messieurs n'habitèrent pas l'hôtel de Brie. Ils se transportèrent. rue Saint-Yves dans un hôtel, appelé hôtel de Lanjamet, qu'ils achetèrent en 1720. Depuis 1692, ils avaient loué l'hôtel de Brie à la ville de Rennes pour servir de résidence à l'intendant [Note : Voici les noms des intendants depuis 1692 jusqu'à leur départ de l'hôtel de Brie : Béchameil de Nointel, 1692, Ferrand, 1705, et Paul-Esprit Feydeau de Brou, 1716. Sur les familles parlementaires bretonnes il faut toujours consulter Saulnier, Le Parlement de Bretagne, 2 vol., 1909, et sur toute famille le Répertoire de bio-bibliographie bretonne de Kerviler. On possède des notices par Guillotin de Corson sur la seigneurie du Tiercent, 1903, esquissée dans la Revue de Bretagne, t. XVIII, 1897, p. 197 ; sur la seigneurie de Fontenay, Ibid., t. XII, 1894, p. 411 ; sur celle de Brie, Ibid., t. X, 1893, p. 161. Ces articles de la Revue ont été regroupés par l'auteur dans ses Grandes seigneuries de Haute-Bretagne, 2ème série, 1898. Dans la 1ère série, parue en 1897, se trouve une notice sur la seigneurie de Blossac en Goven]. Tel était l'état des choses en 1720. Nous n'avons pas encore rencontré le nom des La Bourdonnaye de Blossac.

On peut savoir cependant qu'ils possédaient un immeuble en plusieurs maisons au bout occidental de la rue du Chapitre, côté sud, héritage de la famille Le Gonidec des Aulnais.

L'incendie qui consuma le centre de la ville de Rennes en décembre 1720 détruisit à l'extrémité orientale de la rue du Chapitre cinq maisons du côté nord et cinq du côté sud. L'hôtel de Brie y perdit ses dépendances. En dehors des parties brûlées, plusieurs maisons furent en tout ou en partie démolies ou au moins découvertes pour faire la part du feu. Tel fut le cas des maisons de M. de la Bourdonnaye, à l'autre bout de la rue du Chapitre.

L'ingénieur Isaac Robelin, fortement soutenu par l'intendant Feydeau de Brou, effectua très rapidement un immense travail de remembrement. Dès août 1722, il avait dressé d'une part le plan de la ville telle qu'elle était avant le sinistre avec le tracé des propriétés particulières et, d'autre part, le plan de la future ville dans lequel les limites des propriétés étaient entièrement remaniées en partant de ce principe qu'aux habitations juxtaposées l'on substituerait des appartements superposés de manière à laisser plus d'espace aux voies de communication. Ce fut un grand bouleversement difficile et pénible, car dans l'ancienne ville mainte maison avait déjà trois ou quatre étages. Les parcelles nouvelles au lieu de s'allonger en lanières prenaient une forme massive. Un très beau plan levé en 1726 par Forestier indique par des toitures mesurées avec précision la forme exacte des nouveaux « emplacements » [Note : Francois Bergot, Une œuvre de Jacques Gabriel, l’hôtel de ville de Rennes, 1963, pl. III, p. 27].

Le terrain où allait s'élever l'hôtel de Blossac et que bornaient les rues du Chapitre, de Montfort et de Saint-Sauveur jusqu'à l'hôtel de Brie, dénommé « intendance » dans le plan, formait onze parcelles qui ne tardèrent pas à être mises en adjudication. Dans ces premières ventes, qui datent de novembre et décembre 1723, on ne voit pas encore parmi les adjudicataires M. de la Bourdonnaye-Blossac. C'est en 1727 seulement qu'il apparaît. Pour comprendre ce qui va être dit de l'hôtel, il importe de savoir ce que ce nom représentait de puissance. Ni la grandeur ni la rapidité de la construction ne seraient explicables si l'on ne se référait aux moyens dont a pu disposer celui pour qui l'œuvre a été entreprise.

Au premier abord, il semblerait que les circonstances familiales ne favorisaient pas la réalisation d'un grand dessein, en raison de la précipitation avec laquelle les générations se sont alors succédé.

Louis de la Bourdonnaye, vicomte de Coëtion, est mort en 1699, son fils, Jacques-Renaud de la Bourdonnaye de Blossac, décéda en septembre 1724. Il avait perdu sa femme dès le mois de décembre 1723. Leur fils, Louis-Gabriel, disparut à son tour le 26 août 1729, laissant une veuve et de nombreux orphelins, qui, sauf l'aîné, étaient, encore mineurs.

En face de ces causes de tristesse et de découragement possible, il faut évoquer les éléments favorables. D'abord les ressources financières produites par des alliances bien choisies : Louis, le grand-père, se maria deux fois, chacune de ses épouses était fille unique et seule héritière de ses parents. Yves-Marie de la Bourdonnaye, fils unique du premier lit, épousa une fille unique. Son demi-frère, Jacques-Renaud, fils aîné du second mariage, épousa Louise Le Gonidec des Aulnais, fille unique et unique héritière. Leur fils Louis-Gabriel, qui construisit l'hôtel de Blossac, épousa en 1713 Françoise-Charlotte Ferret, fille du marquis du Tymeur, et qui, après la mort de son frère en 1722, devint l'unique héritière de sa famille. Son grand-père, Barthélemy Ferret, détail non négligeable, était fermier général de Bretagne.

Du côté des alliances et des fonctions, les perspectives ne sont pas moins brillantes. Louis de la Bourdonnaye était conseiller au Parlement de Bretagne, Jacques-Renaud et Louis-Gabriel furent présidents à mortier de la même cour. Il en résultait un prestige redouté dans la province. Mais la notoriété de cette famille s'élevait loin au-dessus des frontières provinciales. Yves-Marie, frère de Jacques-Renaud, fut intendant de plusieurs généralités, il épousa la fille d'Antoine de Ribeyre, conseiller d'État, et d'une Potier de Novion. Le père de cette dame, Nicolas Potier de Novion, était premier président du Parlement de Paris et membre de l'Académie française. Des enfants d'Yves-Marie, le fils fut intendant, puis conseiller d'État, une fille fut mariée au conseiller d'État Lefèvre d'Ormesson. Une autre fille épousa, en 1712, Feydeau de Brou, qui, avant de devenir garde des Sceaux, fut intendant de Bretagne de 1716 à 1728. On ne perdra pas de vue qu'au moment où Louis-Gabriel de la Bourdonnaye acquérait des terrains et bâtissait son hôtel, l'intendant de Rennes, qui demeurait en l'hôtel de Brie, était son cousin germain par alliance. Le fils de Louis-Gabriel fut à son tour intendant de Poitiers et a laissé son nom aux allées de Blossac qu'il a plantées pour être l'ornement de cette ville. Il épousa en 1740 Madeleine Le Peletier de la Houssaye, petite-fille du contrôleur général qui succéda en 1720 à Law.

Pour l'accomplissement des rêves de Louis-Gabriel de la Bourdonnaye, un préalable était nécessaire, c'était que l'intendant quitte l'hôtel de Brie. Cette première étape fut franchie en 1725. Le propriétaire de l'hôtel de Brie, le marquis du Bois de la Motte, demandait à la ville de Rennes une augmentation de loyer et se refusait à reconstruire ses bâtiments brûlés. La communauté de ville lui notifia, son bail étant expiré, qu'elle ne le renouvellerait pas et que le propriétaire, à partir de Noël 1725, serait libre de disposer de l'immeuble. Pour le remplacer, la ville prenait en location le logis abbatial de Saint-Melaine que l'abbé commendataire, Martin du Bellay, mettait à sa disposition pour vingt et un ans. La ville y construirait les bureaux de l'intendance suivant les plans et les devis établis par l'architecte Le Mousseux, qui, en effet, assura leur réalisation.

Le 1er février 1727 intervint l'acte décisif : Louis-Gabriel de la Bourdonnaye de Blossac et sa femme, demeurant en leur hôtel sur les Lices, achètent, sous forme d'échange, l'hôtel de Brie au marquis et à la marquise du Bois de la Motte, qui habitaient rue Saint-Yves, l'hôtel de Lanjamet.

M. de la Bourdonnaye cédait les maisons qu'il possédait au bout de la rue du Chapitre, évaluées ensemble 16.000 livres, y compris celle dite la « Petite-Souris, mouvante de Sa Majesté sous son domaine de Rennes, à charge d'un sol tournois ». M. du Bois de la Motte donnait, en échange l'hôtel de Brie estimé 52.000 livres et cinq parcelles adjacentes à lui adjugées sur la surface incendiée [Notel : Les emplacements achetés par M. de la Bourdonnave étaient inscrits sous les lettres a, b, i, k, l dans l'îlot. T. Il y ajouta la même année les emplacements c et d du même îlot. Il a dû encore procéder, lui ou ses descendants, à quelques rectifications de frontière avec ses voisins, car le plan cadastral donne une ligne de démarcation un peu différente de celle qu'accuse le plan de remembrement consécutif à l'incendie de 1720. Sur une affaire Hardy à ce sujet, voir l'opinion de Gabriel, dans les Procès-verboux de l'Académie, publiés par H. Lemonnier. t. V. p. 152, 6 septembre 1734, et un document du 22 décembre 1739 dans le dossier E. Ville, hôtel de Blossac, aux Archives départementales]. Le total atteignait 60.000 livres d'où résultait une forte soulte de 44.000 livres à verser par M. de la Bourdonnaye qui, en outre, prenait à sa charge les frais de l'acte.

L'hôtel de Brie était en piteux état. Le logis sur la rue abritait deux locataires, mais le reste, abandonné par l'intendant, depuis un an, avait souffert de « l'entrée nocturne des voleurs et vagabonds ».

L'affaire conclue, M. de la Bourdonnave s'empressa de venir habiter son acquisition, car, lorsqu'il en prit possession légalement. le 21 mai 1727, il y était déjà installé.

Le président de Blossac (c'est sons cette forme qu'il est habituellement dénommé) arrondit son nouveau domaine par l'achat de deux autres parcelles confinant aux précédentes et dont l'adjudication fut faite à son profit le 29 juillet 1727.

Désormais propriétaire d'un vaste terrain, M. de Blossac pouvait bâtir. Mais les contours en étaient irréguliers, la façade qui s'étalait sur la rue Saint-Sauveur et la rue de Montfort était beaucoup plus longue que celle qui, sur la rue du Chapitre, était resserrée entre la partie conservée de l'hôtel de Brie et le vaste terrain borné par l'angle des rues du Chapitre et de Montfort, non acquis par M. de la Bourdonnaye. De là un plan en forme de croix dont les deux bras n'auraient pas été dans le prolongement l'un de l'autre [Note : Archives municipales, Délibérations, reg. 528, 530. Archives départementales minut. Le Loué. Intendance C 301. Sur l'hôtel projeté pour le commandant en chef par Jacques Gabriel, voir Bergot, op. cit., p. 136, pl. XXXVII et XXXVIII]. Cela posait un problème à l'architecte.

Si nous savons le terme à partir duquel put se poser la première pierre, nous tenons d'autre part un terminus ad quem : en avril 1732, la ville de Rennes, inspirée par l'intendant successeur de Feydeau de Brou, engagea des pourparlers en vue de louer l'hôtel de Blossac, alors habité par la présidente, ses enfants et son beau-frère, abbé de Saint-Maurice de Carnoët. La ville, en effet., qui avait acheté un terrain (partie est de la place de la Mairie actuelle) afin d'y bâtir un hôtel pour loger le commandant en chef, avait renoncé, après 1730, à ce projet, intimidée peut-être par le plan magnifique que lui présentait Jacques Gabriel et qui était celui d'un palais princier... avec une écurie pour quarante chevaux.

Le bail de l'hôtel de Blossac fut signé le 24 juin 1732. On peut en conclure que, cette année-là, l'hôtel de Blossac était. depuis quelque temps achevé et habitable, sauf certains aménagements et décorations intérieurs [Note : C 344. En 1759 fut dressé l'inventaire des meubles et effets appartenant à la ville dans l'hôtel de Blossac. On y mentionne les trumeaux et leurs glaces ainsi que les tentures fixes de damas de laine ou de siamoise et même de cuir doré. On louait des tapisseries pour le séjour des commandants. En 1754 la ville estima que, de 1732 à 1753 inclus, elle avait. dépensé 224.867 livres en « augmentations à l'hôtel et à embellir les apartements ». Dans cette somme n'était pas compris le loyer annuel qui fut de 6.000 livres pendant les trois premières années puis de 4.000. Il résulte de ce qui précède qu'en 1732 l'hôtel n'était pas entièrement parfait. Dans le mobilier, outre les lits, commodes, consoles, rideaux, etc., on relève, dans l'antichambre du commandant : deux magots de porcelaine de Saxe ornés de branches dorées et une pendule supportée par un éléphant de porcelaine de Saxe garni d'or moulu. Ces objets, au temps du maréchal de La Fare, étaient dans l' « appartement doré » (inventaire du 6 juillet 1750). C'est donc le duc d'Aiguillon qui les fit transporter dans son appartement personnel].

Entre ces deux pôles 1727, 1732, qui ne nous laissent que quatre années pleines, était survenue la mort du président de Blossac, en août 1729. S'il n'a pas vu l'achèvement de son rêve, on ne peut pas douter que ce soit lui qui en ait mis en train la réalisation. Or, nous possédons, dans le fonds de l'intendance de Rennes, une description de l'hôtel de Blossac presque terminé. Elle n'est ni datée ni signée, elle ne porte pas d'adresse ni aucune précision chiffrée. Mais le ton de fierté sur lequel il est parlé de l'œuvre, l'assurance avec laquelle on énumère ce qui reste à faire et ce qui se fait actuellement, révèle, à mon sens, la dictée de l'architecte. Il est à supposer que cette rédaction a été envoyée à l'intendant, sur sa demande, au moment où, renonçant à la construction d'un hôtel neuf, il envisageait la possibilité de profiter de la disparition de M. de Blossac pour loger le commandant en chef dans un hôtel qu'il jugeait trop spacieux pour une veuve.

Si ce raisonnement est juste, l'état dont je parle remonterait à 1730 environ. Le gros œuvre était alors fini. Il resterait à mettre en place divers éléments. Voici comment l'expose ce rapport [Note : C 344 et E villes et communautés. Les archives nationales à Paris possèdent un dossier sur l'hôtel de Blossac datant du Premier Empire avec de beaux plans par F13-1719. Son rapport du 13 décembre 1807 dit que de La Bourdonnaye « a divisé les appartements du rez-de-chaussée et du premier ; les grandes pièces de représentation n'ont plus le même avantage ». L’entresolement alors effectué est indiqué sur son plan, pour lequel il présente son compte le 13 août 1808, signé de Binet père. Selon Kerviler, t. III, p. 290, ce Binet était père de Jean-Baptiste Binet aîné ; le père avait travaillé à la reconstruction de la cathédrale de Rennes avec Crucy. M. de la Bourdonnaye, à qui l'État offrait 100.000 francs de l'hôtel de Blossac, fut nommé maire de Rennes par décret, impérial du 18 mars 1808] :

« L'escalier est fait, les rampes prêtes à poser et les pavés de marbre. Le passage (des carrosses) n'est pas pavé de pierres de grain. Les souterrains (sous-sol) sont tous faits à l'exception des portes et croisées : on y travaille. Toute la maçonnerie est faite à l'exception du fronton du corps avancé (avant-corps) et de la corniche sur le grand cabinet, le tout est taillé prêt à poser... Presque tout le parquet est fait, prêt à poser. Le bois de Hollande et autres pour les lambris est sur le lieu, de même que les tableaux. L'ancienne maison [Note : C'est la partie de l'hôtel de Brie sur la cour. Elle a été effectivement démolie], où seront la cuisine et les appartements à coucher, n'est point bâtie, non plus que l'escalier dégagé, mais cela se peut faire en peu de temps... Le jardin est dressé mais la pièce de broderie n'est point faite et les (cinq) statues ne sont pas posées. La grille et la porte de fer qui séparent la cour principale et le jardin n'est (sic) point faite, les fers sont audit bâtiment ; le mur d'appuy qui portera ladite grille est fondé et non finy ».

De la description j'extrais encore ces lignes : « Le tout du rez-de-chaussée est bâti de pierre de taille du côté de la cour principale et de tuffeau, de même que le tout du bâtiment du jardin, d'une très belle décoration. Les encognures et le corps du milieu (l'avant-corps) du jardin sont en bossage et ledit corps couronné d'un grand fronton dans lequel seront sculptées les armes de la maison. Et sur ledit fronton seront posés trois beaux vases de taillebourg. Les croisées seront ornées d'agraphes à leurs clefs sur la partie de la cour principale, et celles de la maison sur le jardin seront ornées de testes ou mascarons de sculpture et garnies de balcons avec tablettes de taillebourg ».

« On sort pour aller au jardin par deux portes-fenêtres, l'une à la grande salle et l'autre au grand cabinet, le tout de simétrie. Les étages dudit rez-de-chaussée ont quinze pieds et demy de hauteur sous plafond. Les plafonds seront de blanc en bourre, beaux et très solides. Les croisées sont de belle proportion. Le tout sera lambrissé de bois de Hollande, et la grande salle sera ornée de quatorze grands tableaux de chasse, peints par Desportes [Note : François Desportes (1664-1743) était alors au sommet de sa réputation de peintre animalier. En 1735, il peignait huit grandes chasses pour les Gobelins. Je ne sais si les peintures commandées pour l'hôtel Blossac ont été faites. Le Musée de Rennes possède de Desportes une grande chasse au loup, don du Gouvernement. Le catalogue de l'exposition artistique de Rennes. en 1863, publié par Aussant, énonce de Desportes un Lièvre mort et des Oiseaux], suivant le dessin desdits lambris. Les cheminées sont de marbre de Germes (Carrare) et autres : le tout parqueté, à l'exception de la grande salle et du vestibule. Les autres appartements seront ornés de quantités d'autres beaux tableaux contenus dans les mêmes lambris de bois de Hollande mais de différents dessins ».

L'hôtel de Blossac, tel qu'il a été exécuté, manifeste un esprit fécond en initiatives : rien de semblable ne s'élevait alors à Rennes. Que l'on compare les fort jolis escaliers de bois des numéros 3 et 5 de la rue du Chapitre avec le « superbe escalier » de l'hôtel. C'est à Paris qu'il faut aller chercher des termes de comparaison.

Des hôtels parisiens contemporains on retrouve à l'hôtel de Blossac le monumental portail sur la rue avec son inscription « en lettres d'or sur une table de marbre », aujourd'hui perdue, mais que l'on restitue sans hésitation « HÔTEL DE BLOSSAC ». Ce portail franchi, l'on pénètre dans la cour d'honneur. Ici se place une innovation capitale de l'architecte. Les hôtels de Paris comportaient habituellement deux façades, l'une sur la cour, visible dès l'entrée, l'autre, à l'opposite, sur le jardin. La demeure s'affirmait entre cour et jardin. A Rennes, l'architecte a jugé ce plan irréalisable... mais il n'y a pas renoncé. Au lieu d'adosser les deux façades, il les a alignées bout à bout. Une première façade domine la cour. A la suite, une seconde façade regarde le jardin. Cette partie, plus décorée, plus riante, possède un avant-corps surmonté d'un fronton qui anime la muraille. L'appareil à bossage diffère nettement de la première partie sur cour plus simple, plus plate, mais qui échappe à la monotonie par une grande arcade en plein cintre. Là est l'entrée d'un passage carrossable qui traverse toute l'épaisseur du bâtiment et débouche sur la basse-cour.

Cette voie cochère se combine très habilement et gracieusement avec l'escalier qui est le morceau de choix de cet ensemble. La cage est immense. Si elle est située, inhabituellement, à l'extrémité de la demeure, c'est que l'architecte aura pensé que les pièces placées en cet endroit donnant sur une rue étroite auraient, eu le double inconvénient d'être mal éclairées et exposées aux regards plongeants du voisinage.

A droite un escalier court accède au rez-de-chaussée, à gauche se déploie en trois volées celui qui monte l'étage. Des colonnes de marbre rouge répartissent la niasse entre trois travées. Cet harmonieux agencement groupe en une synthèse et nullement entassés les éléments que l'on retrouve séparés dans les hôtels contemporains comme l'hôtel Peyrenc de Moras (hôtel de Biron) à Paris ou l'hôtel de ville à Rennes.

Depuis longtemps on a cherché à expliquer la façade en apparence disparate de l'hôtel de Blossac. Se trouvait-on en face de deux constructions d'âge différent ? Ou bien chacune était-elle destinée au logement d'un ménage ? M. de la Bourdonnaye ayant de nombreux enfants aurait pu avoir cette pensée. Ou encore une partie était-elle destinée à l'apparat d'un gouverneur et l'autre à ses bureaux ? Cette dernière opinion ne peut tenir devant ce fait que l'hôtel n'a pas été projeté pour loger le représentant du roi. Les trois hypothèses couramment émises s'effondrent devant les textes : l'hôtel de Blossac forme un tout et a été construit d'un seul coup. Le voisinage de deux façades côte à côte, l'une sur cour, l'autre sur jardin, a perdu de sa clarté depuis que le jardin et la cour privés de la grille qui les séparait ne sont plus qu'une steppe uniforme. Mais c'est la seule explication qui concorde avec les documents et la logique.

Qui a été l'auteur de cette œuvre magistrale ? Ici nous avons un document qui émane de Jacques Gabriel lui-même. Le grand architecte avait été envoyé par le roi à Rennes dans les derniers mois de 1724 [Note : Par arrêt du Conseil du 14 octobre 1724 (Charil de Villanfray, Reconstitution de la propriété urbaine après l'incendie de Rennes, 1923, p. 58)] pour apaiser les Rennais et procéder au remplacement de Robelin. Son rapport au contrôleur général daté du 26 janvier 1725 est conservé dans les archives de l'intendant. Gabriel y énumère les noms des candidats au poste d'ingénieur en chef de la reconstruction de Rennes et juge les mérites de chacun. Le premier nom qui vient sous sa plume, et à dessein, est celui du « sieur Le Mousseux, établi à Rennes depuis quelques années... Il est bon architecte, il a fait le haras du Roi en Normandie qui est un bâtiment considérable, et plusieurs autres ouvrages de conséquence et serait capable de remplir cet emploi. Il a donné les dessins de plusieurs grandes maisons et hôtels dans la ville de Rennes ». Après Le Mousseux, Gabriel présente, mais en des termes bien différents, « le sieur Huguet, aussi établi à Rennes depuis quelques années... Il est très bon dessinateur, mais je ne le crois pas assez fort dans la pratique de l'architecture pour exercer cet employ en premier. Il pourrait être adjoint en second à celui qui sera choisi ».

Il est inutile de parler des autres candidats. Ils ne vinrent pas à Rennes, car les propositions de Gabriel furent ratifiées par le ministre.

Comme auteur de l'hôtel de Blossac, Huguet, mentionné ici en seconde ligne et surtout comme décorateur, n'a aucun titre. Il en va autrement de Pierre Le Mousseux. S'il a construit le haras du Pin, dans l'Orne, son talent était grand. Mais nous n'avons pas de bonne monographie de ce monument et ceux qui en ont parlé ne l'attribuent pas à Le Mousseux. Il est possible qu'il y ait été exécutant et non créateur [Note : A. Vois, dans le Congrès archéologique de 1953 tenu dans l'Orne, p. 309. Les travaux d'exécution du haras du Pin durèrent de 1716 à 1728. Le projet d'hôtel de ville pour Rennes est reproduit par Bergot, op. cit., pl. XII et p. 54. Sur toute cette question, voir Louis Hautecœur, Histoire de l'architecture classique en France, t. III, 2ème éd., 1950, p. 479, etc... Sur Huguet, voir Lucien Decombe, extrait du Bulletin de la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, t. XXXII, à part, 1903. Mlle Maloubier-Tournier, dans les Annales de Bretagne, t. LXIX, 1962, p. 93, 97, et Bergot, op. cit., p. 51-52. Sur O. Delourme, voir H. du Halgouet, Par monts et par vaux. Au pays de Josselin, 1943, p. 98. Sur les architectes nantais, voir P. Lelièvre, Nantes au XVIIIème siècle, 1942]. A Rennes nous pouvons juger le talent de Pierre Le Mousseux d'une façon moins conjecturale. Il a bâti l'aile des bureaux de l'intendance au logis abbatial de Saint-Melaine. C'est une œuvre consciencieuse, mais qui ne dénote aucune originalité. Du même homme est la façade projetée pour l'hôtel de ville de Rennes en 1729. Elle est d'une monotonie assez ennuyeuse. Si Le Mousseux a « donné le dessin » d'hôtels à Rennes, il les a soumis à la discipline imposée par l'architecte en chef. Lorsqu'en 1730 il quitta Rennes, il se rendit à Dijon, où, sous la direction de Jacques Gabriel, il travailla à la salle des États et à son magnifique escalier. De ces diverses constatations, il ressort une conséquence, c'est que Le Mousseux n'avait nullement le génie inventif que réclame l'hôtel de Blossac.

L'artiste à l'imagination fertile que cet ouvrage suppose peut être Jacques Gabriel lui-même. Je pense, jusqu'à preuve du contraire, qu'il ne peut être que lui.

Certes la Bretagne possédait alors d'habiles constructeurs. Olivier Delourme, au château de Loyat près de Josselin, a édifié un escalier et un vestibule qui sont un tour de force stéréotomique et une belle chose. Mais aucun travail de lui n'a été identifié à Rennes.

A Nantes, l'île Feydeau a vu s'élever de grands hôtels, mais c'est un peu plus tard que les œuvres les plus brillantes ont vu le jour.

Si Jacques Gabriel n'habitait pas Rennes, il était obligé d'y venir quelquefois, il était en continuels rapports avec les Rennais. Il a été l'architecte de l'hôtel de ville dont l'escalier présente d'incontestables ressemblances avec celui de l'hôtel de Blossac [Note : On a remarqué combien les mascarons qui décorent les clefs des fenêtres de l'hôtel de Blossac sont proches parents de ceux que Gabriel a placés aux baies de l'escalier du Palais et à celles de l'hôtel de ville de Rennes]. Cet hôtel peut lui être attribué, au moins provisoirement, sans excès de témérité.

(Barthélemy POCQUET DU HAUT-JUSSÉ).

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