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L'ANCIENNE TOUR DE L'HORLOGE (ou BEFFROI) DE RENNES

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Vers l’an 1460, les bourgeois de Rennes résolurent d’édifier un beffroi, et dans un mandement du 17 février 1468, François II, duc de Bretagne, disait qu’il voulait que « l’ouvrage de cet horloge fust faist de telle façon qu’il en fust bruit et renom et pour cet effet que la closche en fust du plus grand poids et grandeur que faire se pouroit ».

L'ancienne tour de l'horloge à Rennes (Bretagne)

Ce beffroi fut élevé sur l’une des tours de la première enceinte de la ville, la tour Saint-James, haute d’environ 60 pieds, située à l’emplacement de la maison actuelle faisant l’angle des rues Lafayette et Châteaurenault, près de la chapelle Saint-James. Il se composait d’un donjon octogonal en pierre de 40 pieds de haut au bas duquel régnait une galerie couverte en ardoises reposant sur les corbelets de la tour. Au-dessus de ce donjon était élevée une charpente d’au moins 30 pieds de haut, revêtue de plomb à l’extérieur ; au dehors de cette charpente une seconde galerie régnait sur le mur du donjon. Trois cadrans se voyaient à l’est, au sud et à l’ouest, et une niche au nord abritait une statue de saint Michel, en plomb doré, terrassant un dragon. Cette image de saint Michel, dit le procès-verbal d’adjudication de 1523, « tournera la teste, haussera le bras, ayant espée en main, à chacune des heures que ladite horloge sonnera, et aussi à chacune desdites heures, buglera et criera ledit diable, étant sous ledit image de saint Michel ».

Au-dessus de cette charpente existait une lanterne surmontée d’une flèche recouverte en ardoises et terminée par une girouette. L’ensemble était monumental et atteignait près de 150 pieds (50 mètres de nos jours).

On accédait à cette tour par un escalier extérieur en pierres, couvert en ardoises et accolé à la chapelle Saint-James. Cet escalier conduisait à une chambre située au premier étage.

L'ancienne tour de l'horloge à Rennes (Bretagne)

A l’intérieur de la lanterne, se tenait, en plus de trois appeaux sonnant le Regina cœli laetare, Madame Françoise, la grosse cloche, ainsi dénommée, et dont la voix était si puissante que Dubuisson-Aubenay écrit dans son itinéraire de Bretagne, au XVIIème siècle :

« Elle est sciée par un côté expressément afin de lui diminuer la force du son qui pourrait être trop confus pour distinguer les heures, et ébranlerait le clocher qui est fort délicat. Ils disent que le son faisait avorter les femmes grosses tant il était épouvantable ».

Cette horloge que l’on appelait à cette époque communément « le gros » avait une réputation considérable puisque Rabelais dans son livre Pantagruel, livre II, chapitre XXVI, écrivait : « Pleust à Dieu que chacun de vous eust deux paires de sonnettes de sacre ou menton, et que ieusse ou mien les grossies horloges de Renes, de Poitiers, de Tours et de Cambray pour veoir laubade que nous donnerions on remuement de nos badigoinces ».

Et Noël du Fail, auteur breton, dans le chapitre XIX des Contes et Discours d'Eutrapel, constate la puissance du timbre de « dame Françoise » lorsqu’il fait dire à Eutrapel : « Quand estant égaré en la forent de Liffré, qu’il pleut, vente, tonne et gresle, j’oy cette grosse cloche de Rennes (car c’est une femelle comme ovrez) sur la plomberie de laquelle, si haute qu’homme de nostre aage n’y pourrait atteindre, celuy grand de corps et de nom Roy François y escrivit d’un poinçon, l’an 1522, ce mot François qui y est encore : quand je l’oy, di-je, sonner, et de son impétueux éclat fendre et ouvrir l’air, cela me rasseure de ces vaines peurs nocturnes, et remet au droit chemin : il est escrit tout à l’entour :

Je suis nommée Dame Françoise

Qui cinquante milles livres poise

Et si de tant ne me croiez

Descendez-moy et me poisez.

 

Quatre clochettes à l’entour d’elle,

Par un concert assez joli

Prévenant chaque heure nouvelle,

Sonnent le Regina Cœli.

 

Comme une vivante personne.

L’horloge fait jouer saint Michel,

Qui frappe, chaque fois que l’heure sonne,

Satan, notre ennemi mortel ».

La grosse Françoise avait huit pieds francs de dedans en dedans, elle fut fondue ainsi que les trois appeaux en 1480, sur le placis Saint-François, par Jehan et Allain Gahard, fondeurs du comté de Nantes.

Elle était grosse, majestueuse, et pesait 40.134 livres, et les trois appeaux réunis pesaient 2.230 livres.

Les mouvements du mécanisme de l’horloge furent traités, en 1471, à Alain Evrard, pour la façon des roues et des mouvements, et à Boisramé, cordier, pour le câble destiné à porter le contrepoids des mouvements.

Les deux gros marteaux de fer de l’horloge, l’un de 396 livres, l’autre de 375 livres, furent forgés par Robin, de la Beaucé, ainsi que deux autres marteaux de 45 livres et de 37 livres.

Hélas ! la belle Françoise, dont les Rennais étaient si fiers, eut des malheurs : Au cours de l’hiver 1563-1564, par suite d’un froid excessif, nous dit un document de l’époque, la grosse Françoise se fendit, par le bas à la hauteur d’environ quatre pieds et demi et elle ne rendit plus qu’un son plus sombre et dont on avait peine à distinguer et compter les coups de chaque heure.

Jean Jolly, forgeur de profession, fut chargé de « cier, limer et croître l’entre-deux de la fente », mais malgré tous les soins qu’il y apporta, la grosse Françoise ne retrouva pas sa belle et puissante voix.

Pendant 160 ans, l’horloge publique régla les occupations de la Cité, toute la vie était subordonnée à ses mouvements et aux appels de Dame Françoise.

Lorsque, dans la nuit du 22 au 23 décembre 1720, sa grosse voix se fit encore entendre appelant tous les habitants au secours de sa ville en flammes, elle prolongea ses appels jusqu’au moment où le beffroi atteint lui-même par les flammes s’écroula, entraînant dans sa ruine la pauvre Françoise qui, se brisant en plusieurs morceaux, s’ensevelit, sous les ruines de la tour, écrasant dans sa chute la vieille chapelle Saint-James.

La tour de l’horloge et la grosse Françoise, le plus beau des monuments de la cité et la gloire des Rennais, avaient vécu.

Sur une ancienne gravure représentant l’incendie de la ville, on lit l’épitaphe suivante :

« Rare dans ma grandeur, superbe en mon espèce,

Je me vis admirer de l’un et l’autre sexe.

Claque journée, au son de mon pesant marteau,

Tout marchait devant moi pas à pas au tombeau,

Et, ne cédant qu’a peine à la force majeure,

J’ai sans cesse frappé jusqu’à ma dernière heure.

Voyant ma Ville en feux, il me fallut la suivre,

Et, la voyant périr, je ne pus lui survivre.

Et, comme je servais une cité chrétienne

Qui réglait en tous temps sa conduite sur la mienne,

Ville, dont je faisais l’ornement le plus beau,

Dieu  permit qu’un lieu saint me servît de tombeau ».

S’il faut en croire le récit d’un moine Jacobin, retrouvé par M. Ducrest de Villeneuve et publié par cet auteur dans son Histoire de Rennes, cet événement aurait été prédit par Nostradamus lui-même « En 1720, la grosse Françoise tombera et Senner brûlera » ; or Senner est l’anagramme de Rennes.

De tous les bâtiments et monuments détruits par l’incendie, ce fut la perte de l’horloge qui causa le plus de regrets et dans une réunion du 19 août 1723, le maire disait à sa compagnie assemblée : « Que de toutes les pertes que la ville de Rennes a souffert par l’incendie y arrivée au mois de décembre 1720, il n’en est point qu’elle regrette davantage et dont elle reçoive plus d’incommodités que de celle de son horloge public ; les variations perpétuelles des autres horloges particulières qui ne sont point réglées et que pour être trop petits ne se font point entendre que très peu ou rarement, de plus retardent ou avancent les uns plus, les autres moins, ce qui cause l’incertitude des heures qui doivent régler celles des ouvertures et clôtures des differens tribunaux de justice, des marchés publics, des colèges, des repas et du travail des artisans et ouvriers d’où il arrive un dérangement et une confusion depuis près de trois ans qui cause un préjudice très considérable à tout le public en ce que les parties toujours attentives à profiter de l’absence involontaire de ceux contre lesquels ils ont affaires se rendent les premières aux audiences et y obtiennent des défauts contre eux qui leur causent de grands frais pour se faire restituer ; que les marchés publics ne se règlent plus que par l’estime arbitraire de l’heure, ce qui fait que les maîtres des arts et métiers auxquels les règlements de police défendent de s’y trouver avant l’heure permise contreviennent journellement à ces règlements, que les écoliers se servent du prétexte de cette incertitude de l’heure pour venir tard et même s’absenter des colèges et authorysent sur ce fondement leur libertinage, que les artisans et ouvriers ne viennent plus que tard sur leurs travaux et à leurs ouvrages, les quittent avant l’heure ordinaire et n’y reviennent que longtemps après qu’ils le devraient faire, ce qui prive les habitants qui les payent également que s’ils avaient travaillé tout leur temps de toute l’utilité et de tout le fruit qu’ils en devraient retirer...  Et la Communauté délibère et arrête que Monseigneur l'Intendant sera très humblement suplié de vouloir bien remédier à tous ces inconvénients et à beaucoup d’autres qu’il serait beaucoup trop long de rapporter, de lui permettre de faire dresser des conditions pour parvenir au bout des réparations à faire à la tour du gros horloge... de vouloir bien faire quelque attention sur le triste état où cette malheureuse ville ensevelie depuis près de trois ans sous les cendres et que le temps achève de ruiner ».

L'ancienne tour de l'horloge à Rennes (Bretagne)

L’attachement de la Communauté et des habitants de la cité à leur horloge s’expliquait facilement : le beffroi comportant une horloge étant en quelque sorte le symbole des prérogatives municipales.

En Bretagne, où l’esprit communal était très peu développé, peu de villes possédaient un beffroi et une horloge. On n’en comptait que deux, celui de Fougères qui subsiste encore et abrite la cloche fondue en 1387, et celui de la tour de l’horloge de Dinan construit du XIVème au XVème siècle ; sa cloche a malheureusement été refondue récemment, elle datait du temps de la duchesse Anne.

(G. Nitsch).

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