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UN HOPITAL A RENNES AU XIIIème SIECLE

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Dans son article du Dictionnaire d'Ogée, consacré aux hôpitaux de Rennes, M. Marteville cite comme les plus anciens établissements de ce genre dans notre ville les deux Maisons-Dieu de Saint-Yves et de Sainte-Anne, celle-ci fondée en 1340, l'autre en 1358. Il entre dans quelques détails intéressants sur l'histoire de ces deux hospices, et dans une note de la page 576, il ajoute : « On a aussi quelques notions sur un autre hôpital du nom de Saint-Jacques qui existait en dehors des murs, à peu près où est maintenant la place du Palais ».

L'existence de l’hôpital Saint-Jacques, établissement charitable, n'était pas un doute pour moi, seulement je manquais de renseignements certains sur l'époque de sa construction et sur les faits qui pouvaient le concerner. J'ai fini par en retrouver les traces dans plusieurs documents de nos archives départementales, et je puis maintenant être plus affirmatif.

A priori il paraît incroyable qu'une ville épiscopale, regardée dès le XIIème siècle comme la capitale du duché de Bretagne, fût arrivée jusqu'au milieu du XIVème siècle sans posséder dans son sein un hôpital : ces sortes de fondations, connues au XIIIème siècle sous les noms d'Hostel-Dieu, Maison-Dieu, Aumonnie (Elemosinaria), ne pouvaient manquer d'être représentées à Rennes.

En effet, une curieuse charte de 1231, conservée dans l'ancien fonds du Chapitre de l'église cathédrale de Saint-Pierre, constate qu'à cette date il y avait à Rennes une Aumonnie, une Maison-Dieu de cette espèce. Voici la traduction de cette pièce :

« Pierre duc de Bretagne comte de Richemond à tous ceux qui les presentes lettres verront salut. Sachez tous que les mille et deux cents livres delivrées par nous à l'évêque et au chapitre de Rennes pour l'oeuvre (ad opus) des églises détruites et de L'HÔPITAL ou Aumonnie de Rennes, laquelle somme ils nous avaient prêtée, nous la leur avons rendue par la main de Girard, notre clerc. Eux de leur côté nous ont rendu vingt livres et seize sous et sept oboles en oboles d'or par la main du même clerc, lesquels leur avaient été fournis en gage par Georges le Metayer, Raoul de Saint-Gilles, Guillaume de Monlgermont, chevaliers ; et par Foucaud notre sergent, Pierre fils d'Arnulphe et Durand le Tourneur, citoyens de Rennes. En témoignage de quoi nous avons fait sceller les presentes lettres de notre sceau. Fait à Rennes, le jour de la vigille Saint-Martin lan de grace 1231, au mois de novembre ».

Cet acte, outre qu'il prouve notre dire, à savoir, l'existence à Rennes d'un hôpital ou Aumonnie, antérieur à Sainte-Anne et à Saint-Yves, est très-curieux au point de vue de l'histoire de Rennes. Remarquons ici qu'il constate la ruine de plusieurs églises au XIIIème siècle, et parmi elles je signalerai une des anciennes paroisses de la ville, Saint-Pierre-du-Marché, en rapprochant du présent document une charte de 1231 aussi, faisant partie du fonds de Saint-Georges, et contenant la donation de Saint-Sauveur à la susdite abbaye par le chapitre de Rennes.

Revenons à notre hôpital : la charte que nous venons de lire en atteste bien l'existence, mais l'époque à laquelle il fut fondé doit remonter plus haut. Je crois l'avoir rencontrée, cette époque, dans une notice que me fournissent les mêmes archives du chapitre.

Malheureusement je n'ai pas retrouvé le texte latin de l'acte de fondation. Toutefois, un inventaire général des titres du chapitre dressé en 1700 (5 G, 12) relate sous la rubrique Hospitaux, le titre suivant :

« Lettres par lesquelles le duc Pierre de Bretagne promet bailler, franchir et garantir contre tous, les vignes (ici, plusieurs mots passés comme illisibles par le copiste) qui fut à Jean de la Monnoye pour leur terre que le chapitre a baillé pour faire la Maison-Dieu, en lan 1213 ».

Voilà donc la date de cet établissement charitable. Maintenant, où est la preuve qu'il portât le nom de Saint-Jacques ?

Le registre de la Réformation du domaine, en 1646 et années suivantes, document authentique et précieux sous plus d'un rapport, dit en termes formels que le couvent de Saint-François, autrement des Cordeliers, était autrefois et avant la venue à Rennes de ces religieux, nommé Hôpital Saint-Jacques.

En outre, il était de tradition constante, dans l'ancienne maison des Cordeliers de Rennes, et j'en possède la preuve écrite, que lors de l'établissement de leur ordre à Rennes, au XIIIème siècle (vers 1230), on leur donna à desservir, à titre de chapelains et aumôniers, l'église de l'hôpital Saint-Jacques, ainsi appelé parce qu'on y recevait les pèlerins qui se rendaient à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice, ou qui en revenaient. La place située vis-à-vis l'entrée du monastère des Cordeliers (aujourd'hui partie de la place du Palais) s'appelait encore avant la Révolution le Cimetière Saint-Jacques, et, jusqu'à l'incendie de 1720, il y existait une croix fort ancienne, disent les documents qui en font mention.

Une notice manuscrite, sur le couvent des Cordeliers, ajoute que lorsqu'on baissa le terrain de la place du Palais, et lorsqu'après l'incendie les religieux firent bâtir leur grande maison formant l'encoignure de ladite place et de la rue Saint-Georges, on trouva beaucoup d'ossements humains. Enfin, lors de l'érection de la statue équestre de Louis XIV, en 1730, sur la même place du Palais, M. de Brou, intendant de Bretagne, ordonna la suppression de la croix du cimetière Saint-Jacques, à la sollicitation de M. Rallier, maire de Rennes.

Il semble que la position du couvent des Cordeliers de Saint-François et la nature des terres de leur enclos, où, d'après les réformations de 1455 et de 1646, on voit encore figurer des vignes, ne laissent pas de doute que ce monastère, qui avait été au XIIIème siècle l'hôpital Saint-Jacques, ne fût identique à l'ancien hôpital mentionné dans l'acte de 1213, où il est aussi question de vignes données par le Chapitre pour la construction d'une Maison-Dieu.

Je regarde donc comme établies d'une manière certaine la date et l'existence d'un hôpital à Rennes, antérieur à Sainte-Anne et à Saint-Yves.

Ainsi, avant le XVème siècle, Rennes avait vu s'élever successivement cinq hôpitaux, sans compter la léproserie ou maladrerie de Saint-Lazare, dite aussi la Madeleine, sur laquelle je me réserve de donner quelques explications, en réfutant une erreur commise par M. Marteville au sujet de cet établissement. Les cinq hôpitaux étaient donc :

1. L'hôpital Saint-Jacques, fondé par le chapitre de Rennes en 1213, et devenu, à la fin du même siècle, couvent de Cordeliers.

2. La Maison-Dieu Sainte-Anne, dont la curieuse fondation demandera un article spécial.

3. L'Hôtel-Dieu ou hôpital Saint-Yves, fondé en 1358 par Eudon le Bouteiller, prêtre du diocèse de Tréguier. L'acte de fondation, dont je possède une copie, est plein de curieux détails, et les archives de cet hospice ne sont pas sans intérêt.

4. L'hôpital Saint-Thomas, devenu au XVIème siècle prieuré, puis collège, et enfin donné aux jésuites en 1604 par la communauté de ville.

5. L'hôpital Sainte-Marguerite, mentionné sous ce titre dans la réformation du domaine ducal en 1455. La chapellenie qui en dépendait avait été fondée en 1412 par Messire Guillaume de la Mote, Sr. de Pocé et du Maffay, et dotée de 30 livres de rente en fiefs nobles, « ès paroisses de St Marc, de St Germain sur Ille, et de Melesse ».

Nous ne parlons pas ici des hôpitaux de fondation plus moderne, comme l'hôpital Saint-Méen ou du Tertre de Joué et l'hôpital général dit primitivement la Santé, sur lesquels M. Marteville a donné des notices suffisamment exactes. (P. D. V.).

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