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Histoire du culte de la Sainte-Vierge dans l'archidiocèse de Rennes, en dehors de la ville métropolitaine.

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Après la province de Tours, si riche en monuments d'amour pour la sainte Vierge, nulle autre province ne trouve mieux ici sa place que la catholique Bretagne, dont se compose cette religieuse province ecclésiastique, que le saint-siège a récemment érigée, en laissant Nantes à son antique circonscription. Sans doute, la Bretagne honore sainte Anne comme sa patronne séculaire, et Sainte-Anne d'Auray est son pèlerinage de prédilection, devant lequel tous les autres pèlerinages semblent s'effacer. Auray est comme la terre sainte de la Bretagne ; ou plutôt la Bretagne tout entière est comme le royaume de sainte Anne ; mais la dévotion à Marie, loin d'en souffrir quelque atteinte, y a gagné. L'amour de la mère a rendu la fille plus chère ; les deux dévotions se sont accrues l'une par l'autre comme deux flambeaux qui se rapprochent, comme la lumière de deux astres qui s'unissent. La dévotion à Marie, en effet, dans ce religieux pays, est présente en chaque famille, vivante en chaque cœur, si l'on peut ainsi dire. Partout, à l'intérieur et à l'extérieur des maisons, brille son image bénie ; on la voit aux portes et aux fenêtres, non-seulement dans les grandes cités, mais dans les villes moindres et dans les bourgades ; on dirait que la Bretagne tout entière est comme un vaste sanctuaire de la sainte Vierge, couvert d'innombrables ex-voto commémoratifs de quelque bienfait obtenu par elle. La plupart des Bretons portent sur eux le scapulaire de Marie, sont agrégés à son Rosaire, à son Cœur Immaculé, ou à quelque autre confrérie établie en son honneur. Dans toutes les angoisses de la vie, c'est vers elle qu'ils tournent leur regard et leur espoir ; et lorsqu'en ces derniers temps encore ils furent à deux reprises menacés du terrible choléra, ils le conjurèrent en recourant à Marie. Aujourd'hui comme toujours ils tiennent à gloire cette dévotion, non-seulement comme un héritage que leur ont légué leurs ancêtres, mais comme un souvenir illustre de leurs rois et de leurs ducs, dont ils sont fiers de suivre les traces glorieuses.

Rien de plus remarquable en effet que les sentiments de ces princes à l'endroit de la sainte Vierge. Un jour Grallon, second roi de la Bretagne, fut attaqué par les Danois ; dans ce danger, il se recommande à Marie ; fort de sa protection, il taille en pièces vingt-cinq mille ennemis sous les murs d'Argol ; et, en reconnaissance de cette victoire, il fonde le monastère de Notre-Dame de Landevenec, auquel il donne son ancien château, avec tout le butin pris sur les Danois. Les successeurs de Grallon ne furent pas moins magnifiques dans les fondations qu'ils firent en l'honneur de la sainte Vierge. On voit un d'entre eux, Hoël, premier du nom, porter le dévouement pour Marie jusqu'à s'obliger à son service, lui, son royaume et toute sa noblesse. Il institue en son honneur un ordre de chevalerie, composé de dix nobles chevaliers sans reproche, sous le titre de chevaliers de l'Hermine, dont il se déclare le grand maître. Il veut que cet ordre de Marie soit illustre entre tous ; et, en conséquence, il donne aux chevaliers les livrées royales de Bretagne, savoir, le grand manteau d'écarlate blanche, dite herminienne, doublé de rouge incarnat, avec le mantelet et le chaperon de même couleur, et au col un cordon de soie blanche et noire, au bout duquel pendait une hermine d'or, accolée de la jarretière. flottante de Bretagne, avec la devise Kent-mervel, c'est-à-dire : Plutôt mourir. Les nobles chevaliers, le jour de leur réception, faisaient hommage à la Vierge Marie, et juraient solennellement d'employer leurs corps et leurs biens pour la défense de son honneur et l'amplification de son service.

Rivallon Murmacyon, autre roi de Bretagne, attaque, en l'an 502, une armée de cinquante mille Danois, commandés parle corsaire Corsolde ; il est bien inférieur en nombre à ses ennemis, mais il met sa confiance en Marie. Par sa céleste assistance, il remporte la victoire ; et, plein de reconnaissance, il lui élève la chapelle de Notre-Dame en l'île de Callot, vis-à-vis Saint-Pol de Léon, pour y être a jamais un mémorial de la puissance et de la bonté de cette reine des cieux. Le duc Alain II, dit Barbetorte, obtient également, par Marie, la victoire sur quatre-vingt-dix mille Normands, comme nous l'avons raconté en traitant l'histoire du culte de la Mère de Dieu dans la ville de Nantes. La princesse Hermangarde d'Anjou, épouse du duc Alain IV, fille spirituelle de saint Bernard, fonde le monastère de Notre-Dame de Buzay, au diocèse de Nantes ; en actions de grâces de l'heureux succès des armes chrétiennes en terre sainte, et du retour de son mari, qui s'était croisé. La duchesse Constance, veuve du duc Geoffroy II, fonde, à deux lieues de Nantes, en 1202, le monastère de Notre-Dame de Villeneuve, où elle place des religieux de l'ordre de Saint-Bernard, pour remercier la sainte Vierge de l'avoir délivrée des embûches de Jean Sans-terre, qui avait massacré le duc Arthur Ier, son fils, et tenu en captivité la princesse Aliénor, sa fille. Blanche de Navarre, épouse du duc Jean Ier, dit le Roux, fonde, près d'Hennebont, au diocèse de Vannes, le monastère de la Joie de Notre-Dame ; et Jean II, le couvent de Notre-Dame du Carmel, près de Ploërmel, ainsi que l'église collégiale de Notre-Dame du Mur à Morlaix.  Enfin, le duc Jean IV, surnommé le Conquérant, surpassa encore tous ses prédécesseurs, non-seulement en fondant ou réparant grand nombre d'églises en l'honneur de la sainte Vierge, sur divers points de son duché, mais surtout en érigeant l'église de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, comme nous le raconterons plus bas.

De si beaux exemples donnés par les ducs de Bretagne réagirent nécessairement sur la nation entière : la dévotion à Marie devint tout à la fois populaire et profonde ; et s'enracina si fort dans toutes les âmes qu'elle a pu traverser les siècles sans s'affaiblir, vieillir sans rien perdre de sa fraîcheur et de sa jeunesse, et qu'aujourd'hui, comme toujours, elle est remarquable au plus haut degré dans les quatre diocèses de Rennes, de Quimper, de Saint-Bricuc et de Vannes, dont se compose cette province ecclésiastique, comme il sera facile de le reconnaître en les parcourant successivement.


ARCHIDIOCÈSE DE RENNES.

C'est surtout ici, comme au centre de la province, qu'éclate dans toute sa splendeur la dévotion à Marie : le diocèse se compose de cinq arrondissements ; et chaque arrondissement a son sanctuaire privilégié de la Mère de Dieu. Rennes, pour être digne d'être la capitale et la métropole d'une province si dévouée à Marie, en compte jusqu'à quatre : Notre-Dame de la Cité, Notre-Dame des Miracles, à Saint-Sauveur, Notre-Dame de Bonne-Nouvelle et Notre-Dame du Rheu. Fougères a Notre-Dame des Marais et plusieurs autres moins célèbres, mais non moins chers à la piété des Bretons ; Vitré a Notre-Dame de la Peinière, en la paroisse Saint-Didier ; Saint-Malo a Notre-Dame du Verger, en Cancale ; Montfort a Notre-Dame de Paimpont, et Redon a Notre-Dame de Joie. Parcourons, en les étudiant l'un après l'autre, tous ces pieux sanctuaires. Nous parlerons d'abord de la ville de Rennes ; nous traiterons ensuite du reste du diocèse.


HISTOIRE DU CULTE DE LA SAINTE VIERGE DANS L'ARCHIDIOCÈSE DE RENNES, EN DEHORS DE LA VILLE MÉTROPOLITAINE.

L'arrondissement de Rennes contient six paroisses qui honorent la sainte Vierge comme patronne : ce sont Aubigné, Brie, Hédé, l'Ermitage, Livré, Parthenay; et, à ces titres de gloire, il joint le privilége d'avoir dans l'église du Rheu le célèbre pèlerinage de Notre-Dame de Paimpont. On ignore l'origine de la statue qui attire tant de pèlerins ; ce qu'on sait, c'est qu'elle porte dans sa sculpture le cachet du moyen âge. La tradition du pays raconte que, lorsqu'on voulut lui élever un sanctuaire à un endroit qu'on appelle les Carrés ou la fontaine de la bonne Vierge, la Mère de Dieu indiqua elle-même la place de la nouvelle église, et qu'abandonnant les travaux commencés, on se conforma à ses intentions. Dès son installation dans ce sanctuaire, les peuples accoururent à elle : on venait surtout lui demander la pluie. Dans cette vue, on plantait le bâton de la croix dans la fontaine voisine ; et, le plus souvent, on ne pouvait revenir que bannière ployée, parce qu'il pleuvait moult grand, disent les vieilles légendes. Cette chapelle, chef-lieu d'un prieuré fondé, en 1208, par les sires d'Appigné, fut confiée d'abord aux Bénédictins de Saint-Melaine, puis aux chanoines réguliers de Billé. Au commencement du seizième siècle, probablement l'ancienne chapelle étant tombée en ruine, on transporta la statue à la chapelle d'Appigné, qui est tout proche ; et, là, elle continua de recevoir les hommages assidus des fidèles. Les femmes atteintes de convulsions se guérissaient, disait-on, en la touchant, d'autres se guérissaient de la fièvre ou de la migraine en buvant de l'eau de la source, qui est d'une clarté et d'une limpidité parfaites.

En 1790, dix jeunes gens l'apportèrent d'Appigné à l'église paroissiale du Rheu, probablement pour la soustraire aux profanations : là elle demeura oubliée et reléguée dans un coin de l'église jusqu'en 1849 : alors, le choléra apparaissant, on demanda au curé du Rheu de remettre en honneur l'antique statue. Le digne pasteur accueillit avec joie cette pieuse demande, fit restaurer la sainte image, et, le 15 août de la même année, il en fit l'inauguration solennelle, au milieu d'un concours inusité de fidèles, venus même des paroisses voisines ; on la porta en procession, et on la déposa, au retour, à une place d'honneur. Pie IX encouragea son culte par des indulgences, le ciel par des miracles : naguère encore, un enfant impotent et une paralytique y ont trouvé leur guérison, et les ex-voto suspendus aux murs en attestent plusieurs autres.

L'arrondissement de Fougères compte cinq paroisses sous le vocable de Marie, ce sont : Le Châtelier, Chauvigné, Gosné, Parigné et Rimon ; mais, de plus, il possède, premièrement, sur le rocher de Montaut, une chapelle de la Mère de Dieu très-vénérée ; secondement, sur le tertre Alix, une chapelle semblable, appartenant à la paroisse de Louvigné du Désert, qui compte encore une congrégation de la Vierge très-florissante ; troisièmement, dans l'église paroissiale de Saint-Sauveur des Landes, une congrégation du même genre ; quatrièmement, aux portes de Fougères, Notre-Dame de Rillé, réunie à l'église de Saint-Sulpice ; enfin, à Fougères même, dans une niche, au-dessus de la porte d'entrée de l'église Saint-Sulpice par la façade septentrionale, et sous un petit édicule, tel qu'on en voit dans certaines églises de campagne, Notre-Dame du Marais, ainsi appelée du lieu où elle fut découverte. Cette célèbre statue était depuis des siècles, porte une tradition constante, enfouie dans le sol, au-dessous de l'endroit où elle est exposée actuellement à la vénération des fidèles. On la découvrit, en creusant les fondations de l'église Saint-Sulpice ; et, comme ce sol était primitivement un marais, depuis longtemps desséché, on la nomma Notre-Dame du Marais. Ainsi parle la tradition du pays ; et cette tradition s'accorde de tous points avec l'histoire ; car l'histoire nous apprend que, dès les premières années du onzième siècle, il existait une église, sous le vocable de Marie, dans l'enceinte même du château de Fougères, précisément en face, et à une distance de cinquante mètres, de l'endroit où la tradition place la découverte de la statue. L'histoire nous apprend, en second lieu, que le château de Fougères fut rasé de fond en comble dans l'an 1166 ; par conséquent, l'église renfermée dans son enceinte dut nécessairement être enveloppée dans sa ruine ; la statue en pierre honorée dans cette église dut rouler avec les décombres dans les fossés du château, où elle fut trouvée trois siècles plus tard, lorsqu'on fouilla le sol pour la construction de cette partie de l'église Saint-Sulpice ; et sans recourir au caractère de merveilleux que quelques-uns ont attaché à la découverte de la statue, ces faits si simples font ressortir clairement l'antiquité du culte de Marie à Fougères ; ils démontrent que, dès le dixième siècle la Vierge Sainte était honorée comme patronne de la ville et protectrice de la contrée.

La statue ainsi trouvée dans les décombres du château est haute de quatre-vingts centimètres, et représente la Vierge assise, la tête ceinte d'une couronne à trois fleurons entièrement lisses, tenant de la main gauche l'Enfant Jésus debout sur ses genoux, pendant que de la main droite elle lui donne son sein. Le divin Maître semble sourire à sa Mère, et a la main levée comme pour bénir. Cette image est d'un seul bloc de granit, d'un grain extrêmement fin. Un malencontreux artiste du milieu du dernier siècle voulut la refaire selon ce qu'il appelait les formes du beau ; heureusement il ne réussit qu'à moitié, et lui laissa, malgré lui, son caractère primitif ; de sorte que, nonobstant les couches de dorures et de badigeon dont il la couvrit, le cachet de haute antiquité que lui attribue la tradition ressort de la pureté de l'expression et de la naïveté des poses, comme de la disposition simple des draperies.

Pendant le temps que cette statue vénérée demeura enfouie, le culte de Marie ne souffrit point de défaillance : on l'honorait d'un culte tout particulier dans une chapelle de l'église Saint-Sulpice ; une confrérie en son honneur y florissait sous le nom de la grande confrérie de Notre-Dame, desservie par sept chapelains ; et Dieu témoigna plusieurs fois aux habitants de Fougères combien lui étaient agréables les hommages qu'ils rendaient en ce lieu à sa sainte Mère. Nous lisons dans le compte des trésoriers de la paroisse des années 1494 et 1495 [Note : Chapitre des mises et dépenses. « Pour ung voyage que Colas Duval, l'un des trésoriers de cyens, a fait pour estre à Rennes par le commandement et conseil d'aucuns des principaux des paroissiens de cyens pour remontrer la bonne renommée de veaige qu'est de jour en jour à N. D. réclamée en l'église de cyens et les miracles qui évidentement s'y font de jour en autre ; laquelle remontrance faite à monseigneur de Rennes, mondit seigneur a donné et concédé à tous les bienfaiteurs de ladite fabrice de cyens quarante jours de vrai pardon par tous les jours de la sepmaine jucqs à troys ans révolus… XXVIII sous, IIII deniers »] qu'il s'y opérait de fréquents et éclatants miracles, en considération desquels l'évêque accorda quarante jours d'indulgence pour tous les jours de la semaine. Nous y lisons que, le 19 septembre 1495, un grand cierge s'y alluma de lui-même, et demeura ainsi allumé durant vingt-quatre heures, que toute la ville fut témoin du prodige, et que deux sermons furent faits pour en faire ressortir la merveille [Note : Le lundi XIXème du mois de septembre audit an (1495) environ troys heures après-midi d'iceluy jour, miraculeusement se alluma le grant cierge d'emprès l'image de Notre-Dame, lequel cierge durai, ainsi allumé, depuis l'heure prédicte jusques au lendemain environ troys heures après midi, qu'il se distienguoit tout par lui-même, ainsi que relatèrent plusieurs personnes dignes de foy, et ainsi dura allumé tout ung jour naturel. Et pour avoir donné à disner à ceulx qui avoient sonné les cloches jour et nuyt durant tout le temps que ledit cierge se tint allumé pour la exaltation dudit miracle et pour l'augmentation de la bonne place de Notre-Dame, cyens réclamée, et fut payé pour despense faite par lesdits sonneurs… X sols. - Item, à Jehan Hercent, lequel fut envoyé à la forest devers les beaux pères de Saint-François pour leur notifier et faire savoir ledit miracle, et que ce fût leur bon plaisir de venir le lendemain l'un d'eulx faire ung sermon cyens pour la exaltation dudit miracle. IV deniers. - Le mardi suivant, fit l'un des fraires de la forest le sermon cyens pour ladicte cause, auquel fut donné à diner à lui et à son compagnon, pour ce : IV sous, VI deniers].

Ces faveurs et merveilles diverses, par lesquelles Dieu glorifiait l'image de Marie, inspirèrent pour elle, aux habitants de Fougères, un attachement sans bornes ; et toutes les fois qu'aux temps de guerres civiles l'ennemi s'approcha des remparts, le premier soin des habitants fut de transférer la statue dans un lieu sûr et bien caché. Ce n'était pas qu'ils doutassent de la protection de Marie, à qui ils avaient remis la garde de leur ville, en plaçant son image sur chacune des quatre portes qui en défendaient l'entrée : fait remarquable, dont on voit encore la preuve, non-seulement dans celle de ces portes qui existe aujourd'hui, et qui présente aux regards cette même image, mais encore dans les statues placées près des anciennes portes démolies, et dans celle qui fut transportée à l'église Saint-Léonard, où le marquis du Bois-Février fonda une lampe qui devait toujours brûler devant elle. Mais, quoique Marie les eût si bien protégés, que jamais armée protestante n'avait pu pénétrer dans la ville, ils croyaient plus prudent de ne négliger aucune précaution.

Vers le milieu du dix-septième siècle, la dévotion à Notre-Dame des Marais prit un développement extraordinaire, et se propagea avec une expansion qui sembla tenir du prodige : ce n'étaient plus des personnes isolées qui venaient réclamer sa protection, mais bien des paroisses entières qui s'y rendaient, chaque année, en pèlerinage, et des paroisses étrangères au diocèse, telles que Montaudin, Larchamps et Landivy, toutes trois alors du diocèse du Mans, aujourd'hui du diocèse de Laval. Ces pieux pèlerinages se continuèrent jusqu'en 1793 ; et aujourd'hui encore les habitants de Landivy, conservant religieusement les traditions de leurs pères, viennent, chaque année, le premier jour de juillet, se prosterner aux pieds de Notre-Dame du Marais, et y assistent au saint sacrifice, célébré par leur curé, qui dirige toujours ce saint voyage.

Pour faciliter aux pèlerins le recueillement de la prière, en les séparant des allées et des venues, et du dérangement que leur suscitait l'office paroissial, on construisit une chapelle du pèlerinage, où l'on plaça la statue vénérée, sous une sorte de baldaquin, au-dessus de la baie, par laquelle elle communique avec l'église. C'est la que Marie apparaît, dans son humble sanctuaire, comme autrefois dans sa modeste demeure de Nazareth, dépouillée de toute gloire mondaine et de tout éclat, mais toujours pleine de grâces, et les répandant sans réserve sur ceux qui l'invoquent. C'est la que se conserve toujours enracinée au cœur du pèlerin une dévotion qui a résisté à l'épreuve des siècles, et qui, loin de diminuer, au milieu des défaillances de la foi, semble se fortifier tous les jours davantage ; fait qui serait à lui seul un miracle, si les grâces insignes obtenues dans ce sanctuaire n'en donnaient l'explication.

Avant la Révolution, on voyait suspendues aux pieds de Notre-Dame deux chaînes de fer dont on attachait les condamnés, et dont lui avaient fait hommage deux accusés qui avaient obtenu, par son intercession, que leur innocence fût reconnue. M. Paumier, mort curé de Saint-Sulpice, en 1715, raconte, dans une notice qui se conserve encore, la guérison subite d'une jeune aveugle de la paroisse Saint-Sauveur des Landes, qui s'était fait conduire aux pieds de celle qu'on n'invoque jamais en vain. Enfin l'amiral comte du Boueis de Guichen, natif de Fougères, saisi, dans une de ses excursions maritimes, par la plus horrible tempête, fit vœu, s'il échappait au danger, de venir en pèlerin remercier Notre-Dame du Marais ; et à peine eut-il fait ce vœu, que la mer se calma. Lorsqu'il fut de retour en France, il se hâta de venir à Fougères, et se rendit pieds nus dans le sanctuaire de Marie, proclamant à la face du monde la faveur qu'il en avait reçue.

Si maintenant de l'arrondissement de Fougères nous passons dans celui de Vitré, nous y trouvons la sainte Vierge honorée comme patronne dans onze paroisses, qui sont : Argentré, Arbresec, Bréal, Essé, Laguerche, Landavran, Montautour, Montreuil, Notre-Dame de Vitré, Pocé, Vergeal ; et de plus, nous y trouvons, sur la paroisse Saint-Didier, Notre-Dame de la Peinière, lieu de pèlerinage qui compte au moins un siècle et demi d'existence. Ce ne fut, pendant longtemps, qu'un petit oratoire, capable de contenir trois à quatre personnes, mais garni de béquilles, qui attestaient les grâces qu'on y obtenait. En 1840, on y bâtit une chapelle de trente et un pieds de longueur sur vingt de largeur ; et, depuis cette époque, les murs se sont couverts de tableaux et ex-voto, déposés par la reconnaissance pour raconter à tous les visiteurs les bontés de Notre-Dame de la Peinière. Ici, c'est la guérison d'une paralysie, d'une névrose cérébrale, d'un mal déclaré incurable par les médecins ; là, c'est l'ouïe rendue à un sourd de soixante ans, la parole rendue à un muet, la vue à une aveugle, l'usage de ses membres à une femme percluse de tout son corps ; et de ces quatre derniers faits, le curé, qui les raconte, se donne comme témoin oculaire (M. Travers, curé de Saint-Didier).
L'arrondissement de Saint-Malo ne compte que cinq paroisses sous le patronage de Marie, ce sont : Combourg, Cherrueix, la Gouesnière, l'Abbaye-en-Dol, et Hirel ; mais aussi il a Notre-Dame du Verger en Cancale, chapelle très-vénérée des marins et des habitants de toute la contrée. Les premiers y vont, par bandes, accomplir les vœux qu'ils ont faits au plus fort de la tempête ; et il n'est pas rare d'en voir les pieds nus, la tête découverte, sans autre vêtement que la chemise et le pantalon, marcher à travers la neige et la glace, par une température d'un froid saisissant, et se rendre ainsi, en priant dévotement, à la sainte chapelle, où ils remercient la Vierge de les avoir arrachés à la fureur des flots. Ce n'est qu'après avoir terminé leur pieux pèlerinage qu'ils reprennent les vêtements de la saison, qui leur sont apportés par leur épouse ou leur sœur au sortir de la chapelle. Ce sanctuaire leur est redevable, d'abord de trois petits vaisseaux donnés en ex-voto, secondement d'un tableau du naufrage de la frégate à vapeur le Caraïbe sur les côtes occidentales d'Afrique, et enfin d'un autre, représentant la fuite d'une goëlette française, poursuivie par une frégate anglaise dont elle essuie le feu.

Les habitants du pays ne sont pas moins dévots que les marins à Notre-Dame du Verger. De temps immémorial, les paroissiens de Cancale et des environs y viennent, en procession, le 14 septembre ; et cette procession fait le tour de la paroisse, partant à sept heures du matin, et ne rentrant que vers une heure après-midi : on y tient tellement, que, pendant les mauvaises années de la révolution de 1793, elle ne fut pas interrompue, et même alors on y vint en pèlerinage de cinq à six lieues à la ronde ; ce qui semblerait indiquer que la chapelle avait été fondée pour obtenir la cessation de quelque fléau qui désolait la contrée.

Quant à l'antiquité de cette chapelle, voici comment la constata, en 1831, le vénérable curé de Cancale : « Alors, dit-il, je visitai cette chapelle dont tout le monde parlait. Je ne trouvai que des ruines qui s'élevaient à peine à un mètre au-dessus du sol, et où l'on voyait une petite Vierge dans une niche. J'interrogeai sur cette chapelle une femme de quatre-vingt-quatorze ans ; elle me répondit que, lorsqu'elle avait sept ans, son parrain, alors âgé de quatre-vingts ans, l'y conduisit pour la première fois, et lui dit que jamais il n'y avait vu que des ruines. Ces ruines avaient donc alors deux cents ans d'existence. Or, continue le vénérable curé, ayant entrepris de relever la chapelle du Verger, je trouvai, en creusant les fondements, des traces d'une chapelle antérieure : donc avant la chapelle dont on remuait les ruines, et qui durait probablement depuis des siècles, le temps en avait déjà miné une autre, qui devait remonter jusque vers le dixième siècle ». Telle est l'antique dévotion à Notre-Dame du Verger, que voulut continuer le curé de Cancale, en bâtissant une chapelle neuve, qui fut bénie le 14 septembre 1833.

L'arrondissement de Montfort compte quatre paroisses consacrées à la sainte Vierge. Ce sont : Bécherel, la Chapelle-Thouarault, le Crouais, et Muel ; mais ce qui en relève la gloire, c'est Notre-Dame de Paimpont, sanctuaire bâti, en l'honneur de la sainte Vierge, par Judicaël, roi breton, ami de saint Eloi, sur le bord d'un étang, à la tête d'un pont, d'où lui est venu son nom. Ce religieux prince fit desservir cette chapelle par des religieux du monastère de Saint-Méhen, et accorda, par une charte, vers l'an 640, des terrains à tous ceux qui voudraient s'établir dans la forêt qui couvrait le pays. En effet, dans les temps les plus reculés, une immense forêt partageait toute la Bretagne : elle était au nombre des bois sacrés des druides, qui en arrosaient les arbres de sang humain ; et on y trouve encore çà et là des pierres qui servaient d'autel pour leurs horribles sacrifices. Le saint roi Judicaël jugea que le meilleur moyen de purifier ces lieux et de réparer les outrages qui y avaient été faits à l'humanité, était d'y établir le culte de la sainte Vierge, que les druides honoraient sans la connaître. En effet, Notre-Dame de Paimpont attira bientôt à elle de nombreux pèlerins qui vinrent implorer son secours et lui demander des remèdes pour toutes les infirmités humaines. Mais malheureusement, vers le commencement du dixième siècle, des pirates normands vinrent incendier et anéantir le pieux sanctuaire. Un siècle plus tard, il fut relevé par un prince de Bretagne, et devint une abbaye de chanoines réguliers de Sainte-Geneviève. Le culte de Marie reprit alors son premier lustre : de tous côtés on vint prier Notre-Dame de Paimpont ; presque tous les jours il y avait quelque pèlerinage ; le lundi de la Pentecôte surtout l'affluence était immense. Enfin ce sanctuaire acquit une telle réputation, que dans la cathédrale même de Rennes, comme dans l'église du Rheu, on consacra un autel à Notre-Dame de Paimpont (Extrait du Rosier de Marie, t. II, p. 206).

L'arrondissement de Redon ne compte que deux paroisses consacrées à Marie, qui sont Bourg-des-Comptes, et Lacouyère ; mais en compensation, il a Notre-Dame de Joie. C'est une chapelle bâtie, au bord d'une fontaine, sur un sol si marécageux que, pour en asseoir les fondements, comme pour la paver, il fallut couvrir les lieux de gros cailloux, apportés de loin. Cette chapelle, ainsi que tout ce qui s'y trouve, est de la plus grande simplicité, sans aucune ornementation ; et la statue qu'on y honore est plus remarquable par sa laideur que par la grâce de ses formes. Si donc on l'appelle Notre-Dame de Joie, ce ne peut être qu'en raison des grâces qu'on y obtient, et qui remplissent les cœurs d'une douce allégresse. La révolution de 1793 a passé par là comme par la plupart des autres églises, et y a laissé les plus tristes traces de son passage : elle en a enlevé la cloche, et a laissé la couverture, les portes, l'autel, dans le plus grand délabrement. Cependant on vient encore la prier ; et c'est presque toujours avec succès. Il y a peu d'années, un ouragan terrible ravageait la campagne, brisait les arbres, enlevait le toit des maisons : une femme, qui voyageait à cheval au milieu de tous ces bouleversements, saisie de frayeur, invoque Notre-Dame de Joie ; son cheval est tué sous elle par la chute d’un arbre ; et elle est épargnée, elle n’éprouve aucun mal. A une autre époque, une sécheresse extrême désolait la contrée : la paroisse de Méruel vient en pèlerinage à Notre –Dame de Joie ; pendant la messe l’eau tombe par torrents, oblige ceux que assistaient dehors au saint sacrifice à entrer dans l’église ; et la foule que se presse dans le saint lieu annonce à tous les assistants que Notre –Dame de Joie les a exaucés. (Hamon André Jean-Marie).

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