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L'ANCIEN COUVENT DES FRÈRES-PRÊCHEURS A RENNES

et

LE SANCTUAIRE DE NOTRE-DAME DE BONNE-NOUVELLE

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L'un des plus intéressants monastères de Rennes avant la Révolution était sans contredit celui des Frères-Prêcheurs, disciples de saint Dominique. L'histoire de ce couvent, si connu sous le nom de N.-D. de Bonne-Nouvelle, offre actuellement un intérêt d'autant plus vif que la piété des habitants de Rennes se propose de reconstruire dignement le dévot sanctuaire élevé jadis dans leur ville, en l'honneur de la Mère de Dieu, par ces bons religieux.

D'après la tradition des Dominicains, leur couvent de Rennes fut fondé par Jean IV, duc de Bretagne, à la suite d'un vœu fait par ce prince pendant la bataille d'Auray, en 1364 ; c'eût été en témoignage de sa reconnaissance envers la Sainte Vierge que Jean IV, demeuré vainqueur, eût élevé dans la capitale de son duché un sanctuaire de Notre-Dame appelé Bonne-Nouvelle, en mémoire de son succès.

Mais D. Plaine, dans son Histoire du culte de la Sainte Vierge dans la ville de Rennes, a fait remarquer que dans les riches archives du couvent des Frères-Prêcheurs de Rennes, rien ne confirme cette tradition ; tout, au contraire, prouve que Jean IV ne fît d'abord qu'approuver une fondation faite par quelques-uns de ces sujets. C'est en 1466 seulement, un siècle après cette fondation, qu'apparaît la première mention du nom de Bonne-Nouvelle, donné non point à l'église conventuelle, mais à un tableau de la Sainte Vierge placé dans le cloître du monastère et objet d'une grande vénération.

Le 29 mars 1367, Pierre Rouxel, dit Bellehère, et Jeanne Rebillart, sa femme, bourgeois de Rennes, donnèrent aux Frères-Prêcheurs du couvent de Dinan « deux herbrégements, des terres, courtils et maisons, le tout situé en la paroisse Saint-Aubin, non loin du cimetière de Sainte-Anne et du grand chemin rennais par où l'on va à Saint-Etienne ; afin qu'en ce lieu soient fondés une église et couvent dudit Ordre des Frères-Prescheurs, à la charge auxdits religieux de célébrer à l'intention des donateurs une messe en une semaine aux jours de dimanche, lundi, mardi, mercredi, et en la suivante aux jours de jeudi, vendredi et samedi, et ainsi de suite alternativement à perpétuité » (Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, 22 H. 1).

Tel est le titre primordial de la fondation du couvent des Dominicains ; le duc Jean IV connaissait, il est vrai, les desseins de Pierre Rouxel, car dès le 10 février précédent il avait ordonné une enquête au sujet des terres que ce pieux bourgeois de Rennes voulait offrir aux Frères-Prêcheurs de Dinan « pour bastir une église et un couvent ; » mais le prince n'avait encore rien donné lui-même pour le nouveau monastère projeté.

Tous ceux qui avaient quelques droits, féodaux ou autres, sur les terres concédées aux Dominicains, Jean Le Bart, abbé de Saint-Melaine, Honorée Raguenel, dame du Bordage, Jean du Rocher et Jeanne de Champagné, sa femme, s'empressèrent d'y renoncer en faveur des religieux. Ceux-ci firent aussi un accord avec le recteur de Saint-Aubin, dans la paroisse duquel ils allaient s'établir ; l'évêque et le Chapitre de Rennes se joignirent à eux pour solliciter et obtenir du pape Urbain V une permission de construire le nouveau couvent ; enfin le duc Jean IV accorda des lettres d'amortissement pour toutes les terres données par Pierre Rouxel et sa femme (Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, 22 H. 1).

Ces lettres ducales sont du 5 juin 1368. Le 30 novembre suivant, Jean IV en écrivit de nouvelles pour exhorter ses sujets à contribuer par leurs aumônes à l'édification du monastère dominicain ; il y ajoutait que lui et la duchesse sa femme entendaient bien être considérés comme les principaux fondateurs de l'œuvre [Note : Cette clause et les travaux que nous allons voir Jean IV entreprendre semblent donner raison à la tradition qui fait de ce prince le fondateur du couvent des Dominicains ; remarquons cependant qu'autrefois il n'était pas nécessaire, pour qu'un seigneur méritât ce titre de fondateur, qu'il dotât ou construisît un établissement, il suffisait qu'il l'approuvât, s'il relevait féodalement de lui ; or, c'est le cas présent : le duc se dit fondateur parce qu'il encourage par ses largesses la fondation faite par Pierre Rouxel dans sa ville de Rennes]. Son appel fut entendu, et les travaux se poursuivirent avec tant d'activité que deux mois plus tard on fut en mesure de procéder en grande pompe à la pose de la première pierre de l'église.

Le 2 février 1369, fête de la Purification de Notre-Dame, le duc Jean IV présida lui-même la cérémonie et posa de ses mains la première pierre de l'édifice ; il avait à ses côtés l'évêque de Rennes, l'abbé de Saint-Melaine, les sires de Clisson, de Beaumanoir et de Matignon, et plusieurs autres personnages de distinction (Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, 22 H, 1).

Le devis des travaux donnant idée du plan de cette église fut dressé par ordre du duc de Bretagne et existe encore. On y apprend qu'en 1371 l'église du « moustier » était déjà bâtie et « fondementée » depuis le chevet jusqu'au bas de la nef, et qu'elle affectait la forme d'une demi-croix ; que les chapelles projetées alors devaient commencer à partir de la croix, c'est-à-dire des bras du transept, et se poursuivre « jusques au pignon de embas ». Vingt fenêtres devaient éclairer la nef, divisées chacune par deux meneaux ; deux autres grandes baies, subdivisées par cinq meneaux, devaient orner les transepts. Il devait y avoir cinq autels : le maître-autel, derrière lequel s'en trouvait un autre placé dans une chapelle absidale [Note : C'est dans le vitrail de cet oratoire que Jean IV s'était fait représenter en casaque herminée et la couronne en tête, à genoux devant une image de Notre-Dame, à qui le présentait son bienheureux patron saint Jean-Baptiste. (Vie des Saints de Bretagne, par Albert Le Grand)], et trois autres autels placés vers le bas de la nef. Trois portails étaient projetés, « un pour l'entrée du cloître, les deux autres ès deux pignons de l'église ; » le portail occidental devait être muni d'un porche et enrichi d'élégants accessoires, voussures, pinacles, niches et dais, avec les statues de la Sainte Vierge, du duc et de la duchesse de Bretagne, et les écussons de Bretagne et de Montfort (Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, 22 H, 1).

Pour exécuter ce plan, Jean IV ordonna qu'on prélevât 4,000 livres, en quatre annuités sur ses recettes de l'évêché de Rennes. Malheureusement, les tristes démêlés de ce prince avec le roi de France et sa fuite en Angleterre arrêtèrent vraisemblablement l'élan donné à la construction de l'église des Frères-Prêcheurs, et en 1429, longtemps après la mort du duc, cette église « attendait encore son achèvement ». Ce fut alors que le pape Martin V accorda de grandes indulgences à ceux qui viendraient en aide aux religieux Dominicains de Rennes.

A côté de cette grande église conventuelle s'élevait en même temps le célèbre sanctuaire de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. C'était « une petite chapelle dédiée spécialement à la Sainte Vierge et établie dès le principe dans le côté méridional du cloître, communiquant avec l'église par des voûtes ouvrant sur le chœur ». Là se trouvait le tableau miraculeux dont nous avons déjà signalé l'existence ; ce tableau, conservé maintenant dans l'église paroissiale de Saint-Aubin, représente la Sainte Vierge tenant son divin fils entre ses bras ; dès 1466 il était l'objet d'une grande vénération, ce qui détruit encore la tradition attribuant à la duchesse Anne le don de cette pieuse image.

Il nous est impossible de raconter ici l'intéressante histoire du culte de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, nous renvoyons pour cela nos lecteurs à l'excellent petit volume de D. Plaine sur le culte de la Sainte Vierge à Rennes. Qu'il nous suffise de dire que cette ville eut toujours la plus grande affection pour le sanctuaire de Bonne-Nouvelle et par suite pour le couvent des Dominicains ; les ex-voto offerts par la population reconnaissante à la suite de la peste de 1632 et de l'incendie de 1720 sont encore là pour prouver la protection maternelle de la Sainte Vierge et la confiance filiale des habitants de Rennes.

Au commencement du XVIIème siècle, le monastère des Frères-Prêcheurs de Rennes devint le berceau d'une importante réforme religieuse : le P. Jouaud y fonda l'Etroite-Observance de saint Dominique, connue sous le nom de Congrégation de Bretagne (D. Plaine, Histoire du culte de la Sainte Vierge à Rennes, p. 141).

Le sceau du prieur du couvent de Bonne-Nouvelle en 1654 est de forme ovale et représente la Sainte Vierge assise dans un fauteuil, tenant l'Enfant Jésus entre ses bras, et couronnée de onze étoiles ; la légende porte : + SIG. PR. CON. REDON. ORD. FR. PRAEDICAT (Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, 1 H, 5).

Lorsque vint la Révolution, il y avait dix-sept religieux dans le couvent des Dominicains de Rennes ; ils jouissaient de quelques rentes constituées, d'un certain nombre de maisons à Rennes et de plusieurs métairies à la campagne [Note : Ces métairies étaient : la Motte-au-Duc, en Saint-Hélier ; — la Motte-Beaucé, en Vezin ; — Launay-Thébert en Pacé ; — la Pironais, en Saint-Gilles ; — la Mulonnais, les Huberdières et Bœuffre, en Le Rheu : — la Brétesche, en Saint-Grégoire : — les Forgets, en Guiguen ; — la Haie-Fossant, le Chêne-Manier, Treffieuc et les Janneaux, en Bréal-près-Montfort] ; le tout rapportait 11,773 liv. de rente, mais les charges étant de 3,264 liv., il ne restait aux religieux pour vivre que 8,509 liv. (Arch. dép. d'Ille-et- Vilaine, 1 V, 26).

Après l'expulsion des Frères-Prêcheurs de Rennes, leur couvent fut converti en magasin à fourrages ; un incendie y éclata en 1821 et ne laissa de l'église que les murs debout.

Ce sont ces ruines qu'il est intéressant de revoir en 1888. On y retrouve encore à peu près complète la disposition primitive du plan de l'édifice : l'église forme un rectangle, mais une nef collatérale y est jointe dans la moitié environ de la longueur totale. « Ces deux nefs sont séparées l'une de l'autre par une série d'arcades en ogives presque obtuses. Ces arcades, à double archivolte épannelée, appuient leurs retombées sur de grosses colonnes ou piliers monocylindriques à bases hexagonales qui méritent d'être étudiés en détail ; il y a cinq travées dans la longueur de la double nef, ce qui nécessite quatre supports isolés et deux demi-piliers engagés. Les chapitaux en sont tous courts, ramassés, et, comme les bases, de forme hexagone.

Dans le mur oriental de la petite nef est un gracieux portail. L'ogive un peu évasée de son archivolte supérieure se profile en saillie par deux tores de grosseur inégale, séparés par une cannelure profonde ; elle va s'appuyer à droite et à gauche sur deux culs-de-lampe formés l'un de feuilles de vigne entremêlées de grappes de raisin, l'autre de feuillages de lierre. Trois colonnettes cylindriques à bases polygonales et munies de chapiteaux que recouvrent des feuilles de chêne avec leurs glands et d'autres décorations végétales délicatement sculptées, reçoivent de chaque côté les moulures toriques qui dessinent les arcs redoublés d'une voussure peu profonde, inscrite sous l'archivolte principale. Les deux colonnettes qui encadrent immédiatement la porte inclinent la moulure de leur arc en anse de panier, de façon à laisser entre le tore inférieur et celui qui délimite l'ogive enveloppante un tympan triangulaire, où un élégant cul-de-lampe en feuillage découpé marque la place d'une statuette qui devait autrefois surmonter ce piédestal ; sans doute c'était celle de Notre-Dame.

Vers le haut de l'église, près du chevet, dont le mur oriental a été reconstruit à une époque moderne, du côté de l'épître, on remarque une suite d'arcatures simulées, refouillées dans l'épaisseur de la muraille. Chacune des ogives est subtrilobée et dessinée par plusieurs moulures concaves ; chaque retombée de cette arcature est supportée par une console historiée figurant un ange aux ailes éployées soutenant entre ses mains un écusson. Serait-ce l'emplacement des crédences du maître-autel ?

Presqu'en face, une mince et svelte colonnette s'applique à un angle faiblement indiqué dans la maçonnerie : ce doit être un débris de l'ornementation de l'ancien chœur. Le mur qui sépare l'église du cloître était percé jadis, dans la partie Nord-Est, de trois baies en arcades ; elles donnaient communication avec l'intérieur du cloître et la chapelle de Notre-Dame, qui en occupait l'extrémité orientale. Les anciennes fenêtres, dont on reconnaît encore l'emplacement, sont toutes bouchées, ainsi que le portail occidental  » (M. Paul de la Bigne Villeneuve, Bull. arch. de l'Association bretonne, II, 116).

Au Nord de cette église conventuelle se trouvait le cloître des Dominicains ; le côté de ce cloître touchant l'église était d'une largeur double de celle des trois autres côtés du carré ; cela provenait de ce que cette partie du cloître servait d'avenue à la chapelle miraculeuse bâtie à l'angle Sud-Est ; de plus, cette portion du cloître était fermée du côté du préau par un mur plein, ouvert de cinq fenêtres à meneaux ; c'était donc comme un second collatéral de la nef de l'église conventuelle, et le mur qui l'en séparait était rempli d'enfeux en forme de tombes-arcades.

Ce fut surtout à partir du XVIème siècle que les concessions de tombeaux dans la nef et dans le cloître attenant devinrent un objet d'ambition pour les familles pieuses et une source abondante de fondations pour les religieux. Dans la nombreuse nomenclature des possesseurs de tombeaux avec statues, de chapelles avec enfeu ou de simples dalles funéraires, on remarque les noms suivants appartenant aux principales maisons du diocèse : d'Artois, de la Bourdonnaye, de Bréhant, de Beaumanoir, de la Ville-Geoffroy, de Cacé, du Quengo, de la Dobiais, de Monterfil, d'Acigné, de la Lande, Martin de la Vairie, Huart, de Tixue, Le Bel, de Becdelièvre, de Mauny, Godard, de Sévigné, de la Porte, d'Erbrée, de Tournemine, de Rieux, de Kersauson, de Coniac, Grignart, de Champsavoy, Le Levier de Kerohiou, Ferret, de la Busnelaye, de Molac, de Carman, Gougeon, de la Renaudaye, de la Marzelière, de Cucé, etc. (Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, 22 H. 1).

Cette partie du cloître longeant le mur septentrional de l'église fut reconstruite en 1602 par le prieur Jean Jubin ; quant à la chapelle de Bonne-Nouvelle, elle fut elle-même entièrement rebâtie en 1623. De l'angle oriental du cloître qu'elle occupait, elle fut reportée un peu plus au Nord et décorée magnifiquement par les soins du prieur Hyacinthe Charpentier, secondé par Mgr Cornulier, évêque de Rennes, et par la duchesse de Vendôme, fille du duc de Mercœur.

« On voit encore les murs de cette nouvelle chapelle, qui ouvre sur le cloître attenant par une vaste baie assez semblable à une arche de pont ; elle est carrée et éclairée par trois fenêtres en plein cintre, subdivisées par trois meneaux pareillement cintrés à leurs sommets, supportant au milieu une figure annulaire accostée de deux appendices allongés en forme de larmes ».

C'est dans cette chapelle qu'était déposé, avant 1789, le magnifique vœu offert par les habitants de Rennes en 1634, représentant cette ville avec son enceinte murale et ses monuments, le tout en argent massif [Note : Cet éclatant témoignage de la piété des Rennais envers Notre-Dame de Bonne-Nouvelle fut détruit pendant la Révolution ; mais il a été renouvelé en 1861 et déposé devant le tableau miraculeux dans l'église de Saint-Aubin].

« Quant aux trois autres côtés du cloître entourant le préau, ils sont encore plus modernes : c'est une suite d'arcades cintrées, avec archivoltes décorées de moulures et chargées, sur leurs pieds-droits extérieurs, de pilastres dans le style grec du XVIIème siècle tout au plus. Ainsi, tout ce qui reste de la chapelle et des cloîtres est postérieur au XVIème siècle, cela ne fait pas l'ombre d'un doute ».

Quelques parties seulement de l'église conventuelle peuvent, comme nous l'avons vu, remonter à l'origine du monastère.

Voilà tout ce qui demeure de ce couvent des Frères-Prêcheurs, devenu si célèbre dans les derniers siècles sous le nom de Bonne-Nouvelle. La dévotion du peuple envers l'image miraculeuse de Notre-Dame a seule survécu à la ruine du cloître et des religieux, et c'est avec bonheur que l'on voit la paroisse de Saint-Aubin entreprendre l'édification d'un splendide monument en l'honneur de la Vierge, tendre Mère et puissante protectrice de Rennes depuis si longtemps.

(abbé Guillotin de Corson).

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