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L'ASSISTANCE PUBLIQUE AVANT 1789
Dans le territoire de l'archidiocèse de Rennes

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Sous un titre analogue à celui-ci un de nos archivistes les plus érudits de province, M. Léon Maître, archiviste départemental de la Loire-Inférieure, a publié un très intéressant volume sur les établissements charitables existant dans le diocèse de Nantes avant la Révolution. A la suite de sérieuses études il est arrivé à cette conclusion, — bien faite pour surprendre beaucoup d'entre nous, — qu'au moyen-âge chaque paroisse du comté nantais avait au moins un hôpital, maladrerie ou léproserie et souvent même deux et trois maisons de ce genre.

Nous n'oserions affirmer qu'un aussi grand nombre d'établissements charitables aient existés jadis sur le territoire de l'archidiocèse de Rennes, mais nous avons la preuve qu'au moins toutes nos paroisses importantes étaient pourvues de maisons semblables.

De tout temps, en effet, la charité chrétienne s'occupa des pauvres malades et construisit pour eux des maisons de secours. Le moyen-âge, avec la grande foi qui le caractérise, appela Hôtels-Dieu ou Maisons-Dieu ces demeures ouvertes aux membres souffrants de l'Eglise de Jésus-Christ. Les évêques dans leurs cités épiscopales, les barons dans leurs villes, les simples seigneurs dans leurs paroisses semblent avoir été les fondateurs de nombreux hôpitaux dans notre contrée. Mais ce serait une grave erreur de croire que le peuple lui-même ne prit pas sa part de ces fondations bienfaisantes ; les communautés de ville, aussi bien que les généraux ou assemblées des paroisses se firent honneur d'élever des hospices pour le soulagement de leurs concitoyens malades. Les établissements d'assistance publique furent donc, très nombreux chez nous, bien plus nombreux qu'on ne le croit généralement aujourd'hui. Aussi, sommes-nous obligés, — pour mettre un peu d'ordre en cette étude, — de les diviser en sept classes que nous allons passer rapidement en revue.

1° Hôtels-Dieu. Ces hôpitaux, généralement les plus importants de nos établissements charitables, furent surtout élevés dans les villes et dans les gros bourgs : tels furent les Hôtels-Dieu de Rennes, Saint-Malo, Vitré, Saint-Servan, Fougères, Redon, Dol ; tels furent aussi les hôpitaux de Châteaugiron, La Guerche, Montfort, Fougeray, Combour, Lohéac, Saint-Méen, etc., etc. La plupart de ces hospices existaient dès le XIIIème siècle.

Ici se présente tout d'abord une question fort intéréssante mais bien difficile à résoudre : Par qui étaient tenus ces hôpitaux avant la création des Sœurs Hospitalières, en fonctions aujourd'hui, qui ne datent que des XVIème siècle et XVIIème siècles ? Nous avons malheureusement très peu de documents à ce sujet, mais il est certain néanmoins qu'il existait au moyen-âge dans notre pays des congrégations ou confrairies de Frères et de Sœurs spécialement dévoués au soin des malades. C'est ainsi que nous trouvons, notamment au XIIIème siècle l'hôpital Saint-Thomas de Rennes et ceux de Tinténiac, Fougères et Vitré occupés par des Frères soignant les pauvres reçus dans ces maisons. Nous voyons ailleurs les chevaliers de Saint-Lazare et de Saint-Jean de Jérusalem prendre eux-mêmes le nom d'hospitaliers, et diriger, à l'origine, des hôpitaux : les premiers occupaient les hospices de Cancale et de Saint-Lazare de Montfort, les seconds s'étaient répandus dans une multitude de nos paroisses. Mais il faut avouer que ces congrégations, florissantes aux XIIIème siècle et XIVème siècles, dégénérèrent ou disparurent dans les siècles suivants ; aussi trouvons-nous au XVIIème siècle la plupart de nos hôpitaux entre les mains de gardiens séculiers, et constatons-nous par suite à cette époque une grande ruine dans nos établissements charitables et le besoin urgent de voir se former de nouvelles congrégations religieuses pour soigner les malades. Avec les Filles de la Sagesse et les Hospitalières de Saint-Augustin et de Saint-Thomas de Villeneuve nous voyons, au contraire, renaître de suite la prospérité de nos hôpitaux, prospérité qui va grandissant sans cesse jusqu'au moment de la Révolution.

2° Maladreries et léproseries. Nous pouvons dire d'une façon générale et sans crainte de nous tromper, — ayant les preuves à l'appui de notre affirmation, — qu'au moyen-âge toutes les seigneuries un peu importantes possédèrent un hôpital dans l'enceinte de leurs villes. Mais comme à cette époque la lèpre se répandait d'une façon aussi prompte que terrible dans les populations, les seigneurs, ne voulant pas qu'on soignât les lepreux dans ces hôpitaux à cause de la contagion, fondèrent à la campagne des hospices spéciaux affectés à les recevoir. Telle fut l'origine des léproseries appelées aussi maladreries : Rennes, Fougères, Vitré, La Guerche, Saint-Malo, Combour, Dol, Hédé, Montfort, etc. eurent toutes non seulement des hôpitaux, mais en même temps des léproseries.

Soignés ainsi dans l'intérieur des terres par un prêtre, qui prenait le nom de prieur, administrateur ou aumônier, les lépreux étaient installés presque partout près d'un bois, d'un étang ou d'un cours d'eau ; toujours sur le bord d'un grand chemin et très souvent près d'un pont à la rencontre de plusieurs routes, sur la limite de deux ou trois paroisses. « Tout en les séparant de la société humaine, on ne voulait pas qu'ils fussent oubliés ; il fallait donc les exposer aux regards des passants dans les lieux fréquentés » (L'assistance publique dans la Loire-Inférieure avant 1789, p. 10).

Mais en même temps les mesures prises pour préserver les gens sains de la contagion étaient poussées jusqu'à la dernière rigueur. Lorsqu'un homme était suspect de la lèpre, dit D. Martène, l'official diocésain le mandait à son tribunal ; là des médecins habiles et assermentés l'examinaient. Si le mal était constaté, l'official prononçait la séparation du malade et faisait publier son jugement au prône de l'église paroissiale. Le dimanche suivant avait lieu la cérémonie solennelle de la séquestration du lépreux que le recteur de la paroisse conduisait lui-même à la léproserie.

Mais comprenant bien le triste isolement des lépreux l'Eglise, tout en les séquestrant pour éviter la communication de leur terrible maladie, s'appliquait non seulement à les consoler par les exhortations fréquentes du prêtre mais encore à les soulager par d'abondantes aumônes. C'est ainsi qu'à Rennes on faisait régulièrement dans toutes les paroisses des quêtes pour ses pauvres malades, quêtes dont le produit s'ajoutait aux rentes attachées à leur léproserie.

La lèpre se répandit tellement au moyen-âge que les léproseries furent très communes dans nos contrées. Souvent l'on rencontre maintenant encore dans nos campagnes un village, une maison, parfois un simple champ, une croix ou un ruisseau qui portent les noms de Maladrerie, de Ville-aux-malades, etc. ; c'est une preuve à peu près certaine qu'une léproserie a existé jadis en ces lieux ; et quand ces biens appartiennent de longue date aux fabriques paroissiales il n'y a plus de doute possible, car après la disparition de la lèpre et par suite des léproseries, les biens de ces dernières furent donnés aux hôpitaux et aux fabriques. Quand également une chapelle rurale ancienne est accompagnée d'un cimetière ou d'un champ appelé Paradis — c'est ainsi que nos pères appelaient avec autant de poésie que de foi le lieu du dernier repos, — c'est encore une preuve que c'était une chapelle de lépreux ; la discipline ecclésiastique s'opposait jadis, en effet, à la création de plusieurs cimetières dans la même paroisse, et avant le XVIème siècle les lépreux seuls étaient inhumés en dehors des églises et des cimetières paroissiaux. Enfin lorsque cette chapelle était dédiée à sainte Marie-Magdeleine ou à saint Lazare, considérés alors comme patrons des lépreux, le but de sa fondation est par là-même évidente : c'était le sanctuaire d'une léproserie, d'une maladrerie ou tout au moins d'un hôpital ; les vieilles chapelles de Sainte-Magdeleine à Bâzouges, à Combour, à Bréal, à Fougeray, à Longaulnay, à Saint-Méloir, à Rennes, à Fougères, à Tinténiac, à Saint-Servan, à Renac, etc., etc., et celles de Saint-Lazare à Rannée, à Vitré, à Dol, à Montfort, etc., etc., n'ont pas d'autre origine.

3° Lazarets et sanitats. — Vers la fin du XVIème siècle la lèpre disparut complètement de notre pays ; mais le siècle suivant fut affligé de pestes non moins terribles dévastant non seulement les grandes villes, mais encore les simples bourgades. Les registres de l'état-civil de cette époque témoignent de l'effrayante mortalité qui régnait alors. Comme on ne pouvait pas soigner les malades atteints de la contagion dans les Hôtels-Dieu ; comme les léproseries étaient généralement tombées en ruines et n'offraient pas d'ailleurs les commodités nécessaires au soin des pestiférés, on construisit dans les faubourgs des villes des établissements spéciaux qui prirent le nom de lazaret ou de sanitat et qui rendirent de grands services aux populations atteintes de maladies pestilentielles. C'est ainsi que naquirent l'hôpital de la Santé à Rennes, le sanitat du Talard à Saint-Malo, celui de Saint-James à Dol, les lazarets de Vitré et de Fougères et plusieurs autres maisons de ce genre.

4° Hospices. — Nous donnons ce nom aux petits hôpitaux bâtis dans les campagnes et particulièrement à ceux qui bordaient les anciennes voies de communication, soit les grands chemins, soit les rivières. Ces maisons se composaient en général d'une chapelle, d'une grande salle commune et de quelques chambres pour séparer les sexes, d'un jardin et parfois d'un cimetière. Les mœurs de nos pères en faisaient autant des hôtelleries gratuites que des infirmeries. Il était d'usage que le passant indigent y séjournât un jour et une nuit quand il était valide, et on lui donnait même souvent au départ une aumône en argent ou en vêtements ; mais il n'y avait pas de terme fixé quand un mal quelconque empêchait le pauvre voyageur de continuer sa route, et on l'y soignait alors jusqu'à sa guérison. Veut-on une preuve de la multiplicité de ces hospices ? Elle est facile à donner. Prenons une carte de notre diocèse et suivons les vieilles routes dites gallo-romaines presque toutes remaniées et utilisées au moyen âge ; voici, par exemple, la route de Paris à Brest : nous y relatons les localités suivantes qui ont toutes conservé quelques souvenirs d'anciens hospices établis jadis sur leur territoire : Erbrée, Vitré, Acigné, Cesson, Saint-Méen de Rennes, Vezin, Montfort, Saint-Onen et Saint-Méen. Traversons notre pays en sens inverse et suivons le grand chemin de Nantes à Saint-Malo ; voici les hospices qui s'y trouvaient : Fougeray, Bain, Chartres, Rennes, Vignoc, Hédé, Tinténiac, Pleugueneuc, Châteauneuf, Saint-Servan et Saint-Malo. Considérons encore le cours de la Rance sur notre territoire, qu'y voyons-nous ? les hospices ou ports d'aumônes de Dinart, Jouvente et Port-Saint-Jean.

5° Hôpitaux généraux. — Le XVIIème siècle vit naître les hôpitaux généraux ayant pour but principal l'extinction de la mendicité. Louis XIV, par son édit du 14 juin 1662, décréta que chaque ville serait tenue d'ouvrir un hôpital spécial pour venir en aide aux mendiants infirmes et âgés et aux orphelins.

« Ordonnons et voulons, disait le roi, qu'en toutes les villes de notre royaume où il n'y a point encore d'hôpital général établi, il soit incessamment procédé à l'établissement d'un hôpital et aux règlements d'icelui, pour y loger, enfermer et nourrir les pauvres mendiants invalides, natifs des lieux ou qui y auront demeuré pendant un an, comme aussi les enfants orphelins ou nés de parents mendiants. Tous lesquels pauvres y seront instruits a la piété et religion chrétienne et aux métiers dont ils pourront se rendre capables, sans qu'il leur soit permis de vaguer ni, sous quelque prétexte que ce soit, d'aller de ville en ville ».

A la suite de ces prescriptions royales naquirent les hôpitaux généraux de Rennes, Saint-Malo, Fougères, Vitré et Dol dont il est inutile de parler ici davantage, mais tous parfaitement distincts des Hôtels-Dieu existant daus ces mêmes villes.

6° Hôpitaux militaires. — La permanence des armées, — inconnue au moyen-âge, — fit au XVIIIème siècle fonder des hôpitaux militaires. Nous n'avions dans notre contrée que celui de Rennes installé en 1779 au couvent des Grands Carmes de cette ville et desservi par les bons religieux de ce monastère jusqu'au moment de la Révolution.

7° Marmites des pauvres et bureaux de charité. — Notre étude serait incomplète si nous ne signalions pas ces deux institutions charitables qui contribuèrent grandement dans les siècles derniers au soulagement des malheureux.

« La société française d'avant 1789, — dit avec raison M. Maître, — n'a pas laissé une seule infortune dans le dénuement ; elle a pratiqué la bienfaisance la plus large et trouvé un soulagement à toutes les misères. Elle a été si ingénieuse dans la recherche des meilleurs moyens d'assistance qu'elle ne nous a rien laissé à inventer, pas même les fourneaux économiques » (L'assistance publique dans la Loire-Inférieure avant 1789).

A Rennes, à Saint-Malo, à Fougères et à Vitré fut, en effet, fondée de bonne heure l'œuvre des marmites des pauvres qui faisait des plus nobles dames de ces villes d'humbles servantes des indigents. Ces dames associées sous le nom de Dames de la Charité, dirigées par de vertueux religieux, s'unirent facilement aux pieuses filles de Saint-Vincent de Paul et du vénérable Père Monfort pour tenir des maisons de charité : là elles distribuaient gratuitement aux nécessiteux des vivres, des vêtements et des remèdes ; de là aussi elles se dirigeaient vers les demeures des pauvres honteux pour leur porter les secours qu'ils n'auraient osé mendier ; de là enfin elles allaient soigner à domicile les malades indigents qui ne pouvaient ou ne voulaient pas quitter leurs misérables maisons.

A côté de ces charitables établissements des marmites des pauvres fondés surtout dans les villes, — où hélas ! la misère est toujours plus commune, — il y avait jusque dans les moindres bourgades des bureaux de charité : ceux-ci distribuaient des rentes d'argent et de grains constituées dans un grand nombre de paroisses, où bien ils donnaient à certaines époques de l'année des vêtements et du linge aux indigents. Rien n'était épargné de la sorte pour procurer des secours à tous ceux qui avaient réellement besoin.

Mais, dira peut-être le lecteur, qui fournissait donc à ces bureaux de charité les fonds nécessaires pour subvenir à tant d'aumônes ? Ah ! N'oublions pas qu'à l'époque qui précéda la Révolution des générations nombreuses de vrais chrétiens avaient passé sur notre sol en faisant de bonnes œuvres, en fondant de charitables institutions ; depuis bien des siècles le bien des pauvres avait ainsi augmenté peu à peu dans toutes les paroisses ; et puis, — ne croyons pas les mensonges des révolutionnaires, — ce clergé régulier si calomnié, cette noblesse si vilipendée, ces moines et ces seigueurs d'autrefois avaient par d'abondantes et successives fondations créé de vrais trésors dans les plus humbles hameaux, au fond des campagnes les plus sauvages ! Nous avons scrupuleusement mais non sans grand travail relevé les noms de toutes nos paroisses possédant avant 1789 quelques établissements ou quelques rentes pour leurs pauvres ; beaucoup certainement ont dû nous échapper, car les documents manquent souvent pour une statistique de ce genre ; cependant nous avons trouvé qu'à cette époque si méconnue de nos jours environ cent cinquante paroisses avaient de quoi subvenir aux besoins les plus pressants de leurs pauvres nécessiteux ! C'est par ce chiffre que nous terminons cette étude, il est assez éloquent par lui-même pour n'avoir pas besoin de commentaires.

(abbé Guillotin de Corson).

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