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CAHIER DE DOLÉANCES DE REDON EN 1789

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La ville de Redon, avec les trois paroisses de Bains, Brain et Langon, composait le fief de l'abbaye de Redon. Ces quatre localités, qui appartenaient à l'évêché de Vannes, relevaient du présidial de Rennes.
Subdélégation de Redon. — Département d'Ille-et-Vilaine, chef-lieu d'arrondissement.
POPULATION. — En 1793, 3.549 habitants (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série L). — D'après le Dictionnaire d'EXPILLY, Redon contenait environ 700 maisons.
CAPITATION. — Rôle de 1788 (Ibid., C 4143) ; 690 articles ; total, 5.029 l. 8 s. 9 d., se décomposant ainsi : capitation, 3.515 l. 13 s. 11 d. ; milice, 469 l. 18 s. ; casernement, 1.016 l. 16 s. 10 d. — D'après le dernier tableau de répartition que nous possédons pour l’évêché de Vannes, celui de 1777, le total de la capitation pour la ville de Redon était alors de 3.820 l. 11 s. 10 d., et le nombre des imposés étati de 805, dont 189 payaient moins de 3 l. (Ibid., C 3982).
VINGTIÈMES. — 4.095 livres.
VINGTIÈMES D'INDUSTRIE. — 225 l. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4599).
OGÉE. — A 11 lieues de Vannes et 13 lieues de Rennes. — 2.500 habitants. — Sept foires considérables dans l'année et un marché tous les lundis.
PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 1er avril, à l'hôtel de ville, sous la présidence de François-Honoré Desmonts [Note : Capité 12 l. 2 s. 6 d., plus 2 l. pour une servante ; exempt de casernement], avocat au Parlement, procureur du Roi, syndic de la ville et communauté de Redon. — Comparants : Duval (voir la note 1 qui suit), contrôleur des actes (pour son emploi, 12 ; pour son bien et celui de sa femme, 33,19 ; 1 commis, 3 ; 2 servantes, 4 ; 1 domestique, 2,10 ; exempt de casernement) ; Lallemand (voir la note 2 qui suit) (48 ; 1 commis, 3 ; 2 domestiques, 4) ; Molié (voir la note 3 qui suit) (38 ; domestiques 4) ; Jan du Bignon (voir la note 4 qui suit) (6) ; Laurent Macé (voir la note 5 qui suit), de la Bouëre, laboureur (15, 1 servante, 2) ; Pierre Guévenoux (voir la note 6 qui suit), de Codillo, laboureur (13) ; Legrand ; Marvides (voir la note 7 qui suit), maire (33,19 ; domestiques, 4,10 ; exempt de casernement) ; De la Ferrière Lévêque (voir la note 8 qui suit), ancien maire, trésorier des guerres (60 ; 1 commis, 3 ; 2 domestiques, 4 ; exempt de casernement) ; Dayot (voir la note 9 qui suit), ancien procureur syndic (9 ; 1 clerc, 3 ; 2 servantes, 4) ; Boullay (voir la note 10 qui suit), sénéchal et miseur (32,6, 9 ; 1 servante, 2 ; exempt de casernement) ; Nogues (voir la note 11 qui suit), procureur fiscal (21 ; 1 clerc, 3 ; 1 servante, 2) ; Jean Guévenoux (voir la note 12 qui suit), de Codillo, laboureur (12) ; Menand (voir la note 13 qui suit) (57 ; 2 domestiques, 4) ; G. Le Grand. — Députés : Jan du Bignon ; Lévêque de la Ferrière ; Macé de la Bouëre ; Marvides.
 

Note 1 : Duval (Mathurin-Toussaint-Marie) était négociant et contrôleur des actes à Redon en 1779. Ce doit être le même qui était, depuis 1761, contrôleur ambulant au département de Guérande et qu’un état du personel, dressé au mois d’août 1769, signale comme un « très bon employé, fort actif et très exact dans la correspondance et la comptabilité » ; dans un autre état, non daté, mais certainement antérieur à 1771, on se plaint que son activité ait fléchi depuis « qu’il est établi à Redon, où il demeure dans son bien » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 5074). En 1786-1788, il souleva les bateliers et les propriétaires riverains de la Vilaine contre les Etats et la Commission de la navigation, et provoqua maints procès de leur part contre la province (voy. là-dessus un important dossier, Ibid., C 5001, et une lettre de Joyaut, ancien procureur fiscal de l’abbaye de Redon, de février 1792, Ibid., C 5000). Il devint ensuite receveur du district (Léon DUBREUIL, Le district de Redon, p. 27).

Note 2 : Lallemand (Pierre), sr. des Hayes et de la Grée, négociant à Redon ; il avait épousé en 1763 Marie-Charlotte Jan du Bignon, fille de l’ancien maire et sœur du futur conventionnel ; il fut tué par des « brigands », le 22 brumaire an VII, alors qu’il était président du canton de Rieux, dans le Morbihan (Renseignements obligeamment communiqués, de même que la plupart de ceux que nous donnons plus loin sur les autres comparants, par M. le comte René de Laigue, qui les a tirés des Archives communales de Redon, notamment des anciens registres paroissiaux).

Note 3 : Molié (Julien-René), sr. de la Guilliennaye, négociant à Redon, où il était né vers 1740 ; il avait épousé, le 18 février 1767, Maire-Francoise Jan du Bignon, dame des Ozerais, sœur du futur conventionnel ; il fut inhumé le 17 février 1806.

Note 4 : Jan du Bignon (Francois-Marie), né à Redon en 1755 ; après avoir été élevé au collège de Vannes, il fit son droit à Rennes, où il se lia avec Lanjuinais, Le Chapelier, Bigot de Préameneu ; il se maria à Redon et vint s’y fixer peu de temps avant la Révolution. — Au mois de juin 1787, après la mort du subdélégué Macé de la Porte, Jan du Bignon sollicita l'intendant de lui accorder cet emploi, et les officiers municipaux de Redon, qui appuyèrent sa requête, observèrent qu’il était de très bonne famille, qu’il avait de la fortune et qu’il n’avait d’autre état que celui d’avocat, qu’il excercait avec distinction ; mais l’intendant, Bertrand de Molleville, lui préféra Joret de Longchamp, non seulement parce que ce dernier était déjà correspondant de la Commission intermédiaire des Etats et qu’il avait à diverses reprises suppléé Macé de la Porte, mais aussi parce que Jan du Bignon « n’a pas acquis une grande connaissance des affaires, qu’il n’est pas même avocat et …. qu’il n’a pas ses grades » ; cette compétition avait, paraît-il , donné lieu à quelques mouvements de l’opinion publique (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 5). — Il devint d’ailleurs bientôt maire de Redon, puis député à la Convention et au Conseil des Cinq-Cents ; il donna sa démission le 10 ventôse an V et mourut à Redon le 9 novembre 1817. Il a laissé un certain nombre de recueils de poésies (LEVOT, Biographie bretonne, t. I, p. 932 ; KERVILLER, Bio-bibliographie bretonne, t. III, p. 222). Jan du Bignon a également comparu à l’assemblée électorale de Bains.

Note 5 : Laurent Macé sera envoyé à Versailles avec Jean Rapé, au mois de mai 1789, pour porter au Roi et à l’Assemblée un mémoire dans lequel ces vassaux demandaient à être remis en possession des communs de dont ils prétendaient avoir été dépouillés ; parmi les signataires du mémoire se trouvaient deux de nos comparants, Jean et Pierre Guévenoux.

Note 6 : Voy. la note 5 ci-dessus.

Note 7 : Marvides (Quirin), officier de santé, médecin à Redon ; il était originaire de Metz, mais avait épousé à Redon. le 16 février 1773, Claire Hardy, veuve de Gabriel Dumoustier. Il devint, en novembre 1792, membre du Conseil général du district de Redon (L. DUBREUIL, op. cit., p. 42) et mourut le 14 germinal an III.

Note 8 : Lévêque de la Ferrière (François-Marie), né à La Gacilly (Morbihan) en 1723 ; fils d'un négociant, négociant lui-même, il épousa, le 15 mai 1764, à Redon, Françoise-Rose-Agathe Hervé de Beaulieu. Nous avons conservé l'aveu détaillé qu'il rendit le 27 novembre 1778 à l'abbé de Redon pour son domaine de la Ferrière, en Bains (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série H, fonds de Redon, liasse 82). Il mourut à Redon, le 26 janvier 1812, laissant plusieurs enfants, dont un, devenu général de division, fut créé comte sous l'Empire et pair de France sous la Restauration.

Note 9 : Dayot (Laurent), notaire et directeur des postes à Redon, sénéchal du comté de Rieux ; originaire de Guichen, il avait épousé Louise-Marie Pavin ; sous la Constituante, il devint procureur syndic du district mais fut destitué le 11 mars 1793, pour avoir prévenu un prêtre réfractaire des mesures prises contre lui ; il fut arrêté le 9 octobre suivant comme suspect de modérantisme (L. DUBREUIL, op. cit., pp. 25, 44 et 68-70).

Note 10 : Boullay (Jacques-François) était né à Guipry, de Paul-Hyacinthe Boullay, négociant et receveur des Fermes du département de Messac ; nommé juge de paix de Redon le 12 décembre 1790 (Arch. d'Ille-et-Vilaine. série L [anc 3 U5]), il occupait encore ces fonctions au moment de sa mort, le 14 septembre 1794.

Note 11 : Nogues (François-Pierre-Victor), fils de Guillaume Nogues, procureur fiscal de la Morinaye et de la Bassardaine ; il avait épousé en 1767, Marie-Anne Danet, fille d'un constructeur de navires à Redon. Il était notaire, en 1767, Marie-Anne Danet, fille d’un constructeur de navires à Redon. Il était notaire royal à Redon, notaire du comté de Rieux et procureur fiscal de l’abbaye de Redon ; en cette qualité, il présida l’assemblée électorale de Bains. Le 9 octobre 1793, il fut arrêté comme suspect de modérantisme (L. DUBREUIL, op. cit., p. 104) ; il mourut le 18 frimaire an II.

Note 12 : Voy. la note 5 ci-dessus.

Note 13 : Il s’agit très probablement de Nicolas-Julien-Marie Menand, procureur syndic de Redon en 1779, né en 1726 à Peillac (Morbihan), fils de Louis-Francois Menand, sr. de Lorgeraie, et qui appartenait à la haute bourgeoisie de Redon.

 

Cahier des demandes du Tiers Etat de la ville de Redon, pour être inséré dans celui des doléances, remontrances et demandes de l'assemblée générale de la sénéchaussée de Rennes.

Demande le Tiers Etat de la ville de Redon qu'aux Etats généraux :

1° — La liberté individuelle sera garantie à tous les Français.

2° — Que les Etats généraux auront un retour périodique et qu'eux seuls pourront déterminer la nature, le genre et la durée de l'impôt.

3° — Qu'on y opinera par tête et non par ordre.

4° — Qu'on n'établira point de commission intermédiaire qui puisse se regarder comme une assemblée représentant les Etats généraux au petit pied.

5° — Que la liberté de la presse sera accordée, parce que les auteurs seront tenus de signer leurs manuscrits.

6° — Qu'on demandera la réforme du Code civil et criminel.

7° — Qu'on remboursera le plus tôt possible toutes les charges aujourd'hui vénales dans les tribunaux de la Nation.

8° — Que les juges motiveront leurs sentences et leurs arrêts tant civils que criminels.

9° — Qu'il n'y aura que deux degrés de juridiction.

10° — Que les justices seigneuriales, excepté les duchés-pairies, seront supprimées, et qu'au cas qu'elles ne le soient pas les officiers d'icelles ne soient pas révocables à volonté (voir la note qui suit).

Note : L'abbaye de Redon possédait la haute justice à Redon ; sur le territoire de Redon se trouvaient encore la haute justice de la Rouardais, la moyenne justice de Lanrua, la moyenne justice de Beaumont (OGÉE, Dictionnaire de Bretagne, art. Redon, éd. de 1843, pp. 436-437). La justice de l'abbaye de Redon exerçait fréquemment sa compétence en matière de police (André GIFFARD, Les justices seigneuriales en Bretagne, pp. 131-133).

11° — Que les tribunaux des Eaux et forêts et autres tribunaux d'exception seront supprimés et réunis aux justices royales.

12° — Qu'on fera un tarif clair et précis pour les contrôles.

13° — Que le franc-fief sera absolument supprimé comme une loi injuste.

14° — Qu'il sera permis à tout Français de racheter et de se rédimer de toute rente féodale, et que, si cet article ne passe pas, cette rente se prescrira de droit par trois ans (voir la note qui suit).

Note : C'était l'abbaye de Redon qui possédait à Redon et dans les environs la plupart des droits seigneuriaux : rentes, banalités, droits de foires et marchés, de coutumes, de pêche, etc. voy. Arch. d'Ille-et-Vilaine, fonds de Redon, passim. Tous les moulins à eau et à vent de Redon appartenaient à l'abbaye (Ibid., H 15). La dîme, qui se percevait le plus souvent au dixième, sur les terres à blés et sur les vignes, constituait l'un des principaux revenus de l'abbaye : cf. ibid., H 13, 25 et 26. — Cependant le territoire de Redon comprenait aussi un certain nombre de seigneuries et de terres nobles voy. GUILLOTIN DE CORSON, Statistique historique et monumentale du canton de Redon (Mém. de la Soc. archéologique d'Ille-et-Vilaine, an. 1878, t. XII, pp. 31 et sqq.). — Sur l'abbaye de Redon, voy. aussi LE MENÉ, Paroisses du diocèse de Vannes, Vannes, 1894, t. II, pp. 272 et sqq.

15° — Qu’on ne paiera plus de lods et ventes sur les contrats d'échange.

16° — Que le seigneur ne pourra plus céder le retrait féodal.

17° — Qu'on demandera une loi fixe et invariable sur les communs et qu'ils rentreront dans les communes, si le seigneur ne prouve pas un triage (voir la note qui suit).

Note : L'abbaye de Redon, depuis une vingtaine d'années, avait afféagé une quantité considérable de terres vagues, comme le montrent les actes d'afféagement conclus dans la banlieue de Redon et dans la paroisse d'Avessac, depuis 1758 et surtout depuis 1769 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, fonds de l'abbaye de Redon, H 24). — Les sujets de l'abbaye de Redon se plaignaient très vivement du tort que leur causaient ces afféagements ; en 1789, leur surexcitation paraît avoir été très grande, et il semble qu'ils aient détruit des clôtures élevées par les afféagistes. Dans un Mémoire présenté au Roi et aux Etats généraux par les villageois de la paroisse de Redon, 1789 (Bibl. de la ville de Rennes, impr., n° 76.738), les habitants dénoncent l'attitude de la municipalité de Redon : « le général de la paroisse de Redon avait arrêté de nous aider à secouer le joug de la tyrannie sous laquelle nous gémissons ; mais l'intrigue et l'intérêt particulier ont trompé nos espérances ; nos oppresseurs et leurs agents qui composent l'assemblée municipale de Redon ont éludé nos justes réclamations qu'on promettait de présenter aux Etats généraux avec les plaintes, les doléances et les vœux de la nation... ». Le mémoire déclare encore que les afféagistes ont poursuivi les habitants pour les bris de clôtures, qui ne doivent être attribués qu'au débordement de la Vilaine, et que le procès leur a coûté 30.000 livres ; la jouissance de tous les communs doit appartenir à tous les vassaux de l’abbaye, qui acquittent la dîme à un taux fort élevé. — Une lettre de la nouvelle municipalité à l’Assemblée Nationale, datée du 2 mars 1790, nous apprend que les afféagistes ont eu peur de la surexcitation des paysans : « plusieurs ont déposé entre les mains de la commune leurs actes d’afféagements ; ils ont fait les déclarations que les vassaux attendaient d'eux ; maintenant qu'une force imposante, des troupes réglées ont chassé la terreur qui s'était légalement emparée de leurs esprits, les afféagistes oublieraient-ils leurs promesses ? ». La nouvelle municipalité est visiblement favorable aux paysans, comme le prouve le post-scriptum de sa lettre : « On nous parle d’un mémoire présenté à l’Assemblée Nationale par les afféagistes ; nous vous observerons que les afféagistes n'ont pas rendu à l'agriculture tous les services qu'ils prétendent, puisque lors de leur entrée en possession plusieurs terrains étaient en valeur par le soin des vassaux » (Ph. SAGNAC et P. CARON, Les Comités des droits féodaux et de législation, n° 66, pp. 165-166). — La question était toujours pendante ; mais les habitants furent encouragés par le décret du 15-28 mars 1790 à recommencer le procès ; ils recueillirent leurs titres, ils s'adressèrent à plusieurs avocats (Requête du Conseil général de la Commune de Redon, ap. SAGNAC et CARON, op. cit., n° 259, pp. 606-607), et notamment à Legars, dont la consultation, du 4 mai 1790, est imprimée à la suite de l'Adresse présentée au Roi et à l'Assemblée Nationale, le 20 mai 1789 (Rennes, Robiquet, 1790, Bibl. de Rennes, n° 76.739). Legars (Ibid., pp. 29-98) cite de nombreux textes, qui prouvent selon lui le bon droit des habitants, déclare que les anciens actes émanant de l'abbaye ne mentionnent aucunement son droit de propriété sur les terrains vagues, « et ce n'est que depuis vingt et quelques années que les religieux se sont imaginés en être propriétaires » ; « les titres, ajoute-t-il, que peuvent produire les habitants de Redon attestent qu'ils ont joui de temps immémorial en commun de ces terres vaines et vagues et qu'ils sont même inféodés du droit d'y communer » ; il cite leurs aveux et notamment celui de 1750. Deux autres avocats, Loncle de la Coudraye et Frot, donnèrent aussi, le 27 mai 1790, une consultation dont les conclusions sont analogues (Ibid., pp. 99-123). C'est la municipalité de Redon elle-même, comme nous l'apprend une lettre de l'officier public Evin, du 4 octobre 1790, qui a décidé de faire imprimer ces divers documents à 200 exemplaires (Ibid., pp. 124-125). L'imprimé contient encore la liste des vassaux qui réclament contre les usurpations des communs, et dont le nombre s'élève à 157, ainsi que la liste de 11 afféagistes qui se sont désistés de leurs prétentions. — Les habitants présentèrent alors requête à la Cour supérieure provisoire pour la supplier d'évoquer à elle l'affaire et de la renvoyer devant le présidial de Rennes. Leur requête a été favorablement accueillie, mais, sur ces entrefaites, le présidial ayant été supprimé et le district de Redon ayant été établi, l'affaire a été encore une fois suspendue ; cette suspension a surexcité les esprits et « a donné lieu aux plus grands désordres..., les fossés ont été abattus, les arbres coupés par pieds et les moissons même n'ont pas été épargnées » ; la municipalité décide alors de se charger « de la poursuite du procès et de venir par là au secours des habitants de campagne, qui sont dans l'impuissance de faire les fonds nécessaires pour parvenir au jugement définitif qu'il est indispensable d'accélérer » (Requête du Conseil général de la commune de Redon, du 5 février 1791, ap. Ph. SAGNAC et P. CARON, op. cit., n° 259, pp. 606-607).

18° — Que tout péage sera supprimé (voir la note qui suit).

Note : D'après l'état de 1764, voici quels étaient les péages qui existaient à Redon et dans les environs : 1° la « mine de l'échelle » : chaque barque de sel, déchargée dans le port de Redon, devait payer à la confrérie de Saint-Léon, c’est-à-dire au provost de Saint-Léon, chef des mesureurs et porteurs de sel, une mine de sel, « faisant la vingt-quatrième partie du muids ou bien la quarantième de la pasanteur du tonneau ordinaire » ; — 2° le péage du port de Redon : « presque toutes les marchandises qui viennent de la mer au port de Redon sont sujettes à ce péage, qui se perçoit différemment suivant les différentes qualités des marchandises » ; il appartenait à l’abbaye de Redon et était affermé 350 l. ; — 3° le péage de Redon, qui appartenait au Roi et se levait à Redon sur les marchandises venant de la mer : il était affermé 2.000 l. ; — 4° le passage de Cran sur la Vilaine, affermé 120 l. ; — 5° le passage d’Aucfer, qui appartenait également au Roi et était affermé 2.000 l. avec le passage de Rieux et le passage neuf ; il était fort important, parce qu’il se trouvait sur la route de Nantes à Vannes. Voici quel en était le tarif : 6 deniers par piéton ; 1 sou par cavalier ou cheval chargé ; 5 sous par charrette ; 10 sous par carrosse ou autre voiture à chevaux ; 2 liards par bœuf, vache et cheval (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 2439). Par bail du 23 novembre 1786, les péages d'Aucfer, de Rieux et du passage neuf ont été affermés 2.000 l. au fermier actuel, Joseph Blanchard, qui avait le droit aussi de percevoir les 10 sous pour livre exigibles en vertu de l’édit de décembre 1781. Le public n'était guère satisfait de ce fermier, qui était constamment ivre, et qui même, le 6 avril 1789, se trouva tellement pris de boisson qu’il ne fit pas son service du tout : « le bac trop chargé et conduit par des gens sans expérience coula à fond et deux personnes se noyèrent » (Lettre de l’Intendant, du 18 mai 1789) ; le fermier fut condammé à 15 jours de prison. Le public reprochait aussi à ce fermier de percevoir les 10 sous pour livre sur tous les objets et de « faire payer double droit sur une charrette qui passe deux fois dans un jour, sous prétexte qu’elle est chargée en allant et revenant, ce qui est contraire à l’usage » (Lettre du subdélégué de Redon, Joyaut de Couesnongle, du 11 avril 1789). Pour toute cette affaire, voy. Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 2451.

19° — Que les nobles pourront commercer sans déroger.

20° — Que les membres du Tiers Etat seront déclarés aptes à posséder toutes espèces de places dans les Parlements, les Cours souveraines, etc., les armées de terre et de mer, à raison de leur mérite, de leur vertu et de leurs talents.

21° — Que l'anoblissement par charges du Parlement, de la Chambre des Comptes, bureaux des finances, chancellerie, etc., etc., sera radicalement aboli et que tous députés aux Etats généraux ne pourront obtenir des lettres d'anoblissement.

22° — Que toute exemption d'impôts, corvées, logement de gens de guerre, patrouille, milice et ustensiles, etc., soit abolie, et que chaque citoyen contribue sans distinction de rang ni d'ordre aux charges dont il profite ; que sa contribution soit en raison de ses facultés et de ses jouissances.

23° — Que tous les impôts, si variés, soient rappelés à un régime simple et uniforme.

24° — Que tout registre d'impôt soit rendu notoire et public.

25° — Que tous les poids et mesures soient rendus semblables et uniformes dans l'étendue du Royaume et sous la même dénomination.

26° — Que les députés du Tiers Etat réclameront l'observance des saints canons.

27° — Qu'ils demanderont la suppression du droit d'annates dans le diocèse de Vannes, comme d’un vrai monopole ecclésiastique (voir la note qui suit).

Note : Le droit d'annates était payé au chapitre de la cathédrale de Vannes par le nouveau titulaire d'une paroisse dont la cure était devenue vacante par mort, résignation ou permutation du précédent titulaire ; ce droit montait à la moitié du revenu de la première année, et son produit était appliqué aux travaux d'entretien et de réparation de la cathédrale (Abbé LE MENÉ, Histoire du diocèse de Vannes, t. II, p. 65).

28° — Qu'ils exigeront que la police ecclésiastique soit uniforme dans le Royaume ou au moins dans la province de Bretagne.

29° — Qu'il n'y ait qu'un seul et même rite pour les neuf évêchés et un même catéchisme (voir la note qui suit).

Note : Le concile de Trente avait provoqué un mouvement d'unification liturgique, qui aboutit à la promulgation, par le pape Pie V, du bréviaire romain (Bulle Quod a nobis postulat ratio, de 1568) et du missel romain (Bulle Quo primum tempore, de 1570). Cette réforme fut adoptée par le concile que tinrent en 1583 les évêques de la province ecclésiastique de Tours, à laquelle appartenait la Bretagne tout entière (Dom GUÉRANGER, Institutions liturgiques, t. I, pp. 408-426 et 444), mais les anciens bréviaires diocésains ne furent définitivement abandonnés que dans le premier quart du XVIIème siècle (Abbé DUINE, Bréviaires et missels des églises et abbayes bretonnes de France antérieurs au XVIIème siècle, dans les Mém. de la Soc. archéol. d'Ille-et-Vilaine, t. XXXV, 1906, p. 2, n. 2) ; dans le diocèse de Vannes, ce fut en 1612 que l'on prit le bréviaire et le missel romains et en 1613 les autres livres liturgiques du même rite (Abbé LE MENÉ, Histoire du diocèse de Vannes, t. II, p. 48). En 1780, les évêques de la province de Tours, réunis en assemblée, décrétèrent unanimement la suppression d'un certain nombre de fêtes, et l’archevêque François de Conzié convia ses collègues à adopter le nouveau bréviaire du diocèse métropolitain, qui reproduisait à peu près complètement le bréviaire publié en 1736 par l'archevêque de Paris, Vintimille, et qui avait donné lieu aux polémiques les plus violentes (GUÉRANGER, op. cit., t. II, pp. 250-334) : tout d'abord l'évêque de Rennes fut seul à l'adopter, et pour sa cathédrale seulement, mais, en 1785, il en étendit l'usage à tout son diocèse, sauf pour quelques fêtes spéciales (DUINE, op. cit., p. 13) ; à Nantes, on prit la liturgie poitevine ; à Saint-Brieuc et à Dol, le parisien pur et simple, de même qu’à Vannes, où l’évêque Amelot le promulgua par son mandement du 12 avril 1783, tout en permettant d’user encore pendant neuf ans de la liturgie romaine (LE MENÉ, op. cit., t. II, p. 245) ; les autres diocèses bretons conservèrent le rite romain (GUÉRANGER, op. cit., t. II, p. 519). A Redon, on était mieux placé que partout ailleurs pour sentir ces divergences, car, si la ville appartenait au diocèse de Vannes, son faubourg de Saint-Nicolas était dans le diocèse de Nantes, et elle n’était séparée que par une très faible distance des diocèses de Rennes et de Saint-Malo.

30° — Que, dès l'ouverture des Etats généraux, le Roi sera très humblement supplié de vouloir bien abandonner à l'administration de la province le revenu des abbayes commendataires à la mort des abbés qui en sont actuellement pourvus (voir la note qui suit).

Note : En 1789, l'abbé commendataire de Redon était Henri-Louis Desnos, qui avait été pourvu de l'abbaye, le 27 mai 1747, était devenu évêque de Rennes en 1761, puis évêque de Verdun en 1770 (GUILLOTIN DE CORSON, Statistique historique et monumentale du canton de Redon, dans les Mém. de la Société archéologigue d'Ille-et-Vilaine, an. 1878, t. XII, p. 27).

31° — Qu'ils feront tous leurs efforts pour faire revivre la Pragmatique Sanction et rejeter le Concordat de François Ier et de Léon X.

32° — Que les députés demanderont la suppression des péages par eau et par terre, et demanderont la pêche libre dans les rivières vis-à-vis la possession des riverains (voir la note 1 qui suit), ainsi que la suppression des coutumes de foires et de marchés (voir la note 2 qui suit) et du droit de guet exigé par différents seigneurs, perçu à cinq et six sols par ménage, la suppression des fuies dommageables aux cultivateurs.

Note 1 : Bien que le pouvoir royal prétendit que la Vilaine et l'Oust fussent des rivières navigables, l'abbaye de Redon parvint à conserver, pendant tout le XVIIIème siècle, ses droits de pêche sur la Vilaine et sur l'Oust (Arch. d’Ille-et-Vilaine, fonds de Redon, 1 H2 16 et 23). Ce droit de pêche constituait un revenu sérieux. pour l'abbaye : en 1745, les religieux affermèrent à sept personnes moyennant une rente annuelle de 260 l., l'écluse de la Vieilledrays sur l'Oust avec le droit de pêche (Ibid., 1 H2 25 et 88). — En 1791, les officiers municipaux des comunes de Redon, Bains, Saint-Vincent et Saint-Perreux se plaignirent à l’Assemblée Nationale des dommages que leur causait cette écluse, à laquelle ils attribuaient l'inondation de leurs prairies, les épidémies dont ils étaient souvent les victimes, et qu'ils considéraient aussi comme très incommode pour la navigation : « sans cette écluse, déclarent-ils, la rivière aurait son cours libre, plus de 600 journaux de terre redeviendraient fertiles, l'air serait plus salubre, et les malheureux moins exposés à la perte de leurs bestiaux, aux maladies et à la mort » ; dans leur requête, ils demandaient encore que l'Assemblée Nationale rendît « à chacun le droit naturel de pêcher vis-à-vis son terrain » (SAGNAC et CARON, op. cit., n° 105, pp. 237-240). — Sur ce qui précède, cf. aussi H. SÉE, Les classes rurales en Bretagne, p. 155.

Note 2 : Il y avait à Redon des foires générales et un marché qui se tenait le lundi et le jeudi de chaque semaine ; les droits de foires et de marchés appartenaient à l'abbaye ; ils étaient fixés par une pancarte. On trouvera le tarif de ces droits dans un document imprimé, intitulé Droits de coutumes par terre ou Grande Coutume de Redon (Arch. d’Ille-et-Vilaine, fonds de Redon, 1 H2 15). Les habitants de Bains étaient exemptés de ces droits de coutumes.

33° — Qu'il soit établi une loi fixe concernant le prêt d'argent au denier fixé par le prince, quoique la somme ne soit point aliénée, lel qu'il arrive par les constituts et suivant la loi qui se pratique dans le duché de Lorraine (voir la note qui suit).

Note : Suivant le droit commun des pays coutumiers, on ne pouvait stipuler aucun intérêt pour le prêt d’argent. Cependant la jurisprudence des divers Parlement variait à cet égard : en Lorraine, en Alsace, dans le resort de Parlement de Grenoble et dans celui du Parlement de Pau, en Bresse, dans le Bugey, il était permis de stipuler les intérêts de l'argent prêté par stipulation, et ces intérêts étaient dus à compter du jour où il avait été convenu qu'ils seraient payés, sans qu'il fût besoin d'aucune sommation ou condamnation à cet effet. Autrefois le Parlement de Bretagne autorisait la stipulation d'intérêts pour les prêts de deniers dus à des mineurs, mais cette jurisprudence fut changée par le règlement des tutelles de Bretagne, de décembre 1732. Cf. GUYOT. Répertoire de jurisprudence, art. Intérêt, t. IX, pp. 462 et sqq.

34° — Visiteurs de navires neufs soient supprimés.

35° — Liberté de la fourniture des bois pour les chantiers du Roi sans privilège exclusif pour cette fourniture.

[13 signatures, dont celles du président Desmonts et du greffier Pavin].

(H. E. Sée).

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