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VOEU DE LA VILLE DE QUINTIN

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LE VOEU DE LA VILLE DE QUINTIN (1871).

Quintin : Tour de l'ancienne collégiale

Tour de l'ancienne collégiale.

La Révolution française trouva la population de Quintin fidèle aux traditions religieuses de ses pères, et elle eut peine à recruter quelques partisans dans notre cité ; mais chez nous, comme dans d’autres paisibles contrées, une poignée de sectaires, armés des décrets de l'Assemblée nationale et de la Convention, fut assez puissante pour détruire en quelques années les plus précieux souvenirs du passé.

Le 12 octobre 1790, le Chapitre de Notre-Dame de Quintin fut dissous, ses biens confisqués, ses archives saisies, et la Collégiale, profanée par le schisme constitutionnel, dépouillée de ses ornements, devint le théâtre des ignobles bacchanales du culte de la Raison et de l'Etre suprême.

Le prince des ténèbres trônait dans le temple à la place du Dieu vivant ; et comme il sentait que sa victoire serait passagère, il s’acharna à détruire avec plus de rage ce que nos pères avaient le plus aimé, le lieu où Marie accordait depuis trois siècles tant de faveurs à ses enfants.

Déjà la Confrérie de Notre-Dame du Tronc avait disparu avec toutes les autres associations pieuses de la ville.

Le porche de la collégiale, privé de ses gardiens, fut indignement dévasté. Les statues des apôtres, renversées de leurs piédestaux et vendues, comme des matériaux vulgaires, furent l’objet de dérisions sacrilèges avant d’être brutalement détruites. En même temps, des mains impies martelaient à dessein les délicates sculptures qui faisaient la beauté du sanctuaire de Notre-Dame de Délivrance. La statue miraculeuse fut jetée à terre, et confondue avec toutes les autres pieuses images de l’église, elle fut portée dans la cour du château, où, sur l’ordre des officiers municipaux, des bûcherons les mirent en pièces, et leurs débris servirent à la fabrication du salpêtre, commandée par le gouvernement révolutionnaire.

Ces sacrilèges jetaient l’épouvante dans la cité ; mais personne ne pouvait les empêcher. Les plus courageux eux-mêmes étaient contraints de subir la loi de la force brutale. Cependant un fidèle chrétien voulut sauver la statue de Notre-Dame de Délivrance. Il s’aboucha dans ce dessein avec un honnête ouvrier que la nécessité seule contraignait de travailler au château ; mais la madone miraculeuse était déjà détruite. La tête seule restait intacte. L’ouvrier parvint à l’emporter dans un sac et la remit au fidèle serviteur de Marie qui la conserva avec le plus grand respect dans sa maison [Note : Ce chrétien zélé était M. Perreux, aïeul de la respectable famille de ce nom. L’ouvrier s’appelait Jacques Le Gal].

Dès que la France fut pacifiée, le vénérable messire Jacques Souvestre, doyen de l’ancien Chapitre et recteur de Quintin, émigré en Angleterre durant la tourmente, reparut au milieu de son troupeau. On ne chercha pas à reconstruire l’église Saint-Thurian, déjà en ruines avant la Révolution, et le titre de paroisse fut attribué à l’ancienne Collégiale. Les fidèles s’empressèrent aussitôt de rétablir d’eux-mêmes le culte de Notre-Dame de Délivrance. La tête de la madone miraculeuse, restituée par son fidèle gardien, fut ajustée à une statue imitée de celle que les révolutionnaires avaient détruite. L’autel, le tronc, la quenouille reparurent et la piété populaire reprit tous ses anciens usages.

La Ceinture de la sainte Vierge fut rendue en même temps à la vénération des fidèles. Le 25 novembre 1790 les magistrats municipaux avaient saisi et envoyé au creuset la châsse d’argent dans laquelle on la conservait depuis le longues années ; mais la relique elle-même avait été soustraite à la profanation. La main inconnue qui la sauva parvint à s’emparer également des quelques papiers des archives capitulaires qui sont comme les monuments de l’histoire de notre précieux trésor.

Ce double dépôt fut restitué à M. le doyen Souvestre, qui reconnut et constata l’authenticité de la sainte relique. Elle fut déposée aussitôt dans une châsse grossière de bois doré, fabriquée en forme de chapelle, probablement d’après les souvenirs encore vivants du reliquaire détruit pendant la Révolution ; mais cet abri provisoire parut bientôt trop indigne de ce joyau inestimable. La générosité d’une noble dame permit de le remplacer par un coffret du même modèle, mais d’un goût meilleur et en métal argenté [Note : Cette châsse fut donnée par Madame Sophie Grignard de Champsavoie, épouse de M. Louis Bouan, chevalier de Saint-Louis. La paroisse lui doit également le chef argenté de saint Thurian, que d’audacieux voleurs dérobèrent en 1902].

Chaque année, le jour de l'Assomption, la sainte Ceinture fut exposée selon l’usage traditionnel, et portée sous un dais à travers les rues de la ville, durant la procession du Voeu de Louis XIII. Au retour à la Collégiale, on chantait comme autrefois le Te Deum en action de grâces de la conservation miraculeuse de la relique en l’année 1600. Les femmes de Quintin et des alentours revinrent « prendre la Ceinture » et recevoir des rubans bénits et des marques sensibles de la protection du ciel récompensèrent de nouveau leur confiance en Marie.

On eût pu espérer que le culte de Notre-Dame de Délivrance allait refleurir : mais cette dévotion si précieuse cependant pour toute la population quintinaise, ne reçut aucun encouragement. Elle allait chaque jour en s’affaiblissant lorsque, pour agrandir l’église, on acheva de dénaturer l’humble sanctuaire de la Reine de la cité. La muraille qui séparait le porche de l’église fut renversée ; l’autel de Notre-Dame de Délivrance disparut avec sa quenouille. La madone vénérée resta cependant à sa place et des âmes pieuses, fidèles dépositaires d’une tradition dont la masse des habitants avait perdu le souvenir, continuèrent à la saluer par une courte prière avant de sortir de l’église [Note : Le Te Deum annuel du 15 août fut supprimé à la même époque, sous prétexte que l’on ne savait plus pour quel motif on le chantait].

Le titre même de l’ancienne Collégiale était déjà effacé. En transférant à cette église la qualité de paroisse, on ne voulut pas, et à bon droit, laisser tomber le patronage séculaire de saint Thurian sur la population de Quintin ; mais son nom et son culte firent oublier peu à peu ceux de la Mère de Dieu. On savait encore vaguement que la Nativité de la sainte Vierge était autrefois la fête du quartier de la Ville proprement dite ; mais sauf quelques lettrés et deux ou trois vieillards, tout le monde ignorait que ce jour avait été choisi parce que la Collégiale était dédiée à Marie. La Mère de Dieu n’était plus honorée d’aucun culte spécial dans cette église, bâtie, dotée, consacrée à sa gloire ; et elle n’avait plus un seul sanctuaire dans notre ville, si fière autrefois de la saluer comme sa Reine.

La plus solide gloire peut-être de notre époque, et à coup sûr sa meilleure espérance, est l’épanouissement soudain de la piété envers Marie, qui a fait germer sur le sol de la France les pèlerinages, les confréries, les églises, les autels par milliers. Notre pieuse cité s’est associée avec ardeur à cette heureuse rénovation, et non contente de rétablir ses anciennes confréries du saint Rosaire, du Scapulaire de Notre-Dame du Carmel, ses congrégations d’hommes et de femmes, elle a accueilli toutes les dévotions nouvelles dont l’amour de Marie a enrichi l'Eglise depuis un demi-siècle.

Seule, Notre-Dame de Délivrance avait été oubliée, et la précieuse relique eût été elle-même négligée, si les femmes enceintes n’en avaient pas expérimenté sans cesse la merveilleuse efficacité. Leur reconnaissance envers Marie les a portées souvent à répandre une dévotion qui leur avait été salutaire et des ceintures, bénites à Quintin, ont donné bien loin de notre ville des signes éclatants de la vertu surnaturelle que le contact de la précieuse relique leur avait communiquée.

Le pèlerinage même n’a jamais complètement cessé. Plusieurs fois, chaque année, de pieux voyageurs arrivant presque toujours de la Cornouaille, et quelquefois des pays de Vannes et de Tréguier, venaient vénérer la Ceinture de Marie, et apporter à Notre-Dame de Délivrance un cierge et une modeste aumône. Ces humbles pèlerins n’ont-ils jamais été troublés en cherchant vainement un signe extérieur de ce culte, que dans leur foi naïve ils s’attendaient à trouver florissant parmi nous ?

Cependant l’heure de la réparation approchait. En 1867, le choléra fit une subite irruption dans notre ville, et on craignit un moment une redoutable contagion. Des âmes pieuses cherchèrent alors une défense contre le fléau dans la dévotion à la Ceinture de Marie. Les rubans bénits, dont les femmes chrétiennes avaient seules conservé l’usage, furent répandus en grand nombre dans la cité, et cet élan soudain de piété envers Marie fut peut-être la cause principale qui arrêta le fléau prêt à décimer nos familles [Note : Plusieurs personnes nées à Quintin, mais habitant loin de la ville, dans des pays visités par le fléau, ont attribué leur salut à cette dévotion].

L’année 1870 amena de plus cruelles angoisses : Rome aux mains des impies, le Vicaire de Jésus-Christ prisonnier, la France foulée aux pieds par un insolent vainqueur, menacée au dedans par l’anarchie et exploitée sans pudeur par une poignée d’insensés. Vit-on jamais plus amère complication de maux ! Autour de presque tous nos foyers il n’y avait plus alors que des femmes, des enfants, des vieillards inquiets sur le sort de fils, de frères, d’époux, de pères, partis pour défendre la patrie. Que de larmes et d’angoisses durant les six mois de cette guerre implacable ! Chaque courrier annonçait quelque nouveau désastre subi par l'Eglise ou la patrie ; et, si, dans la cité, quelques rares familles n’avaient aucun de leurs membres sur les champs de bataille, il n’en était pas une seule qui ne gémît sur les humiliations de la France et du Vicaire de Jésus-Christ.

Déjà, au moment du départ des soldats pour cette campagne désastreuse, la dévotion à la Ceinture de Marie s’était réveillée soudain. On fit bénir et toucher à la sainte relique des rubans, des médailles, des chapelets, des scapulaires que nos jeunes gens emportèrent comme une défense contre les maladies et le feu de l’ennemi. La mort a fait, hélas ! dans leurs rangs, des vides cruels ; cependant les victimes sont bien loin d’être en proportion avec nos soldats et les dangers qu’ils ont courus. Notre-Dame de Délivrance a couvert de son manteau les enfants de cette cité où son culte allait renaître.

A mesure que ces douloureux événements se déroulaient sous nos yeux épouvantés, l’élan de la piété, la dévotion envers Marie, la dévotion surtout envers la précieuse Ceinture s’accentuaient davantage. Des lampes brûlaient nuit et jour devant l’autel où la relique était enfermée ; des messes y étaient célébrées sans cesse à la demande des fidèles, qui y accouraient presque à toute heure, suppliant la Mère de Dieu de prendre en main la cause de l'Eglise, de la France, de tant de familles affligées. De pieuses âmes avaient un vague sentiment d’un devoir impérieux, d’un acte éclatant de reconnaissance et de gratitude envers Marie trop longtemps négligée. On parlait de faire connaître au loin la précieuse ceinture, de relever son culte et celui de Notre-Dame de Délivrance, lorsque le torrent de l’invasion étrangère, avançant toujours, menaça la Bretagne. Toute espérance de victoire était évanouie, et la France, à la merci de son brutal vainqueur, était menacée encore de plus grands maux par la criminelle folie de ses enfants. Déjà d’horribles avant-coureurs de plus terribles fléaux multipliaient les victimes dans notre malheureuse province.

A ce moment d’angoisses suprêmes, un voeu de la ville de Quintin pour la restauration du culte de Notre-Dame de Délivrance fut proposé par de fidèles servantes de Marie ; et M. le curé-doyen, Aimé Guillemot, donna à ce projet l’approbation de son autorité pastorale. Une formule fut aussitôt rédigée, et, pendant trois jours, tous les habitants vinrent les uns après les autres la signer à la Collégiale, devant l’autel même de Marie et la relique de sa précieuse Ceinture.

Chaque père, chaque mère de famille étaient admis à inscrire à la suite de leurs noms ceux de leurs enfants ; et ainsi les braves jeunes gens qui souffraient encore pour le bien de la patrie, n’ont pas été séparés de leurs concitoyens sur ce registre du voeu, livre d’or qui sera conservé à jamais dans les archives de notre paroisse comme un monument de notre piété envers Marie. Les noms qui y sont écrits resteront pour la plupart obscurs sur la terre ; mais, aux yeux des anges et des saints, aux yeux même du simple chrétien illuminés par la foi, ils ont acquis une noblesse que ne donnent pas les titres les plus enviés de ce monde et que le péché seul peut ôter, celle des clients dévoués qui se rangent sous l’étendard de Marie.

Après s’être enrôlé dans la milice sainte de Notre-Dame de Délivrance, chaque fidèle déposait une offrande dans un tronc qui recevait l’obole du pauvre avec le don du riche. « Dieu seul et la Sainte Vierge, avaient dit les promoteurs de cette sainte entreprise, seront dans la confidence du donateur. Tous seront admis à s’inscrire, et nul ne sera exclu, car les plus pauvres trouveront toujours, ne fût-ce qu’en la sollicitant, l’offrande qui ne leur sera pas refusée ». Mais cet engagement, pris par chacun en particulier, devait être formulé au nom de tous par le digne pasteur, père commun de toute la cité.

Le jeudi 2 février 1871, fête de la Purification de la bienheureuse Vierge Marie, avait été choisi pour l’émission solennelle du Voeu. Ce jour, impatiemment attendu depuis plusieurs semaines, se leva enfin. Dès le matin, les fidèles se pressaient en grand nombre à la sainte table, et durant tout le jour ils se succédèrent devant l’autel de la Sainte Vierge pour vénérer la Ceinture, exposée au milieu d’une brillante décoration. La grand'messe et les vêpres furent célébrées avec la pompe des grandes solennités. Sur le soir, appelée par les volées joyeuses des cloches, la foule remplit en un clin d'oeil les nefs trop étroites pour cette affluence inusitée, même dans notre pieuse cité. Parée de lumières étincelantes, l’antique église semblait se réveiller comme à l’aurore d’une gloire nouvelle. Après l’office des vêpres, la Ceinture de Marie fut portée en procession autour de l’église à travers les rangs des fidèles pieusement inclinés. Vint ensuite le moment solennel. Quand la sainte relique eut été placée sur l’autel, le vénérable pasteur, entouré de son clergé, lut à haute voix la formule du voeu.

« Pour obtenir la paix et la tranquillité de l'Eglise, la délivrance de notre bien-aimé Père le Pape Pie IX ;

Pour obtenir la cessation des fléaux qui désolent la France, notre chère Patrie ;

Pour obtenir enfin que nos frères absents soient, au milieu des dangers qui les menacent, visiblement protégés par la divine miséricorde ;

Nous nous vouons, nous et nos familles, à la Vierge Immaculée, à Marie Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Nous nous engageons à offrir un reliquaire pour renfermer dignement la précieuse relique dont notre église paroissiale est dépositaire ;

Nous nous engageons à faire tous nos efforts pour rétablir le culte dont la très sainte Vierge était l’objet dans notre antique Collégiale sous le vocable de Notre-Dame de Délivrance ; à le répandre et à le propager ; à faire connaître l’histoire et l’authenticité de notre relique, ainsi que les nombreuses faveurs obtenues par tous ceux qui, de près ou de loin, lui ont donné des témoignages de leur vénération ;

Un coeur en argent sera offert à la sainte Vierge. On y déposera les noms des personnes qui ont adhéré au voeu ».

Toutes les âmes s’unissaient dans un élan unanime à la voix du vénérable pasteur ; et quand il eut achevé, la foule redit un pieux cantique dans lequel une servante de Marie avait traduit les sentiments qui remplissaient les coeurs. Bientôt Notre-Seigneur lui-même, caché sous les voiles eucharistiques, daigna bénir cette pieuse population, qui jurait de travailler à l’honneur de sa mère, et le Te Deum triomphal, terminant cette cérémonie, fut comme le cri de reconnaissance de ces fidèles chrétiens, heureux de s’acquitter enfin d’un devoir trop longtemps négligé (Alphonse Guépin).

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