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Les seigneurs de Quintin au temps d'Anne de Bretagne.

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Les seigneurs de Quintin au temps d'Anne de Bretagne d'après les comptes seigneuriaux.

Lors de la naissance d'Anne de Bretagne, en 1477, l'une des plus importantes parmi les seigneuries bretonnes est la baronnie de Quintin.

Le vieux château de Quintin (Bretagne).

La seigneurie, située dans l'actuel département des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), comprenait autour de la ville de Quintin, au sud de Saint-Brieuc, un certain nombre de paroisses réparties entre l'évêché de Saint-Brieuc et celui de Cornouaille, traversées comme aujourd'hui du nord au sud par la limite linguistique entre le breton et le français. D'est en ouest, la ligne de partage des eaux entre la Manche et l'Atlantique se trouve dans la partie méridionale de la baronnie, région où les collines dépassent 300 m d'altitude et sont recouvertes par l'importante forêt de Lorge, dite de Couetrach ou de Quintin au Moyen Age. Le Gouet prend sa source non loin de là et traverse la ville de Quintin, puis celle de Saint-Brieuc avant d'atteindre la mer.

La seigneurie est divisée en trois recettes ou bailliages ; chacune d'elles comprend un certain nombre de fermes de terre et de convenants. C'est la recette de Botoha, située à l'ouest dans la partie bretonnante, qui en compte le plus. Le receveur de la ville et du Plain de Quintin, souvent évoqué dans les lignes qui suivent, est comptable des droits et rentes diverses que le seigneur possède dans la ville ; il effectue les paiements relatifs aux divers édifices seigneuriaux : château, moulins à blé, à tan, foullerets, auditoire, cohue ; il règle aussi les dépenses de la famille et de la maison seigneuriale. Le receveur du bailliage de la Forêt, quant à lui, recueille les revenus en deniers fort importants que procurent les ventes du bois, des produits de la mine de fer et du haras de chevaux sauvages de la forêt de Couetrach ; le manoir de l'Ermitage, résidence préférée de la famille seigneuriale, se trouvait dans la forêt ; aussi les renseignements fournis sur la vie quotidienne du seigneur sont-ils particulièrement nombreux et intéressants dans les comptes du bailliage. L'absence du compte de la Forêt pour la période de guerre traversée par la Bretagne à la fin du XVème siècle est de ce fait très regrettable.

Toutefois d'importantes archives, conservées tant au château de Quintin que dans la série F des Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, comportent notamment une très belle série de comptes seigneuriaux pour les XVème et XVIème siècles.

Les seigneurs de Quintin, auxquels les documents du XVème siècle donnent le titre de comte, appartiennent à la famille du Perrier. Descendants lointains par les femmes de Geoffroi Boterel, lui-même juveigneur de la famille de Penthièvre-Avaugour, ils sont représentés en 1477 par Tristan du Perrier, époux d'Isabeau de Montauban, cousine par sa mère Bonne Visconti d'Isabeau de Bavière, reine de France, et du duc d'Orléans. Comme François II, duc de Bretagne, Tristan du Perrier, mort en 1482, n'a pas d'héritier mâle, mais une fille Jeanne. Celle-ci s'est mariée en 1472 à Jean de Laval, baron de La Roche-Bernard, fils du comte de Laval, Guy XIV, et d'Isabeau de Bretagne. Veuve en 1476 avec un fils Nicolas, elle épouse en secondes noces Pierre de Rohan, seigneur de Pont-Château, frère de Jean, vicomte de Rohan. A sa mort, en 1504, la seigneurie de Quintin passe à la puissante famille de Laval en la personne du fils aîné de Jeanne, devenu Guy XVI, comte de Laval, en 1501 [Note : Sur les seigneurs de Quintin, voir A. de La Borderie, La ceinture de la Sainte Vierge conservée à Quintin. Documents inédits avec un commentaire historique et une nouvelle généalogie des seigneurs de Quintin, Saint-Brieuc, 1890. R. Chassin du Guerny, Etude sur l'organisation de la seigneurie de Quintin, Rennes, 1905].

La fin du XVème siècle est marquée par le problème soulevé par le mariage d'Anne, héritière du duché de Bretagne. Le duc François II, soutenu par le duc d'Orléans et le prince d'Orange, Jean de Chalon, entre autres, envisage de marier sa fille à l'archiduc Maximilien ; le sire d'Albret est candidat à la main de la jeune princesse. Par sa famille, comme par ses deux alliances, Jeanne du Perrier se trouve dans le parti qui est acquis au roi de France. Son beau-frère, le vicomte de Rohan, et son mari, Pierre de Rohan, sont à la tête des seigneurs bretons favorables au roi. Des membres importants de ce parti visitent les seigneurs de Quintin ; François d'Avaugour, bâtard de François II, dont la fidélité au duc, son père, sera bien incertaine, est l'hôte de Tristan du Perrier en 1481 [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 1 F 1318, fol. 37 v° et 38]. Vers mai 1486, c'est Jean du Perrier, seigneur de Sourdéac, qui séjourne à Quintin [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 1 F 1318, fol. 113. D'après Le Roux de Lincy, Vie d'Anne de Bretagne, t. III, p. 189, il recevait une pension du roi de France].

Alors que le roi de France, Charles VIII, envoie en 1487 des troupes en Bretagne, Pierre de Rohan, l'époux de la dame de Quintin, prend une part active aux opérations militaires dans les rangs de l'armée royale [Note : Sur la réunion de la France à la Bretagne et la guerre qui l'a précédée, voir A. de La Borderie et B. Pocquet, Histoire de la Bretagne, Rennes, 1906, t. IV, passim. A. Dupuy, Histoire de la réunion de la Bretagne à la France, Paris, 1880. Yvonne Labande-Mailfert, Charles VIII et son milieu (1470-1498). La jeunesse au pouvoir, Paris, 1975]. Au début de l'été 1487, il prend Moncontour, mais échoue devant Guingamp, fidèle au duc, et ravage la région. Le comté de Quintin subit le contrecoup de ces événements ; la ville, qui sert de garnison aux troupes des Rohan, est à son tour pillée par « ceux de Guingamp » qui brûlent le château [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 84. Ce compte mentionne des achats de viande de porc, de boeuf et de mouton aux bouchers de Quintin faits « lorsque ceux de la vicomté et le capitaine de la Guenasche y estoient en garnison paravant la pille de ceux de Guingamp » qui pillèrent la ville et brûlèrent le château ; d'après les relations du maître d'hôtel Richard des Noés, des 6 et 7 juillet 1487, le montant de ces achats s'élevait à 109 s. et à 75 s.m]. Les gens de guerre du parti français sont à nouveau dans la ville à l'automne 1487 ; leur présence écarte les marchands des foires de la Saint-Martin (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 13). Le 5 décembre 1487, le prince d'Orange et les Allemands envoyés par l'archiduc Maximilien au secours du duc de Bretagne s'emparent de Quintin. C'est un désastre. Les moulins de la ville, à blé, à tan et à fouler, déjà fort abîmés par une inondation due à la rupture de la chaussée du moulin du Bois sur le Gouet, le 23 août (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 9, 9 v°, 38 v°, 39 v°, 40 et passim), sont en décembre victimes des pillages des gens de guerre, comme d'ailleurs les autres moulins, nombreux dans le pays (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 9, 9 v°, 38 v°, 40, 67, 67 v°, 68, 69, 70 v).

L'insécurité durera plusieurs années ; le compte d'Olivier Guillouy, receveur de la ville et du Plain de Quintin, le seul qui soit conservé pour cette époque, est empli de doléances ; les gens de guerre ont, de surcroît, rompu ses coffres et mis à mal sa comptabilité (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 5 v°). Pendant les années 1488 et 1489, la monnaie est dévaluée, les denrées enchérissent [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 3 et passim. La monnaie est dite faible en 1488, le gros valant 2 s. 6 d. et la hallebarde 20 d. ; en 1489, le gros est à 15 d. ; en 1490, des paiements sont encore effectués en faible monnaie. A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 85, le prix du boisseau de froment, mesure de Saint-Brieuc, est de 3 s. 4 d. en 1487, de 15 s.f.m. en 1488, de 16 s. 8 d. en 1489, de 4 s. 4 d. en 1490 et de 4 s. 8 d. en 1491]. Le premier trimestre de l'an 1488 semble avoir été particulièrement difficile. Les Rohan, en mauvaise posture, signent avec le duc, le 26 mars 1488, un traité de réconciliation, de courte durée cependant [Note : Dom Morice, Mémoires pour servir de preuves à l'histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, t. III, p. 571-574]. La vie de la seigneurie de Quintin est à peu près paralysée. N'est-ce pas la guerre qui oblige Jeanne du Perrier à s'installer à Cluhunault, dans le sud de la baronnie, où des provisions lui sont envoyées en février et avril 1488 [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 84 v°. En ce début d'année, les chiens de Pierre de Rohan se trouvent à l'abbaye de Bonrepos (Côtes-du-Nord, commune Saint-Gelven, canton Goarec), A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 110 v°]. Les moulins sont en chômage, écrit le receveur Guillouy ; ceux de Dieust, du Roncou, du Feil, de Colvé, de la Perche, le « moulin es Loups » sont inutilisables jusqu'en février-mars 1488 (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, passim) ; les moulins à blé de la ville sont hors de service jusqu'à la Toussaint 1488, peut-être même jusqu'en janvier 1489 (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 38 v°). Personne, en cette année 1488, ne veut affermer les pêcheries des moulins, car les gens de guerre ne laissent rien, pas même les filets de pêche (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 35 v° et ss). Le commerce de la ville est réduit à néant ; les étaux à boucher ne trouvent pas de fermiers en 1488, les drapiers ne fréquentent pas la cohue ; les droits de cohuage ne sont affermés que le 16 avril 1488, car la présence des gens d'armes dans Quintin décourage les fermiers éventuels (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 15 v°, 19, 22 v°). Les passages de Saint-Donan et d'Allineuc ne sont pas fréquentés à cause des pillards ; les droits que le seigneur de Quintin a coutume d'y percevoir ne donnent lieu à aucune ferme [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 116 v° et 117. Par contre, le passage de Saint-Thurian continue à être affermé, A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 23 et 24].

Après la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, remportée en juillet 1488 par l'armée royale qu'a rejointe le sire de Quintin (Dom Morice, op. cit., p. 591), la capitulation de Dinan, puis celle de Saint-Malo, le duc François II est amené à conclure le traité du Verger avec Charles VIII, le 19 août ; il meurt quelques semaines plus tard, le 9 septembre.

Ces événements ont-ils détourné la guerre du pays de Quintin où la vie économique reprend ? La foire de la Saint-Martin, désertée l'année précédente, est à nouveau fréquentée ; les trois droits qu'y percevait le seigneur de Quintin : le gros, le sollerage et les étalages de cordonniers, peuvent être affermés à nouveau [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 13 et ss., le gros est affermé 27 l. 10 s.f.m., le sollerage 91 s. 3 d.f.m. et les étalages à cordonniers 4 l. 11 s. 3 d.f.m. En 1486, le montant de ces fermes étaient respectivement de 20 l. 5 s.m., 63 s. 6 d.m. et de 33 s. 6 d.m.] ; des marchés sont conclus en l'automne 1488 pour la réparation des édifices endommagés, nous y reviendrons.

Mais la mort du duc François II a rendu plus aiguë encore la crise suscitée par le mariage de sa fille aînée, Anne, devenue duchesse de Bretagne. Aussi le répit de l'automne 1488 ne durera-t-il pas au Quintin. Pierre de Rohan est à Dinan en février 1489 ; des vivres lui sont apportés de Quintin [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 113, le transport de 24 chapons et de 30 poules a coûté 40 s.f.m.]. A Quintin, sur l'ordre de Jeanne du Perrier, deux hommes font le guet dans le clocher de la collégiale Notre-Dame pendant quinze nuits à partir du 7 mars, chacun d'eux recevant 2 s. 6 d. par nuit de guet : la dépense se monte à 30 gros de guerre (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 105). La ville sert à nouveau de garnison ; en avril 1489, les archers de Pierre de Rohan s'y trouvent et 6 l. de faible monnaie sont payées au receveur, sur l'ordre de « Madame », pour les dépenses qu'ils ont faites (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 97). Leur présence n'empêchera pas celle de soldats anglais [Note : A la suite d'un accord conclu entre Henri VII, roi d'Angleterre et la duchesse le 8 février 1489, des troupes anglaises avaient débarqué en Bretagne, à Guérande en mars, à Bréhat en avril. A. Dupuy, op. cit., t. II, p. 165, 175 et ss.], bretons et autres dans la région, si ce n'est dans la ville. Si l'on en croit le receveur, Olivier Guillouy, la crainte de ces soldats décourage les marchands de se rendre à Quintin aux foires dites de Mai, aussi bien qu'à celles de la Saint-Martin en novembre (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 21 v°, 116 v°).

Bien que la guerre n'ait pris fin qu'en décembre 1491 avec le mariage de la duchesse Anne et du roi de France Charles VIII, la vie est redevenue normale, semble-t-il, au pays de Quintin. A partir de 1490, les divers droits perçus par le seigneur dans la ville sont affermés sans difficulté. Les mentions relatives à l'approvisionnement de la maison seigneuriale, qui avaient à peu près disparu des comptes du receveur Guillouy, reprennent en 1490 [Note : L'absence de compte pour la recette de la Forêt, à cette période, empêche de tirer des conclusions absolues du compte de la ville et du Plain 1 F 1321. Dix boeufs sont achetés pour 190 l. 15 s., sur l'ordre de Madame, afin d'être engraissés dans les taillis de la forêt en mai et juin, A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 98]. Jeanne du Perrier se trouve certainement à Quintin la veille du 15 août 1490 ; elle y effectue une dépense de 16 l. 15 s. faible monnaie [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 98 v°, quatre oies grasses, huit chapons et une poule, plus une aune de blanchet sont envoyés à l'Ermitage selon une relation du maître d'hôtel datée du 14 novembre 1490]. Au début de l'année 1491, du gibier, entre autres provisions, est apporté au manoir de l'Ermitage pour la venue de Monseigneur le Prince et de Monseigneur de la Roche [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 99, selon une relation du 14 février 1491]. Ce dernier n'est-il pas le fils de Jeanne du Perrier, Nicolas de Laval, seigneur de La Roche-Bernard ? C'est à la mi-octobre 1491 que la présence de Pierre de Rohan est à nouveau signalée ; il séjourne pendant trois jours à Quintin avec ses gens et ses chevaux, les 16, 17 et 18 octobre (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 99 v° et passim.). A partir de cette date, des séjours fréquents, mais de courte durée, des seigneurs de Quintin sont mentionnés dans le compte de la ville ; Jeanne du Perrier et son mari demeurent sans doute à nouveau dans leurs manoirs de la forêt à l'Ermitage ou à Folinvise. Vers décembre 1491, se situe une visite de Monseigneur de Rohan ; une « seulgne » a été apportée de Corlay à Folinvise pour pêcher à cette occasion (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 100).

Comment Jeanne du Perrier et Pierre de Rohan ont-ils fait face aux dévastations apportées par la guerre ? Il convient de remarquer ici que la ville paraît avoir été plus touchée que la campagne. Olivier Guillouy, dont la recette comporte bon nombre de convenants et de fermes de terre, ne semble pas avoir rencontré dans la levée des rentes domanières et des fermages les difficultés dues à la guerre qui reviennent à tout instant quand il s'agit de la ville de Quintin. Il faut aussi souligner l'énergie avec laquelle la dame de Quintin et son mari se sont employés à réparer les ruines, alors que la guerre fait rage et qu'ils y sont personnellement fort engagés. Les édifices les plus touchés dès le début de la guerre sont, on l'a vu, les moulins à eau. Après l'inondation du 23 août 1487, dès le 25 septembre 1487, sur l'ordre de Pierre de Rohan lui-même, deux marchés sont conclus, l'un pour la reconstruction des moulins à blé de la ville, l'autre pour la réparation de la chaussée de l'étang de Quintin ; une cédule relative à la charpente de ces moulins est datée du 8 octobre 1487 ; le 10 octobre 1488, un marché est passé pour la couverture ; à la Toussaint 1488, les moulins à blé sont à nouveau en état de moudre (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 87, 87 v°, 89 v°, 90, 112 v°). Tout au long des années 1488 et 1489, les marchés se succèdent pour la remise en état des moulins détruits [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 87 à 92, réparation de la chaussée du Moulin du Bois, cédules des 2 et 16 octobre 1487 ; charroi du « channel », 9 juin 1489 ; réparation de la chaussée des moulins foulerets, 20 août 1488 ; marché de charpenterie du 14 décembre 1489, etc...]. La réparation du parquet, des portes et de la charpente de l'auditoire où était rendue la justice seigneuriale donnent lieu à un marché le 22 octobre 1488 (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 91 v°). Il en est de même pour la cohue et le four à ban (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 92). En 1491 et 1492, le gibet de Quintin est entièrement refait [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 91 et 91 v°, marchés des 15 décembre 1491 et 24 janvier 1492] ; une prison est construite à l'une des extrémités de la cohue vers 1492 [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 100 v°, relation du 12 février 1492]. Le château de Quintin, qui avait été reconstruit par Tristan du Perrier [Note : Voir A. de La Borderie, Recueil de documents concernant l'architecture militaire du Moyen-Age en Bretagne (Mémoires de l'Association Bretonne, 1894, t. I, p. 194-197)], le père de Jeanne, quelques années avant sa mort, est agrandi ; en 1499, le receveur de la ville et du Plain dresse une liste de quatorze maisons et jardins proches du château, dont il n'a pu percevoir les rentes pour les années 1497 et 1498, « Monseigneur » les ayant annexés pour y faire construire de nouveaux édifices : maisons, écurie, galerie couverte (« baesle »), jardins (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1324, fol. 60 v°). Le même receveur mentionne une maison de la vénerie proche de l'étang, de grandes et belles écuries près du château, non loin de la porte Saint-Julien (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1324, fol. 3 v°). Les travaux ne paraissent pas avoir été achevés à la mort de Jeanne du Perrier, en 1504.

Si les seigneurs de Quintin ont pu en quelques années réparer les dommages de la guerre, c'est que l'un comme l'autre sont d'excellents administrateurs qui savent allier la fermeté à la souplesse. Le système administratif de la régie, en usage dans la baronnie de Quintin, leur donne la haute main sur l'administration de leur terre. L'expression qui revient sans cesse sous la plume des receveurs : Monseigneur ou Madame, présent sur ce compte, illustre bien cette situation, qu'il s'agisse de réparations, d'achats divers pour la maison seigneuriale, de remises d'amendes, de l'examen des comptes des receveurs.

La paix revenue, la grande dame qu'est Jeanne du Perrier préside aux achats divers que nécessite sa maison : bétail acheté aux foires des environs pour être salé ou bien engraissé en forêt, beurre et vins. Les achats de vins, qui avaient disparu des comptes pendant les années de guerre, réapparaissent dans les années qui suivent. Parmi les dépenses faites pour Madame et sur son ordre, depuis le 23 octobre 1500, figurent environ quatorze pipes de vin de Poitou, une pipe de vin « chauché » et trois de vin de Gascogne [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1327, garants du compte de Guillemin Doyneau (1500-1501) ; la pipe de vin « chauché », peut-être en provenance de Saintonge, coûte 8 l. 5 s.m., le vin de Poitou 10 l. 8 s. 4 d. et 11 l.m. le tonneau, le vin de Gascogne 15 l.m. le tonneau]. On relève aussi des achats d'étoffes : draps divers (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1327), toile [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1421, fol. 136, sur mandement de Madame daté du 11 février 1502, le receveur du bailliage de la Forêt a payé 16 l. 8 s. 10 d.m. tant pour le paiement de 159 aunes de toile que pour l'achat de lots de fil à Loudéac, et pour la dépense des gens qui purent acheter le fil ; les toiles venaient-elles aussi de Loudéac ?]. Mentions très intéressantes, mais pas toujours assez claires pour renseigner sur l'état de l'industrie toilière au pays de Quintin, industrie sur laquelle les comptes seigneuriaux restent muets au chapitre des recettes [Note : Dans le compte du même bailliage de la Forêt pour 1500-1501, 1 F 1420, fol. 58, on trouve la mention d'un douet et pièce pour blanchir toiles sur lesquels pèsent 20 s.m. de rente avec une crue de 5 s. ; c'est la mention la plus explicite que nous ayons rencontrée].

La mort de Jeanne du Perrier, dans le courant de l'année 1504, marque un grave tournant pour la seigneurie de Quintin. Autant Jeanne et son mari se sont occupés personnellement de tous les détails des affaires, autant Guy XVI, comte de Laval, le fils aîné de la dame de Quintin, se trouve par la force des choses empêché d'agir de même. Il ne réside plus au Quintin qu'il nomme ses terres de « par delà », mais dans ses châteaux de Vitré, de Camper et de Laval. La reine Anne de Bretagne, qui l'a marié en janvier 1501 à Charlotte d'Aragon, princesse de Tarente, tient elle-même sur les fonts baptismaux le dernier enfant de Charlotte, Anne, le 28 septembre 1505, à Vitré. Guy XVI mourra en 1531 d'un accident de cheval, gouverneur de Bretagne [Note : Comte Bertrand de Broussillon, La maison de Laval..., t. IV, Les Montfort-Laval et leurs cadets, 1501-1605, p. 1-24. Le même ouvrage, p. 35 et 36, contient l'édition d'une lettre de Guy XVI et d'une autre de Charlotte d'Aragon, adressées à la reine Anne, écrites à Laval entre 1501 et 1505. On y trouve, en outre, la reproduction d'un vitrail de l'église de Montmorency représentant Guy XVI, remarié en 1517 avec Anne de Montmorency].

Si les comptes de la seigneurie de Quintin cessent de nous renseigner de manière aussi abondante que par le passé sur le train de la vie seigneuriale, les pièces de comptabilité ou garants qui les accompagnent contiennent souvent des pièces signées de Guy XVI lui-même, dont certaines, peut-être écrites sous sa dictée, reflètent la passion et l'impatience qui animent le nouveau sire de Quintin quand le sujet lui tient à cœur. Ces mêmes pièces attestent un séjour de Guy XVI en août 1505 à Quintin [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1424, mandement du 17 août 1505, donné « en nostre chastel de Quintin »] ; séjour probablement en rapport avec les difficultés qu'il a rencontrées avec son beau-père Pierre de Rohan à la suite du décès de Jeanne du Perrier, mais aussi avec le voyage que la reine Anne effectue cette année-là en Bretagne. Une autre lettre du jeune comte, datée de Vitré le 8 mars 1506, contient une allusion au passage de la reine à Guingamp ; Guy XVI y demande qu'on lui amène le sonneur de flûte qui sonnait durant que la reine était à Guingamp ; le musicien, qui se nomme Le Duc et doit être des environs de Guingamp, apprendra, espère le comte, à son « tabourin » à sonner des passepieds [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1424, la pièce est annotée par La Borderie qui la date de 1506 par référence au passage de la reine à Guingamp dont la date est connue par ailleurs].

Le nouveau seigneur de Quintin se montre soucieux de continuer l'œuvre de sa mère, qu'il s'agisse d'achever les galeries du château de Quintin [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1424, mandement du 17 août 1505], d'entretenir les manoirs forestiers de l'Ermitage et de Folinvise, de confirmer dans leurs charges les officiers ou de faire célébrer des messes dans les chapelles de l'Ermitage et de Folinvise comme au temps de la défunte comtesse [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1424, 1425, 1427, garants des comptes du receveur de la Forêt]. Celle-ci avait manifesté le même souci en son vivant (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1321, fol. 109). Mais les officiers de Guy XVI, à Laval, prendront désormais une part importante à l'administration de la seigneurie de Quintin ; le personnel de celle-ci aura affaire aux receveurs généraux du comte de Laval, Robert Pinczonneau et Guillaume Dupuy, à son argentier Le Maroulier. Dans un mandement daté de Laval, le 23 décembre 1506, Pinczonneau tance vertement Olivier Le Bras, receveur de la ville et du Plain de Quintin, en retard dans ses paiements ; il faut envoyer quelqu'un sur place pour recouvrer les deniers, procédé fort coûteux. « C'est mal commencer en charge », écrit Pinczonneau (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1329). La terre de Quintin reste bien administrée, même si Guy XVI n'y vient plus que de loin en loin. Le grand seigneur qu'il est a, certes, besoin de beaucoup d'argent. Un mandement du même Pinczonneau, en date du 28 juillet 1507, fait allusion aux emprunts qu'il a dû contracter pour la mise d'un voyage de Monseigneur, peut-être en Italie où se trouve le roi ; il termine sa lettre en écrivant : « Envoyez le plus d'argent possible, car je vous promets que j'en ai grand affaire » (A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1330).

Pourtant, la baronnie de Quintin semble avoir été pour Guy XVI autre chose qu'une source de revenus. Elle lui offre des chevaux, des chiens et des oiseaux de chasse que, brillant cavalier et grand chasseur, comme ses contemporains, il sait apprécier en connaisseur. Guy XVI s'intéresse personnellement au haras de chevaux sauvages de la forêt de Couetrach. En avril 1514, par exemple, il fait amener de Laval deux grands étalons pour les mettre avec les bandes de juments qui se trouvent dans les taillis, ceci afin de remplacer deux vieux étalons qui seront mis à la pâture pour être vendus [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1427, garants de compte de la recette de la Forêt (1514-1515), mandement au receveur Olivier Hervé du 24 avril 1514 ; prise en charge de six juments par le concierge du château de la Gravelle, le 16 juin 1514 ; relation de Thibaud Moro, lieutenant du surgarde, du 8 août 1514]. Même intérêt de la part du comte de Laval pour les chiens de chasse du pays de Quintin : épagneuls que lui offre Diago de Suace, sire du Colledo [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1425, garants du compte de la Forêt (1508-1509), cahiers des mises, fol. 10 v°], mâtins des villages aux alentours de la forêt [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1426, quittance du 26 octobre 1512 donnée par le veneur du comte au receveur de la Forêt, au dos du mandement même de Guy XVI, daté du 12 octobre 1512] et lévriers. Toute une correspondance s'échange entre Guy XVI et son receveur qu'il talonne littéralement au sujet d'une « lévrière ». L'impatience qui anime le comte lui fait terminer son mandement par l'ordre de trouver une autre chienne, celle qui a été envoyée l'ayant déçu, quoi qu'il en coûte au receveur et dût-il la chercher par toute la Bretagne, pourvu qu'elle soit « la plus belle, grande et puissante » [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1427, mandements de Guy XVI au receveur de la Forêt des 2, 24, 31 mai et 18 juin 1515]. C'est encore la forêt de Quintin qui fournit au comte, pour la chasse, des oiseaux de poing : autours et éperviers auxquels il tient beaucoup. Dès 1506, il les recommande au surgarde de la forêt. De même, en 1512, il lance des menaces à l'égard des voleurs éventuels. Les oiseaux étaient envoyés à Guy XVI qui se déclare « ébahi » en juin 1514, parce que les oiseaux de la Croix-Saint-Lambert, en forêt de Quintin, ont été perdus ; ceux qui les avaient en garde en répondront, écrit-il [Note : A. D. Ille-et-Vilaine, 1 F 1424, mandement du 23 mars 1506 ; 1 F 1426, mandement du 13 mai 1512 ; 1 F 1427, mandements des 11 juin 1514 et 31 mai 1515 au receveur de la Forêt].

Quelque intérêt que le comte de Laval, sire de Quintin, ait pu conserver à la terre de sa mère, il n'en sera plus que l'hôte de passage. Le comté de Quintin connaît donc, à la fin du Moyen Age, le même destin que le duché de Bretagne ; l'héritière de Bretagne, devenue reine de France, est partie pour la cour des deux rois qui furent ses époux. Le duché de Bretagne finira par être réuni à la couronne de France, comme le comté de Quintin fera désormais partie des biens de la puissante famille de Laval.

(Monique Langlois).

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