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ETUDE ECONOMIQUE ET INDUSTRIELLE DANS LA SEIGNEURIE DE QUINTIN.

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Il existait dans la seigneurie de Quintin une industrie considérable « qui après avoir développé dans le pays une richesse immense, a laissé derrière elle des désastres que plusieurs siècles ne suffiront pas à effacer ». « Tel est, ajoutent MM. Geslin de Bourgogne et de Barthelemy, le caractère saillant de l'industrie : à un certain jour, elle se venge sur l'homme par de longues souffrances du bien-être qu'elle lui a donné » [Note : Anciens évêchés de Bretagne, par MM. GESLIN DE BOURGOGNE et DE BARTHELEMY. III. Prolegomènes, art et industrie, C. L. VII].

Cette industrie dût être importée à la fin du XVème siècle, époque à laquelle Jean de Laval épousa l'héritière de Quintin, ou au commencement du XVIème, quand leur fils le comte de Laval devint seigneur de Quintin [Note : Depuis déjà longtemps dans tout le pays de Laval, l'industrie de la toile avait pris une grande extension, elle y avait été introduite par Béatrice de Gaure, épouse de Guy IX, comte de Laval. L'importation de la fabrication des toiles de Laval à Quintin est l'opinion de M. de Kerigant, mentionnée dans les anciens évêchés de Bretagne, III C. L. VII. Mr Habasque, dans les notions historiques sur le littoral des Côtes-du-Nord, I. 158, dit que « la tradition rapporte que vers le XVème siècle, un seigneur de Quintin se maria en Flandre, la baronne amena plusieurs fileuses de son pays dans le domaine de son époux, elle fit semer du lin et du chanvre dans les environs de Treguier d'où la culture s'en répandit de proche en proche »].

Malgré les efforts faits à diverses reprises pour obtenir la matière première dans les pays de l'intérieur, le lin n'a jamais été cultivé avec grand succès que sur le littoral. Cependant la fabrication de la toile devint très florissante dans la terre de Quintin et les pays environnants. Dès 1520, les toiles de Quintin commençaient à avoir de la réputation, elles étaient choisies comme les plus belles pour orner les autels Saint-Nicolas à Nantes, et les poètes du temps les célébraient [Note : Dans l'Ovide Travesti, Inachus dit à sa fille Io, transformée en vache : Qu'est devenu votre équipage. - Vos mains, vos pieds, votre visage - Votre beau collet de Quintin - Et votre jupon de satin ?... — La gorge honestement couverte - d'un petit Quintain clair ouverte. Bibl. Elzer, I. 344.  Anciens évêchés de Bretagne, III. prolegoménes].

Le commerce des toiles dites de Quintin ou de Bretagne prit alors une grande extention ; « des négociants de Bayonne, dit un mémoire datant du XVIIème siècle, pour en faciliter le transport chez eux, s'adressèrent à des correspondants de Nantes, qui les y faisaient porter et les embarquaient pour Bayonne d'où ces toiles purent facilement pénétrer en Espagne ». « Le peu de règle qu'on observait dans la fabrication de ces toiles presque toutes inégales par la longueur et la qualité empêchait le progrès de ce commerce et l'augmentation de la fabrique ». En 1676, « Colbert, continue l'auteur du mémoire, qui avait pourvu par divers règlements à établir l'ordre dans les autres fabriques, pensa à celle-ci, en conséquence elle fit députer de Saint-Malo à Paris, deux négociants, Eon de la Villebague et Nouail du Fougeray, pour arrêter quelques articles concernant les toiles et les insérer dans le règlement du conseil du 14 août 1676 » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 3929).

C'est de cette époque que date la création des bureaux à toiles. Les marchandises devaient être présentées à deux négociants désignés à tour de de rôle, qui les examinaient et les marquaient. En 1682, le marquis de la Coste, commandant pour le roi en Bretagne, fut chargé par le conseil d'établir un bureau de visite à Quintin, mais il ne fut pas donné suite à ce projet (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 3929).

Mr de Nointel, intendant de Bretagne, fit nommer des inspecteurs marchands pour visiter les toiles à Quintin, Uzel et Loudéac. Cette institution fut appliquée à Quintin, mais l'esprit de règle commençant à disparaître, des bureaux réguliers furent établis en 1737 (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 3929).

Un commis permanent fut alors adjoint aux deux inspecteurs. Le sieur Fleury fut nommé à cet emploi de « commis à la visite et marque des toiles » et dans le principe il regissait les trois bureaux ; ses appointements s'élevaient à 800 livres, il en touchait de plus 67 pour les frais, dans chaque bureau. En 1758, un nouveau bureau ayant été établi à Moncontour, la fonction fut partagée entre deux commis, le sieur Fleury n'eut plus alors que 400 livres. En 1774, un nouvel employé fut nommé à la recette du droit de marque sur les toiles dans les 4 bureaux avec 1200 livres pour appointements (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 1542).

Certains négociants cherchaient à se soustraire à cette visite ; « Le principe que le nombre des pièces de toile marqué devait répondre exactement au nombre de balles sorties de la province, était uniquement fondé sur l'idée que toutes les toiles passaient au bureau de marque sans la moindre exception, même celles qui entraient dans la consommation ordinaire. Mais l'erreur de ce système est sensible, disait le sieur Fleury, et il invoquait à cet égard la notoriété publique ; en effet, rien n'était plus facile aux marchands répandus dans les diverses maisons de campagne d'Uzel et de Quintin que d'acheter comme ils le faisaient impunément, les toiles en écru, même sur le métier, il était de vérité publique que les sieurs Glais, leurs parents, alliés et amis en grand nombre, s'étaient toujours mis sur cet article au-dessus de règlements, ils achetaient autour d'eux au moins la moitié de leurs toiles, surtout dans le temps où elles se trouvaient à bas prix en les faisant chercher dans les campagnes par les marhoteurs et regratiers. Ils purent ainsi acquérir 4 à 500 balles par an et soustraire 8 à 10.000 pièces de toiles à l'examen des bureaux » [Note : Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 1542. Défense du sieur Fleury. En 1775, les sieurs Fleury (du bureau de Quintin) et du Couëdic (de celui de Loudéac), furent revoqués et remplacés par intérim par les sieurs Guillo et Gaultier. Ils avaient « perdu leur place, dit l'intendant de Bretagne, sur un simple soupçon d'infidélité, soupçon, qui, s'il n'est pas entièrement détruit par les circonstances, est au moins trop loin de la certitude pour qu'il aît dû opérer la destitution et le déshonneur de ces deux particuliers »].

En 1769, le sieur le Deist de Botidou demandait aux Etats de Bretagne de créer un fond annuel de 1200 livres afin d'abolir une taxe de plus de 4.500 livres qui se levait sur les tisserands « gens communément aussi pauvres qu'utiles » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 3929).

Le commerce des toiles avait pris à Quintin une si grande importance « qu'indépendamment des fabricants, un grand nombre d'autres particuliers, même des gentilshommes et des juges, le sénéchal était de ce nombre, s'étaient mis à vendre des toiles en gros ». Cela était d'ailleurs favorisé par les différents édits accordant des privilèges, prérogatives et exemptions aux négociants en gros. En 1767, « sa Majesté étant informée qu'encore que le commerce en gros, qui constitue le vrai négociant, soit une profession si honorable qu'elle peut être exercée par la noblesse même sans dérogance » renouvelle ces différentes faveurs. A partir de ce moment ceux qui voulaient exercer le commerce en gros, devaient se pourvoir de lettres « enregistrées à Paris, au secrétariat du Prévot des marchands, partout ailleurs, au Greffe de l'Intendance des généralités ». Ceux qui avaient obtenu ces lettres étaient réputés « vivans noblement, ayant rang et séance dans les assemblées de ville, et jouissant de tous les honneurs et avantages y attachés, spécialement de l'exemption de la milice pour eux et pour leur enfants, du privilège de porter l'épée dans les villes,... se réservant, Sa Majesté, d'accorder chaque année deux lettres particulières d'annoblissement, à ceux d'’entre les dits négociants qui se seront distingués dans leur profession » [Note : Arrêt du Conseil d'Etat du roi, concernant les privilèges, prérogatives et exemptions dont Sa Majesté entend que jouissent les négociants en gros, du 30 octobre 1767. Extrait des registres du Conseil d'Etat].

Cependant dans les dernières années du XVIIIème siècle, la fabrication de la toile commençait à diminuer, de redoutables concurrences s'étaient élevées [Note : On remarquait en 1763, en Espagne et aux Indes, un accroissement sensible dans la consommation des toiles de Silésie dites Bretagnes contrefaites. (Ordonnance de Le Bret, intendant de Bretagne). Les paroisses de la seigneurie de Quintin où l'on fabriquait de la toile étaient : Saint-Thurian de Quintin, Le Foeil, le Vieux-Bourg, Bocqueho, Cohiniac, Saint-Donan, Plédran, Saint-Julien, Saint-Gilles-Pligeaux, Plaintel, Saint-Brandan, Allineuc, l'Hermitage-Lorges, Le Bodeo, Lanfains, la Harmoye] ; aussi le chapitre de Saint-Brieuc, avons nous déjà vu, lors de la question de la reconstruction de l'église, écrivait-il, que les « ouvriers ne pouvant plus gagner leur vie » allaient rechercher ailleurs « quelque ouvrage pour subsister ».

(René Chassin du Guerny).

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