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LA CHAPELLE SAINT-TUGEN ou SAINT-TUJAN DE PRIMELIN

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Chapelle de Saint-Tugen ou Saint-Tujan en Primelin (Bretagne).

EXTÉRIEUR DE LA CHAPELLE SAINT-TUGEN.

La façade Ouest du monument est percée d'une superbe porte ogivale, surmontée d'une accolade et d'un gable fleuronnés. Deux anges y étendent des banderoles où on lit : Ave Maria et : Pax vobis. Elle est flanquée de quatre contreforts, que décorent des niches à dés et des culs de lampe garnis de statues ; les deux contreforts qui encadrent l'entrée s'élèvent dans toute la hauteur de la tour ; ils sont ornés de distance en distance, puis couronnés de pinacles et de fleurons. Au-dessus de l'entrée, une élégante balustrade très ajourée repose en encorbellement sur une corniche richement sculptée.

La tour proprement dite, mesure 22 mètres de hauteur jusqu'aux galeries, 28 jusqu'au pied de la croix, sur 6 m. 50 de large. Imitée de celle de la cathédrale de Quimper, elle présente sur chacune de ses faces, de longues et étroites fenêtres à multiples colonnettes, qui sont séparées par de petits linteaux dans leur hauteur. Une autre balustrade termine la plate-forme, sur laquelle repose un lanternon polygonal moins ancien, et sans grand caractère. Aux angles de cette balustrade, on aperçoit les substructions des pinacles qui devaient s'élever autour de la flèche. Celle-ci ne fut, d'ailleurs, jamais construite.

Au Sud de la façade occidentale est une tourelle à plan polygonal, surmontée d'une gracieuse flèche que décorent des crochets. Cette tourelle renferme le premier escalier menant à la galerie extérieure ; un autre escalier, placé dans une tourelle à plan circulaire qui se trouve à l'angle Nord-Ouest, mène à la plate-forme supérieure.

Le visiteur est frappé par l'aspect massif de la tour carrée, qui s'ajoure en montant, et se termine par des gargouilles très saillantes. A l'extrémité de la tourelle Nord-Ouest on lit, superposées, les dates de 1569 et de 1582, puis deux initiales I : C. Ces deux dates évoquent les années du début et de la fin de la construction.

Le fronton Ouest de la chapelle est décoré de quatre belles statues en kersanton représentant les évangélistes avec leurs symboles. Saint Matthieu a devant lui un homme, parce que son évangile débute par la généalogie humaine du Christ. Saint Marc a pour symbole le lion, parce qu'il commence son évangile par le texte d'Isaïe, qui s'applique à saint Jean-Baptiste : « Une voix crie dans le désert ». Cette voix évoque la voix rugissante du lion. L'évangile de saint Luc s'ouvre par le sacrifice de Zacharie, au temple de Jérusalem ; aussi cet évangéliste est-il symbolisé par le bœuf. Saint Jean enfin a pour emblème l'aigle, parce que, pour décrire la génération éternelle du Fils de Dieu, au début de son évangile, il s'élève comme l'aigle, au-dessus des nues.

On notera d'ailleurs que chacun des chérubins qui apparurent au prophète Ezéchiel, avait une face d'homme, une face de lion, une face de taureau et une face d'aigle (Ez. I, 10).

Le marteau révolutionnaire a enlevé la tête de saint Matthieu et mutilé le bœuf de saint Luc.

On aperçoit au-dessus de saint Jean, à l'extrémité du rampant, une Madeleine avec son vase à parfum, et une bête héraldique.

Le porche Midi de la chapelle est vraiment remarquable par l'admirable proportion des grandes masses et des détails merveilleusement sculptés. Il s'élève sur un plan carré, flanqué de contreforts d'angle, que décorent des niches et des statues, et qui sont surmontés de pinacles fleuronnés. Le tympan de l'arcade d'entrée est ajouré, à l'instar de ceux d'autres églises de la région. Une sorte de balustrade très légère surmonte les rampants du pignon, et l'accolade qui couronne l'arcade est accompagnée d'un gable à crochets avec de gracieuses colonnettes.

A la façade du porche se dressent des statues en kersanton noir, élégamment sculptées.

Pénétrons à l'intérieur du porche. A la voûte sont demeurés des débris de peinture avec les monogrammes du Christ et de la Vierge. Dans la hauteur, en face, on aperçoit trois vieilles statues en kersanton fin et clair, qui sont du XVIème siècle : le Sauveur, sainte Anne et la Vierge Marie. Six niches creusées dans les parois latérales du porche contiennent des statues d'apôtres en kersanton noir :

A droite, nous voyons :
1. Saint Pierre avec sa clef. Chacun sait qu'il reçut de Notre Seigneur le pouvoir des clefs.
2. Saint André avec la croix en forme d'X, sur laquelle il mourut.
3. Saint Jacques le Majeur, que l'on reconnaît à son costume de pèlerin : toque, pèlerine, bourdon (à moitié brisé), lanière en bandoulière portant deux coquilles. Une tradition veut que cet apôtre ait prêché l'évangile en Espagne ; d'après une autre, ses restes y auraient été transportés après sa mort. A partir du IXème siècle, ses reliques, vénérées à Compostelle, en Galice, devinrent le but d'un pèlerinage célèbre.

Passant à gauche, nous apercevons :
1. Saint Jacques le Mineur, évêque de Jérusalem avec un battoir de foulon. Cet apôtre, après avoir été lapidé, fut précipité du haut du Temple de Jérusalem, puis un foulon l'acheva de son battoir.
2. Saint Simon avec la scie qui aurait été l'instrument de son supplice.
3. Saint Thomas avec son équerre, dont il ne reste plus qu'un fragment. Pourquoi donc ce saint personnage a-t-il une équerre ? C'est que les apôtres sont considérés comme les architectes du palais qui est l'Eglise, et dont la pierre angulaire est Jésus-Christ. Saint Thomas était jadis le patron des tailleurs de pierre et ce sont eux qui ont signé son vitrail à la cathédrale de Bourges.

A droite du porche apparaît la sacristie qui est fâcheusement venue en rompre la symétrie. Au-dessus de la fenêtre, munie de barres de fer, on lit le nom du fabricien de l'époque où elle fut construite : I : BRECHONET. F. [Note : La lettre F ou les deux lettres F A sont les initiales du terme : « fabrique ». Les fabriques ou fabriciens formaient un comité chargé d'aider le clergé dans la gestion des biens de l'église], et l'on aperçoit en saillie le buste d'un personnage à figure grimaçante qui s'évertue à sortir de la muraille. Est-ce un voleur qui cherche à se sauver ?

Revenons à la façade du porche où Saint Tujan avec sa clef apparaît dans la hauteur. Nous allons trouver autour de lui les six apôtres qui manquent pour faire le total de douze.

A droite, voici :
1. Saint Matthieu avec sa balance. Cet apôtre, avant de suivre Jésus, était publicain, c'est-à-dire collecteur d'impôts. Il pesait le tribut que chacun devait à César.
2. Saint Jean, imberbe, tenant en main un calice, d'où sort un objet qui est probablement un serpent. Ce calice figure la coupe empoisonnée qui fut offerte à cet apôtre.
3. Saint Jude ou Thaddée, avec un glaive qui symbolise le martyre qu'il aurait souffert en Mésopotamie. On notera que la niche de cet apôtre n'appartient pas au style gothique, la sacristie étant de date plus récente.

Puis, à gauche c'est :
1. Saint Matthias avec une hallebarde.
2. Saint Philippe, dont le bras droit est cassé.
3. Saint Barthélemy avec le couperet. Ce large couteau rappelle que cet apôtre fut écorché vif. Au socle qui supporte la statue, grimacent trois figures grotesques.

Il est à remarquer que les douze apôtres de la chapelle de Saint-Tujan portent chacun un livre, en leur qualité de docteurs. A peu près tous ont eu la tête tranchée par la stupidité révolutionnaire. En 1852, les têtes furent remises en place, et les statues furent de nouveau bénites. Au delà de la sacristie, vers l'Est, la muraille du transept porte deux inscriptions : HH. IEAN. BRENEOL. FB. 1750. Puis, plus à droite et plus haut : H. YVES. FOLLIC. FABRIQ. 1750.

Sur la porte voisine de la sacristie, on lit aussi, à l'intérieur, la date de 1750. La façade du transept Nord présente les deux inscriptions suivantes, d'une part :
LAN. 1611 : F. MOAL: F. d'autre part : D. MEROR FABRIQ 1611.

Un peu plus loin, cette façade porte encore quelques restes de la litre en peinture jaunâtre qui la décorait. Cette litre est sans doute celle de la famille du Ménez.

L'arc de triomphe de la chapelle Saint-Tujan en Primelin (Bretagne).

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INTÉRIEUR DE LA CHAPELLE SAINT-TUGEN.

Au bas de la tour est une entrée, anciennement voûtée.

Du côté de l'évangile, dans le prolongement du bas-côté Nord, on aperçoit une chambre appelée prison de Saint-Tujan. La lumière n'y arrive que par une petite ouverture garnie de barres de fer. Au-dessus de la porte cintrée on déchiffre deux inscriptions superposées. En haut : H (ici un calice) C. R. Plus bas : M : SISOV : 1593.

A l'étage de la prison existe un local s'ouvrant sur l'intérieur de la tour par une fenêtre à accolade.

Le mur percé de la porte cintrée et de la fenêtre gothique a été bâti en 1593, c'est-à-dire onze ans après l'achèvement du clocher. C'est la date de la prison de Saint-Tujan et de la chambre qui la surmonte. Les initiales : H. C. R. sont celles de Henri Capitaine Recteur de Primelin à cette époque [Note : Cette prison était destinée à recevoir les ivrognes ou autres indésirables qui troublaient l'ordre aux jours de Pardon. Selon une tradition rapportée par M. Le Carquet, on y aurait mis les personnes enragées pour attendre la mort. (Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, 1891, p. 198). Plusieurs vieux sanctuaires avaient leur prison. Ainsi, par exemple, la chapelle de N.-D. de Comfort, contemporaire de celle de SaintTujan].

Du côté de l'épître, dans le prolongement du collatéral Sud, on accède à la tourelle du premier escalier qui conduit au haut du clocher. On aperçoit, à une certaine hauteur, à l'intérieur de la tour, des barres de fer qui y ont été mises en 1932, pour la consolider.

La chapelle de Saint-Tujan mesure 29 mètres de long, et au transept, 25 mètres de large. Elle est composée de trois nefs, séparées par six colonnes sans chapiteaux, qui supportent des arcades ogivales. Elle affecte la forme d'une croix sans sommet ; mais le bras du transept Nord est deux fois plus profond que l'autre, et divisé en deux parties, séparées par deux arcades dont le style diffère de celui du reste de l'édifice. Ces arcades sont soutenues par trois colonnes à chapiteaux ioniques. Une porte aujourd'hui comblée se voit à l'intérieur, dans le mur Ouest du transept. Ce transept a été agrandi, en 1611, par l'adjonction de la partie inférieure. Quant au transept Sud, il a été largement restauré au XVIIIème siècle, comme l'attestent les dates qui se trouvent à l'extérieur, ainsi que la date de 1749 que nous lisons, à l'intérieur, sur le mur de la sacristie, à gauche d'un petit bénitier gothique, conservé de l'ancienne construction.

Dans la sacristie, située au bas du transept Sud, on remarque de beaux panneaux de chêne sculptés, du XVIème siècle. L'un d'eux représente une caravelle, puis au-dessous, une petite barque portant trois hommes. On voit également dans la sacristie un soleil de bois de 0 m. 20 de diamètre, entouré de cinq angelots, et portant en son milieu un triangle avec l'inscription : IABY [Note : Il s'agit de: Iahvé, Dieu d'Israël]. Il existe, là aussi, une vieille armoire qui porte les dates de 1704 et 1705, et un buffet daté de 1783 qui renferme deux grands plats de cuivre anciens.

Un escalier vermoulu donne accès à la partie haute de la sacristie. On y aperçoit une niche de deux mètres de haut, appartenant au porche de l'église. Il y a là également, près d'une porte aveuglée, un foyer qui servait à la préparation des aliments pour le clergé et les notables aux jours de Pardon. Le plafond est orné d'une peinture du XVIIème siècle, représentant un ciel où brillent des étoiles de diverses grandeurs ; les plus grands de ces astres sont marqués des monogrammes du Christ et de la Vierge. A l'une des extrémités du ciel resplendit le Roi-Soleil, d'où rayonnent de blanches bandes mouchetées d'hermines. On lit en deux cercles concentriques, autour du soleil : IAN PERE NES RECTEVR 1674 puis : PIERRE GVE GVEN FA. De ci de là volent des angelots.

Cette salle contient un vieux bahut et une statuette ancienne de la Vierge reposant sur un socle quadrangulaire. Cette statuette est portée en procession le jour du Pardon.

FRISES ET ORNEMENTS DU LAMBRIS.

Il y a des frises dans la nef et dans le transept. Considérons d'abord celles de la nef : elles figurent dans le ton marron du lambris et dans le ton bleu.

1. DANS LE TON MARRON. — Il s'agit en premier lieu des frises qui se trouvent dans la partie inférieure de la chapelle jusqu'au dessus de la chaire à prêcher.

Du côté de l'Evangile, au rang inférieur ce sont des têtes bien sculptées, puis, à mi-hauteur, c'est l'offrande d'écussons, de fruits... ; une colombe présente un parchemin, un musicien souffle dans une bombarde, puis c'est un pain en forme de couronne...

Du côté de l'Epître, on voit, au rang inférieur, une série de têtes entourées de guirlandes ou encapuchonnées, des rosaces, des fleurs... ; à mi-hauteur, ce sont des bustes finement travaillés, présentant des écussons, une corne d'abondance, un livre, un poisson... A la hauteur de la longue croix fixée à la muraille, pend un hibou.

Plus haut que la chaire :

Du côté de l'Evangile, au rang inférieur apparaît un personnage tenant de chaque main la queue de deux monstres déchaînés. Il est encadré de deux têtes, l'une d'homme, l'autre de femme, qui se trouvent aux extrémités du tableau. Du côté de l'Epître, c'est la même scène avec les deux têtes, dont l'une, cette fois, se trouve au centre.

2. DANS LE LAMBRIS PEINT EN BLEU. — Du côté de l'Evangile, au rang inférieur, on aperçoit une gueule de crocodile, une tête grimaçante, des fleurs, une tête coiffée dont la bouche crache des branches garnies de feuillage, un personnage ailé, un lion à belle crinière dont la queue est redressée, une tête dont la bouche vomit des feuilles ; des fleurs...

A mi-hauteur ce sont des bustes d'une facture soignée, offrant des banderoles ou des écussons.

Aux clefs de voûte de la nef, c'est une série de têtes sculptées.

On observera que les poutres transversales des lambris sont crachées de part et d'autre par des monstres.

Venons-en maintenant aux frises du transept Nord.

Examinons d'abord la partie inférieure de ce transept.

Au bas, c'est en premier lieu, un personnage qui avale un crocodile ; il a la bouche ouverte d'épouvante. Puis vient une tête dont les narines vomissent des fleurs. C'est ensuite une décoration à base de marguerites, avec deux goélands. Un personnage revêtu d'un surplis pourrait être le Père Maunoir, Jésuite, qui prêcha plusieurs fois dans la chapelle. A l'extrémité de la frise on voit un homme englouti par un monstre.

Au haut, on aperçoit une bouche, d'où sortent des motifs de décoration ; puis un seigneur présente une plaque portant les stigmates : deux mains, deux pieds, un coeur percés. C'est ensuite une tête à l'envers parmi des fleurs, puis une scène fort curieuse : un monstre happe la jambe d'un individu à tête diabolique, qui semble couché sur un personnage allongé sous lui. A l'embout, dans le coin, un capucin qui figure peut-être, dans l'idée du sculpteur, Vincent du Ménez, fondateur du couvent des capucins d'Audierne. Les stigmates que nous avons signalés rappellent probablement Saint François d'Assise, et le seigneur qui les présente serait peut-être aussi Vinvent du Ménez, embrassant l'Ordre fondé par le Poverello.

En ce qui touche la partie supérieure du transept :

Au bas, ce sont des têtes, des serpents, trois pigeons [Note : Ces pigeons sont les armoiries de la famille de Gouzillou, qui portent d'or à la fasce d'azur accompagnée de trois pigeons de même becqués et membrés de gueules].

Au haut, on distingue un serpent dont le corps va s'enrouler autour d'une tête ou d'un œil, puis d'autres motifs de décoration qui forment fouillis, et qu'il est difficile de démêler.

***

Aux clefs de voûte du transept figurent des écussons de bois sculptés. Voici d'abord ceux du transept Nord :
1. Trois roses : armes des Seigneurs de Keridiern en Cléden-Cap-Sizun et de Kerdoutoux qui blasonnaient d'or à 3 roses de gueules.
2. Trois fleurs de lys : elles évoquent les armoiries des Saluden de Trémaria, de Kerazan en Cléden, qui portaient d'or à trois fleurs de lys de gueules, une étoile de même en abyme.
3. Ecusson où figurent, en mi parti, la croix des du Ménez, puis une mâcle, et une demi-mâcle rangées en fasce (?).
4 et 5. Deux écussons identiques, où l'on voit des trangles. Il s'agit des armes des Autret, seigneurs de Lezoualc'h, en Goulien, qui blasonnaient d'or à 5 trangles ondées d'azur.
6. La croix des du Ménez.

Au transept Sud, on aperçoit :
1. La croix des seigneurs de Lézurec.
2. L'écusson des Penfeunteunio : burellé de dix pièces d'argent et de gueules.
3. Une sorte de lion qui pourrait figurer les armoiries de Jeanne Dourdu, épouse de René du Ménez.

VITRES ET PEINTURE.

Avant la Révolution, notre chapelle était décorée de verrières, où figuraient les armoiries des seigneurs qui y jouissaient de prééminences. Quelques rares débris se sont réfugiés au sommet de l'une des vitres du transept Nord.

Au-dessus de l'arc ogival du transept Sud, une peinture sur bois représente la Sainte Famille : Jésus, Marie, Joseph. Un buste d'homme barbu apparaît derrière ces personnages. Qui est-ce ? Peut-être Adam, figurant l'Ancien Testament. Au bas du tableau, à gauche, on lit : Mre JEAN PERENNES RECTEVR DE PRIMELIN. Puis, un peu au-dessus de cette inscription : BARADER Pinxt [Note : Barader pinxit « Barader est le peintre du tableau »].

 

AUTELS ET STATUES.

Maître-Autel.
Le maître autel est décoré d'un joli tabernacle, agrémenté, au centre, d'une petite niche surmontée d'une coquille de saint Jacques. Au-dessus, deux angelots présentent un médaillon. Ce tabernacle est dominé par un baldaquin à quatre colonnettes torses, couvertes de grappes de raisin que picotent des oiseaux. Au haut apparaît une apparence de ciborium [Note : Le ciborium est un récipient pour conserver la Sainte Réserve. Dans la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon il en existe un que l'on descend ou remonte à volonté], puis, plus encore dans la hauteur, ce sont quatre angelots, dont deux étreignent le pied d'une croix.

De chaque côté de l'autel se présentent trois médaillons superposés. Ceux de la partie inférieure sont encadrés de belles colonnes torses, couvertes de grappes de raisin et d'oiseaux. On remarque ici, du côté de l'Evangile, un saint personnage, portant dans la main gauche un livre ouvert, et tenant de la main droite un bâton [Note : Serait-ce saint Tohou, venu ici de sa chapelle ruinée ? On peut penser aussi à saint Fiacre. La fabrique dépense, en effet, en 1659, cinquante-quatre livres pour raccommoder la statue de saint Fiacre et lui faire faire une niche] ; du côté de l'Epître, saint Jean l'Evangéliste avec un calice. A ses pieds, un buste d'aigle. — Plus haut encore, on aperçoit, du côté de l'Evangile, un évêque coiffé d'une énorme mitre et semblant prêcher ; il est encadré par deux anges dont la tête repose sur l'une de leurs mains. Il s'agit de Saint Corentin, comme l'indique l'inscription qui est au-dessous. Du côté de l'Epître, c'est une Vierge-Mère assistée de deux anges, dont l'un paraît pleurer, tandis que l'autre a un air plutôt mutin.

Au haut de la maîtresse vitre, un angelot plane. Tout à fait dans la hauteur, on aperçoit un grand soleil, au centre duquel un triangle est inscrit dans un cercle. Ce triangle est le symbole du mystère de la Sainte Trinité.

Sur le devant de l'autel est peinte une croix de Malte, au centre de laquelle un cercle contient un triangle renfermant lui-même un œil. C'est l'œil de Dieu, ou des trois personnes divines. Le maître-autel est daté par l'inscription qui se trouve sur sa table : JEAN .... F. 1667 [Note : Le bois du retable, derrière la statue de saint Michel porte gravée l'inscription : F. 1786. Il s'agit là d'une restauration].

Le coffre de l'autel contient une vieille statue d'abbé décapité, qui pourrait être celle de Saint Tujan. Le maître-autel est encadré de deux belles statues qui reposent sur des socles très élevés.

Du côté de l'Evangile, c'est Saint Michel, peint en bleu pâle. De sa lance, il terrasse un épouvantable dragon et tient en main une balance, dont le plateau de droite penche beaucoup, tandis que celui de gauche est surélevé. Dans la liturgie catholique, Saint Michel représente les âmes devant le Juge suprême. La tradition bretonne lui demande de faire incliner en faveur de l'âme chrétienne le plateau de droite de la balance qui est censé contenir les mérites acquis par elle : Aotrou sant Mikêl, balanser an eneou, - Balansit va ene en tu diou. (Monsieur saint Michel, balanceur des âmes, - Balancez mon âme du côté droit).

A côté de l'Epitre apparaît, majestueuse, la statue du Patron de la chapelle : Saint Tujan. Revêtu de la chape, ceint de la mitre, il tient la crosse de la main droite, et porte dans la main gauche, un livre ouvert. A ses pieds, d'un côté un chien enragé aboie, de l'autre côté un enfant agenouillé prie les mains jointes et demande d'être guéri du mal de dents dont il souffre, et qui lui enfle les joues.

Autel de N.-D. de Grâce.

Examinons d'abord la partie inférieure de ce superbe autel. Elle est encadrée de deux colonnes torses somptueusement décorées de pampres de vigne et de grappes de raisin, que des oiseaux picotent. Au centre, sur un socle orné d'une tête d'ange, dans une niche dont le pourtour est fleuri, apparaît une remarquable Vierge-Mère. De la main gauche, elle porte l'Enfant Jésus, et sa droite tient le sceptre royal. Le petit Jésus porte d'une main le globe du monde, et, de l'autre, il montre la croix sur laquelle il sera un jour immolé. Son air un peu triste semble déjà préluder à la grande tristesse qui accompagnera son sacrifice.

La Vierge est couronnée, mais son diadème apparaît séparé de sa tête, et fixé à la partie supérieure du pourtour de la niche.

Aux côtés de la Vierge, se déploient deux gerbes splendides de diverses fleurs, parmi lesquelles éclatent de fort belles roses. Elles sont surmontées de deux angelots joufflus. A l'extrémité supérieure du pourtour de la niche volent deux petits anges très gracieux. Au-dessous de la madone figure l'inscription :
N. D. DE GRACE.

Les colonnes torses s'appuient sur des socles, où sont sculptés des médaillons. A droite : Saint Pierre avec ses clefs au flanc. Il est assis. Au-dessus de lui le coq chante. — A gauche : Marie-Madeleine, assise, la tête appuyée sur le bras droit ; du bras gauche elle tient une croix dont le pied repose sur un crâne. On la reconnaît à sa riche chevelure, à sa robe splendide, au vase à parfums qui l'accompagne.

Au bas des colonnes torses on lit, à gauche : FAIT EN 1694.

A droite : RESTAURÉ EN 1860. JEAN GUEGEN RECTEUR. MANCEAUX-GUEGEN PEINTRE.

Au bas de l'autel, on voit encore deux médaillons. A droite de Saint Pierre, c'est une abbesse avec la crosse ; vêtue d'un long voile, elle joint les mains en prière. Le petit Jésus lui est présenté par un ange. On pourrait penser à Sainte Thérèse d'Avila.

A gauche de Madeleine, apparaît, devant un calvaire, le buste d'un saint, coiffé de la barrette. Est-ce un fondateur d'Ordre ? Est-ce Saint Yves ?

Voici maintenant la partie supérieure de l'autel.

On y aperçoit, au centre, la Mère de Douleurs, tenant sur ses genoux le corps inanimé de son Fils. Elle occupe une niche à colonnettes torses, décorées de grappes de raisin, de fleurs et d'oiseaux. Le fond bleu, derrière la Vierge, est orné de fleurs de lys. A la partie supérieure de la niche, une colombe symbolise le Saint-Esprit.

A droite et à gauche figurent deux médaillons. Celui de droite présente un homme, auréolé d'une belle chevelure, portant de la main gauche le globe du monde et tenant levée la main droite. Dans le médaillon de gauche, c'est une blonde jeune femme à riche chevelure, revêtue d'un voile blanc et d'une écharpe d'or.

Qui sont ces personnages ? On serait tenté de penser à Louis XIV et à Marie-Thérèse, morte en 1683. On sait que le globe était un des emblèmes de nos rois.

En face de ces deux médaillons, deux anges sont debout. En bas, sur le devant de l'autel, est représenté le Roi-Soleil couronné, Louis XIV.

A gauche de l'autel, on voit une jolie statue de Saint Christophe, et à droite celle d'un franciscain, qui est, probablement, Saint Jean Discalcéat, ce bon moine des XIIIème - XIVème siècles, invoqué dans la Cathédrale de Quimper pour retrouver les objets perdus. La statue de Saint Christophe est d'un grand intérêt ; on remarquera la figure très fine de ce saint porteur du Christ. Il est le patron de ceux qui voyagent en automobile. Nous confions à son patronage les pèlerins de Saint-Tujan, et à leur intention, nous donnons sur ce saint la petite notice suvante :

D'après le Bréviaire des Mozarabes, dressé par Saint Isidore et la Préface de Saint Ambroise pour la messe de Saint Christophe, celui-ci aurait subi le martyre sous l'empereur Dèce, vers 250. Cananéen d'origine, il avait embrassé la carrière des armes et s'était converti sous l'empereur Philippe.

Jacques de Voragine, dans la Légende dorée, fait de ce saint un géant qui, après avoir servi le diable, mit sa force au service des voyageurs. Il rencontra un ermite qui le convertit, et lui demanda s'il voulait bien faire l'office de passeur au bord d'un fleuve. Christophe accepta, se bâtit une demeure au bord de l'eau, et, appuyé sur un arbre en guise de bâton, il passait ceux qui se présentaient. Un jour un enfant eut recours à sa charité ; mais cet enfant était si lourd, que le géant se retourna en disant : « Il me semble porter sur mes épaules le monde entier ! »« Ne t'en étonne point, répondit l'enfant, tu portes non seulement le monde, mais Celui qui porte le monde. » [Note : Le mot Christophe vient du grec et signifie « celui qui porte le Christ »].

Saint Christophe fait partie des quatorze saints Auxiliaires, célèbres pour l'efficacité de leur intercession. On le reconnaît dans leur groupe à sa haute taille et à l'Enfant Jésus qu'il porte.

Nos ancêtres l'invoquaient dans les temps de peste, et saluaient dévotement son image, au sortir de l'église, pour être préservés, au cours de la journée contre l'eau, le feu, les tremblements de terre, la mort violente : Christophori sancti faciem quicumque tuetur - Illa nempe die non morte mala morietur. [Chrétien, jette les yeux sur la face sacrée - De l'illustre géant, Christophe le martyr, - Et, dans ce jour heureux, tu ne pourras mourir - D'une sorte de mort tragique, infortunée.

A notre époque, on se munit de sa médaille, dans les voyages dangereux. Les voyages en automobiles sont certes de ceux-là.

Aux XVème et XVIème siècles, les images de Saint Christophe se multiplièrent. On peut en voir une très belle, dans une verrière du transept Nord de la Cathédrale de Quimper.

Autel du Rosaire.
Cet autel, qui est du XVIIème siècle, se trouve dans le transept Nord. Il est caractérisé par un grand tableau, où nous voyons Saint Dominique recevoir le Rosaire des mains de la Vierge Marie, tandis que l'Enfant Jésus le confie à Sainte Catherine de Sienne.

Avant de lui donner naissance, la mère de Saint Dominique vit un chien portant dans sa gueule une torche. Cette torche enflammée, destinée à mettre le feu au monde, symbolisait la mission de Dominique qui, par son ardente prédication, devait éclairer et purifier les âmes. Conformément à ces données, le tableau représente, à côté du monde, un chien tenant une torche entre ses dents.

Au bas de la toile, on lit ces mots : « Marie Priol de Kerlaouen, 1846 ». C'est le nom de la donatrice.

Au haut du retable, un cartouche porte un écusson timbré d'un casque de face, et soutenu d'une tête d'ange ; il porte de gueules à deux fasces d'or.

Tout au haut, un panneau étendu représente le ciel étoilé. On y aperçoit dans la nuée le Père Eternel, étendant les bras. Immédiatement au-dessous, une colombe, entre deux anges, symbolise le Saint-Esprit.

A gauche de l'autel, une niche où figure Saint Nicolas, surmonte la petite fenêtre voisine, qui semble du XIIIème siècle et appartenait sans doute à l'ancienne chapelle.

Au-dessus, le lambris porte une inscription : F : D : T : DE SIMON DAGORN. MAIRE 1810 (Fait du temps de Simon Dagorn).

Sur la table de l'autel repose une petite statue de Saint Tujan, haute de 0 m. 37, que des enfants portent en procession, aux jours de Pardon. Le saint, couronné d'une mitre, tient aussi la crosse. Auprès de lui est un petit chien. Une partie de son bras droit fait défaut.

Autel de Saint-Corentin.
Situé à l'angle Nord-Est de la chapelle, cet autel porte un massif de bois sculpté, de facture assez gauche, présentant une tête entourée d'une guirlande et surmontée de deux femmes assises. Au-dessus de l'autel, figure, dans une belle niche, Saint Corentin, Patron du diocèse de Quimper.

Et de Léon. Ceint de la mitre, il tient de la main gauche une longue crosse, et bénit de la main droite. Le poisson qui était à ses pieds a disparu. On lui a substitué un tout petit poisson, qui apparaît à ses pieds, sur la droite. — A gauche de l'autel est une jolie crédence gothique.

Autel de Sainte-Barbe.
Cet autel, adossé à l'une des colonnes qui divisent en deux parties le transept Nord, semble du XVIème siècle. Il consiste en une table de granit posée sur deux montants en pierre, dont la partie inférieure est sculptée en forme de losanges. Au-dessus de la table d'autel, on aperçoit une croix peinte, avec la lance et la pique portant l'éponge.

Le rétable est décoré de soleils, d'angelots et de fleurs. Une niche, d'un travail très fouillé, exécuté au XVIIème siècle, contient la statue plus ancienne de Sainte Barbe, qui soutient de la main gauche sa tour, et a dans la main droite un reste de palme. Au-dessus de Sainte Barbe, deux angelots supportent un cartouche représentant en mi-parti l'alliance d'Yves du Menez et de sa femme Marguerite du Bouilly : ce qui date le rétable de la seconde moitié du XVIème siècle. Tout au haut de la niche sont assises deux femmes pleureuses.

BALUSTRADE, CONFESSIONNAL, CHAIRE CROIX, CATAFALQUE.

La balustrade en bois qui sépare l'autel du Rosaire du reste de l'église, date de 1652 ; si l'on veut, en effet, bien regarder, on trouvera, gravée sur la porte de cette balustrade, en face de l'autel du Rosaire, l'inscription suivante : HENRI : LE : GALLIC. - FVT . FA . DV . S . T . R . LAN : 1652. C'est le nom du fabricien de la confrérie du Rosaire, érigée à Saint-Tujan, en 1649.

Le confessionnal qui est dans le style Louis XV, porte deux coquilles de Saint Jacques adossées l'une à l'autre. A l'intérieur est peinte sur le plafond une colombe entourée d'une couronne de fleurs.

La chaire en bois de chêne porte la date de 1766. En face, contre le mur, est appendue une longue croix, souvenir de quelque grande Mission.

Le catalfaque, fort original, porte en sa partie supérieure quatre panneaux mobiles, qui s'ouvrent pour recevoir le cercueil, et ensuite se referment. Sur l'un de ces panneaux est une inscription à peine perceptible ; quelques lettres mieux conservées permettent cependant de reconstituer les quatre membres de vers suivants qui, en réalité, font un distique à rimes internes : Qui speculum cernis - Cur non mortalia spernis - Tali namque domo - Clauditur omnis homo.

On peut traduire ainsi :

A la vue de ce miroir, - Pourquoi ne pas mépriser les choses périssables ? - Car c'est en une telle demeure - Qu'est enfermé tout mortel.

Aux extrémités du catafalque, on remarque deux statues de bois, les bras en croix, de façon que les mains sont disposées pour recevoir les cierges. Ce sont Adam et Eve. Adam, vêtu d'une peau de bête, a les jambes croisées ; sa compagne, habillée d'une large tunique, a les reins ceints, et pose le pied sur une pomme. Nous avons donc ici, associées, les deux idées du péché et de la mort. « C'est par le péché, dit l'apôtre Saint Paul, que la mort est entrée dans le monde » (Epître aux Romains, V, 12).

Le catafalque est de 1642. On peut encore deviner sur le couvercle, deux ou trois de ces chiffres, oblitérés par la peinture.

LES FONTS BAPTISMAUX - LEUR CLOTURE — LEUR FOYER.

Les fonts baptismaux sont renfermés dans une petite chapelle, fort originale. Elle est constituée par un lambris plein, surmonté d'un grillage en bois, aux balustres tournés, dans le style Henri II.

A l'intérieur, sur un lambris en planches, formant voûte, apparaissent trois peintures :

1. Le baptême de Jésus par Saint Jean-Baptiste. En perspective lointaine, figurent des arbres, une cité, des montagnes.

2. Un prêtre en rabat entend, dans un confessionnal, l'aveu des fautes d'un seigneur.

3. Un évêque au superbe costume, assisté de deux prêtres, donne la Confirmation à une femme.

A la voûte est cette inscription : MRE IAN : PERENNES : R HERVE : PLOINEC : F : LAN : 1679.

On aperçoit au haut du lambris, des coquilles de Saint Jacques et quelques vestiges de fleurs de lis. Les nervures sont mouchetées d'hermines.

A l'extérieur, les panneaux de la clôture sont couverts de peintures qui représentent des fleurs de lis et des arabesques. Au haut, figurent deux tableaux :

1. A gauche, c'est un prêtre coiffé de la barrette, revêtu du surplis et de l'étole, présidant au mariage d'un seigneur. Le seigneur et l'homme qui l'accompagnent ont de beaux costumes du XVIIème siècle, tandis que la dame et les deux femmes qu'on voit à ses côtés sont habillées comme les paysannes de l'époque. On peut lire au bas du tableau cette inscription : F . EN 1705 , D . T . D . - YVES POVLHASAN . Fque (Fait en 1705, du temps de Yves Poulhazan, fabrique).

2. A droite, c'est un prêtre en chape qui baptise un enfant, tenu sur les fonts par un seigneur et une chatelaine ; celle-ci est remarquable par sa grande coiffure, sa robe à panier et sa traîne. Derrière les parrain et marraine, une femme encapuchonnée porte un pot à eau et un essuie-main. Encore ici une inscription : Mre I. GLOAGVEN - Cré DE PRIMELIN - BAPTISe CET ENFANT - NAY DEPUIS VN MOMENT - EN 1705.

La cuve baptismale en granit est ornée de moulures.

Aux fonts baptismaux se trouve un foyer avec deux chenêts massifs en granit. Qu'est-ce à dire ?

M. le chanoine Abgrall a constaté l'existence de ces foyers, dans plusieurs églises de Cornouaille, situées dans la région de Pont-Croix, Pont-l'Abbé, Douarnenez (Architecture Bretonne, pp. 217-218). A quoi donc pouvaient-ils servir ? D'après une opinion assez courante, à chauffer l'eau baptismale, au cours de l'hiver. Peut-être, ajoute-t-on, certains seigneurs prétentieux ou de riches bourgeois exigeaient-ils que cette eau fût chauffée pour le baptême de leurs enfants (Architecture Bretonne, pp. 218). Il faut noter, à l'encontre de ce sentiment, que toutes nos églises ou chapelles à foyer n'ont pas leur cheminée aux fonts baptismaux. C'est ainsi, par exemple, qu'en la chapelle de Kersaint-Trémazan, en Landunvez, deux foyers existent, l'un dans la nef, l'autre au transept. Un texte de l'histoire des Carmes en Bretagne mentionne dans l'ancienne chapelle de Saint-Laurent, en Pont-l'Abbé (XIVème siècle - XVème siècle) un foyer près duquel des lits étaient dressés pour les malades qui venaient y faire une neuvaine de prières (Bulletin dioc. d'Histoire et d'Archéologie (Quimper), 1926, pp. 7-9). Au XIIème siècle la coutume existait en France de déposer les malades dans les églises, durant une ou plusieurs nuits, afin d'obtenir leur guérison. Ce procédé est encore d'usage courant dans les pays d'Orient.

CLOCHES.

Gravissons les 124 marches qui mènent au haut de la grande tour carrée. Nous y trouverons trois cloches.

La plus petite est de 1803 ; elle porte les noms de Simon Dagorn, maire, Jean Thomas et Jean Masson, membres du Conseil de la commune de Primelin. Les deux autres cloches furent bénites en 1895, le jour du Pardon, M. Bourvon étant recteur. L'une, qui se nomme Marie-Anne-Marguerite, eut pour parrain Jean Carval, trésorier, pour marraine Marie-Anne Celton. Les parrain et marraine de l'autre furent François Laurent et Marie-Anne Riou.

TRÉSOR.

Trois objets précieux sont conservés au presbytère de Primelin : une relique de saint Tujan, sa clef et le calice de sa chapelle.

La relique est renfermée dans une capse en argent, de forme ovale, mesurant 0 m. 06 sur 0 m. 045. Le poinçon se trouve au fond, à l'extérieur, où on lit les deux lettres R. B. Plus haut est un grand K surmonté d'une couronne.

La clef de fer, terminée en pointe, compte 0 m. 13 en longueur et 0 m. 05 à la poignée ; elle est renfermée dans un étui d'argent, en forme de clef ordinaire, qui porte, gravées, les mêmes lettres que la capse-reliquaire.

Quant au calice, c'est une pièce splendide en argent doré ; de style gothique, il appartient au XVIème siècle. Ce calice mesure 0 m. 29 de hauteur et 0 m. 11 de diamètre, à la coupe. Le pied est formé de huit lobes pointus, et porte en relief l'image du Christ en croix, assisté de la sainte Vierge et de saint Jean. Le noeud comporte deux étages de niches renfermant les statuettes des douze apôtres. Le pied et la coupe sont décorés de rubans et de feuillage et portent des rayons à pointes et à flammes, qui disparaissent à la tige.

Le poinçon, situé à l'extérieur de la coupe, porte les deux initiales F. L. surmontées d'une couronne.

HISTORIQUE DE LA CHAPELLE.

L'église actuelle de Saint-Tujan fut précédée d'une chapelle dont l'existence est attestée en 1118. Cette année-là, Robert, évêque de Quimper, fait donation de certains biens à l'abbaye bénédictine de Marmoutiers. Au nombre de ces biens figurent « deux tiers des dîmes de Saint-Tuian avec deux tiers du droit d'étole de ladite chapelle » (Dom Morice, Preuves, I, 540).

Se fondant sur un texte de Clément Marot qui se trouverait à la Bibliothèque Nationale, M. Velly, en la 7ème édition de sa plaquette sur SaintTugen, avance que Marguerite d'Angoulême, soeur de François Ier, serait venue prier en 1525 dans cette chapelle primitive. Elle y aurait fait voeu de la transformer en grande église si elle parvenait à obtenir de Charles-Quint la grâce de son frère prisonnier. Exaucée, elle aurait accompli son voeu quelques années plus tard.

Le malheur est que ce texte ne figure pas à la Bibliothèque Nationale.

D'après M. Henri Waquet, la chapelle de Saint-Tujan a été commencée vers 1530 (Vieilles Pierres Bretonnes..., p. 142).

Nous lisons dans un document de 1626 : « léglise tréviale de Sainct Thugen est estendue de plus de 85 piedz de long, à pied de roy [Note : Ancienne mesure de longueur valant 0 m. 324] et de travers contient 69 piedz et davantage dans laquelle église il y a 10 grandes fenestres vittrées et 9 autelz chacun les mieux ornez avecq fond bastismal relicquaire pour les mortz tombes enfeux deux bannieres de velours en broderye 2 croix dargent pesant plus de 45 marcs [Note : Le marc pesait une demi-livre] 2 cloches de fonte pesant plus de 1.000 livres avec tour et clochié fort élevé ung dome couvert de plomb avecq 6 à 7 calices dor et dargant et plusieurs beaux ornemantz et ou se fait le service divin avecq processions grandes messes et prédications et en laquelle a divers jours de tannée les paroisses circonvoisines viennent aux pardons » (Archives de Primelin).

La même pièce déclare qu'Alain du Ménez et ses prédécesseurs sont seigneurs fondateurs de l'église de Saint-Tujan, et qu'Alain en est de plus le bienfaiteur, ce qui se voit par les réparations qui y ont été faites et par le bon état dans lequel elle se trouve à présent. Il s'agirait ici de la restauration du transept Nord de la chapelle, réalisée en 1611, et, peut-être aussi, de la construction de la prison qui porte la date de 1593.

En 1652 fut confectionnée la balustrade qui se trouve devant l'autel du Rosaire.

En 1659, le fabrique dépense « pour lambrisser une partie de l'église pour raccommoder le jubé de la dite église 3 livres, pour un tabernacle a mettre sur le grand autel 300 livres, pour raccommoder limage de saint Fiacre estoffé et fait une niche 54 livres, — retable de saint Nicolas et estoffé 18 livres ».

En 1663 « raccommoder les vitres faire des croix sur la tour charroyer la grande cloche d'Audierne façon de la cloche 240 livres, une porte de chene sur la dite église 26 livres ». La porte dont il s'agit est celle qui donne accès à l'église par le porche Midi ; on y lit : ESTIENNE . ANSQUER . FAB . LAN . 1663.

En 1667, construction du maître-autel.

En 1669, le compte de Saint-Tujan mentionne qu'on a « renouvelé la peinture des images du portail de la dite église ». Il s'agit de l'intérieur du porche Sud.

En 1674, « lambris neuf à leste nord de léglise blanchir la tour et église faire un pavé sous les fonds baptismaux un dome et un lambris au dessus des fonds ». La même année, on dore un crucifix, la Vierge et saint Jean.

De la même année encore date la peinture du plafond de l'étage de la sacristie.

L'intérieur de la clôture des fonts baptismaux fut peint en 1679, et l'extérieur en 1705.

En 1691, « balustre a lautel de saint Jean 27 livres, 23 milliers d'ardoises 98 livres, les couvreurs 78 livres ». La toiture de l'église fut donc sérieusement réparée cette année-là.

En 1694, confection du bel autel de la Sainte Vierge, N.-D. de Grâce.

En 1705, « pour la réparation de léglise qui est en pays armorique grande et exposée à la tempête 100 livres ».

En 1706, « à un peintre pour les fonts baptismaux et armoire des bannières 42 livres ». Cette armoire qui porte les dates de 1704 et 1705 se voit toujours à la sacristie. La même année, « au charpentier pour la chambre de l'horloge et autres travaux 50 livres ».

En 1709, « couverture de léglise 100 livres ». Ce crédit fut affecté à la réparation de la toiture du transept Nord. On lit, en effet, sur le lambris de la chapelle, au-dessus de l'autel de Sainte-Barbe, l'inscription suivante : IAN BITAR . 1709 . F .

En 1719, « à des couvreurs pour accommoder l'église 21 livres, pour 52 livres de fer pour faire une croix sur la tour 10 livres, façon dune croix neuve pour la tour 2 livres ».

C'est en 1720-1721 que fut bâtie la sacristie de Saint-Tujan. Le fabrique de cette année paie « pour chaux ardoises et pierres 44 livres, pour plancher de chêne et chataignier 60 livres, à des massons pour batir la sacristie de la trêve de Saint Tugen pour 216 journées scavoir au maître 15 sols par jour a ses compagnons 14 sols a un apprenti 12 sols en tout 148 livres 11 sols — à des charpentiers pour 148 journées au maître 15 sols par jour aux compagnons 14 et a un apprenti 4 en tout 84 livres 13 sols — à des couvreurs pour couvrir la dite sacristie pour 58 journées à raison de 14 sols par jour 40 livres 12 sols ».

En 1740, le fabrique paie 4 livres 3 sols « pour raccommoder la fontaine et des vitres a l'église suivant le prix fait en présence du sieur Recteur et de M. Dumenez » [Note : En 1732, il avait versé 49 sols « pour faire la niche pour l'image de la fontaine »].

Les comptes signalent ensuite les dépenses faites en vue de la grande restauration opérée au transept Sud de la chapelle en 1749 et 1750.

En 1749, on paie « a M. du Menez de Lezurec pour ormes et chênes 300 livres, pour la couverture de léglise 84 livres, pour la maconnerie de léglise 251 livres, pour la charpente 163 livres, pour du fer pour la vitre 15 livres... ».

Nous avons déjà constaté les dates 1749, 1750 sur les murs avoisinant la sacristie.

En 1757, le fabrique débourse « pour le choeur et balustres du maître autel 228 livres, pour garnir le choeur des ferrailles nécessaires 15 livres, pour avoir pavé la dite église 283 livres, facon pour parer le choeur 146 livres ». Près de la balustrade, à l'autel du Rosaire, on lit sur le pavé l'inscription : IAN PRIOL . FAB . 1763.

De 1770 à 1772, c'est la tour et l'aile droite de la chapelle qui nécessitent des réparations, comme en témoignent les délibérations suivantes du corps politique : « pour obéir à l'arrêt du parlement du 3 mars 1770 au sujet de nourrir les pauvres, nous avons convenu ce qui est après ; ayant beaucoup d'ouvrages à l'église tréviale de Saint Tugen, nous allons les employer afin de leur faire gagner leur pain, pour charroyer et tirer des pierres et boisages et autres effects nécessaires pour les dits ouvrages de l'église, et nous sommes d'avis à leur payer six livres à chaque charrette à condiction de faire deux voyages chaque jour du village de Kervigoudou en la paroisse de Beuzec-Cap-Sizun ; et pour tirer des pierres ils seront payés de quinze sols par jour ; les femmes et les enfants en cas de besoin on les paiera deux sols par jour, et à Corentin Horellou on paiera vingt sols par jour à condiction qu'il veille les laboureurs et qu'il travaille luy même et donne nouvelle à Monsieur le Recteur toutes les semaines. Pour charroyer les pierres depuis six heures du matin jusqu'à six heures du soir, ils auront pour chacque charrette par jour quatre livres dix sols à condiction de trois chevaux à chaque charrette ».

Le 27 Septembre 1772, les délibérants s'occupent de la tour de l'église : « chargeons Sébastien Briant fabrique de l'église tréviale de Saint Tugean de réparer promptement la tour de la dite église et en conséquence nous avons remis entre les mains du dit Briant pour faire travailler la somme de six cent livres et donnons ordre au même de couper du bois nécessaire au cimetière et de prendre les poutres nécessaires à Primelen et avons convenu de donner 25 sols par jour à Jean Masson et Guillaume Jaffry, à Pierre Brénéol 20 sols et 15 sols à Guillaume Jaffry fils comme darbareurs » [Note : Les darbareurs faisaient le mortier].

Le 7 Novembre 1773, Yves Le Cloarec, marguillier de l'église de Saint-Tujan, a remontré qu'il est nécessaire de « relever une partie du mur costier de l'aile droite de la dite église, mais comme il y a dans ce mur deux vitres qui portent des armoiries et écussons, le remontrant requiert que le Général [Note : Le corps politique] ait à luy prescrire les formalités qu'il doit faire. Le Général donne tout pouvoir au dit Cloarec de faire présenter une requête à Messieurs les Juges des reguaires à Quimper, juges ordinaires des lieux, de descendre à la dite église à l'effet de rapporter état et procès verbal des dites réparations à faire et des dites armoiries pour la conservation des droits des seigneurs ».

Voici qu'en 1789-90 éclate la tourmente révolutionnaire. Le 27 Juin 1792, deux officiers municipaux de Primelin, accompagnés du greffier, se transportent à la sacristie de Saint-Tujan pour inventorier les titres et les biens de la chapelle.

Par un arrêté du 24 Janvier 1793, le Directoire du district de Pont-Croix prescrivit d'envoyer au même district les matières d'or, d'argent et de cuivre, ainsi que les ornements qui se trouvaient à Saint-Tujan. Au nombre de ces objets était une cloche pesant 387 livres qui, le 23 Mai 1793, fut dirigée sur Brest [Note : D. Bernard, La Chapelle de Saint-Tugen... (Bull. Soc. Arch. Fin., 1908, pp. 239-240)]. Au moment où l'on empilait dans des charrettes les objets enlevés, une pieuse femme de Saint-Tujan, Jeanne Cuillandre, femme Marc Normant, trompant la vigilance des gardes, ôta d'une de ces charrettes le magnifique calice gothique qui est aujourd'hui conservé au presbytère de Primelin.

Le 10 Germinal an III (30 Mars 1795), Mathieu Thalamot, notaire à Esquibien, et Joseph Guesno, d'Audierne, se rendirent à Saint-Tujan pour y procéder à l'inventaire des meubles et immeubles. La chapelle fut estimée à 1.200 livres, y compris le cimetière avec ses arbres et l'ossuaire. Quant aux meubles, voici quelle fut leur estimation : « quatre autels, trois cents livres ; une chaire à prêcher, quarante livres ; cinq confessionnaux, soixante livres ; une balustrade en bois et le choeur, trente six livres ; dans la sacristie, un buffet à huit tiroirs et deux petites armoires ayant au dessus cinq petites armoires et cinq petits tiroirs, soixante livres ».

La vente des objets mobiliers, faite le 7 Thermidor an III (25 Juillet 1795), donna la somme de 823 livres 10 sols.

Le 13 Juillet précédent avait eu lieu, touchant la chapelle elle-même, une première criée qui ne produisit que 1596 livres. Une seconde criée, le 29 du même mois, comporta quatre feux consécutifs. Au premier feu, Simon Dagorn, de Primelin, offrit 2.000 livres et Guezno 5.000. Au deuxième feu : Thalamot 6.000 livres, Guezno 7.000, Dagorn 8.000, Le Breton 9.000. Au troisième feu : Guezno 11.000, Normand 12.000, Thalamot 13.000, Dagorn 14.000, Thalamot 16.000, Normant 18.000, Thalamot 19.000, Normant 20.000, Dagorn 20.100 livres. Au quatrième feu, Dagorn reste adjudicataire [Note : Arch. dép. Série Q. Domaines. District de Pont-Croix. Procès-verbaux et adjudications, Reg. 103, ff. 267, 268].

Simon Dagorn, après la Révolution, fit restaurer l'église de Saint-Tujan et la rendit au culte.

Les pieuses fondations qui, au cours des XVIIème et XVIIIème siècles avaient permis de faire face à des frais considérables de restauration, disparurent dans la tourmente révolutionnaire, et les modiques ressources de la paroisse de Primelin purent à peine, dans la suite, suffire à l'entretien de l'édifice. En 1808, 1833, 1846, 1852, 1858 et 1892, quelques centaines de francs, pris sur les ressources disponibles de la fabrique, furent affectés à la réparation des lambris, de la toiture, des fenêtres, et de la tour (Arch. de Primelin).

En 1908, l'église fut classée parmi les monuments historiques.

Cinq ans plus tard se fixa à Saint-Tujan un vénérable ecclésiastique, originaire de Goulien, l'abbé Yves Velly, ancien missionnaire en Haïti. Il fut navré de voir la détresse de l'antique sanctuaire. Mal entretenue, faute de ressources, la pauvre chapelle était lamentable : les toitures menaçaient de s'effondrer, les bois des charpentes étaient vermoulus et disjoints, l'eau s'infiltrant dans les murs, désagrégeait petit à petit les maçonneries. Emu de l'état misérable de la chapelle, M. le Recteur de Primelin, dès 1909, avait ouvert une souscription à fin de réparation, L'abbé Velly, son confrère, se hâta de lui venir en aide. Et, à cette intention, il composa, en 1914, une monographie de l'église de SaintTujan, pour vendre au profit de la chapelle [Note : Notice sur Saint Tugen et son église... Monographie de ses nombreux et merveilleux symbolismes]. Le succès de la brochure fut considérable, et l'auteur se vit dans la douce obligation d'en publier jusqu'à sept éditions, dont la dernière est de 1930. Et il faut dire, à la louange de l'écrivain, que chacune des éditions marque sur la précédente un réel progrès.

De notables réparations furent faites à l'église Saint-Tujan, vers 1919-1920 ; l'abbé Velly y contribua dans une large mesure et, plus d'une fois, il adressa à l'Administrateur des Beaux-Arts des sommes importantes.

Le bon ecclésiastique mourut le 8 Mars 1933, dans sa petite maison blanche, et sa dépouille mortelle repose tout près de la chapelle qu'il a tant aimée. Avec un zèle éclairé et méritoire, M. l'abbé Abgrall, Recteur actuel de Primelin, continue son oeuvre, et il faut espérer que grâce aux générosités des paroissiens et des nombreux visiteurs que la belle saison ramène au pays, elle restera encore longtemps debout, la vieille chapelle où vinrent prier tant de générations.

BIENS ET RESSOURCES DE LA CHAPELLE.

Avant la Révolution, l'église de Saint-Tujan était pourvue de nombreuses fondations. Signalons quelques-unes des plus anciennes.

Par un contrat du 9 Septembre 1512, SaintTujan acquiert au village de Lamboban, en Cléden-Cap-Sizun, une rente de 22 sols monnaie payable par Yves Poulhazan et consorts.

D'un contrat de vente du 10 Juillet 1539, il ressort que Henri Le Mauneur et Guillaume Tanté devaient à Saint-Tujan « six boisseaux de blé mistillon, tiers froment, tiers seigle et tiers orge, valant la somme de 13 livres par an de rente foncière ».

En 1553, messire Jean Lhostis, prêtre, chapelain de Saint-Tujan, lègue à la chapelle du blé, à charge de faire dire à perpétuité une messe dans la dite chapelle, les lundis, mercredis, vendredis et samedis.

En 1604, Alain du Ménez fit donation à l'église tréviale de Saint-Tujan de la maison du XVIème siècle qui se trouve au Nord-Ouest de la chapelle, et qui est connue sous le nom de Ti-bras « la grande maison ».

Saint-Tujan avait encore d'autres rentes venant des paroisses voisines d'Esquibien, de Plogoff, de Beuzec, et aussi de la paroisse de Pouldergat.

Il est établi par les comptes de fabrique que les fondations affectées à notre chapelle furent régulièrement acquittées jusqu'à la Révolution.

Les ressources disponibles de la fabrique servaient à l'entretien de l'église et des prêtres qui y desservaient les fondations. Elles atteignirent en 1656, 1750 livres, en 1666, 2163 livres, en 1706, 1552 livres, en 1739, 1837 livres (Archives de Primelin).

 

LE SERVICE LITURGIQUE.

Nous avons dit que Saint-Tujan était une trève relevant de la paroisse de Primelin. Celle-ci avait un recteur et un vicaire habitant au bourg ; des prêtres, souvent originaires de la paroisse, résidaient à Saint-Tujan et y desservaient les messes et fondations à titre de chapelains. En 1524 et en 1534, et longtemps auparavant, il y avait plusieurs ecclésiastiques à Saint-Tujan (Bull. Soc. Arch. Fin., 1916, p. 325). Ils étaient au nombre de cinq en 1539, et s'appelaient : Dom François Le Guall, dom Jehan Lhostis, dom G. Maduré, dom Yves Le Dantec, et dom Follic. La présence de ces prêtres permettait de donner beaucoup d'éclat aux offices religieux de Saint-Tujan. Il y avait, les dimanches et fêtes, grand'messe, procession, prône et sermon ; on y administrait les sacrements ; tout s'y passait comme dans les églises paroissiales. En 1705, on paie pour la moitié du cahier baptismal 3 livres, pour vin de messe pendant l'année 9 livres ; en 1709, pour le pain à bénir au cours de l'année 50 sols ; en 1738, pour le cierge pascal 3 livres, et pour les rameaux 5 sols.

Comme la paroisse-mère, la trève avait son prédicateur de Carême. En 1663, on donne à déjeûner au Père prédicateur, trois dimanches de Carême ; en 1724, 56 sols furent affectés aux frais des déjeûners du prédicateur de Carême d'une part, et d'autre part de deux Pères Capucins qui prêtèrent leur assistance pour le petit « pardon ».

Les chapelains aidaient le clergé paroissial de Primelin dans l'administration des sacrements ; les messes, au demeurant, étaient souvent chantées à Saint-Tujan par le recteur et le vicaire, et les baptêmes signés par eux.

Chose à noter, les comptables paient parfois d'assez fortes sommes pour du vin à distribuer aux communiants. En 1622, le comptable de Primelin dit avoir payé « du vin de gascoigne pour communier le peuple pour le premier dimanche de caresme auquel jour il y a plénière indulgence la somme de 13 livres 10 soutz ». En 1659, la fabrique de Saint-Tujan paie en vin pour la communion de Pâques 36 livres. Ceci montre qu'à Pâques et à quelques grandes fêtes, l'usage était de donner aux fidèles qui avaient communié un peu de vin, comme cela se fait encore le jour de l'ordination pour les prêtres nouvellement consacrés. On nous signale pour quelques paroisses de notre diocèse l'habitude de faire venir au presbytère les enfants de la première communion et de leur y servir du vin et du pain.

De grandes solennités avaient lieu à Saint-Tujan les jours de « pardon ».

En 1537, sept pardons y étaient célébrés annuellement :

1. Le dimanche précédant la Saint-Jean-Baptiste.
2. Le jour de la Toussaint.
3. Le jour de la Saint-Clément (23 Novembre), anniversaire de la dédicace de l'église.
4. Le jour de Noël.
5. Le 1er Février, « jour de la fête de Monsieur Sainct Tugen ». Ce « pardon » portait le nom de « pardon de Sainct Tugen et Brigitte » [Note : La fête de Sainte Brigitte d'Irlande est traditionnellement célébrée le 1er Février tout comme celle de Saint Tujan].
6. Le jour de Pâques.
7. Le jour de la Pentecôte [Note : Bull. Soc. Arch. Fin., 1916, p. 235. — Les « pardons » étaient nombreux à cette époque. Les comptes de 1692 en signalent quatre à Primelin].
Le grand pardon était celui du 1er Février, pour lequel François Ier avait accordé des lettres patentes datées sur parchemin du 18 Février 1530, signées du roi lui-même et apostillées du grand sceau.

A Pont-Croix se tenait, le 1er Février, une foire très importante, où se réglait le cours du blé pour l'échéance des rentes et fermages de la Chandeleur. Seigneurs et cultivateurs s'y rendaient, si bien que la foire, selon l'expression populaire, « faisait tort » à Saint-Tujan. Emue de la situation, la fabrique porta plainte et François Ier, par de nouvelles lettres patentes, donna ordre aux juges de Quimper de faire remettre la foire de Pont-Croix « pour estre tenue a ung aultre jour du dict moys, obstant la veille de la feste de la Chandeleur et pardon principal de Sainct Tugan » (Ibid., pp. 192, 193).

A l'approche de la fête de Saint Tujan, les pieux fidèles des alentours frémissaient d'une joyeuse émotion, et ils croyaient entendre sonner plus clair le carillon de sa chapelle : Bravaad a ra kloc'h sant Tujan, - Tostaad a ra ar pardon. (Le son de la cloche de Saint-Tujan devient plus beau. — Son pardon approche).

Depuis déjà longtemps, le grand pardon de Saint-Tujan est celui du dimanche avant la Saint-Jean. Nombreux étaient les pèlerins qui y accouraient. Le fameux Cantique des Miracles, qui daterait de la seconde partie du XVIIème siècle, assure qu'on y venait de toute la Bretagne. M. Le Carguet, percepteur à Audierne, écrivait en 1890 : « C'est un lieu de pèlerinage très fréquenté. Nous y avons remarqué, tous les ans, surtout les costumes de Fouesnant, Coray, Châteaulin, et quelques-uns du Morbihan. Autrefois, ceux-ci étaient les plus nombreux. On peut évaluer à plus de douze mille le nombre des personnes qui défilent chaque année devant la chapelle. Le nombre des pèlerinages augmente les années où l'on a signalé des chiens enragés » (Bull. Soc. Arch. Fin., 1891, p. 200).

Jusqu'en 1914, année du début de la grande guerre, les processions des paroisses environnantes venaient relever par leur présence l'éclat de la fête [Note : La procession de Saint-Tujan, à son tour, se rendait aux pardons des paroisses avoisinantes. C'est ainsi, par exemple, qu'en 1724, M. Le Gall, prêtre, les porteurs de croix et bannières reçoivent 30 sols pour avoir été au pardon de Saint-Laurent en Lannourec, Goulien].

L'affluence des pèlerins était telle du XVIème au XVIIIème siècle qu'elle exigeait de nombreux confesseurs. En 1656, le Père Maunoir et son compagnon, M. de Trémaria, vinrent apporter leur concours au clergé de Saint-Tujan. « Dès le samedi soir, 24 Juin, sur les neuf heures, la foule immense des pèlerins avaient envahi l'église et le cimetière. Quand le Père Maunoir et M. de Trémaria se présentèrent, tout ce peuple se disposait à la danse. Le vénérable (Maunoir) va droit au sonneur qui déjà accordait son instrument, lui arrache ses hautbois et convoque les pèlerins à l'église. Là, il fait le catéchisme qu'il entremêle de cantiques spirituels, et y ajoute une prédication à la fin de laquelle il déclare que M. de Trémaria, leur voisin [Note : Il était originaire de Cléden-Cap-Sizun], devenu prêtre, aidera pendant la nuit à confesser ceux qui désiraient communier le lendemain... (Celui-ci) confessa les pèlerins toute la nuit et le jour suivant au milieu de mille bénédictions... Toute la semaine se passa à catéchiser, à prêcher, à confesser » [Note : Séjourné, Histoire du vénérable serviteur de Dieu Julien Maunoir... Tome I, pp. 365, 366. — Maunoir donna deux mis sions à Saint-Tujan en Mai 1643, puis eu 1669 (tome I, p. 187 ; tome II, p. 125)].

Nous lisons dans les comptes de 1674 : « Pour entretenir messieurs les prestres tant de la paroisse que d'ailleurs qui estoient priés pour ayder les confessions et autres fonctions les deux jours du grand pardon 18 livres ». Puis, en 1709 : « Payé à Monsieur Sicourmad pretre pour l'assistance jour de pardon et fondation et donner la clef le jour du grand pardon 19 livres 10 sols ».

Au jour du « pardon », dans la trève de SaintTujan, le maître de maison conviait à déjeuner ses parents et amis éloignés. Au milieu du repas, il disait lui-même ce qu'on nomme les Grâces : Pater et Ave pour tous les parents vivants, présents et absents ; De profundis pour les parents défunts et pour tous ceux qui ont habité la maison jusqu'à la neuvième génération. Après ces prières, le festin continuait.

Les reliefs des énormes plats de viande posés sur la table devaient y demeurer jusqu'au lendemain matin, et toute personne entrant dans la maison était invitée à en prendre sa part (Bull. Soc. Arch. Fin., 1916, p. 343).

Dans l'après-midi, à l'issue des vêpres, a lieu la procession. Et c'est alors un spectacle impressionnant que la vue de cette foule aux costumes variés, venue de tous les coins de la région, défilant bannières déployées, au son des cloches et au chant des cantiques. Jadis, le cortège sacré se rendait, à travers tout le Trez-Goarem, jusqu'à la belle fontaine de Saint-Onno, en Esquibien, reconstruite en 1648, aujourd'hui disparue. Tout le long du parcours on chantait, à pleins poumons, les 32 strophes du Cantique des Miracles (Bull. Soc. Arch. Fin., 1916, p. 246). Vers 1936, la procession se rend à la grève voisine, dénommée Le Trez, où l'on a érigé, il y a quelque 40 ans, une croix de bois. Au vieux Cantique des Miracles a succédé une nouvelle cantilène bretonne, due à M. Bourvon, recteur de Primelin, de 1888 à 1898, et qui porte la date du 11 Mai 1894.

Au retour de la procession, un prêtre, revêtu de l'étole blanche et du surplis, bénissait, à l'église, les pains de la clef « bara an alc'houe », les épingles et les petites clefs en plomb (Bull. Soc. Arch. Fin., 1916, pp. 229-230).

Le pain de la clef était un petit pain sans levain, long de 0 m. 13, large de 0 m. 06, arrondi aux extrémités. Le prêtre, pour le bénir, le piquait avec la clef de Saint Tujan, y appliquait le reliquaire en argent et faisait un signe de croix. Le compte de 1663 mentionne qu'on a versé à un prêtre la somme de 16 sols, « pour avoir touché la clef et les reliques de saint Tugen au peuple le jour du grand pardon et le jour précédent ». Les pèlerins avaient une grande dévotion pour les petits pains de la clef et en emportaient chez eux. La tradition populaire prétendait qu'ils ne devaient pas moisir (André Theuriet, Revue des Deux-Mondes, 1881, tome I, p. 353).

L'épingle de Saint Tujan (spillen Sant Tujan) était en laiton ou en fil de fer ; elle mesurait 0 m. 04 de longueur, et se terminait, à la tête, par une volute.

Quand à la petite clef en plomb, c'est une clef ordinaire de 0 m. 04 de long, avec un anneau rond, une tige décorée de feuillage en spirale, et, sur son pourtour, les initiales S. T.

Les épingles et les clefs étaient bénites elles aussi par l'attouchement de la clef de SaintTujan et du reliquaire [Note : M. Le Carguet signale dans les comptes de saint-Tujan pour les années 1537 et 1538 un texte curieux : « Item se charge dauoir repceu de Yvon Le Guac pour auoir administré les reliques a sa partie adverse a sa requete 3 sols 4 deniers ». Il s'agit de deux adversaires. Quand au lit de mort, la réconciliation n'avait pas eu lieu, si l'une des parties s'y refusait, l'autre lui faisait porter les reliques de saint Tujan. (Bull. Soc. Arch. Fin., 1916, pp. 231-232)].

La bénédiction des pains de la clef est tombée en désuétude depuis plus de cent ans. Quant aux épingles, M. Le Carguet déclare qu'un marchand en a encore mises en vente en 1892 (Bull. Soc. Arch. Fin., 1916, p. 230). On continue de bénir toujours les petites clefs en plomb.

Il y avait autrefois des luttes au jour du pardon. Chaque paroisse y amenait ses meilleurs lutteurs. Les luttes étaient mises sous la protection de saint Tujan, qui passait, dans la croyance populaire, pour modérer la rage des combattants (Bul. Soc. Arch. Fin., 1890, p. 200).

Le 17 Juin 1725, le jour du « pardon » de Saint-Tujan, fut marqué par un tragique accident. Cinquante-deux personnes revenant de la fête avaient pris place dans un bac pour passer d'Audierne à Poulgoazec. Le bac coula et tous furent noyés. On autorisa les recteurs d'Esquibien, d'Audierne et des paroisses voisines à célébrer les obsèques des victimes (Note du chanoine Peyron, prise aux Archives départementales).

M. l'abbé Velly, dans sa brochure sur SaintTugen, retrace les détails du pardon, tels qu'il les avait vus soixante ans auparavant : « Des centaines de pèlerins, écrit-il, venaient encore, à cette époque, des extrémités du diocèse de Quimper, Morlaix, Carhaix, Quimperlé... et un certain nombre des diocèses voisins (Vannes et Saint-Brieuc). Ils arrivaient le vendredi soir, tous à pied, un bâton à la main... Ils allaient droit à l'église saluer saint Tugen. — La grande place et toutes les aires du village étaient couvertes de tentes... Sous ces tentes on leur préparait à manger... La nuit venue, toutes les granges, à Saint-Tugen et aux environs, leur étaient ouvertes... On leur fournissait la paille nécessaire... Ils dormaient là une nuit, deux nuits, car ils étaient fatigués. Le samedi matin, messe basse, confessions... Grand'messe. — Pendant la journée on les voyait faire pieusement le tour de l'église, à genoux ou le chapelet à la main... Le soir il y avait grande procession... La plupart avaient des cierges à la main. — Le dimanche matin, à 3 heures, ils assistaient à la prière publique, à une messe basse, communiaient, déjeunaient, et partaient, en jetant un dernier regard sur l'église, et imploraient la protection de saint Tugen sur eux et sur leurs familles. — Le reste du dimanche, la fête était on ne peut plus solennelle... Grand'messe à 10 heures... Prédication... nombreux clergé, foule énorme.

« Le soir, à 3 heures, vêpres, tons solennels... Après le Gloria Patri de chaque psaume, sur un signe, le tambour, vieux tambour de régiment, faisait un roulement. — Aussitôt après les vêpres, procession... par le Reun, Penzer, et le Croisou... après le clergé, le tambour, puis un vétéran de haute taille portant un immense drapeau tricolore... A la tête des hommes, deux gendarmes, en grande tenue, le sabre au clair, le grand chapeau à bicorne sur la tête. (A cette époque, quand un gendarme entrait dans un village, le bicorne sur la tête, tous les enfants se sauvaient dans les maisons ; aujourd'hui, ils courent après. (Réflexion d'un vieux). — Pendant la procession, le tambour alternait avec le chant des litanies de la. Sainte Vierge. De temps en temps un groupe de vétérans de la guerre de Crimée et de la guerre d'Italie, commandés par un capitaine, faisait une décharge à poudre. — A l'arrivée à l'église, les deux gendarmes se plaçaient debout dans le choeur, toujours le sabre au clair et le bicorne sur la tête. — Au moment de la Bénédiction, il y avait un grand roulement de tambour, puis les gendarmes abaissaient leurs sabres pour saluer et adorer le Dieu du ciel qui bénissait la foule. J'ai vu moi-même, tout cela, dans ma jeunesse » (Saint-Tugen, 7ème édition, 1930, p.32).

Primelin (Bretagne) : cantique de Saint-Tujan (partie 1).

Primelin (Bretagne) : cantique de Saint-Tujan (partie 2).

Primelin (Bretagne) : cantique de Saint-Tujan (partie 3).Primelin (Bretagne) : cantique de Saint-Tujan (partie 3).

Primelin (Bretagne) : cantique de Saint-Tujan (partie 4).

Primelin (Bretagne) : cantique de Saint-Tujan (partie 5).

(H. Pérennès).

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