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Le Couronnement de Notre-Dame de Toute-Aide à Prénessaye le 14 août 1950.

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Lettre adressée par S. E. le Cardinal Tedeschini à S. E. Monseigneur notre Evêque, décrétant le couronnement de Notre-Dame de Toute-Aide.

FRÉDÉRIC TEDESCHINI,
Cardinal Prêtre de la Sainte Eglise Romaine, du titre de Sainte-Marie de la Victoire, Archiprêtre de la Basilique Patriarcale Saint-Pierre de Rome

A Son Excellence Révérendissime Monseigneur
ARMAND COUPEL, Evêque de St-Brieuc et Tréguier,

Salut dans le Seigneur.

Par Votre Lettre, dans laquelle vous sollicitiez de Notre Chapitre du Vatican, qui jouit du privilège de couronner les images de la Mère de Dieu, la faculté d'orner d'un diadème d'or une antique statue de cette auguste Vierge, Nous avons appris avec plaisir que dans les limites de Votre beau diocèse, au village de Querrien, paroisse de La Prénessaye, il existait un antique sanctuaire, dont les origines remontent au VIème siècle, dans lequel est vénérée avec une grande et particulière dévotion une célèbre statue de la Bienheureuse Vierge Marie, sous le vocable de Notre-Dame de Toute-Aide.

Cette statue, restée longtemps enfouie sous les décombres d'un premier édifice tombé en ruine, fut retrouvée en 1652, sur l'indication de la Vierge Marie, elle-même, qui apparut à une jeune fille sourde et muette et, à cette occasion, lui rendit l'usage de la parole et de l'ouïe.

Comme depuis ce temps jusqu'à nos jours, non seulement les fidèles de cette région, mais encore les fidèles des cités voisines ont coutume de venir en pèlerinage au pied de cette statue, pour implorer l'Auguste Mère de Dieu et lui rendre grâces, et que de ce fait, ils en obtiennent d'innombrables faveurs et prodiges, Nous nous empressons d'accéder au désir de Votre Excellence et de son peuple de couronner cette image bénie.

C'est pourquoi, le 23 juillet, Nous qui toujours sommes enflammés de zèle pour propager à travers le monde le culte de la Mère de Dieu, réunis dans la salle capitulaire, après avoir reconnu, comme il appert de documents certains, que se trouvait réalisé dans le cas tout ce qui est requis pour le couronnement solennel des Images, par une décision unanime, Nous avons décrété et ordonné que cette vénérable statue de la Bienheureuse Vierge Marie, sous le titre de Notre-Dame de Toute-Aide, pouvait être, en Notre nom, couronnée solennellement d'un diadème d'or.

Ce soin de procéder au couronnement, Nous vous le confions, Excellentissime Seigneur, le jour qu'il vous plaira, et, par les présentes, Nous sommes heureux de vous en accorder le pouvoir avec la faculté, si vous le désirez, de déléguer, pour ce faire, un autre évêque.

Donné à Rome, de la Cité du Vatican, le cinquième jour du mois d'août, l'An du Seigneur 1950, du Pontificat de Notre Saint-Père le Pape PIE XII, la douzième.

JOSEPHUS CALDENARI, Chancelier. (Semaine Religieuse).

Querrien !... Un petit village perdu dans la forêt loudéacienne. Je me rappelle l'impression singulière que j'en reçus lorsque je pénétrai pour la première fois dans ce hameau de chez nous et surtout lorsque je priai dans le sanctuaire érigé sur l'ordre même de Notre-Dame.

Certes, on goûte à Querrien la douceur de toutes les chapelles bretonnes. Mais il y a quelque chose de plus, quelque chose d'indéfinissable. Il y a là encore, il y aura là toujours, flottant confusément dans l'air, le parfum suave de la Reine du Ciel et de la Terre qui daigna y descendre pour apparaître quinze fois à une petite pastourelle sourde et muette, la guérir de son infirmité et lui faire ses confidences.

De cette visite le village de Querrien est et restera ineffablement embaumé.

***

Nous sommes quelque peu tentés d'en vouloir à nos pères d'avoir gardé pour eux seuls l'extraordinaire bienfait d'un lieu sanctifié par les apparitions de la Vierge, ratifiées et reconnues véritables par l'Autorité religieuse.

Querrien n'est-il pas le seul lieu de notre Bretagne que Notre-Dame daigna fouler de son pied virginal ?...

Jeanne Courtel n'est-elle pas la seule Bretonne qui a eu l'insigne honneur de voir la Mère de Dieu, et cela plus de deux cents ans avant Bernadette ?...

Et la Bretagne ne connaissait pas cette marque unique de la maternelle sollicitude de Celle qui pourtant chez nous est tellement Reine !...

Près de 300 années se sont écoulées, or, tandis que le rocher de Massabielle est devenu ce centre incomparable de piété mariale où les peuples accourent pour chanter l'immaculée et adresser à la « Toute-Puissance suppliante » leurs ferventes prières, le champ des Fontenelles est demeuré un champ comme les autres et Querrien un pauvre village de la forêt de Loudéac qui ne vit vraiment que lorsque viennent, au 8 septembre, les grandes fêtes du Pardon.

Modestie ? Humilité ? Pauvreté ? Peur du risque ? Difficultés de tous ordres et surtout, au XVIIème siècle, difficulté de la propagande ?

La Vierge avait pourtant dit à la petite bergère de Bretagne comme elle le dit ensuite à la petite bergère des Pyrénées : « Va trouver le Recteur de la Prénessaye. Prie-le d'édifier ici un sanctuaire. Des pèlerins viendront de tous côtés ».

***

Ce fut grande liesse dans tout le diocèse, et tout spécialement dans la région de Loudéac, quand, 21 juillet 1950, S. E. Mgr l'Evêque de Saint-Brieuc et Tréguier, annonça en une lettre pastorale, que Notre-Dame de Querrien serait solennellement couronnée le lundi 14 août.

Et ce fut, à la Prénessaye et dans toutes les paroisses environnantes, la fièvre des préparatifs.

Quiconque connaît Querrien, si éloigné de tout centre important, ne peut pas ne pas affirmer, en exprimant son admiration, qu'il a été réalisé là un véritable tour de force pour donner à la fête du couronnement un caractère triomphal digne de la Vierge.

Après un triduum préparatoire, au matin du grand jour tout était prêt jusque dans les plus infimes détails.

Le temps était bien incertain, et le ciel bien gris. Mais qu'importe : quand l'âme est ardente et le cœur dans la joie.

D'innombrables pèlerins accoururent par les routes, par les sentiers, voire à travers champs.

Vingt mille ont dit les journaux. Il y avait à Querrien plus de vingt mille personnes. Leur foi fut d'ailleurs récompensée : Le soleil fut de la fête et la journée fut radieuse.

Faut-il décrire toutes les cérémonies ? Dirigées par M. l'abbé Barbu, maître des cérémonies pontificales, elles revêtirent dans ce cadre unique, une incomparable majesté.

Son Excellence Mgr Coupel se réserva la grande joie de célébrer la messe pontificale. Il était assisté de M. le Vicaire général Rose, de M. le chanoine Le Mée, curé-archiprêtre de Loudéac, et de M. l'abbé Auffray, curé-doyen de Plémet.

Sur le vaste podium prirent place les prélats et les dignitaires ecclésiastiques : Son Eminence le Cardinal Roques, archevêque de Rennes, Métropolitain de Bretagne, LL. EE. NN. SS. du Bois de la Villerabel, archevêque d'Enos, Friteau, ancien vicaire apostolique du Loango, Villepelet, évêque de Nantes, Audrain, évêque auxiliaire de Versailles, Le Bellec, évêque de Vannes, Fauvel, évêque de Quimper et Léon, les Révérendissimes Pères Dom Demazure, abbé de Kergonan, Dom Colliot, abbé de Kerbénéat, Dom Gabriel, abbé de Thymadeuc, Dom Bernard, abbé de Maguzzano, les deux vicaires généraux Rose et Brochen, MM. les chanoines Hervé, supérieur du Grand Séminaire, Jamet, supérieur des Sourds-Muets, Cherdel, curé de la Cathédrale, Brouazin, supérieur honoraire de l'école Saint-Charles, de Pontbriand, secrétaire de l'Evêché, Audrain, aumônier à Versailles, Richard, curé de Lamballe, Le Roux, curé de Châtelaudren, Robillard, aumônier diocésain, Guinard, recteur du Légué, Mahé, aumônier à Loudéac, Richard, aumônier des Religieuses de Créhen, Prud'homme, directeur de l'Archiconfrérie de Notre-Dame d'Espérance, Ollivro, aumônier de Saint-Quihouët.

Deux cents prêtres de Saint-Brieuc, de Rennes et de Vannes, dispersés dans la foule, la font chanter et prier.

Un silence religieux plane sur les champs, sur la lande et dans les bois.

Dans ce recueillement s'élève doucement, pieusement l'Introït... « Salve, Sancta parens », exécuté à la perfection par la Manécanterie de la Cathédrale, sous la direction autorisée de M. l'abbé Le Coat.

Oui ! ô Notre-Dame, nous vous saluons : Toute la Bretagne est représentée, les siècles sont abolis, ils ne comptent pas pour vous ; la petite Jeanne Courtel est parmi nous ; et avec elle, ô Marie, ô Mère, ô Reine, nous vous saluons.

***

Quand prit fin cette Messe Pontificale qui émut si profondément tous ceux qui y participèrent, M. le chanoine de Pontbriand s'avance au micro. Il lit le Bref accordant le couronnement de Notre-Dame de Toute-Aide de Querrien.

Après lui, Son Excellence Monseigneur Audrain, évêque auxiliaire de Versailles, arrière-petit-neveu de Messire Olivier Audrain, recteur de la Prénessaye au temps des Apparitions, s'avance pour prononcer le discours, dont nous donnons plus loin les principaux passages.

***

Dès la fin de ce discours qui remua profondément la foule des pèlerins et mit le comble à son enthousiasme, S. E. le cardinal Roques se lève et s'avance vers les couronnes placées sur un brancard et apportées par des fillettes revêtues du costume que portait Jeanne Courtel au temps des Apparitions.

Ces couronnes, dessinées par Maître Daubé, professeur à l'Ecole Saint-Charles, ont été exécutées par l'atelier R. Désury, orfèvre, rue Charbonnerie à St-Brieuc, dont le poinçon de maître a été insculpté en 1781.

Elles sont en or massif et reproduisent dans leurs lignes générales le hennin de la Duchesse Anne. Elles comprennent un bandeau sur lequel, pour en rompre la sévérité, ont été reproduites des ondes en gravure champlevée et en ciselure.

Une hermine stylisée surmonte ce bandeau. Elle se détache sur un cœur feuilles de fougère, auréolée de cercles en diamants avec, à ses extrémités, trois perles du plus bel orient. Au centre de l'hermine est placé un rouet décolleté et tourné en massif. Trois diamants sur griffes platine donnent du relief et de l'éclat à l'ensemble. De chaque côté de cet ensemble, deux grands losanges limitent deux tryskels, motifs celtiques que l'on retrouve sur beaucoup de calvaires bretons et qui symbolisent la Sainte Trinité.

Des saphirs de Ceylan, des opales, des perles et des diamants très heureusement placés, donnent de la luminosité à cette pièce d'orfèvrerie qui s'apparente à la joaillerie de très grande classe.

Son Eminence bénit ces couronnes et les place tour à tour sur la tête de l'Enfant Jésus et sur la fête de sa Mère.

« De même que par nos mains, vous êtes couronnée sur la terre, puissions-nous mériter d'être couronnés par Jésus, votre Fils, dans le ciel ».

L'instant est solennel. L'émotion est grande. Un frisson de joie passe sur la foule tandis que monte vers le ciel la clameur formidable et magnanime d'un Te Deum triomphal.

Le spectacle est incomparable : l'Eglise est bien la dépositaire de la dernière beauté, non pas seulement de la beauté intérieure et spirituelle, mais même de la beauté extérieure qui réjouit les yeux...

Au chant de la complainte, si touchante dans sa naïvité et sa vérité, les pèlerins s'égaillent. Chacun trouve sans peine, un endroit favorable à un gai et frugal pique-nique. Puis M. l'abbé Daboudet réunit au presbytère pour un repas fraternel les évêques, les prélats, les prêtres, les autorités civiles et les organisateurs.

Ce fut pour S. E. Mgr Coupel l'occasion de dire son merci et d'adresser à chacun le mot aimable qui touche et qui fait plaisir.

Il n'eut garde d'oublier celui qui fut l'âme de cette fête, M. l'abbé Daboudet, auquel il conféra, au milieu des applaudissements unanimes, le titre de chapelain épiscopal.

***

Dès 3 heures, le vaste champ du couronnement est envahi à nouveau par les pèlerins qui chantent le cantique « Vous êtes la Merveille... » avec un élan magnifique et une ferveur conquérante.

Bientôt le cortège des « petites Jeanne Courtel », des prêtres, des prélats, des évêques et du cardinal fait son entrée solennelle ; et les Vêpres Pontificales commencent, présidées par S. E. Mgr de la Villerabel, archevêque d'Enos.

Au Magnificat, la procession s'organise : les paroisses du doyenné et celles des doyennés limitrophes, la paroisse de la Prénessaye à laquelle s'adjoignent tous les pèlerins isolés, de nombreuses petites filles tout de blanc vêtues, les petites « Jeanne Courtel » dont l'impeccable et pieuse tenue fait l'édification de tous, le clergé, les prélats, les évêques, le cardinal en « cappa magna » et des centaines d'hommes font à la statue couronnée un merveilleux cortège... C'est une marche triomphale à travers les champs où un calvaire renfermant une statue de Notre-Dame marque l'emplacement d'une des Apparitions. Procession pieuse s'il en fut. La sonorisation du parcours, admirablement réalisée, permet à tous les pèlerins de chanter les mêmes cantiques, de réciter les mêmes prières et de vivre dans une atmosphère de recueillement et de piété intense que sut créer, avec sa psychologie des foules et son ardent amour pour la patronne de son Ordre, le R. P. Pronost, supérieur des Oblats de Marie de Saint-Brieuc.

Dans sa rage bien légitime de voir établir merveilleusement dans un lieu nouveau le culte de celle qui écrasa sous son pied vainqueur la tête du serpent infernal, Satan voulut intervenir : un incendie dû à une imprudence se déclara dans une meule de foin ; l'incident n'altéra nullement la ferveur des pèlerins qui, jusqu'au bout, firent de cette journée une incomparable journée de louanges, d'hommages et de supplications.

A cette procession splendide, il fallait un splendide couronnement : ce fut le discours final de S. E. le Cardinal Roques.

D'une voix vibrante, dont les haut-parleurs portent les accents jusqu'aux derniers rangs de la foule, le Métropolitain de Bretagne laisse jaillir la reconnaissance qui s'élève de son cœur, dit un merci ému à la Vierge Immaculée, Reine de France et Reine de Bretagne, qui vient, une fois de plus, d'affirmer sa maternelle royauté.

Il conjure les pèlerins de donner à ces fêtes de beaux lendemains, de remplacer la complexité, la fatuité, l'irritation et l'orgueil de notre siècle par l'innocence, la simplicité, l'humilité, par toutes les vertus qui méritent les confidences de Notre-Dame.

« O Vierge bénie, s'écrie en terminant le Prince de l'Eglise, abaissez vos regards sur la France et sur le monde. Reine de la Paix, priez pour nous et enseignez-nous à mieux comprendre et à mieux vivre les leçons de cette journée et conduisez-nous vers Celui qui est la Voie, la Vérité et la Vie ».

Puis là Manécanterie entonne un solennel Tantum ergo et le Cardinal monte à l'autel, prend dans ses mains le grand ostensoir d'or et trace sur l'immense foule prosternée un large signe de croix.

Le cortège se reforme... et la Vierge couronnée de Querrien est conduite triomphalement dans son sanctuaire d'où elle continuera à veiller sur ses fils bretons qui tant lui ont prouvé, en cette inoubliable journée, leur filial et indéfectible amour.

La journée des malades, le dimanche 20 août 1950, fut une conclusion émouvante des festivités.

***

Aujourd'hui Querrien a retrouvé le silence des villages bretons. Mais l'élan est donné. Les foules viendront et reviendront encore vers ce lieu béni.

Inconcevable mystère des bontés de Dieu !

La bergère de Querrien est devenue la bergère des chrétiens de chez nous.

Les champs déserts se sont peuplés, la lande a fleuri, le forêt a chanté.

Aux pieds de Notre-Dame de Toute-Aide, les Bretons continueront à chercher et à prouver les valeurs spirituelles... les valeurs morales... les seules qui comptent. Les seules qui peuvent guérir une nation... malgré ses misères, ses incompréhensions et ses oublis.

J. C. (Semaine Religieuse).

DISCOURS prononcé par S. E. Monseigneur AUDRAIN
LE 14 AOUT 1950

« Chers Pèlerins,

Pour célébrer la gloire et les grandeurs de Celle à qui votre piété fervente offre aujourd'hui le précieux diadème qui ornera désormais son image, on eût dû, semble-t-il, faire appel à la voix éloquente d'un prédicateur en renom. Celui qui assume ce redoutable honneur n'a rien d'un orateur de marque. S'il n'a pas cru pourtant pouvoir se dérober à l'aimable invitation du pasteur vénéré de ce diocèse, c'est qu'on lui a représenté les liens qui le rattachaient à ce coin de terre bretonne où, s'il n'y a pas vu le jour, sa famille du moins a longtemps vécu. Son arrière-grand'mère paternelle était, selon toute probabilité, originaire de la Prénessaye et ses parents furent, chaque année, durant leur jeunesse, les habitués de l'Assemblée qui se tient ici le 8 septembre et se termine à la Croix de la Fouée.

Le nom qu'il porte est même si intimement lié à l'histoire du Pèlerinage de Querrien qu'on a pu se demander s'il n'était pas de la lignée de la petite voyante, Jeanne Courtel, dont la 4ème fille, Gabrielle, épousa, en effet, en 1707, un nommé Jean Audrain, du hameau de Querrien.

Encore que les documents d'archives, malheureusement incomplets, n'aient pas permis jusqu'ici de restituer une généalogie exacte, l'hypothèse reste plausible. Quoi qu'il en soit, les Audrain tiennent une large place dans la suite des événements qui se déroulèrent en ce lieu depuis l'apparition du 15 août 1652.

Le recteur de l'époque, celui qui sur les instances de la petite bergère, interprète des volontés de la Vierge, éleva la chapelle provisoire et, quatre ans plus tard, en 1656, bâtit la chapelle définitive, s'appelait Messire Olivier Audrain.

Le premier chapelain de Notre-Dame de Querrien fut Messire Jean Audrain, sacriste pendant 12 ans de ladite chapelle, puis recteur de la Prénessaye durant une vingtaine d'années.

Le huitième et dernier chapelain en titre fut Messire Yves Audrain, qui mourut à 39 ans, en 1795, à l'île Jersey, où son refus de prêter le serment constitutionnel l'avait obligé à s'exiler.

Sans doute, est-ce un souci de continuité historique qui a dicté le choix de Monseigneur l'Evêque de Saint-Brieuc. A défaut d'habileté dans l'art de bien dire, celui qui en a été l'objet voudrait, au souvenir des parents qui tant de fois vinrent prier Notre-Dame de Toute-Aide, mettre toute sa reconnaissance et toute sa dévotion mariale dans l'hommage qu'au nom de cette immense foule, il est appelé à rendre à la Céleste Reine qui a établi ici, de façon toute spéciale, son bienveillant domaine.

Eminence Révérendissime, pouvais-je penser en février 1946, alors que j'avais la joie imprévue d'assister aux grandioses cérémonies de la remise de la barrette et du chapeau à l'importante promotion cardinalice dont vous faisiez, partie, que, quatre années après, il me reviendrait de prendre la parole en votre présence ? Le souvenir des attentions délicates qu'en cette circonstance vous avez eues pour moi, m'est un véritable encouragement. Daignez me permettre, Eminence, de vous exprimer le très respectueux attachement du clergé et des fidèles accourus aujourd'hui si nombreux à votre suite, heureux de vous voir pour ainsi dire mettre le sceau, par un geste à la fois concret et symbolique, au splendide Congrès Marial dont vous avez été, à Rennes, l'infatigable animateur, en couronnant la statue de Notre-Dame de Querrien. L'Assomption de la Vierge, thème des études poursuivies, durant ce Congrès, sous votre haute direction, n'est-elle pas, après tout, le prélude normal de son Couronnement ?

Cher Monseigneur de Saint-Brieuc, c'est à Rome, auprès de Son Eminence, dont vous cessiez à peine d'être le Vicaire Général, que nous nous sommes pour la première fois rencontrés, au lendemain de votre sacre. Votre mémoire, rendue plus sûre encore par une sympathie dont j'ai tout de suite éprouvé la douceur et le bienfait, n'a pas oublié ce que j'avais été amené à vous révéler de mes origines familiales. Dans son ingénieuse affabilité, votre cœur a su trouver l'occasion de me faire reprendre contact avec le pays de mes ancêtres. Puissent ces paroles qu'à votre prière je vais adresser à cet auditoire, formé pour la plus grande part de vos diocésains, vous être le témoignage de la très vive et très sincère gratitude des deux frères à qui vous avez réservé un bon accueil si hospitalier.

Révérendissimes Seigneurs et Révérendissimes Pères, si, dans le cortège imposant que vous formez, je suis le seul prélat étranger à la Province, je n'ai cependant pas l'impression, tant vous m'avez fraternellement entouré, d'être au milieu de vous, si je puis risquer cette expression, dépaysé. Nombreux sont d'ailleurs dans notre région parisienne et notre diocèse de Versailles, les Bretons émigrés. Membre d'une de leurs Associations amicales, je tiens à vous assurer de l'intérêt affectueux et cordial que je continuerai de témoigner à ceux dont, à juste titre, la persévérance religieuse ? comme aussi le sort matériel et moral — inquiètent vos âmes de pasteurs ........... L'historiographe averti du Pèlerinage de Querrien fait remonter aux origines mêmes de la dévotion dont Marie a été ici l'objet, aussitôt après les Apparitions, le vocable de Notre-Dame de Toute-Aide, sous lequel depuis, elle a été constamment honorée. Il en attribue la paternité à Monseigneur Denis de la Barde, l'évêque de Saint-Brieuc, qui approuva le culte marial inauguré par les habitants de ce village et bénit la première pierre de la chapelle. Celui-ci l'aurait emprunté à Saint-François de Sales, pour qui il nourrissait une piété très ardente et qui, en 1610, avait bénit lui-même, à Paris, au Couvent des Filles-Dieu, une Vierge invoquée sous le titre de Notre-Dame de Toute-Aide.

Il n'y a rien que de très vraisemblable dans une telle supposition et ce que nous venons de vous rappeler de la royauté de Marie justifie amplement le confiante attente des pèlerins qui se sont succédés par milliers en ce sanctuaire.

N'est-on pas en droit d'espérer tout secours et toute aide de Celle dont, nous l'avons vu, la puissance est aussi universelle que maternelle ?

Du ciel où est dressé son trône, Marie nous voit : elle connait nos besoins, nos devoirs, nos périls, nos désirs. Son cœur entend et reçoit nos prières.

Son indulgence ne peut manquer d'excuser la hâte avec laquelle, sous le poids de nos misères, notre salut et nos hommages se muent instinctivement en supplications.

Aussi, après l'avoir saluée comme notre Reine, Salve Regina, n'hésitons-nous pas en terminant, suivant en cela le mouvement même de la prière composée par l'Eglise, à implorer son assistance, la suppliant de tourner vers nous ses yeux compatissants : « Illos tuos misericordes oculos ad nos converte. » ........................................................

Oui, ô Marie, jetez les yeux sur ce peuple de la catholique Bretagne qui se presse filialement à vos pieds pour exalter votre Royauté.

Jetez les yeux sur les Pontifes qui ont reçu mission de le conduire dans les voies du salut et dont la sollicitude pastorale connaît quelque chose des soucis et des angoisses qui étreignaient jadis votre cœur maternel. N'ont-ils pas le droit, en songeant aux âmes innombrables dont ils portent devant Dieu la responsabilité, de reprendre le mot audacieux de l'apôtre Saint Paul qui les associe à votre propre maternité : « Mes petits enfants, que j'engendre dans la douleur, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous ».

Jetez les yeux sur le clergé tant séculier que régulier dont vous êtes plus spécialement, ô Vierge prêtre, la Reine et le guide : « Dux es, Virgo sucerdos ».

Dans l'épuisant labeur que les circonstances lui imposent ; dans la tâche apostolique que les conjonctures politiques et sociales rendent à la fois si nécessaire et si délicate ; dans la solitude du cœur où il a fait profession de vivre, que votre invisible présence et votre unique amour lui soient un constant réconfort.

Dans l'âme de nos jeunes lévites, espoir de nos diocèses de plus en plus exposés aux assauts et à la propagande insidieuse d'idéologies matérialistes et athées, préservez le germe si riche et si fragile aussi de la vocation. Soyez l'étoile qui, brillant au sein de la nuit la plus sombre et des plus violentes tempêtes, les conduira sains et saufs au port tant désiré de l'ordination sacerdotale et de la première Messe.

Jetez les yeux sur les diverses familles religieuses adonnées à l'œuvre indispensable de la prière contemplative ou aux travaux urgents de la charité. Beaucoup portent votre nom : toutes vous regardent comme leur modèle. Par leur application à reproduire vos vertus, que leurs membres apparaissent aux yeux du monde comme vos ressemblantes et vivantes images.

Jetez les yeux sur les dirigeants et dirigeantes, miltants et militantes de l'Action Catholique, qui, comprenant de mieux en mieux le caractère obligatoire et l'intérêt captivant de leur participation l'apostolat hiérarchique veulent prolonger en quelque sorte votre admirable ouvrage, en donnant eux aussi le Christ au monde.

Jetez les yeux sur nos foyers chrétiens. Faites que l'on retrouve, dans l'inviolable pureté de mœurs de nos jeunes gens, dans la tenue irréprochable de nos jeunes filles, un reflet de votre resplendissante innocence. Que sous l'autorité respectée du père, tempérée par la bonté souriante de la mère, y grandissent des enfants nombreux, vigoureux et dociles. Que l'on y respire l'atmosphère de la petite maison de Nazareth que vous animez de votre discrète et rayonnante influence.

Par delà l'horizon limité de cette Province, jetez les yeux sur la France, notre chère patrie. Que ses fils s'unissent dans la ferme volonté de lui restituer avec sa vigueur et sa force d'antan, sa place parmi les nations. Que chacun d'eux fasse sienne la résolution d'un de ses poètes qui, au milieu même de ses déplorables égarements, conservait comme le culte nostalgique de votre pureté immaculée : « Je ne veux plus penser qu'à ma mère Marie, - Siège de la Sagesse et source des pardons, - Mère de France aussi, de qui nous attendons - Inébranlablement l'honneur de la Patrie ».

Nous savons bien que l'heure n'est plus aux nationalismes exacerbés et fanatiques et que, sans supprimer les patriotismes légitimes, les dimensions du monde moderne postulent un statut international sans lequel les peuples demeureront voués aux dangers perpétuellement renouvelés de guerres monstrueuses.

Aussi le dernier mot de notre supplication sera-t-il un pressant appel à votre intervention, ô Reine de la Paix, pour obtenir, suivant le vœu récent du Saint-Père, que « les différends terrestres apaisés, les diverses classes de la société, les nations et les individus puissent vivre en une fraternelle concorde ».

Sur l'univers toujours enveloppé de nuages sombres et menaçants, faites luire enfin un rayon de votre céleste joie et de votre tranquille paix, ô clémente, ô pieuse, ô douce Vierge Marie, o clemens, o pie, o dulcis Virgo Maria ».

Couronnement de Notre-Dame de Querrien, 14 août 1950.

***

APPENDICE.

Complainte.

Ancienne complainte de Notre-Dame de Toute-Aide, telle que nous l'avons recueillie à la Prénessaye de plusieurs personnes âgées ; elle était fort longue à l'origine ; M. l'abbé Viémont, décédé en décembre 1926, à l'âge de 77 ans, l'entendit chanter dans son enfance par sa mère et sa tante et l'a reconstituée.

(Les vers entre parenthèses ont été restitués par M. l'abbé Viémont).

I

Une fille, âgée de douze ans - Etait muette de tout temps : - Elle avait bon entendement - Aussi bonne mémouère ; - Elle avait toujours dans son cœur - Ses dévotes prières.

II
Le quinzième jour du mois d'août - Cette fille est à deux genoux. - Elle se détourna tout d'un coup - Vit une demoiselle - Habillée tout en satin blanc - Fort agréable et belle.

III
Elle lui dit en souriant : - « Charmante bergère en ton champ - (Ecoute mon commandement) - Donne-moi, je t'en prie - Le plus beau de tes moutons blancs ; - Soit dans ta bergerie ».

IV
L'enfant qui n'avait jamais parlé - Lui répondit avec respect : - « Ces moutons ne sont pas à moué - Mais -ils sont à mon père - S'il veut vous en faire un présent - J'y consens, volontière ».

V
Retourne-t'en à la maison, - A ton père charitable et bon - (Va lui faire ma commission) - Et aussi à ta mère - Pour moi demand'leur un agneau - Reviens, ne tarde guère.

VI
Et en entrant dans le logis - Rendit tout le monde surpris : - En présence de compagnie - Parlait comme un oracle. - Et chacun d'eux de s'écrier : « O grand Dieu, quel miracle ! ».

VII
(Quand je veillais dans notre champ - A la gard' de mes moutons blancs) - A moi mon Père, s'est apparue - Une tant belle dame - Qui m'a demandé un agneau - Le plus beau de notre troupeau.

VIII
Nous n'lui donn'rons pas un agneau - Nous lui donn'rons tout le troupeau - (Répondit le père aussitôt) - Allons voir cette dame - Retourne t'en à tes moutons - En faisant ta prière.

IX
Ils n'ont point voulu croir' l'enfant - Se sont transportés sur le champ - (Aperçurent une dame en blanc - C'est chose véritable) - A la même place ils ont trouvé - Une tant belle image.

X
(Cette image ils ont emportée - Dans leur maison avec respect) - Soir et matin dévotement - Devant font leurs prières - Pour invoquer le doux Jésus - Et sa très digne Mère.

(Abbé Le Texier).

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