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Avant de s'établir au Port-Louis, les Récollets avaient demandé l'autorisation de leurs supérieurs ; ils sollicitèrent ensuite la permission de l'évêque diocésain, qui leur donna la lettre suivante :

« Chartes de Rosmadec, par la grace de Dieu évesque de Vennes, veu la requeste nous présentée par l'humble Frère Anselme Le Comte, gardien des FF. Mineurs Récollets du convent de Sainte-Catherine de nostre diocèse, exposant que M. le Maréchal de la Melleraye et les habitants de la ville nouvellement close du Port-Louis auroient souhaité l'establissement de leur communauté dans la d. ville, et qu'à cette fin nous pleut leur permettre d'y transporter leur d. communauté et convent de Sainte-Catherine, aux charges et conditions que jugerions canoniques et convenables ;

Nous, inclinant favorablement à sa très humble prière, et secondant le pieux dessein et bonne volonté du d. seigneur de la Melleraye et habitants de la d. ville, et pour le soulagement des ames confiées à nostre charge, avons permis et permettons par ces présentes aus d. Récollects de transporter leur d. convent et communauté de Sainte-Catherine dans la d. ville du Port-Louis, d'y faire bastir et establir au lieu et emplacement leur donné et déterminé par le d. seigneur de la Melleraye, aux charges et conditions cy-après, scavoir :

Que le d. convent nouveau demeurera soubs le nom et invocation de la même Sainte Catherine, ainsy qu'est à présent l'ancien ; qu'après y avoir fait un bastiment suffisant pour loger douze religieux, la communauté de l'ancien convent sera entièrement supprimée, sans que le d. convent puisse estre occupé par autres religieux, de quelque ordre que ce puisse estre :

Qu'ils ne feront autres questes que les ordinaires, et ès paroisses et termes accoustumés, sans innovation aucune ; ne confesseront et ne prescheront que par nostre mandement, et ne prescheront dans l'église du d. convent durant le temps des advents, caresmes et octaves, si ce n'est à quelque feste de leur ordre ou dévotion en leur église, et à ces jours prescheront l'après-diner, à une autre heure que le sermon de la paroisse ;

Que les dimanches et les festes ils diront leur messe conventuelle à 8 heures précises, et vespres à 3 h. de l'après-midy ; n'administreront la sainte communion, durant la quinzaine de Pasques, à personne, sans la permission du recteur de la paroisse ; n'enterreront aucun corps que de ceux qui l'auront demandé par leur testament, auquel cas ils seront obligés de rendre la moitié de tout le luminaire au recteur ;

Qu’ils ne pourront transporter leur communauté dans le d. convent, ny faire les fonctions du chœur et de l'office canonial avant que l'église paroissiale ne soit augmentée et accreue, ainsy qu'il a esté proposé et promis ;

Que la première chapelle de leur d. église, du costé de l'évangile, sera dédiée soubs le nom de saint Charles Borromée, et que les d. Récollects seront tenus de nous apporter dans six mois acte valable et deuement garenty de leurs supérieurs majeurs portant consentement des points et conditions susd. dont ils délivreront copie aussy garentie au recteur de la d. paroisse, faulte de quoy nostre présent consentement demeurera nul.

Donnons commission au sieur abbé d'Ennemont de planter la croix et faire l'imposition et bénédiction de la première pierre de la d. église et convent, avec les cérémonies accoustumées, et au d. gardien avec deux ou trois de ses religieux de célébrer la messe sur un autel portatif en quelque oratoire commode, veu, choisy et bény par le d. sieur abbé, en attendant la construction du d. convent, nos droits et ceux d'autruy saufs.

En foy de quoy avons signé les présentes de nostre main, faict contresigner par nostre secrétaire ordinaire, et y apposer le grand sceau de nos armes. — Donné à Vennes, en nostre palais épiscopal, ce 4ème jour d'avril 1653, et de nostre épiscopat le 6ème.

CHARLES DE ROSMADEC, Év. de Vannes. Par Monseigneur : Nicolazo, secr. » (Ste-Cath. Orig. papier).

On voit par la lettre de l'évêque que le terrain pour la construction du monastère avait été donné par le maréchal de la Meilleraye ; les religieux y avaient ajouté deux pièces de terre, achetées par eux du sieur Paul Le Milloch, le 2 avril 1653, pour la somme de 300 livres tournois. Il paraît que 12 l'abbé d'Ennemont, après avoir inauguré la croix, ne put bénir la première pierre de la chapelle ; la cérémonie n'eut lieu que le 11 novembre 1656 ; la pierre fut posée par le maréchal de la Meilleraye et sa femme, et bénite par M. Urbain Sauvageau, recteur de Riantec.

Cette première église était petite, et proportionnée sans doute aux ressources des religieux. Une vingtaine d'années après, il fut question de la rebâtir dans de plus grandes dimensions, de façon à former tout le côté nord-est du cloître. Mais pour cela il fallait le consentement du fondateur, qui était alors représenté par son fils Armand, duc de la Meilleraye, demeurant à Paris, rue Neuve des Petits-Champs, paroisse de Saint-Eustache. Le P. Anastase de Canlou, gardien des Récollets de Port-Louis, se rendit près de lui et fit l'exposé de sa demande, le 11 janvier 1674.

« A laquelle prière et supplication, disent les notaires, le dit seigneur duc a volontairement incliné, et en conséquence consent que la d. église soit changée, tournée et achevée, suivant le dessin commencé, à condition que le tiltre de fondateur, avec tous les droits, luy demeureront et à ses descendants en leur entier, et que la plaque de cuivre qui faict mention du d. tiltre, sera mise en pareil lieu qu'elle estoit ; et outre le d. seigneur duc, pour satisfaire à la dévotion des particuliers, a permis ausd. Pères Récollets de disposer des chapelles qui seront dans la d. église, et leur donne faculté d'y mettre et establir les tombeaux de leurs familles, souz la clause prohibitive, sans préjudice au d. seigneur duc de ses droits de supériorité et de fondateur ».

Toutes ces conditions furent exécutées. Comme en peut le voir sur le plan, l'église forme un long parallélogramme, avec angles coupés autour du sanctuaire ; le bas de la nef, du côté de l'évangile, offre trois chapelles, dont l'une devait être dédiée à Saint-Charles, suivant la volonté de Mgr Rosmadec.

Enfin, pour se mettre complètement en règle, les Récollets sollicitèrent les lettres patentes du roi, et joignirent à leur demande une copie de l'autorisation épiscopale du 4 avril 1653, et de la délibération des habitants du Port-Louis, désireux de procurer les secours de la religion aux soldats de la garnison.

Louis XIV, par lettres données à Saint-Germain-en-Laye, au mois de décembre 1681, accueillit favorablement leur prière.

« .... Après avoir fait voir en nostre Conseil les lettres de la d. translation du 4 avril 1653, le consentement des officiers, gentilshommes, bourgeois et habitans du d. Port-Louis, ... le tout cy attaché sous le contrescel de nostre chancellerye, Nous avons icelle translation et establissement du d. convent des Peres relligieux Récollets de la d. ville de Port-Louis confirmé et approuvé, et par ces présentes signées de nostre main le confirmons et approuvons ; voulons et nous plaist que les d. relligieux qui y sont présentement establis et ceux qui leur succéderont au d. establissement en jouissent et continuent d'en jouir comme ils ont fait par le passé, tout ansy que les autres relligieux du d. ordre jouissent de leurs conventz d'aitcien establissement, accordés par nos prédécesseurs et par nous, pleinement et paisiblement :

Et de nostre plus ample grace et authorité, nous avons admorty et admortissons par ces d. présentes les églises, héritages, jardins, maisons, enclos et closture du d. monastère, comme chose à Dieu dédiée et consacrée, pour en jouir par les exposans et ceux qui leur succéderont au d. convent, franchement et quittement, sans qu'ils soient tenus d'en vuider leurs mains, nous bailler homme vivant et mourant, de nous payer ny à nos successeurs roys aucune finance, ny indemnité, droitz de lotz et ventes... ny autres droitz quelconques, dont nous les avons affranchis et affranchissons par ces d. présentes...

Sy donnons en mandement... » (Orig. parch. — Grand sceau).

A ce moment, d'après une note des arpenteurs, l'enclos des Récollets contenait 410 cordes et deux tiers ; le côté donnant sur la rue de la Citadelle mesurait 372 pieds, le côté longeant le fossé des murailles, 486 pieds.

Les Pères Récollets remplissaient les fonctions d'aumôniers de l'hôpital de la marine à Port-Louis, et ils recevaient pour ce service 500 livres par an, ou 125 livres par trimestre. Ce traitement les aidait à vivre, et quand il était différé, ils étaient dans la gène, comme le montre la lettre suivante de 1713.

« A Mgr le comte de Pontchartrain, ministre et secrétaire d'État, représente très humblement Antoine Le Joubioux, nouveau gardien des RR. PP. Récollets de la ville du Port-Louis, qu'entrant dans l'exercice des fonctions de sa charge, après la tenue du chapitre provincial au d. Port-Louis, il a trouvé la communauté très obérée par des dettes considérables depuis plusieurs années, à cause de la subsistance et entretien d'un grand nombre de religieux, qui sont nécessaires pour les secours spirituels, tant des habitans et marins étrangers qui y sont de relâche, que pour le service actuel sur les vaisseaux du roy et à l'hôpital de la marine, que cette communauté est obligée de fournir d'aumôniers : pour le service desquels il luy reste deu par Sa Majesté la somme de 2.125 livres, suivant l'état cy attaché.

Le remontrant est journellement et si vivement tourmenté et persécuté par les créanciers de la d. communauté, qui demandent avec justice leurs payemens, dont ils ont véritablement un pressant besoin, qu'il se voit avec un sensible chagrin hors d'état de satisfaire de très longtemps, si Votre Excellence, par une continuation de sa bonté et charité ordinaire, n'ordonne incessamment le payement des d. 2.125 livres ».

L'ancienne île de Sainte-Catherine était restée la propriété des Récollets et elle servait à recevoir quelques religieux fatigués.

Voici quel était son personnel au 13 décembre 1790 :
1° P. Isidore Rolland, de Neulliac, provincial, 39 ans.
2° P. Basile Le Cloarec, de Motref, gardien, 39 ans.
3° P. Joseph Le Galiic, de Baud, profès, 41 ans.
4° P. Fortuné Puren, de Pluvigner, profès, 36 ans.
5°. Alexandre Le Douarain, simple frère, 35 ans.

Au Port-Louis, on trouvait à la même date :
1° P. Thomas Le Frappaire, gardien, 53 ans, assermenté en 1791.
2° P. Jean-Pierre Le Gallic, de Noyalo, 39 ans, mort en 1802.
3° P. Pierre-Vincent Kerviche, de Vannes, 63 ans, assermenté.
4° P. Jean-Joseph Dagorne, profès, 53 ans, assermenté.
5° P. Gabriel-Maurice Bonno, 51 ans , assermenté.
6° P. Jacques-Aimé Le Cocg, de Malguénac, 33 ans.
7° Jean Le Caer, dit Frère Fidèle, 56 ans.
8° François Cardinal, dit Fr. René, 29 ans.
9° Guillaume Moellic, dit Fr. Valentin, 27 ans.

Ces religieux furent contraints de quitter leur maison et de se rendre à Pontivy pour le 1er avril 1791. Ce ne fut qu'une halte momentanée, et quelques mois après ils furent définitivement dispersés.

La vente de leurs biens ne fut pas longue.

Le 13 octobre 1791, l'église, le couvent et l'enclos des Récollets du Port-Louis furent adjugés à M. Tuauden, pour 5.000 livres, prix dérisoire. Cet établissement a été racheté depuis par l'État pour le service de la marine.

Le même jour, un pré muré fut vendu à M. Laigneau, d'Hennebont, pour 6.150 livres, et un autre pré adjugé à M. Philippe, pour 1.200 livres.

Voici les noms de quelques gardiens.
P. Raphaël Chevalier, en 1656 et 1658.
P. Antoine Le Du, en 1661 et 1662.
P. Georges Cochart, 1676.
P. Maximin de la Fresnaye, 1681.
P. Michel-Ange Moutel, 1700.
P. Chérubin Geffroy, 1717.
P. Casimir d'Espinasse, 1719.
P. Bonaventure Geffroy, 1721.
P. Gratien Raoul, 1722-1729.
P. Justin Jahier, 1730.
P. Ange-Marie Le Cam, 1737.
P. Emmanuel Le Priol, 1740.
P. Armel Folleville, 1749.
P. Honoré Euzenot, 1754.
P. Fortuné Rousseau, 1760-1769.
P. Paul Durox, 1769.
P. René Denis, 1779-1782.
P. Isidore Rolland, 1784.
P. Yves-Jh Le Drogo, 1787.
P. Thomas Le Frappaire, 1789-1791.

Note : L'ordre de Saint-François d'Assise, fondé en 1209, a subi dans le cours des siècles plusieurs réformes partielles. La plus considérable et la plus célèbre de toutes les congrégations réformées fut celle qu'on nomma de l'Observance régulière. Fondée en Italie par Frère Paulet de Trinci en 1368, elle passa en France en 1388 et s'étendit graduellement sur tout le territoire. Elle obtint en 1444 d'être gouvernée par un vicaire général, qui fut tout d'abord saint Bernardin de Sienne ; il y eut même bientôt deux vicaires généraux l'un pour les provinces de l'Italie, l'autre pour les autres contrées. Ces vicaires généraux étaient simplement confirmés par le ministre général de l'Ordre ; mais dans leur administration ils ne relevaient que du Saint-Siège. En 1517, cette congrégation, devenue très nombreuse, fut érigée en famille distincte, et eut son propre ministre général. Les religieux portent une robe brune et un cordon blanc ; ils sont appelés tantôt Observantins, tantôt Cordeliers de l’Observance, et aussi Franciscains ; ce dernier nom est aujourd'hui le plus usité. Ils ont eu quatre couvents dans le diocèse de Vannes, savoir : l'île Sainte-Catherine dans le Blavet, Bernon en Sarzeau, Bodélio en Malansac, et enfin Pontivy. Une autre réforme, issue de la précédente, et dite de l’étroite observance, s'introduisit en France en 1584. Les religieux de cette congrégation, appelé Récollets, eurent des supérieurs provinciaux, mais ils restèrent soumis au ministre général de l'Observance ; celui-ci pouvait être pris, tantôt chez eux, tantôt chez les Observantins. Ils s'étendirent rapidement, soit en fondant de nouvelles maisons, soit en occupant celles des Observantins qui demandèrent à embrasser leur réforme. C'est par ce second moyen qu'ils s'introduisirent dans le diocèse de Vannes.

Jh.-M. Le Mené.