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LE PORT DE PONTRIEUX.

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Comme tous les cours d'eau de la côte bretonne septentrionale, le Trieux est d'abord un ruisseau, puis une rivière de maigre importance, dont les eaux tranquilles ne sont utilisées que pour faire tourner quelques moulins installés sur ses bords. Largeur, profondeur, tout est médiocre ; seules, quelques rares pluies torrentielles viennent rompre la monotonie du régime ; pendant quelques heures, quelques jours au plus, des eaux limoneuses courent sans bruit, débordant sur les étroites prairies riveraines.

Le port de Pontrieux (Bretagne).

Soudain, tout change ; l'estuaire prend des proportions inattendues, des aspects de fleuve ; à marée haute, une immense nappe d'eau calme, encadrée de coteaux en pente raide, fait penser à quelque lac étiré en longueur, dont la largeur varie de 1.500 mètres à 2 kilomètres et parfois plus ; c'est la « rivière » ; quand la mer s'est retirée, le cours d'eau révèle alors sa médiocrité ; il serpente misérablement à travers un immense lit de vase.

Grâce au jeu régulier des marées, ces estuaires sont accessibles aux bateaux, même de fort tonnage, et tout naturellement, des ports se sont établis, suivant une règle générale, là où le flot de marée cesse de se faire sentir ; ports plus ou moins importants, car l'existence d'un chenal navigable est pour tout port de ce type une condition nécessaire, mais non suffisante : il faut, pour que le port vive, des possibilités.

Solides de commerce. Grâce à sa situation fluviale Pontrieux a pu être un port ; il l'est devenu grâce à sa condition de centre commercial d'une petite région naturelle.

L'agglomération de Pontrieux est née et s'est développée autour du dernier pont du Trieux vers l'aval. La ville s'est donc agrandie indépendamment du port ; le port a donné lieu seulement à un nouveau quartier un peu en aval de la ville et prolongeant celle-ci ; il s'est accru avec l'établissement de la voie ferrée. Mais il n'y a pas eu un véritable déplacement d'activité vers le port ; les magasins sont situés en ville même et la rue du Port ne compte, sur 300 mètres environ, que l'ancien entrepôt de sel, le poste de douanes et quelques cafés vivant à la fois du port et de la gare. Ce petit quartier n'a que 200 à 250 habitants (sur 1.740 en 1931).

Pontrieux est aujourd'hui une toute petite ville, presque morte ; la création récente d'industries ne parvient pas à lui rendre son activité d'antan. Autrefois, en effet, Pontrieux a connu des périodes de prospérité (sous la Révolution, son importance lui valut d'être chef-lieu de district). Elle le devait en grande partie à son port et au commerce que faisait naître le port. D'anciens magasins, aujourd'hui vides ou utilisés pour d'autres fins, attestent encore que Pontrieux servait d'entrepôt aux céréales de toute une région agricole ; son port était en effet le débouché naturel de la zone intérieure située au sud, aux époques où les communications par terre étaient difficiles et coûteuses et où un port situé très avant dans les terres était favorisé : les bateaux avaient intérêt à venir charger les grains le plus loin possible vers l'intérieur, et Pontrieux voyait affluer après la récolte les convois de charrettes amenant, parfois de 40 ou 50 kilomètres, les céréales destinées à la vente. En retour, les cultivateurs des environs y prenaient les sables et amendements marins, la chaux et les engrais chimiques. Les mêmes bateaux, jaugeant de 20 à 80 tonneaux, qui venaient chercher les grains, transportaient donc, à l'aller, des engrais chimiques, de la pierre à chaux, du ciment, de la houille, des pommes à cidre, parfois des farines.

Puis, la grande navigation utilisa le port pour le commerce du bois du Nord, provenant des pays Scandinaves. En 1886, fut fondée une usine de cartonnages et papiers qui, peu à peu, prit de l'extension [Note : L'énergie motrice est fournie à cette usine par la force hydraulique, fournie par un barrage. Un barrage, créant une différence de niveau entre deux biefs pour établir une petite chute d'eau artificielle, coupant par suite la rivière et arrêtant la navigation, ne pouvait être établi qu'en amont du port ; il a dû être reporté en amont même de l'agglomération, qui était trop serrée le long du Trieux pour qu'on pût y trouver l'emplacement d'une usine. Celle-ci est donc située à, l'endroit précis où le Trieux entre en ville, avant les premières maisons, à 1.500 mètres du port. Il résulte qu'il faut assurer le transport des marchandises entre le quai de débarquement et les hangars de l'usine, par charrettes autrefois, aujourd'hui par camions automobiles. Dès qu'un chargement de matières premières est à quai, l'incessant va-et-vient des camions donne aux rues de Pontrieux une animation inaccoutumée et éphémère]. La matière première consistait d'abord en vieux chiffons, mais dès 1892, on fit appel à la pâte de bois, et le port fut amené à alimenter ainsi une nouvelle branche d'industrie ; d'ailleurs une autre usine fondée à Belle-Isle-en-Terre dans le même but s'alimenta également à Pontrieux. Au cabotage déjà actif de port français à port français s'ajouta donc la navigation internationale ; à côté du pavillon français flottaient, outre l'inévitable pavillon anglais, ceux de la Norvège, de Suède, du Danemark (la Norvège eut même, mais pendant quelques années seulement, un représentant consulaire à Pontrieux).

Toute cette belle activité, aujourd'hui singulièrement réduite, suppose pour le port même de sérieux avantages naturels.

Situé à 25 kilomètres environ de la mer, donc à faible distance, il est accessible à tous les navires calant moins de 12 pieds ; les sondages ont révélé tout au long du chenal de fortes profondeurs ; d'aval en amont : de 6 à 8 mètres de l'embouchure au confluent du Leff, son affluent le plus important ; de 5 à 7 mètres du confluent du Leff à l'écluse du bassin ; de 3 m. 85 à 4 m. 10 de l'écluse au dernier quai ; des profondeurs très suffisantes, donc permettant aux navires calant 12 pieds d'entrer à toutes marées de vive-eau ou morte-eau (la marée entre dans le bassin par dessus le

Barrage quand le coefficient atteint ou dépasse 80, soit 113 à Saint-Malo). De là un avantage marqué sur Paimpol, dont les bassins ne sont pas établis en eau profonde, et où les navires doivent attendre un flux de marée suffisant. Enfin la remontée du Trieux, quand elle s'effectuait à la voile, se trouvait facilitée par l'emprunt de la marée montante.

Par contre, la navigation sur le Trieux présente des inconvénients que la main de l'homme a voulu réduire et qu'elle n'a fait qu'aggraver au point de porter le coup fatal à l'activité du port.

Les navires d'assez gros tonnage qui remontent le Trieux doivent s'assurer un pilote connaissant parfaitement l'emplacement exact du chenal ; faute de quoi ils risquent de s'échouer dans la vase. Un remorqueur leur est toujours utile, souvent nécessaire, surtout quand il s'agit, ce qui d'ailleurs est rare de nos jours, de voiliers. Le service de remorquage n'a été assuré régulièrement que de 1902 à 1914 ; pendant cette période, un industriel de Pontrieux a disposé d'un excellent bateau, acheté à Liverpool, et dont les deux hélices, une à chaque extrémité, constituaient une nouveauté et permettaient de tourner très facilement (rattaché au petit port de Lézardrieux, à 6 kilomètres de l'embouchure, ce remorqueur servit, non seulement aux bateaux destinés à Pontrieux, mais aussi à bien des ports du département et des départements limitrophes).

Les bateaux de petit tonnage, tels que les gabares (dont, il sera parlé plus loin), avant de disposer de moteurs, devaient se faire haler par des chevaux ou même des hommes, depuis le confluent du Leff ; le chemin de halage n'est plus utilisé depuis l'avènement du moteur. Les bateaux venant des ports étrangers possèdent eux aussi, dans la presque totalité des cas, des moteurs ; mais d'autres inconvénients Persistent.

Et d'abord, les bateaux d'une certaine importance — Pontrieux en reçoit qui jaugent plusieurs centaines de tonneaux — doivent, avant de passer Lézardrieux à marée haute, s’arrêter pour réduire la hauteur de leur mâture, pour ne pas s'exposer à fracasser leur grand mât contre le tablier du pont suspendu. Une fois ce passage franchi, un nouvel arrêt est nécessaire pour rétablir la mâture. Donc, une ou plutôt deux opérations qui occasionnent un retard. Même retard au retour. Puis, une difficulté nouvelle se présente au moment où un navire dont la longueur excède 50 mètres doit quitter le port, sa cargaison débarquée : la largeur du Trieux, tout au moins celle utilisable par sa profondeur, est insuffisante pour lui permettre de tourner, et le navire doit tant bien que mal reculer, remorqué par quelques gabares bénévoles, jusqu'au confluent du Leff, où la largeur de la rivière est double, ce qui permet de reprendre une marche normale.

A ces inconvénients, qui ne sont encore que des contretemps assez ridicules, s'en ajoutent de plus graves, dus à l'établissement en 1901-1902, d'un bassin fermé avec écluses. Au moment même où le port, déjà frappé par la construction du chemin de fer de Guingamp à Paimpol, maintenait péniblement sa prospérité, le fondateur de l'usine à carton, devenu président de la Chambre de commerce des Côtes-du-Nord, voulant doter sa petite ville d'un bassin fermé, fit voter dans ce but, après un rapport dont l'avenir a démenti les conclusions, un emprunt. Le plan, réalisé en deux ans, comportait la suppression d'un des méandres les plus caractéristiques du Trieux, à un kilomètre environ en aval des quais. Le nouveau tracé coupa ce méandre par un cours creusé artificiellement sur 200 mètres environ ; édifié à grands frais, il comprend une première partie en coude, première erreur, précédant une écluse à portes, longue de 66 mètres, soit 3 mètres de plus que celle du Légué ; désormais le Trieux, en amont du barrage, surplombe son ancien cours de 6 à 7 mètres aux basses-eaux. Et si les bateaux en retirent l'avantage certain de pouvoir entrer dès le début de la marée, grâce à l'écluse qui les porte immédiatement au palier supérieur où le Trieux au ras des quais de débarquement.

Est toujours « au plein », il faut bien convenir que cela nécessite une double manœuvre d'éclusage, donc un éclusier, qu'il faut rétribuer. De plus, le travail accompli en 1902 s'est révélé défectueux ; le coude signalé est extrêmement gênant, tant à l'entrée qu'à la sortie, lorsque le bateau visiteur dépasse les dimensions trop modestement prévues, et bien des capitaines se heurtent à de sérieuses difficultés, pour peu que leur bateau mesure 80, 90 mètres ou plus ; il est arrivé de voir, pour la plus grande joie des spectateurs, un navire toucher des deux extrémités les deux bords de granit du passage coudé ! Et surtout cette construction entraîne des conséquences mortelles. L'emprunt décidé en 1898 doit s'amortir par les droits multiples perçus sur les entrées ; et, aux droits ordinaires de douane, on voit s'ajouter les frais d'éclusage, les taxes de péage, de séjour au bassin. Ces tarifs trop élevés rebutent les capitaines qui ne trouvent même pas sur les quais la moindre trace du matériel dont dispose tout port moderne bien compris.

Un coup avait déjà été porté au port en 1894, lorsque fut construit sur le parcours Guingamp-Paimpol le chemin de fer à voie étroite, qu'une heureuse modification a transformée en voie normale en 1924. Le chemin de fer fut pour le port de Pontrieux le plus sûr agent de sa décadence : il y a déjà bien des années que les grains sont envoyés à leurs destinataires par wagons, bien des années que Pontrieux n'a vu débarquer la moindre tonne de houille et si les bateaux battant pavillon norvégien ou danois apportent encore les bois du Nord et la pâte de bois, les industriels ont de moins en moins tendance à recourir à ce mode de transport, surtout pour la seconde matière première : ils préfèrent la faire venir par wagons de Rouen, le grand importateur de pâte de cellulose. En effet, à la rapidité plus grande du transport, le chemin de fer ajoute l'avantage énorme de tarifs uniques, que les commerçants et industriels arrivent encore à réduire, après entente, par l'adoption de prix forfaitaires [Note : Un embranchement relie le quai à la gare. La rouille qui s'attaque aux rails dit trop bien qu'ils ne sont guère utilisés ; ils ne le sont parfois, que dans un seul sens, du quai vers la gare, pour le chargement sur wagons de sable apporté par des gabares. C'est le seul cas où le rail rende service au port en étendant ses débouchés].

Aussi, les années qui ont suivi le beau temps d'avant 1900 ont marqué pour le port de Pontrieux autant d'étapes dans la décadence. La guerre mondiale a été pour sa vitalité l'épreuve décisive dont elle ne s'est jamais relevée. Après guerre vient une curieuse et brève reprise d'activité, sensible surtout en 1919, puis la décadence reprend.

Entrées et Sorties du port de Pontrieux (Bretagne).

Si on n'oublie pas que les gabares apportant du sable (non comprises dans les nombres de navires du tableau précédent) donnent en fin d'année un chiffre d'entrées de 900 à 1.000 tonneaux, pour un tonnage de 9.000 à 10.000 tonneaux, et une quantité de marchandises de 12.000 à 15.000 tonnes, chiffres qui se sont maintenus, on constate qu'en 1899 le mouvement total du port, pour les seules entrées, accusait une grosse activité : 195 caboteurs et longs courriers jaugeant de 50 à 150 tonneaux, pour un tonnage de 12.800 tonnes, et 1.000 gabares pour un tonnage de 9.000 tonnes environ : soit un tonnage total de 22.000 tonneaux, pour un transport total de 30.000 tonnes de marchandises. Aujourd'hui, les deux chiffres de tonnage et de transport ont baissé de deux ou même trois fois, et ce coefficient est encore trompeur, car il est dû surtout à l'activité des sabliers. Quant aux sorties, elles étaient la raison même d'être du port dans la période qui a précédé 1895-1905 ; puis elles n'ont cessé de décroître pour devenir nulles ; et Pontrieux qui, voilà cinquante ans, se classait dans les ports les plus actifs du littoral nord breton, ne s'est jamais remis de la chute enregistrée de 1900 à 1918 et végète aujourd'hui (en 1932).

Il nous reste à voir d'un peu plus près le mouvement du port dans les différents ordres de son activité. Pour mieux nous rendre compte des modifications enregistrées, il sera nécessaire de remonter à un passé, d'ailleurs tout récent, puisqu'il s'agit en somme de l'avant guerre, où ce mouvement avait une tout autre physionomie qu'aujourd'hui [Note : Il faut signaler un modeste transit de passagers. Chaque année, à l'occasion de deux ou trois excursions traditionnelles, justifiées par la beauté de l'estuaire et la réputation touristique de l'île de Bréhat, quelques vedettes transportent à destination de Bréhat 200 à 300 touristes en moyenne].

L'exportation des grains. — C'est là la source la plus ancienne de l'activité du port, celle qui amena d'abord la création des quais, qui plus tard fournit la meilleure raison invoquée le jour où l'on décida de construire le bassin à écluse.

Aujourd'hui, ce n'est plus qu'un souvenir : après avoir dépassé 10.000 tonnes en 1895, s'être tenu entre 3.000 et 5.000 de 1901 à 1910, le commerce des grains est tombé au-dessous de 2.000 tonnes entre 1910 et 1913 ; il n'a cessé en somme de décroître jusqu'à la guerre ; les raisons en ont déjà été dites : l'établissement de la voie ferrée, desservant désormais des cantons qui auparavant n'avaient d'autre débouché que Pontrieux ; les avantages de ce nouveau mode de transport et le vote, en 1902, d'un tarif de chemin de fer (connu des commerçants sous le nom de P. V. 102) extrêmement favorable aux grains, à l'heure même où les nécessités d'amortissement de l'emprunt de la Chambre de commerce rendaient impossible la concurrence de la navigation. En 1919, 46 bateaux chargèrent 1.880 tonnes et on crut à une reprise de l'ancien trafic ; mais l'expérience ne fut pas concluante, et le bateau dut bientôt battre en retraite devant le rail plus économique.

Comment se faisait le transport des grains et à qui étaient-ils destinés ?

Les bateaux employés étaient de petits dundées dont le tonnage moyen variait de 40 à 80 tonneaux, pouvant charger de 30 à 60 tonnes de blé.

Les environs de Pontrieux, de fertilité moyenne, produisaient beaucoup de céréales et les exportaient dans la proportion suivante : blé, 35 à 40 % ; avoine, 50 à 55 % ; orge, 10 % ; sarrasin, 1 à 2 %. Ces grains partaient, sous pavillon français, à destination des ports français de la Manche, et plus particulièrement de la côte normande : Saint-Malo, Dunkerque et Cherbourg, Honfleur, Barfleur, Granville, Trouville, Regnéville, ce dernier surtout (il y avait quelques rares exportations vers Jersey et même vers la côte anglaise). Les armateurs étaient souvent de gros négociants de grains indifféremment de Pontrieux (40 %) ou des ports destinataires ; les équipages, quelques hommes par bateau, étaient recrutés sur place. Après guerre, malgré l'éphémère tentative de 1919, les bateaux désarmèrent, et si, en 1921, on compte encore quatre bateaux chargeant de l'avoine à destination de Granville, il ne s'agit que de quatre voyages du même bateau, dernier survivant d'une vieille flottille.

Il est intéressant d'étudier la répartition de l'exportation sur les différents mois de l'année : nous prendrons pour base les chiffres de 1899. L'avoine (4.095 t.) expédiée toute l'année, au fur et à mesure des besoins ; mais le maximum d'août et surtout septembre et octobre montre que la récolte, qui se fait en juillet-août, est suivie d'une exportation presque immédiate ; la moitié seulement de la quantité destinée à la vente est conservée dans les greniers.

La sortie de l'orge (1.058 t.) se fait dans les mêmes conditions (maximum en septembre, représentant à lui seul le quart de l'exportation). Le sarrasin (95 t.) constitue une fraction infime de l'exportation ; récolté plus tard que l'avoine ou l'orge, il est vendu dès octobre. Pour le blé (2.710 t.), l'exportation s'échelonne pratiquement sur les sept mois octobre-avril ; le maximum est en octobre, mais l'exportation d'octobre ne comprend qu'une médiocre partie de la récolte, celle qui la suit immédiatement : le blé nécessite des soins spéciaux et son prix de vente plus élevé lui permet de supporter des frais d'emmagasinage prolongés.

L'importation. — Depuis l'époque déjà ancienne où Pontrieux armait quelques modestes bateaux pour la pêche d'Islande, les importations portent sur deux branches distinctes : la navigation « de concurrence », qui met à son actif les importations proprement dites, provenant de l'étranger et le cabotage. Nous allons d'abord étudier ce dernier, parce qu'il emprunte les mêmes bateaux que nous avons déjà vus exporter les céréales et parce que lui aussi a disparu presque totalement en 1932.

Le cabotage est la conséquence directe du commerce de céréales. Les importations dues au cabotage constituaient le fret d'aller, ou de retour, suivant que le port d'attache du bateau transportant les grains se trouvait être Pontrieux ou le port destinataire. Le tonnage est toujours moindre à l'importation qu'à l'exportation : c'est qu'on ne tient compte que du tonnage des bateaux chargés ; certains caboteurs entraient donc à vide. De plus, les bateaux qui arrivaient chargés transportaient rarement un chargement complet ; ainsi, pour prendre un exemple, en 1900, on relève 130 bateaux caboteurs à l'entrée et à la sortie, jaugeant 6.350 tonneaux, mais à la sortie ils portent 6.040 tonnes de grains, à l'entrée 3.300 tonnes de marchandises seulement ; on doit conclure que le fret dans un sens n'était pas suffisant et que le transport de marchandises vers Pontrieux ne constituait que le commerce secondaire.

Ces importations portaient : sur de la houille (de moins en moins), de l'épicerie (de moins en moins), des farines (de moins en moins), des engrais, — importations qui ont cessé avec la guerre et qui maintenant sont du domaine ferroviaire — et surtout des ciments venant de Boulogne ; de la pierre à chaux venant de Regnéville (ce qui explique le trafic actif avec ce port dans le domaine des grains) et alimentant les fours à chaux de Pontrieux (près de 1.200 tonnes par an) ; enfin, la pomme à cidre, venant également de Normandie, et encore plus de la région de Plouër et du Guildo ; elle constituait, dès avant la guerre, 40 % des importations en cabotage, et depuis la guerre, la totalité ; mais aujourd'hui l'importance de ce trafic est presque nulle ; le chemin de fer a tout drainé.

La navigation de concurrence. — On désigne sous ce nom les bateaux assurant le transport de marchandises d'un port étranger à un port français ou réciproquement. Cette catégorie groupe des navires sous pavillon étranger, dont le tonnage est varié (on en compte jaugeant 150 ou 200 tonneaux et Pontrieux en a reçu, rarement d'ailleurs, jaugeant 400, 500, même 800 à 1.000 tonneaux).

On constate ici une fois de plus la décadence très accentuée du port avant et pendant la guerre et la reprise très pénible du trafic après la guerre, par suite de conditions nouvelles déjà exposées. Rappelons toutefois que les inconvénients dus aux défauts du chenal et ceux dus au manque de fret de retour s'appliquent tout particulièrement à cette catégorie de bateaux.

Si nous passons en revue les marchandises importées de l'étranger, nous trouvons successivement :

a) La houille venant d'Angleterre ; un entrepôt, supprimé en 1914, en importait environ 2.000 tonnes par an, pour un chiffre de 15 ou 16 navires. Ce sont 15 navires de moins de nos jours (1932), puisque la dernière importation de houille par mer remonte à 1924.

b) Les bois. — Les négociants en bois du Nord font venir de Norvège et Suède quatre ou cinq bateaux annuellement, transportant de 800 à 1.000 tonnes de bois. Le commerce s'est maintenu et en 1930 on note 970 tonnes de bois pour quatre bateaux.

c) La pâte de cellulose. — Le besoin de pâte est né de la création, en 1886, d'une usine à cartons. Cette usine s'adressait directement aux pays du Nord qui, pour la production de la pâte de bois, possèdent les éléments indispensables, le bois et la houille blanche, permettant seule la préparation de la matière première pour un prix de revient commercial. Les besoins annuels de l'usine nécessitaient et nécessitent toujours 1.500 à 2.000 tonnes, mais alors qu'avant guerre la totalité était importée directement, une fraction toujours croissante vient aujourd'hui (en 1932) par chemin de fer de Rouen.

d) Les goudrons. — L'administration des Ponts et Chaussées a installé à Pontrieux, à proximité des quais, une petite usine préparant le goudron destiné au goudronnage des routes ; le port y gagne une vitalité nouvelle, malheureusement éphémère. Pour le moment (1930), le goudron figure pour un tiers dans les marchandises provenant de l'étranger. La matière première se présente sous deux aspects : le goudron minéral provenant de la distillation de la houille, qui vient en droite ligne de Grande-Bretagne, pays producteur ; les « brais mous » ou « road oil », servant, comme le nom l'indique, au dernier revêtement superficiel et qui sont le résultat de la distillation d'huiles minérales ; ils sont produit par le Venezuela, subissent une première transformation en Angleterre et parviennent en France à bord de bateaux-citernes allemands, seuls outillés péur ce transport spécial (cette deuxième catégorie diffère en effet de la première en ce qu'elle est presque liquide et nécessite un transport en citernes au lieu des barils à goudron ordinaires). Cette importation de goudron est destinée, sinon à disparaître, du moins à décroître, et le regain d'activité qu'elle apporte au port n'est que passager.

Les sables. — Depuis l'existence même du port, de nombreux petits bateaux, jaugeant 8 ou 10 tonneaux, ont débarqué sur les quais de Pontrieux de grandes quantités de sables et d'engrais marins destinés à l'amendement des terres arables pauvres. Les charrettes, qui venaient écouler à Pontrieux le surplus de la récolte de céréales, s'en retournaient avec des chargements de sable, de goémon, de coquillages calcaires, etc. ; aujourd'hui (1932), on charge ces amendements sur des wagons et c'est l'un des rares cas où l'on voit le chemin de fer travailler à côté du port et non à son détriment. Si la grande guerre a immobilisé pour plusieurs années les gabares ou plutôt leurs équipages, le commerce des sables a rapidement repris une importance égale, sinon supérieure à celle d'avant 1914. Toutefois, le travail s'effectue dans des conditions légèrement différentes : si les gabares sont moins nombreuses, elles se déplacent plus rapidement grâce aux moteurs dont elles sont toutes munies et surtout l'outillage moderne dont elles disposent (grues, bennes, tapis roulant, etc.) leur permet d'effectuer plusieurs voyages dans le même temps qu'exigeait un seul il y a vingt ans [Note : Chaque gabare accomplit environ 100 voyages annuellement ; le nombre de ces bateaux fréquentant le port de Pontrieux est de 10 ou 12 ; six d'entre eux sont rattachés au port, les autres ont pour base Paimpol ou Tréguier ; de ces six, deux ont un tonnage de 6 à 7 tonnes, les quatre autres, plus importants, jaugent 15 à 16 tonnes ; une telle gabare compte en général trois hommes d'équipage, tous originaires de Pontrieux ou des communes limitrophes]. Actuellement (1930), on compte 1.000 entrées par an, correspondant à 10.000 tonneaux de jauge et à 15.000 tonnes de marchandises (le coefficient 1,5 employé pour les gabares, dans les statistiques, est d'ailleurs inférieur à la réalité ; Pontrieux voit débarquer annuellement 18 à 20.000 tonnes de sables et galets).

Suivant leur destination et leur provenance, on distingue trois sortes de produits « arrachés à la mer » les sables roux, utilisés pour la construction, qui viennent du Trieux même, apportés par les bateaux de Pontrieux ou de Bréhat ; les sables calcaires, employés pour l'amendement, débarqués par les petits bateaux du port de Paimpol et provenant de la côte ; les galets, utilisés pour la construction des ciments (briques de ciment, pylones de ciment armé, etc.) concurremment avec les sables ; les chantiers qui, à Pontrieux, fabriquent les poteaux de ciment destinés à l'électrification des campagnes, en font une grosse consommation ; ces galets de très faible volume proviennent de l'embouchure de la rivière de Tréguier et de la côte, et sont débarqués par les gabares rattachées au port de Tréguier.

Désormais, ces modestes gabares représentent (en 1932) la presque totalité du mouvement du port et les 5/6èmes du tonnage.

Il est à peu près certain que jamais le port de Pontrieux, dont le sort est d'ailleurs celui de bien des petits ports analogues, ne reverra un trafic comparable à celui qui, jusque vers 1900 et même jusqu'à la guerre, justifiait largement son existence et contribuait à la richesse de la petite ville de Pontrieux ; les conditions économiques ont changé, le trafic s'est porté vers les ports plus importants et mieux armés pour la lutte.

(J. Lejeune, 1932).

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