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CAHIER DE DOLÉANCES DE POMMERIT-LE-VICOMTE

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Subdélégation de Guingamp. — Département des Côtes-du-Nord, arrondissement de Saint-Brieuc, canton de Lanvollon.
POPULATION. — En 1789, environ 200 feux (Procès-verbal) ; — en 1793, 2.740 hab. (D. TEMPIER, Rapport... au Préfet, dans le volume du Conseil général des Côtes-du-Nord, session d'août 1891, 3ème partie, p. 165).
CAPITATION. — Total en 1770, 2.651 l. 18 s., se décomposant ainsi : capitation, 1.757 l. 10 s. ; 21 d. p. L. de la capitation, 153 l. 15 s. 7 d. ; milice, 236 l. 1 s. 10 d. ; casernement, 429 l. 10 s. 7 d. ; frais de milice, 75 l. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3981). — Rôle de 1786 (Ibid., C 4672) ; 443 articles ; total, 2.592 l. 17 s. 5 d., dont 1.862 l. 18 s. 1 d. pour le principal de la capitation.
VINGTIÈMES. — En 1788, 3.376 l.
FOUAGES. — 67 feux 1/5 1/12. — Fouages extraordinaires, 1.321 l. 1 s. 2 d.
OGÉE. — A 4 lieues 1/4 au S.-S.-E. de Tréguier, à 26 lieues de Rennes ; à une lieue 1/2 de Guingamp. — 2.700 communiants. — Le terrain, plat et couvert, est abondant en grains, foin, lin et fruits ; les bois et les landes de Pommerit sont fort étendus.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 5 avril 1789, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de Joseph Ropartz, avocat à la Cour, sénéchal de la baronnie de Quintin, au siège de Pommerit-le-Vicomte. — Comparants : Yves-Gilles Mazé (voir note ci-dessous), procureur fiscal de la juridiction (50 ; 2 servantes, 2) ; Guillaume Ellien [fils François (5 ; 1 valet, 1,5 ; 1 servante, 1)] ; Jules Levot ; Claude Collet (24 ; 1 valet, 1,5 ; 1 servante, 1) ; Pierre Le Cornec (21 ; 1 servante, 1) ; Julien Le Bolloch (18 ; 1 grand valet, 1,5 ; 1 autre valet, 1) ; Louis Lepage (14 ; 1 valet, 1,5 ; 1 servante, 1) ; Yves Huellen (9 ; son gendre, 2,10) ; Pierre Salliou (13 ou 8) ; Jean Lepage [de Kerzentro (18,10 ; 1 valet, 1,10] ; Jean Guyomar (9 ; 1 servante, 1 ; 1 valet, 1,5) (ou 15,10) ; Joseph Fleuriot (18,10 ; son gendre, 1,10 ; 1 valet, 1,5) ; Jean Lepoulen (25 ; 1 valet, 1,5 ; 1 autre valet, 1) ; Robert Mobuchon (32 ; 1 valet, 1) ; Jacques Le Boulbin (27 ; 1 valet, 1,5 ; 1 servante, 1) ; Jean Keromen ; Guillaume Salliou (non imposé, en sa qualité de député à la corvée) ; Marc Ellien ; Jacques Le Cornec (7,10 ; 1 valet, 1,5 ; 1 servante, 1) ; Joseph Thomas ; Louis Marquier (15 ; 1 valet, 1,5 ; 1 servante, 1,5) ; Guillaume Morice du Kermeur (18 ; 1 valet, 1 ; 1 servante, 1) ; Guillaume Ellien (25,10 ; son gendre, 3,10 ; 1 grand valet, 1,5 ; 1 petit valet, 1 ; 2 servantes, 2) ; Olivier Marquier (12,10 ; 1 valet, 1,5 ; 1 servante, 1) ; Jean Martin [du Resmeur (27 ; 2 valets, 2,10)] ; Jean Le Bars (28,10 ; son fils marié, 7,10 ; 1 grand valet, 1,5 ; 1 petit valet, 1) ; Jean Pierre (17) ; Jean Lepoullen (16 ; 1 valet, 1,5) ; Jacques Carnec 13,10 ; 1 servante, 1) ; Jacques Geffroy ; Jean Daniel (11 ; 1 valet, 1,5) ou Jean Daniel [de Malabrie (2,10 ; 2 valets, 2,10)] ; Jean Levot ; Jean Ellien, syndic (12 l., « à raison de son travail à la corvée »). —Députés : Guillaume Morice du Kermeur; Jacques Le Boulbin.

[Note : Mazé, qui habita Goudelin jusqu'en 1783, vint se fixer alors à Pommerit-le-Vicomte, à la suite des difficultés qu'il avait eues avec Le Provost, recteur de Goudelin. Outre la charge de procureur fiscal à Pommerit-le-Vicomte, il exerçait encore celle de procureur ordinaire dans la même juridiction et dans celles de Goudelln, Lanvollon, Langarzo. Coëtmen et autres, et il passait pour avoir une clientèle aussi considérable que celle des onze autres procureurs de Pommerit réunis ; en 1786, le revenu de ses biens de Goudelin et de Pommerit était estimé 3.714 l. et celui de ses charges judiciaires 3.500 l. Il était aussi fermier de dîmes et il faisait le commerce des graines de lin. — En 1786, il adressa aux Etats une plainte contre M. de Tuomelin, membre de la Commission diocésaine de Tréguier, qu'il accusait d'avoir commis maintes injustices dans la répartition des impôts, dans le service des haras et dans les travaux de la corvée. Les Etats remirent l’instruction de cette affaire à la Commission intermédiaire, qui institua, au mois de janvier 1788, une vaste enquête sur les agissements de M. de Tuomelin et sur les accusations de Mazé. Il semble que la Révolution arriva avant qu'aucune solution fût intervenue. Voy. aux Arch. d’Ille-et –Vilaine, C 4672, le dossier de l'affaire, qui noue a fourni toutes les indications données ici].

 

[Cahier de doléances de Pommerit-le-Vicomte].

Extrait du registre de la délibération générale de la paroisse de Pomment-le-Vicomte, tenue dans l'auditoire de cette paroisse et juridiction où s'est tenue l'assemblée générale, en exécution des ordonnances du Roi que nous avons reçues le trente-un mars 1789, signifiées le même jour à Jean Le Poullen, fabrique en charge, qui a aussitôt donné ordre de sonner le tocsin tant dans la chapelle que dans l'église paroissiale, pour faire assembler tous les habitants pour tenir délibération et rendre un compte le plus exact qu'il est possible de leurs plaintes et doléances, tel que Sa Majesté nous a ordonné.

ARTICLE PREMIER. — Injustice sur l'imposition des tailles et fouages, attendu que, environ la moitié de cette paroisse n'étant point comprise dans les fouages, il y a plusieurs noblesses et métairies et autres terres, de plus il y a un terrain considérable sous bois taillis, tous considérés pour terre noble, dont il n'est point sans raison que l'autre moitié de la paroisse a été ordinairement grevée à supporter les fouages tant ordinaires qu'extraordinaires, suivant les mandements du bureau de Morlaix, ce qui est extraordinaire et le plus injuste.

Sur quoi délibéré :

Nous demandons et désirons, si Sa Majesté permet, qu'il soit établi une égalité exacte concernant l'imposition des tailles et fouages, ainsi que pour l'imposition de la capitation, ainsi que pour les vingtièmes ; nous voulons et désirons unanimement que la noblesse soit taxée dans toutes les impositions comme les paysans, chacun suivant le revenu de son bien et l'état de chacun, et de plus que la noblesse soit obligée au casernement des troupes et transport des bagages, aussi comme nous, dans lesquels elle n'a jamais participé, à notre connaissance.

ART. 2. — Injustice en ce qui concerne la corvée des grands chemins ; que, depuis le premier établissement des grands chemins, les paysans ont ordinairement obéi à la dite corvée avec reconnaissance de l'autorité suprême de Sa Majesté, et sans avoir jamais discontinué de travailler pour la tenir en réparation jusqu'à présent et sans avoir reçu aucun payement à notre connaissance, et souvent obligés de faire des ouvrages par avance inutiles et mal à propos pour obéir à différentes ordonnances, et que cette corvée a été ordinairement considérée, l'une année compensant l'autre, à une seconde capitation.

Sur quoi délibéré :

Que nous voulons et demandons que la noblesse et les ecclésiastiques, qui fréquentent tant les grands chemins seraient à l'avenir participants comme nous à la dite corvée, suivant le taux de leurs capitations, en décharge de sur les paysans, qui depuis longtemps sont grevés par différentes corvées et travaux.

[Note : La tâche de cette paroisse, sur la route de Guingamp à Tréguier, était, en 1788, longue de 2.430 toises ; elle avait son centre à une lieue du clocher (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4883). Entre 1781 et 1788, beaucoup de corvoyeurs s'abstinrent d'exécuter leurs tâches qui durent être faites à leurs frais, en vertu de marchés approuvés par l'intendant (Ibid., C 2422 et 4891) ; il semble d'ailleurs que le procureur fiscal Mazé ait grandement contribué à entretenir dans la population de Pommerit une certaine résistance contre la corvée. Au cours de l'enquête provoquée par sa plainte contre M. de Tuomelin, un grand nombre de témoins vinrent se plaindre de la mauvaise administration de ce commissaire. « La tâche de cette paroisse, dit Julien Le Bolloch, se fait depuis deux ans en commun, ce qui devient plus dispendieux et plus fatigant pour les bons ouvriers, qui se trouvent souvent obligés de remplir ce qui devrait être exécuté par d'autres corvoyeurs moins actifs, s'ils avaient leur tâche particulière... ; la route, avant l'empierrement général, était plus solide et plus sèche ; le sable que les corvoyeurs ont été obligés d'apporter et de mettre en commun sur l'empierrement est devenu boue : on a été nécessité d'enlever cette boue et les corvoyeurs l'ont mise en petits tas sur les banquettes... ». De la, cette plainte du cahier contre les « ouvrages…. inutiles et mal à propos », sur lesquels les témoins de l'enquête de 1788 donnent beaucoup de détails. Dans sa réponse au mémoire de Mazé, M. de Tuomelin reconnaît, de son côté, que, « comme il a fallu un redressement total des tâches, avec un empierrement à neuf et complet, il en a résulté plus de corvée ». Il ajoute : « Il est de fait que ceux de la dîmerie de Kerillis en Pommerit, pour la plupart tous journaliers allant à la corvée aux frais des riches corvéables du bourg n’avançaient leur ouvrage que le moins qu'ils pouvaient, pour multiplier leurs journnées.. » (Arch. d’Ille-et –Vilaine, C 4672)].

ART. 3. — Plainte de l'inconsidération et l'ingratitude de la noblesse envers leurs vassaux, quoique ce sont les paysans qui leur procurent les grands avantages qu'ils ont le bonheur d'avoir sur nous ; ce que, quand leurs vassaux y vont payer leurs redevances et la rente que leurs colons et fermiers leur doivent en grain, après que les dits vassaux ont fait leur possible pour accommoder leurs blés, et pour leur obéir, le vassal transporte son blé jusqu'à cinq ou six lieues, et, si le seigneur ou son receveur trouvent une ordure ou quelque charbonnet ou chose semblable, le blé sera refusé ; si vous n'avez pas plus grande mesure que vous devez, n'importe ; si grand ou petit nombre que l'on doit, on sera grièvement renvoyé avec votre blé. Voilà beaucoup de frais et de la peine pour le pauvre vassal, et souvent la cause de sa ruine, parce que les dits vassaux se trouvent obligés de payer leurs seigneurs incontinent par argent du prix irraisonnable par boisseau, sans que les seigneurs aient égard à l'apprécis ni au prix du marché, mais seulement à leur volonté, autrement de leur acheter d'autres blés, quoiqu'on ne serait pas dans l'état de le faire et peut-être, malgré que l'on a payé cher, ils seront encore refusés.

Sur quoi délibéré :

Nous demandons que les seigneurs soient obligés de prendre les mesures réglées du meilleur blé que leur terre aura produit suivant la récolte de la dite année et raisonnablement accommodé, et d'avoir égard et considération au moins du mauvais temps et ouragan qui arrive souvent dans les meilleures saisons de l'année, qui rendent le blé à moins de valeur et de plus mauvaise qualité l'une année que l'autre, ou du moins de prendre par argent le prix de l'apprécis de la même année et non autrement (1).

[Note : La baronnie de Quintin possédait à Pommerit-le-Vicomte. en raison de son fief du Guéméné, des rentes en argent, en seigle et en avoine, mais surtout un très grand nombre de rentes en froment. On en trouvera le détail dans le minu fourni au Roi le 20 juin 1785 par Regnault-César-Louis de Choiseul, vicomte de Choiseul, et Marguerite-Guyonne de Durfort de Lorges, héritiers de Louis de Durfort, duc de Lorge, baron de Quintin, mort le 10 décembre 1775 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série F, fonds de La Borderie, fol. 90 v°-100)].

ART. 4. — Plainte concernant l'établissement des droits de cure et rectoriat ; considérant les gros bénéfices que possèdent les recteurs, qui sont des gros décimateurs dans les grandes paroisses, par exemple celle qui peut valoir par an sans compter les droits casuels et les fondations qui sont un peu considérables, et qu'ils ont encore, Messieurs les prêtres de cette paroisse, fait augmenter par leur seule autorité depuis peu de temps, quoiqu'il ne soit pas en état de rendre beaucoup de service, parce que ne sachant pas l'idiome du pays, quoique la dîme et le prémice, suivant l'usage de cette paroisse, se montent environ la somme de quatre mille livres : ci 4.000 $.

Sur quoi délibéré :

Nous demandons si Sa Majesté permet que les recteurs, qui possèdent de si grands bénéfices pour nourrir et entretenir une seule personne ou, pour mieux dire, deux ou trois tout au plus. Et nous déclarons que c'est une loi mal établie et une consommation de biens. D'ailleurs que font-ils, ces gens avec ce bien énorme ? Ils entreprennent et intentent des procès à leurs paroissiens (voir note ci-dessous), eux qui doivent mettre l'union et la paix entre les autres ; ils tiennent les places des plus grands chicaneurs, et nous pensons que ce serait une meilleure loi que Sa Majesté ordonnerait la défense à tous ecclésiastiques qui ne sauraient point l'idiome du pays d'en occuper le bénéfice, et qu'ils auraient une pension proportionnée et raisonnable suivant leurs états et conditions (voir note ci-dessous). Nous faisons plainte d'une autre dîme qui se lève dans plusieurs cantons, dans la paroisse, outre de la dîme rectoriale, consistant en la douzième gerbe, qui appartient à la noblesse, pour laquelle dîme nous ne pouvons connaître que l'on ne nous ferait aucun bien ni faveur, et nous demandons, suivant la volonté de Sa Majesté, que ces dîmes seront supprimées ou abolies en faveur et soulagement du petit peuple et surtout en la faveur des plus pauvres, qui toujours ont été foulés sous les pieds de tous les autres.

[Note : Le procureur fiscal Mazé était alors en procès avec M. de l'Espinasse, recteur de Pommerit-le-Vicomte. Voy. une lettre de Mazé à Tuomelln, du 31 juillet 1784, et une lettre de Tuomelin à la Commission intermédiaire, du 14 janvier 1788 (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4672). A Goudelln, il avait été aussi en procès avec le recteur. Il a sans doute pris une certaine part à la rédaction du cahier].

[Note : Sur les dîmes de Pommerit, nous ne possédons pas d'autres indications que le passage suivant de la réplique de Tuomelin à Mazé. Ce dernier s'étant plaint d'avoir été imposé à 1 l. 10 s. pour le vingtième d'industrie, alors qu'il ne possédait aucun trait de dîmes et ne faisait aucun commerce, M. de Tuomeiln répond ; « Jacob Le Glanaer n'a-t-il pas été son dîmeur pour l'annate de Saint-Gilles, qu'il avait affermé 1.100 l. de MM. du chapitre de Tréguier en 1784 ? Et il est à la connaissance publique qu'il y a bénéficié de plus d'un tiers. N'a-t-il pas eu aussi, lui Mazé, une forte portion de l'annate de Pommerit-le-Vicomte en 1785 ? Mais pourrait-il dénier qu'il a été le fermier des dîmes de M. l'abbé de Visdelou, recteur de cette même paroisse, et ce à raison de 24.000 l. par an ? N'est-il pas d'ailleurs bien avéré que ledit Mazé fait le commerce des graines de lin sans interruption depuis plusieurs années ? » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4672)].

Pareille raison, délibéré concernant les grands monastères et couvents, où il y à un bien énorme attaché pour l'entretien de cinq ou six personnes, plus ou moins, pour lesquels nous demandons la suppression, en la faveur et pour le soulagement des pauvres infirmes et incapables de gagner leur pain.

ART. 5. — Plainte sur l'injustice par l'exercice des congéments, plus griève que tous les autres, parce que c'est un usage plus dangereux que tous les autres et où il y a les plus grandes difficultés et les grandes erreurs et discussions, et qui est la cause de ruine et souvent des malheurs surtout entre les paysans et laboureurs et un grand avantage pour la noblesse et pour Messieurs la justice. Que font-ils à présent, les seigneurs, pour ruine leurs colons domaniers ? Ils vendent et ravagent les gros bois que leurs colons, eux ou leurs ancêtres, ont élevés sur leurs convenants, quoique les dits seigneurs n'aient pas de nécessité, et, par l'abattement des dits bois, ils dégradent encore les fossés, qui appartiennent aux colons, jusqu'à la moindre racine ; le colon ne peut espérer désormais ni engrais, ni émondure ; ses droits sont tous dégradés, ainsi que les morts-bois et les souches, qui sont proches des arbres; en les arrachant tout sort pour le colon. Il est très facile au seigneur de trouver l'occasion de donner des facultés de congédier son vassal ou, s'il n'en trouve pas l'occasion de la donner, ils exercent les congéments par eux-mêmes ; ils prennent pour leurs priseurs des gens de condition comme eux ; la majeure partie des priseurs en sont de leurs états, et, par leur autorité, ils grèvent de plus en plus les pauvres colons, et, sous le prétexte de leurs états et conditions, tous les priseurs exigent un prix excessif des parties tant pour les partages que pour les autres estimations. On fait sortir et expulser les pauvres congédiés sans avoir égard à aucune saison de l'année, aussi bien en hiver comme en été ; vous serez seulement payé de votre semence et ouvrages ; quoique vous espérez avoir une bonne récolte, vous serez obligé de la délaisser avec une autre pour un peu d'argent, que vous n'êtes pas assuré de pouvoir vous placer ailleurs ; peut-être vous serez obligé de demeurer dehors ou de faire autant à vos frères ou sœurs ; voilà donc l'occasion de réduire plusieurs personnes à la plus pauvre misère souvent par leurs parents, et ceux qui font les congéments en sont chargés de dettes.

Sur quoi délibéré :

Nous demandons et désirons, pour remettre l'union et la paix entre les familles, surtout entre les laboureurs, que les congéments soient défendus et annulés, et que les seigneurs n'auront droit sur les bois que seulement d'une partie des bois de chêne qui sont sur leurs convenants, en les coupant à ras de terre, sans offenser les fossés et le moins dommageable que se faire pourra, et le colon puisse en avoir aussi de chêne pour son utilité propre, et cela nous engagera davantage d'élever et de planter de plus en plus, parce qu'à présent celui qui a le plus ménagé il devient être le plus ruiné, et non plus assuré que celui qui n'a rien.

ART. 6. — Plainte sur l'administration de la justice, par les avances que font les procureurs pour leurs clients, parce que les laboureurs n'en sont point instruits de leurs vacations, et par conséquent, on voudrait savoir et connaître un tarif fixé que personne ne soit dans le cas de soupçonner sur leur état ; d'ailleurs, on trouve que les procès restent trop longtemps sans être jugés, que bien des personnes ne voient jamais fin à son procès ni à ses affaires, et souvent cela vient tomber sur les enfants et mineurs, que cela leur occasionne le malheur d'être ruinés jusqu'à la mendicité publique.

Sur quoi délibéré :

Nous demandons que tous les procès seraient décidés et jugés dans trois mois, que nous pensons que c'est un temps assez compétent pour vérifier les titres et toutes les affaires qui pourraient arriver, et un tarif pour chaque article que toute personne pourrait connaître et surtout pour les aveux et déclarations, et qui pourront servir aux colons et à leurs enfants jusqu'à trente ans, et dans trois mois que le procureur fiscal soit obligé de les accepter ou de faire et fournir ses moyens nécessaires en quinze jours pour les recevoir, et que les audiences ne soient tenues qu'à la manière accoutumée, et qu'il n'y ait désormais que deux degrés de justice, la juridiction naturelle et une Cour souveraine qui jugera en dernier ressort, et que cette Cour souveraine soit composée de la moitié roturière.

ART. 7. — Plainte sur les corvées que les seigneurs exigent de leurs vassaux, dans le temps que l'on est souvent, occupé pour les travaux de la récolte, suivant leurs idées, et même souvent obligé à faire plus de route que les arrêts nous commandent pour leur obéir, et plus souvent par crainte de leur autorité que par bonne volonté.

Sur quoi délibéré :

Nous voulons et désirons être délivrés de toutes corvées seigneuriales, excepté celui de notre Majesté, au vis-à-vis de qui nous reconnaissons son autorité suprême.

ART. 8. — Plainte sur l'assujettissement des vassaux au moulin, tant seigneurial que tous les autres, parce que la plus grande partie des meuniers sont trop intéressés pour eux-mêmes, et que souvent leurs domestiques sont dans le cas de grever les vassaux, sans que leur maître ne puisse le savoir.

Sur quoi délibéré :

Nous demandons notre liberté sans que personne pourrait se plaindre, parce que nous sommes obligés de moudre la même quantité de blé, et les meuniers honnêtes, et qui voudront faire leurs devoirs au vis-à-vis du public, seront toujours occupés et préférés, et, au cas que la sujétion à la suite de moulin ne soit pas supprimée, que le droit de moute soit fixé au vingt-cinquième et le vassal pour sa perte au moulin cru à son serment.

[Note : On remarque ici quelques expressions analogues à celles qui figurent dans l’art 3 du cahier de Sainte-Croix de Guingamp].

ART. 9. — Plainte et doléance que font les pauvres gens, concernant toute sorte quantité de blés, que les armateurs et autres négociants ont ravagé la plus grande partie des blés de cette province, pour embarquer, sans que nous pouvons savoir pour quel royaume ni par quelle autorité, et nous demandons que les blés ne soient pas embarqués que par l'autorité de Sa Majesté, bien découvert à tout le monde.

ART. 10. — Plainte concernant les chemins de traverse, que les colons et même les fermiers ont été jusqu'à présent obligés de faire des grandes réparations des mauvais chemins impraticables, quoique cette corvée est bien nuisible pour les fermiers, et nous demandons que les seigneurs fonciers seraient obligés à faire la dite corvée et réparation, chacun vis-à-vis de leurs terrains, ou de faire diminution à leurs vassaux à proportion de l'ouvrage que leur vassal aurait été obligé de faire par an.

ART. 11. — Plainte concernant les forêts et bois taillifs, que, lorsque l'on a le malheur d'avoir une bête entrée dans ces bois soit par être égarée ou par autre façon, quand même il n'aurait fait qu'entrer, excepté les passants, s'ils sont pris par les gardes, qui sont sous le seigneur, ils font payer des sommes excessives jusqu'à la somme de vingt livres par chaque bête, quoiqu'il n'y aurait fait que entrer, parce que les chemins qui donnent de tous côtés sur ces bois sont sans brèche ni barrière.

Nous demandons que la juridiction des eaux, bois et forêts soit supprimée.

ART. 12. — Plainte concernant les bureaux des devoirs de la boisson, surtout pour l'eau-de-vie. Pourquoi que la noblesse et le clergé et autres personnes distinguées par leur fortune ont l'eau-de-vie, pour ainsi dire, à tiers moins prix par bouteille que les personnes de la campagne, quoiqu'ils se trouvent souvent dans une grande nécessité d'en avoir, tant pour les maladies des personnes que pour les maladies des bestiaux ?

Sur quoi délibéré :

Nous demandons que l'eau-de-vie ne soit pas payée qu'un même prix de tout le monde comme les autres boissons, et nous pensons qu'il y a trop grande quantité d'employés pour être entretenus de sur la province sur différentes choses, et nous demandons, suivant la volonté de Sa Majesté, que les employés soient abolis, parce qu'il faut un grand nombre de biens pour entretenir tant de mille personnes.

ART. 13. — Plainte et doléance que l'on a entendues de la part des veuves et des pauvres mineurs concernant les greffes, au vis-à-vis à la veuve et ses mineurs ; ceux qui n'ont de biens, ils sont fort grevés et mêmement ruinés d'être obligés de payer le greffier pour mettre les scellés, et faire l'inventaire et la vente, et souvent la vente n'est pas suffisante pour payer le greffier de ses vacations.

Nous demandons que Sa Majesté ordonne que le seigneur nous donnerait les greffes à des probités gratuitement, pour que le greffier pourrait faire à beaucoup meilleur compte les inventaires et les ventes et scellés, tutelle et autre chose chez les pauvres veuves et mineurs, et que leurs vacations en tout soient réduites par un tarif que tout le monde connaîtra.

ART. 14. — Plainte concernant le tirage du sort : que la noblesse et les recteurs et autres qui ont chez eux jusqu'à six ou sept domestiques des plus bons corps, ils sont tous exempts de tirer au sort, et le ménager qui a si grand besoin de ses enfants, et, de deux, il ne peut exempter que un, quoi qui sont ses enfants propres.

[Note : Durant la période 1781-1786, la paroisse de Pommerit-le-Vicomte dut fournir sept miliciens, soit un par an, sauf en 1784 où elle en fournit deux. En 1781, sur 198 jeunes gens participant au tirage, 181 furent exemptés ou réformés ; en 1784, il y en eut 170 sur 185, et en 1786, 177 sur 200 (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4704)].

Délibéré :

Nous demandons que la noblesse, les recteurs et autres ne pourront exempter qu'un garçon ou deux tout au plus, suivant leurs états, et que les jeunes gens nécessaires aux travaux de l'agriculture en soient absolument exempts.

ART. 15. — Nous demandons que Sa Majesté permette que l'ordre du Tiers sera représenté par autant de personnes que les deux autres ordres fourniront aux Etats de cette province.


ART. 16. — Nous demandons la suppression des commissaires, et, au cas qu'ils soient continués, on demande qu'on aura pour commissaire un homme roturier de la paroisse pour la confection de tous les rôles d'imposition, comme on fait pour les fouages, puisqu'il est vrai que c'est nous-mêmes qui est obligé tous les ans de faire les projets de l'augmentation ou de la diminution qui survient causée par les changements tant par la mort que par les délogements des habitants.

[Note : Cet article est évidemment inspiré par les difficultés qu'eurent le procureur fiscal Mazé et un certain nombre d'autres habitants de Pommerit avec M. de Tuomelin, membre noble de la Commission diocésaine de Tréguier. Mazé observa dans sa requête « M. le Commissaire n'a pas été dans le courant de l'année dernière à Pommerit et au Merzer pour la capitation ; leur assignation pour fournir leurs rôles était chez le sr Thierry de Kersallio, à Gommenech... ». Tuomelin répondit : « Il est vrai, et pour une fois seulement, que le Commissaire des Etats n'a point été è Pommerit-le-Vicomte et au Merzer pour l'arrêté des rôles de la capitation de 1786 et qu'il a fait cette besogne à la campagne du sr Kersallio à Gommenech, mais est-il un seul égailleur et notable de ces paroisses qui l'ait trouvé mauvais, et le public n'était-il pas averti de se rendre chez ledit sieur de Kersallio, si quelqu'un avait à se plaindre ? » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4672)].

ART. 17. — On demande de plus que les généraux des paroisses soient dégagés de l'entretien des presbytères, d'en répondre au recteur qui vient remplacer celui auquel les héritiers ont renoncé, et qu'il soit ordonné qu'à l'avenir il sera pris et assigné sur les gros fruits du bénéfice une somme proportionnée à sa valeur pour être annuellement déposée au coffre-fort de la paroisse, à l'effet de faire face aux réparations et entretien des dits presbytères, auxquels les recteurs ne pourront, sous quelque prétexte que ce soit, faire aucune novation ni changement, sous les peines qu'il plaira à Sa Majesté de régler.

ART. 18. — Le général de la paroisse de Pommerit-le-Vicomte demande de plus qu'un bureau de contrôle des actes soit rétabli au bourg paroissial du dit Pommerit-le-Vicomte, ainsi que de précédent, le chef-lieu de la juridiction y étant établi, ainsi que des juridictions qui en relèvent.

ART. 19. — De plus nous demandons que l'impôt de l'industrie dans la paroisse de Pommerit soit supprimé, attendu que cet impôt n'existe pas dans les paroisses limitrophes, où il se fait autant ou plus de commerce que dans celle de Pommerit.

[Note : Il semble que le cahier fasse allusion ici aux vingtièmes d'industrie. Mais les états de répartement de la fin de l'Ancien Régime ne mentionnent pas Pommerit-le-Vicomte dans la liste des localités soumises à ces vingtièmes (Arch. d'Ille- et-Vilaine, C 4599)].

ART. 20. — Nous demandons de plus la suppression du franc-fief et rachat, et, au cas qu'il ne serait pas supprimé, que nous supplions Sa Majesté d'ordonner l'abolissement.

ART. 21. — De plus nous demandons la suppression des haras, parce qu'il n'est pas avantageux au public, mais au contraire parce que les chevaux que produisent les dits étalons n'en sont point du tout devers les laboureurs et le commerce de notre pays.

[Note : Le dossier de la plainte Mazé contient des accusations contre M. de Tuomelin sur la façon dont il remplit ses fonctions d'inspecteur des haras : on lui reproche notamment d'avoir injustement contraint divers habitants de Pommerit et du Merzer à faire hongrer leurs chevaux. M. de Tuomelin répondit : « Il maintient avoir approuvé les chevaux entiers qui méritaient de l'être et tous ceux qui pouvaient procurer une race avantageuse au commerce ; il n'a donné d'ordre de sévir que contre les chevaux défectueux, qui perpétuent une race qui se perd absolument en dégénérant ; il a laissé la liberté aux propriétaires de se conserver leurs bidets entiers, quels qu'ils fussent, pourvu qu'ils n'eussent pas à même temps des juments et qu'ils ne laissassent pas vaguer ces mauvais chevaux. Définitivement, il s'est occupé de l'exécution des ordonnances des haras et de l'amélioration qui peut provenir de ce commerce, et s'il a rendu quelques ordonnances de contrainte à ce sujet, elles ont toujours été mitigées ». L'enquête du mois de janvier 1788 expose à ce sujet les doléances de nombreux paysans (Arch. d’Ille-et-Vilaine C 4672)].

ART. 22. — Et finalement que les privilèges, constitution et immunités de la province de Bretagne soient au surplus généralement réservés en ce qu'il n'y a point été dérogé par les demandes ci-dessus.

Fait et conclu et arrêté dans l'auditoire du dit Pommeritle-Vicomte, devant le général assemblé, qui supplie Sa Majesté de nous accorder les faveurs les plus avantageuses pour le bien du Tiers ; dont arrêté sous les signes des soussignants qui sont les plus notables et de probité, ce jour cinq avril mil sept cent quatre-vingt-neuf.
[33 signatures, dont celles du président Ropartz et du procureur fiscal Mazé].

(H. E. Sée).

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