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Servais-François ANDROUET, prêtre guillotiné à Saint-Brieuc
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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158. — Servais-François ANDROUET, fils de Guy Androuet et de Mathurine Bedel, cultivateurs, demeurant au village de Boudelan, paroisse de Plumaugat, naquit le 28 avril 1743 et fut baptisé le lendemain en cette église par P. Fleury, curé de ladite paroisse.

Il fit la première partie de ses humanités à Rennes sous la direction des Pères Jésuites, la seconde, ainsi que sa philosophie, à Dinan où il se trouvait en 1765, et ses études théologiques au séminaire de Saint-Méen.

M. Androuet reçut la tonsure et les mineurs à Saint-Méen, le 17 septembre 1765; le sous-diaconat à Saint-Méen le 2 avril 1768, le diaconat au même lieu le 11 mars 1769. Enfin, la prêtrise : encore à Saint-Méen, le 31 mars 1774 ayant été retardé par la maladie, pour la réception de cet ordre.

159. — D’abord vicaire de Ménéac en 1775, M. Androuet remplit ensuite quelque temps, en 1776, les fonctions de vicaire à Plumaugat. Lors de la Révolution, il desservait depuis une dizaine d’années, dans sa paroisse natale, la chapelle de Bonne-Rencontre, et résidait habituellement au village de Boudelan, rendant aux recteurs voisins les services qu’ils lui demandaient.

Lorsque la Constitution civile du Clergé vint jeter le trouble dans les esprits, M. Androuet ne se laissa pas séduire, mais s’employa de son mieux à affermir ses compatriotes dans la Foi, après avoir signé lui-même la pièce suivante le 5 février 1791 : « Nous soussignés, adhérons aux principes établis en faveur de la Religion par trente évêques de l’Assemblée nationale contre les entreprises de la puissance séculière sur la puissance ecclésiastique, sur la juridiction spirituelle du Pape dans toute l’Eglise, sur celle des évêques dans leurs diocèses, sur celle des curés dans leurs paroisses.

Nous regardons comme des attentats sacrilèges l’usurpation qu’on veut faire des biens d’Eglise contre l’anathème des Conciles et qu’on veut renouveler des erreurs des presbytériens et du Richérisme, même de Luther et de Calvin.

Nous reconnaissons qu’on attaque la Foi sur la mission que Jésus-Christ a donnée à son Eglise, Foi que nous sommes prêts à défendre au prix de notre sang, s’il en est nécessaire. Nous regardons aussi le serment que l'on exige de nous comme hérétique et schismatique ; et nous sommes aussi disposés à l’interdire au peuple. En fait de quoi nous avons signé » (Arch. Côtes-du-Nord, L m 5, 10).

160. — Ces beaux sentiments n’allaient pas tarder du reste à être mis à l’épreuve. Comme le dimanche 13 février 1791, l’abbé Nouvel, recteur de Plumaugat, se disposait à lire à la grand’messe paroissiale l'instruction de l’Assemblée nationale prescrivant le serment schismatique, de violents murmures éclatèrent dans l’assistance, aussi bien parmi le peuple que parmi les ecclésiastiques présents : les frères Jean et Pierre Gauttier et Servais Androuet. Ce dernier déclara tout haut, paraît-il, au recteur Nouvel, « qu’il aurait dû garder son papier pour lui et qu'on n’en avait que faire ; que pour lui, il préférait plutôt mourir que de prêter serment ».

Le tumulte causé par la déclaration du recteur Nouvel, se renouvela lorsqu’il prêta serment le dimanche suivant. A cette occasion l’on vit dans l’église de Plumaugat une véritable échauffourée dont on rechercha les auteurs. Servais Androuet fut dénoncé par Jacques Picquet et Léonard Hue à l’administration du district de Broons, comme étant un de ceux qui l’avaient fomentée, de concert avec les prêtres Gaultier, de Plumaugat, et plusieurs autres. Tous furent décrétés de prise de corps et emprisonnés à Broons.

On ne se contenta pas d’arrêter Servais Androuet, on perquisitionna à son domicile. Si le détail des papiers saisis chez lui et dont on fit état à l’instruction de son procès ne prouve nullement qu’Androuet était pour quelque chose dans ces événements, ils sont du moins un sûr garant de son orthodoxie et de son attachement aux principes catholiques. On a publié du reste cet inventaire ailleurs.

Servais Androuet comparut le 18 mars 1791 devant les juges du tribunal de Broons. On a donné ailleurs tout au long l’interrogatoire qu’il subit dans la circonstance et dont l’original est conservé aux Archives. (Archives des C.-du-N., L m 5, liasse 10). Ce fut pour l’inculpé la première étape dans la voie qui devait le conduire à la mort.

Le prêtre Androuet répondit dans la circonstance avec beaucoup de prudence aux questions qu’on lui posait et évita le plus possible de se compromettre près de juges manifestement prévenus. Nous reproduisons son signalement conservé sur cette pièce : « Taille 5 pieds un pouce, figure maigre et allongée, cheveux, barbe et sourcils jaunes ».

On ignore l’issue des poursuites intentées à M. Androuet. M. Carron, et après lui Tresvaux du Fraval, écrivent « qu’après avoir demeuré durant quelque temps emprisonné à Broons, le confesseur de la Foi fut ensuite transféré à la prison de Lamballe, où il subit une détention de six mois, jusqu’à la fin de septembre de la même année, époque à laquelle l’Assemblée constituante accorda amnistie générale le 21 de ce mois à tous les détenus politiques, à l’occasion de l’acceptation de la Constitution par le Roi Louis XVI ».

161. — On ne sait ce que devint ensuite M. Androuet. Lors de son interrogatoire devant le tribunal criminel des Côtes-du-Nord, il déclara avoir cessé d'exercer publiquement les fonctions sacerdotales depuis « environ 1792 ». Sans doute dut-il se cacher après la promulgation du décret du 26 août de cette année ou tout au moins lors de l’application de l’arrêté du 1er décembre suivant, par lequel le Directoire des Côtes-du-Nord condamnait à la déportation ou à l'internement tous les prêtres insermentés sans exception, appartenant à ce département.

Une pièce, sans indication de lieu, ni de date, qui figure dans le dossier criminel de M. Androuet conservé aux archives des Côtes-du-Nord annonce les intentions de M. Androuet : le ton de ce document est empreint d’une profonde tristesse. Le voici reproduit avec l’orthographe très libre de son auteur : « Mon cousin. Je vous annonce que je menvais me caché pour la raison que vous savez bien, car je ne puis plus paraître. Envoyez moy ce que vous pourrey, car jan naurai grand bessoin et je ne peut pas vous en faire le détaille, mais vous devez le comprande. Je partiré ces faites ici et je pence que je ne vous revereree pas dessormais, a moins que vous ne vienderiez dimanche ou bien lundi à Catelo ou os anviron et que vous m’en vairiez cherché et je crois vous voire pour la dernière foy de ma vie ».

Réduit à se cacher pour pouvoir demeurer dans le pays et se rendre utile aux âmes, M. Androuet fait connaître lui- même qu’il habita assez longtemps sous un faux nom la paroisse de La Nouée, dans le Morbihan, dont la municipalité était fort bien disposée.

Malgré les précautions qu’il prenait pour se dérober à ses ennemis et dont on ne peut lui savoir mauvais gré à une époque où les bons prêtres étaient traqués à l’instar des bêtes féroces, on ne peut douter cependant que M. Androuet n’exerçât les fonctions du saint ministère. Une pièce, rédigée de sa main, laquelle contient le détail de tous les pouvoirs dont jouissaient à cette époque les prêtres fidèles, ne laisse aucune hésitation à ce sujet : l’abbé Androuet faisait tout ce qu’il pouvait pour se rendre utile aux âmes.

162. — Mais le zèle de ce bon prêtre devait à la fin trouver sa récompense. Le 17 mai 1794, le premier bataillon des grenadiers de Rhône-et-Loire, qui fouillait le pays de Plumaugat, l’arrêta chez une pauvre femme chez laquelle l’abbé Androuet était venu chercher momentanément l’hospitalité et le conduisit à Broons le jour même.

Les administrateurs se disposaient à envoyer le captif à Saint-Brieuc pour y être jugé par le Tribunal criminel des Côtes-du-Nord, lorsque le général de brigade Vachot, soudard sans moralité, qui commandait des troupes à Saint-Méen, fit demander le confesseur de la Foi le 19 mai, afin de lui faire subir lui-même un interrogatoire.

163. — Des témoignages sérieux rapportent qu’arrivé dans cette bourgade, M. Androuet dut endurer les plus cruels outrages de la soldatesque indisciplinée à laquelle leur chef donnait l’exemple des plus crapuleux excès. Du reste, l’abbé Carron, auquel on aime à se référer, affirme tenir ses informations de la bouche même de M. Fleury, tout à la fois recteur de Plumaugat et compatriote de M. Androuet, témoin très sûr, car il avait poursuivi et fini ses études avec celui-ci et, comme lui, il était demeuré caché dans le pays à cette époque néfaste.

Or, c’est ce digne ecclésiastique qui, après avoir rendu hommage à la conduite édifiante, à la conscience pure et quelquefois trop timorée du serviteur de Dieu, assure qu’en montrant à l’abbé Androuet un crucifix, on lui disait : « Embrasse-le donc ton bon Dieu, » et qu’en ce moment même on lui assénait des coups si violents sur la tête que les éclats de la croix en sautaient.

M. Carron, toujours d’après M. Fleury, raconte encore « qu’on accablait M. Androuet de coups de plat de sabre et de coups de pieds ; qu’à Montfort il reçut un soufflet d’une femme, et qu’en le renvoyant de Rennes à Saint-Brieuc, on lui lia les bras avec tant de cruauté que sa chair surmontait les cordes et les couvrait ». Mais la Foi faisait connaître à M. Androuet le prix de ces affreux traitements, si bien que voyant à Saint-Méen un enfant qui s’attendrissait sur son sort : « C'est un bonheur, lui dit-il, mon cher enfant, de souffrir pour la religion ». Paroles dont les soldats furent tellement furieux, qu’ils se mirent à le frapper en s’écriant : « Le voyez-vous ? Il cherche encore à fanatiser l’innocence ! ».

De Saint-Méen, le général Vachot ordonna de conduire le prisonnier à Rennes ; mais le Tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine refusa de le juger, parce qu’il n’avait pas été saisi sur le territoire soumis à sa juridiction, et le renvoya à Saint-Brieuc.

164. — Le voyage, commencé le 25 mai, dura quatre jours, ainsi qu’en témoignent l’ordre de transférer M. Androuet à Brieuc, et son acte d’écrou à la prison de cette ville qui ont été publiés ailleurs.

Androuet arrivé à Saint-Brieuc, les juges ne perdirent pas de temps. C’est le dix prairial en effet que le confesseur de la Foi était écroué à la prison de cette ville, et c’est le lendemain que le citoyen Besné, accusateur public, rédigeait contre lui son acte d’accusation, lequel prend fin en réclamant contre l'inculpé l’application de la loi exterminatrice de vendémiaire, c’est-à-dire la mort. En même temps, ce fonctionnaire, haut dignitaire dans la maçonnerie, énumère les griefs, qui constituent aux yeux des catholiques le plus beau titre de gloire de l’abbé Androuet : « Il a refusé tout serment. Il n'a pas voulu prendre le chemin de l'exil, » abandonnant les âmes aux entreprises du clergé constitutionnel. « C’est, ajoute-t-il, un fanatique dont on ne peut excuser la désobéissance opiniâtre aux lois [persécutrices] ».

Aussi, c’est sa tête que demande Besné et il a même le triste courage de railler cet homme qu’il sait devoir mourir. « Un des morceaux de papier, trouvés dans son dossier, écrit-il, annonce assez sa résignation ; l’instruction de l’affaire annoncera s’il consommera son sacrifice avec le courage nécessaire ! ».

165. — L’instruction de « l’affaire » Androuet devait aller très vite. Le jour même où Besné avait écrit son réquisitoire et l’avait adressé au président du Tribunal criminel des Côtes-du-Nord, cet ecclésiastique comparaissait devant ses juges. Au reste l’interrogatoire n’était qu’une simple formalité, une constatation d’identité et rien plus. Il suffisait, on l’a déjà dit, d’être reconnu prêtre insermenté, ne s’étant pas soumis aux décrets, pour se voir condamner à mort.

Les premières réponses de M. Androuet devant ses juges ne sont pas ce que l’on aurait cru les trouver. Il semble qu’on doive les attribuer à un accablement physique bien compréhensible, après les affreuses épreuves que l’inculpé venait de traverser, accablement qui avait sa répercussion sur le moral de celui-ci. Mais, d’autre part, ne peut-on dire aussi que dans sa pensée, l’abbé Androuet ne croyait pas outrepasser ses droits en se bornant à énoncer purement et simplement les qualités sous lesquelles il avait vécu extérieurement, depuis que l’arrêté du 1er décembre 1792 ne lui laissait plus le droit de paraître et de circuler dans son département. Légalement, en effet, il n’était plus qu’un marchand ayant fait des mauvaises affaires et ce n’est que la nuit, au milieu des chrétiens fidèles à leur Foi, qu’il pouvait se montrer comme prêtre et en accomplir les fonctions. On pourra lire du reste intégralement le texte de cet interrogatoire que l’on a publié ailleurs.

166. — La sentence portée contre M. Androuet suivit immédiatement son interrogatoire. Trois ans auparavant, ce bon prêtre avait déclaré à Plumaugat « que pour lui, il préférerait mourir que de prêter serment ». Son vœu allait se trouver exaucé : Servais Androuet fut condamné comme « ayant refusé le serment à la Constitution civile et comme n’ayant pas obéi à la loi de déportation ». Du reste, on pourra s’en convaincre en lisant la teneur du jugement que l’on a publié ailleurs. Le jour même de sa comparution devant le Tribunal criminel des Côtes-du-Nord, aussitôt son jugement rendu, aux deux heures du soir, le confesseur de la Foi achevait sur la place de la Liberté, sous le couperet de la guillotine, une existence qu’il avait depuis longtemps toute consacrée à Jésus-Christ. Voici comment l’abbé Carron raconte ses derniers instants : « Parvenu aux termes de ses terribles combats, M. Androuet distribua aux prisonniers tout ce que ses bourreaux ne lui avaient pas arraché ; puis avec des sentiments de joie, disons tout, d’une gaieté céleste, il s’arracha aux derniers témoins de ses souffrances, les laissant profondément édifiés. Sa tête tomba sous le fer homicide et son âme sans doute s’envola vers les Cieux. ». Ceci se passe le vendredi 30 mai 1794.

Son acte de décès ne fut enregistré que le lendemain de son trépas à l’état civil de Saint-Brieuc. Quant à sa mémoire, elle est toujours pieusement conservée par la chrétienne population de Plumaugat.

BIBLIOGRAPHIE. — Carron, Les Confesseurs de la Foi de l'Eglise gallicane, in-8°, Paris, 1820, t. III, p. 1-6. — Guillou, Les Martyrs de la Foi durant la Révolution française (1821), in-8°, t. II, p. 83-84. — Tresvaux du Fraval : Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, Paris, in-8°, 1845, II, p. 37-40. — Le diocèse de Saint-Brieuc pendant la période révolutionnaire, Saint-Brieuc, in-8°, 1895, II, p. 401-402. — Lemasson, Histoire du pays de Dinan, Rennes, 1927, in-8°, II, p. 369 et 377-379, parle de M. Androuet et publie l’inventaire de son mobilier qui comprenait 550 volumes.. — Du même auteur, Les Actes des prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc mis à mort de 1794 à 1800, op. cit., p. 21-39. Toutes les pièces de son procès figurent dans ce recueil.

(Archives des Côtes-du-Nord, série L, dossiers du tribunal criminel des C.-du-N.).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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