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PLOZÉVET DURANT LA RÉVOLUTION |
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Plaintes et remontrances faites par les habitants du Tiers Etat de la paroisse de Plozévet, évêché de Quimper en la Basse-Bretagne (7 avril 1789).
Les habitants du Tiers Etat de la paroisse de Plozévet, réunis en la sacristie de la dite paroisse, en exécution des ordres du roi, chargent leurs représentants à l'Assemblée de Quimper, le 16 de ce mois, d'y insister pour demander aux Etats Généraux :
1° Qu'aux Etats Généraux les suffrages se
prennent par tête et non par ordre.
2° Que les impôts soient également
répartis sur les trois ordres, sans distinction et sur le même rôle.
3° On
demande que les Etats Généraux statuent sur les réclamations du Tiers de la
province de la Bretagne concernant l'administration de cette province.
4°
Que, suivant l'ancienne constitution, le Tiers des dîmes soit employé
au soulagement des pauvres de la paroisse. Les paroissiens de Plozévet se
voient, avec douleur, obligés de payer les deux tiers de leurs dîmes à un gros
décimateur, chanoine de Quimper, qui ne rend aucun service à la paroisse. Il n'y
a jamais mis les pieds. Son prédécesseur envoyait tous les ans le tiers de la
dîme pour soulager les pauvres de la paroisse et venait souvent voir ses
paroissiens.
5° Que le droit de franc fief soit aboli et remplacé par une
imposition sur les trois ordres.
6° Que les droits de cheffrentes et lods et
ventes, et les corvées soient également abolis. Plusieurs seigneurs gênent
beaucoup leurs vassaux par les fréquentes corvées qu'ils exigent d'eux et se
font également payer en argent. Les seigneurs en font un abus.
7° Que tous
les seigneurs fonciers, tant nobles que bourgeois et roturiers, seront
dorénavant obligés de recevoir leurs rentes avec la mesure du roi, comme en ce
canton, et la mesure de M. le Marquis de Chateaugiron de Rennes dont tous les
vassaux sont très contents.
8° Que les seigneurs fonciers ne pourront exiger
de leurs vassaux que les espèces de graines que leurs terres peuvent produire.
Un grand nombre de vassaux sont obligés de payer des graines que leurs
terres ne produisent pas et que souvent même on n'en trouve pas pour de
l'argent, comme des fèves, du mil, etc... et les seigneurs exigent alors de
leurs vassaux, le double de ce que la chose vaut, ce qui contribue beaucoup à
grever les vassaux qui sont déjà trop arrentés.
9° Que tous les domaniers
auront le droit de planter sur leurs domaines et qu'ils pourront également
couper et disposer de leur bois pour leur usage comme pour relever leurs
maisons, les entretenir en bonne réparation, pour faire des charrettes, des
charrues et pour plusieurs autres outils qui leur sont nécessaires pour labourer
leurs terres et le surplus, aux seigneurs fonciers. Si les hommes avaient le
droit de couper pour leur usage et de planter, le bois ne serait pas si rare et
tout le monde aurait du bois. Les seigneurs vendent le bois de dessus sur le
village et personne ne plante. C'est ce qui fait que le pays est tout nu et que
le bois est hors de prix. Le pauvre vassal qui a le malheur de couper un pied
d'arbre, de peu de valeur, mais dont il a grand besoin pour des maisons ou des
charrues et charrettes est vexé et écrasé par son seigneur pour la valeur d'un
arbre. Si tout le monde avait le droit de planter et de couper pour lui, sans
pouvoir vendre, il ne lui arriverait pas tant de pertes.
10° Que dorénavant
tout le monde sera libre d'aller faire moudre ses grains où bon lui
semblera, que désormais personne ne sera forcé, ni obligé d'aller moudre ses
grains à un moulin dénommé, qu'il sera permis à chaque vassal sans exception
d'aller faire moudre ses grains aux moulins qui lui feront le moins de tort et
où il sera le moins gêné (en 1776, on comptait, à Plozévet, trois moulins à vent
et huit moulins à eau). Que Sa Majesté ordonne aux seigneurs des moulins d'en
faire raison à leurs fermiers. La Noblesse et le haut Clergé forcent et obligent
leurs vassaux d'aller moudre à leurs moulins, avec des meuniers qui leur perdent
leurs grains. Si personne n'était tenu à suivre le district des moulins
seigneuriaux tous les meuniers deviendraient honnêtes gens.
11° Que les
charrois des débris de vaisseaux et bâtiments qui auront le malheur de faire
naufrage sur les côtes seront faits par des gens de bonne volonté, par des gens
qui ont fait métier et qui seront payés par MM. de l'Amirauté. Jusqu'ici ces
messieurs ont forcé des paroisses voisines de la côte d'aller charroyer les
marchandises et les apparaux des vaisseaux qui auraient le malheur de faire
naufrage sur leurs côtes et très souvent ces pauvres habitants voisins de la
côte, que ces messieurs arrachent des champs, n'ont pas le sel pour faire ces
charrois. Il est bien dur pour ces pauvres laboureurs d'être obligés de quitter
tous leurs travaux, quelque pressés qu'ils puissent être d'exposer
même leur vie et leur petite fortune pour travailler à charroyer gratis pour MM.
de l'Amirauté qui grèvent ainsi les pauvres malheureux laboureurs qui, dans ces
charrois cassent tantôt un bras, tantôt une jambe, tantôt une charrette. Tantôt
ils perdent un cheval ou un boeuf et c'est assez pour les mettre, le reste de
leurs jours mal dans leurs affaires. L'intention de sa Majesté n'est pas sans
doute de faire à son peuple travailler gratis pour MM. de l'Amirauté. Qu'il leur
soit ordonné de prendre des charretiers de profession pour leurs charrois et
qu'ils paieront comme de juste.
12° Que le commerce soit libre pour tout le
monde, et par mer et par terre, tant pour les blés que pour toutes les autres
marchandises utiles et nécessaires pour tout le royaume. Si le commerce pour
toutes les marchandises n'est point libre, la misère sera toujours grande parmi
le peuple.
13° Que les vins, les eaux-de-vie et les liqueurs seront aux mêmes
prix pour tout le monde, sans distinction, tant pour les personnes du Tiers Etat
que pour le Clergé et la Noblesse. Que le même prix soit fixé pour tout le monde
en général, sans exception.
14° Que le prix de contrôle des actes soit
déterminé surtout pour les contrats de mariage. Il est criant que celui
qui ne donne en dot à son enfant que 120 ou 150 livres et peut-être moins
soit obligé de payer autant de droit de contrôle que celui qui donnera 600
livres. Cela ne paraît pas bien juste (Les tarifs des droits de contrôle et
d'insinuation ne sont pas équitablement gradués, « les contrats portant sur des
objets de peu d'importance paient relativement beaucoup plus que les gros
contrats »).
15° Les paroissiens de Plozévet ont l'honneur de représenter à
Sa Majesté que leur paroisse est située sur le bord de la mer, exposée aux
quatre vents, et que les vents de la mer font un grand dégât dans leur récolte
et les brûlent même souvent ainsi que le peu de pâturage qu'ils ont, et, quand
la récolte leur manque ils n'ont aucune ressource pour pouvoir vivre et payer
leurs seigneurs parce qu'ils n'ont ni pâturages, ni foin pour faire le commerce
des bestiaux qui est une grande ressource pour les habitants de la grande terre.
En conséquence, ils espèrent que Sa Majesté aura pour eux quelques égards et
leur accordera quelques douceurs pour les dédommager des pertes qu'ils sont dans
le cas d'essuyer, par les coups de vent de la mer, etc...
16° Que la province
de Bretagne ait la faculté de faire valoir aux Etats Généraux tous ses titres et
ses prétentions auxquels elle n'entend nullement déroger par le présent.
Les paroissiens de Plozévet déclarent par le présent adhérer aux délibérations prises par les habitants du Tiers Etat de la ville de Quimper surtout en ce qui concerne les articles ci-dessus mentionnés.
Fait et rédigé, en la dite sacristie de l'église paroissiale de Plozévet, le dit jour, 7 avril 1789. Suivent les signatures.
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Au moment où s'ouvre la période révolutionnaire, Marc Jannou, chef de la paroisse de Plozévet était assisté dans son ministère de Vincent Tymen et Henry Charles. Tous trois refusèrent de prêter serment à la constitution civile du clergé (PEYRON : Documents pour servir... I, p. 111). Ils cessent de signer aux registres à la fin d'avril 1791. A partir du 30 de ce mois on n'y rencontre plus jusqu'à la fin de 1792 que la signature de Quillivic, curé constitutionnel.
Interné au Château de Brest, M. Jannou fut déporté en Espagne, avec soixante-et-onze de ses confrères, le 12 août 1792, et débarqua le 18 au port de Ribadeo en Galice, après un voyage des plus tourmentés. Rentré en France, il reprendra sa paroisse de Plozévet.
Charlès fut arrêté à Pont-Croix vers la fin de novembre 1791, et conduit au château de Brest, « pour avoir fait, note le District, un très grand mal à Plozévet où il a aidé à mettre à la torture le vertueux Quillivic (sic), et avoir secondé les efforts des réfractaires pour élever la résistance la plus alarmante en Plogoff et Cléden, qui s'étaient d'abord signalés par le patriotisme le plus chaud et leur ralliement unanime à la Constitution ; pour ne s'être rendu à Brest » (après notification de l'arrêté du 2 juillet) (Ibid II, p. 77-78).
Le 12 août M. Charlès était déporté en Espagne avec son recteur M. Jannou. Rentré en France il sera vicaire à Mahalon en 1804, puis recteur de cette paroisse.
Vincent Tymen quitta Plozévet pour Pluguffan, où sa présence est constatée jusqu'en 1792. Il dut rester caché dans le pays. Après la Révolution nous le trouvons recteur de Plonéis de 1806 à 1815. Voici sa note à l'évêché en 1806 : « bon sujet, santé délicate, caractère doux ».
Sur le refus des officiers municipaux de lui livrer les clefs de l'église, et devant l'hostilité de la population, il dut rebrousser chemin et célébrer la messe en la chapelle Saint-Démet (PEYRON : Documents pour servir... II, p. 182-184).
Quatre jours plus tard, ces officiers municipaux sont mandés au district de Pont-Croix, où ils déclarent qu'ils ont refusé au sieur Quillivic de dire la messe, parce qu'ils ne veulent pas reconnaître Lababan comme succursale de Plozévet. Le 3 mars le district les suspendait provisoirement de leurs fonctions.
Cette décision, aux yeux de Quillivic, est insuffisante ; il voudrait que l'on prenne d'autres mesures : « Nous avons, écrit-il au Département le 23 mai 1793, dans cette paroisse à Brenizennec, Hervé Guéguen, qui fait bien du mal ; il court les villages, le jour et la nuit, toujours dépréciant les lois, injuriant, menaçant ceux qui s'y soumettent ».
(H. Pérennès).
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