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LA REVOLUTION A PLOUVORN

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Au moment où s'ouvre la Révolution, M. Le Bihan, recteur de Plouvorn, est assisté dans son ministère par un curé ou vicaire, Jean-Marie Corre, et par quatre prêtres habitués : Paul Abgrall et François Bizien, tous deux originaires de Plouvorn, Hervé Le Brun né à Plouénan, Yves Person, originaire de Mespaul.

Deux de ces ecclésiastiques prêtèrent le serment à la Constitution civile du clergé : Le Brun et Bizien. Le premier devint successivement vicaire à Guimiliau, à Locquénolé et Sainte-Sève. Quant à Bizien il rétracta son serment six mois après l'avoir prêté. La persécution le contraignit à se cacher. Il sera arrêté le 25 août 1799 à Plonévez-Lochrist, et déporté à l'Ile de Ré, d'où il s'évadera en mai 1800.

Le maire de Plouvorn, René Penguilly, ne craignit pas d'approuver hautement le refus de serment des prêtres de la paroisse. Il écrivait, le 25 février 1791, au procureur-syndic de Landerneau : « Nos ecclésiastiques n'ont fait encore aucune offre de prêter le serment ; nous n'avons pas cru devoir les engager à faire ledit serment, qui ne nous paraît pas permis. Il ne nous appartient pas de les condamner, tandis qu'ils ne font que suivre les Evêques de France ; ils ne seraient pas honnêtes gens s'ils faisaient un serment contraire à leur conscience. La paroisse est contente d'eux et ce serait aller contre son vœu que de les remplacer. Cela troublerait la paix qui règne dans nos cantons » (Peyron, Documents pour servir..., I, p. 89-90).

Le 22 septembre 1792, M. Le Bihan prit à Roscoff un passeport qui lui permit de s'embarquer pour Jersey et l'Angleterre. Quant à MM. Corre, Abgrall et Person, ils restèrent cachés dans le pays.

M. Le Bihan avait été remplacé à Plouvorn par François Ouroual, curé de la Martyre, prêtre assermenté. Sa première apparition dans la paroisse, quand il se présenta pour être installé le 1er janvier 1792, fut l'occasion de troubles dans l'église et il dut se retirer sans que l'installation fût faite. Une chanson bretonne composée à cette occasion, le tourna en ridicule [Note : On la trouvera en appendice].

Emu de l'incident, le district de Landerneau prit, le surlendemain, l'arrêté suivant : « Vu le procès-verbal de la commune de Plouvorn du 1er janvier et le rapport du sieur Ouroual, curé constitutionnel ;

Considérant que s'étant présenté ledit jour pour en prendre possession, il s'est vu obligé de se retirer pour éviter les suites fâcheuses des menaces dont il aurait été infailliblement la victime ;

Considérant que la plupart des habitants de Plouvorn et des autres paroisses voisines ont toujours manifesté l'opposition la plus marquée à l'exécution des lois, surtout de celles relatives à la Constitution civile du Clergé ;

Considérant que l'esprit d'incivisme qui a toujours régné dans cette partie du District de Landerneau est évidemment le résultat des insinuations criminelles des prêtres non assermentés qui, là plus que partout ailleurs, sous le prétexte de la religion, se sont constamment coalisés pour jeter le trouble et le désordre dans les consciences ;

Considérant que la scène scandaleuse qui s'est passée le 1er dans l'église de Plouvorn était préméditée, qu'elle est à coup sûr l'oeuvre de ces prêtres fanatiques ;

Considérant que le refus des paroissiens de Plouvorn de recevoir leur Curé constitutionnel porte tous les caractères d'une révolte préparée et que la force armée peut seule rétablir la paix dans un pays où le fanatisme, armé de ses cruels poignards et de ses torches ardentes, menace avec la dernière audace la vie et la propriété des citoyens constitutionnels,

Est d'avis :

1° Qu'il soit envoyé deux cents hommes de troupes au moins à Plouvorn pour protéger l'installation du Curé constitutionnel et y séjourner jusqu'au rétablissement de la tranquillité publique, aux frais des plus coupables ;

2° Qu'attendu que Hervé Kervran, Claude Faujour, Hervé Cadiou, du bourg, Yves Larnicol, de Sainte-Catherine, et Grall, se disant écolier, sont désignés pour les principaux auteurs de l'émeute.

Le District est d'avis qu'ils soient mis en état d'arrestation ».

Par arrêté du 9 janvier, le Département autorisait en conséquence le District de Landerneau a requérir cent hommes du régiment établi à Saint-Pol-de-Léon, et cent gardes nationaux de Morlaix pour installer le sieur Ouroual, sous la direction de deux commissaires conciliateurs, et d'arrêter les perturbateurs ci-dessus dénommés.

Le District voulut profiter de l'occasion pour s'emparer des prêtres fidèles de la paroisse, dont la présence gênait naturellement l'intrus. Dans sa séance du 23 janvier, « considérant que les sieurs Le Bihan, curé, et Le Corre, vicaire de Plouvorn, et Le Moal, desservant de Sainte-Catherine, sont désignés par l'opinion générale pour être fauteurs de troubles », le District arrêtait en conséquence qu'ils seraient conduits prisonniers à Landerneau. Mais pour cela il fallait s'en emparer ; or, le procès-verbal suivant nous apprendra le peu de fruit des perquisitions entreprises dans ce but :

« L'an 1792, le 26 janvier, environ les sept heures, nous soussignés Jean-Baptiste Vilain, Julien Bardou, Pierre Régner, lieutenant et gendarmes de Landerneau, sur réquisitoire du District de Landerneau du 23 janvier, rapportons nous être transportés aux lieux y désignés pour arrêter les prêtres et particuliers dénommés dans le réquisitoire, et moi, dit Vilain, après avoir formé deux troupes, l'une s'étant portée par nos ordres du bourg de Plouvorn, et moi, dit Vilain, me suis transporté avec les dénommés à Sainte-Catherine, trêve, où étant, nous avons perquis dans le domicile du sieur Le Moal, vicaire de la dite trêve, lequel nous avons trouvé couché ; lui avons déclaré l'arrêt de sa personne et fait sommation de nous suivre sur le champ, à quoi le dit Le Moal a obéi ; et parvenus sur la grande route qui conduit de Sainte-Catherine à Landivisiau, une troupe de particuliers et particulières à nous inconnus, de la trêve de Sainte-Catherine nous ont suivis et assaillis à coups de pierres, en nous disant de laisser aller le dit Le Moal, leur prêtre, que si nous n'y acquiescions pas, ils l'auraient de force. Nous leur avons représenté différentes fois de se retirer ; à quoi les dits particuliers et particulières continuant toujours de nous jeter des pierres, et nous voyant dans un très grand danger par l'attroupement qui s'augmentait de plus en plus par des particuliers venant à grande course des hameaux voisins, moi, dit Vilain, j'ai ordonné aux gendarmes de faire feu de leurs pistolets, ce qui a été effectivement exécuté, le tout pour en imposer à cette populace effrénée qui, malgré nos représentations réitérées de se retirer, ont continué de nous assaillir de coups de pierres dont le sieur Regner a été frappé à la tempe droite, à la cuisse et au bras, ainsi que son chapeau enlevé ; et voyant la blessure de la tempe aussi forte, le sang coulant à gros bouillon, et voyant que l'émeute s'augmentait de plus en plus, avons été forcés de nous désaisir et faire l'abandon du dit Le Moal, et de presser le pas pour nous rendre à Landivisiau afin d'éviter les plus grands dangers dont nous étions dans le cas d'encourir et faire panser le dit Regner sur le champ ; et chemin faisant avons rencontré le détachement venant de Plouvorn, lesquels m'ont déclaré, à moi, dit Vilain, n'avoir trouvé aucun des prêtres et particuliers dénoncés dans le réquisitoire.

Avons rapporté le présent procès-verbal de rébellion contre les dits particuliers et particulières du hameau de Sainte-Catherine ».

A cette nouvelle, le District de Landerneau, augurant mal de l'installation de l'intrus qui devait avoir lieu le dimanche suivant, prit cet arrêté le 27 janvier : « Instruit par le bruit public que les paroissiens de Plouvorn se proposant d'opposer de la résistance aux deux cents hommes commandés pour dimanche prochain, et que cette résistance doit être d'autant plus imposante que différentes paroisses voisines avaient concerté le projet de se réunir à eux, le District arrête qu'il sera ajouté aux deux cents hommes commandés cent gardes nationaux de Landerneau, avec paie de 20 sous par jour pour les hommes et 25 sous pour les officiers ».

L'installation devait avoir lieu le dimanche 29 janvier ; les sieurs Le Bris et Jean Quéré, membres du District de Landerneau, assistés de René Le Bihan comme secrétaire, se rendirent à Plouvorn en qualité de commissaires, avec trois cents hommes de troupes, sans compter les officiers. L'installation eut lieu sans incident ; après avoir prêté serment, le sieur Ouroual dit la messe, assisté des sieurs Le Gall et Le Roux, curé constitutionnels de Guimiliau et de Sizun.

Le lendemain, Messieurs les commissaires se rendirent à la trêve de Sainte-Catherine pour essayer de découvrir les prêtres qu'on n'avait pu prendre lors de la dernière perquisition. Voici comment ils rendent compte au District du résultat de leurs démarches : « Le 30 janvier 1792, Le Bris et Le Bihan ayant laissé Jean Quéré à Plouvorn pour maintenir le bon ordre, nous nous sommes rendus à Sainte-Catherine avec cent hommes. Le Conseil général assemblé, nous avons fait lecture des arrêtés du Département et du District, et avons fait sommation de déclarer les auteurs de l'insurrection qui avait eu lieu lors de l'arrestation du sieur Le Moal, desservant de Sainte-Catherine, et de dénoncer les citoyens qui avaient assailli de coups de pierres les gendarmes qui le conduisaient au District pour être interné au château de Brest ».

« A tout cela le Conseil général a déclaré ne pas connaître les auteurs des troubles du 26. Nous lui avons réclamé les frais d'expédition, soit 1.500 livres ; le Conseil général a déclaré qu'on les payerait demain à huit heures. Revenus à Plouvorn, nous avons demandé au Conseil général de nous livrer les auteurs de l'insurrection au bourg le 1er janvier. On en a indiqué la demeure, mais ils l'avaient quittée depuis le matin. Nous avons sommé le Conseil de nous livrer le particulier qui, déguisé en femme, avait, avant notre arrivée, sonné le tocsin pour assembler toute la paroisse pour s'opposer à l'arrivée de la troupe. On nous a répondu que c'était le fils d'un nommé Postec, mais qu'il avait quitté le bourg avant le matin. Nous avons réclamé 2.400 livres pour frais de l'expédition ».

Les commissaires et la troupe ne pouvaient prolonger leur séjour à Plouvorn, et, dès leur départ, c'est le malheureux intrus qui paie en avanies et tracasseries de toutes sortes les vexations éprouvées par les paroissiens de Plouvorn pour leur énergique fidélité à leurs prêtres et à leurs croyances.

Le 6 février, le sieur Ouroual lui-même se présenta au District de Landerneau et expose « que Marc Quéré, son bedeau, vient d'être expulsé par la Municipalité ; que le seul grief qu'on puisse avoir contre lui c'est son civisme à toute épreuve ; que ce bedeau est le seul citoyen de la paroisse qui veuille concourir journellement avec le Curé à l'exercice du culte conformiste, le seul qui se prête à lui répondre la messe ».

Sur cette plainte, le District, considérant que la Municipalité n'ayant pas prêté serment, tous ses actes étaient entachés de nullité, déclarait que la révocation du bedeau n'était pas valable.

Le 25 février 1792, le sieur Ouroual adresse de nouvelles plaintes au District : « Messieurs, malgré moi, je me vois forcé de dénoncer à votre tribunal :
« 1° M. Gougouil, curé de Mespaul, qui a pronalement dit qu'il ne connaissait pour légitime Evêque que M. La Marche, et pour recteur M. Le Bihan, ci-devant recteur de Plouvorn ;
2° MM. Bizien, Abgrall et Person, les honnêtes prêtres (aïunt) de cette paroissse ; malgré mes ordres ils continuent toujours à dire que toutes mes fonctions sont nulles, sacrilèges, que je ne suis qu'un damné et qu'un excommunié, ils ont fait des mariages et baptêmes sans les avoir rapportés (testimonio ipsorum) ;
3° Je vous dénonce aussi Jean Alain, mon hôte, que je ne puis pas passer sous silence, malgré la grâce que j'ai obtenue pour lui. C'est lui-même le fauteur de la sédition de ma paroisse ; demain il y aura huit jours, il fit aller sa femme accoucher sur la paroisse de Plouzévédé, district de Lesneven ; il y a fait aller depuis, quatre ou cinq autres femmes pour la même chose.

De plus, je vous dénonce deux écoliers qui viennent de quitter Saint-Pol ; ils sont pires que les démons ; l'un d'eux est de ce bourg, l'autre est du moulin de Troérin.

Je me repose sur votre prudence et votre zèle pour le maintien de l'ordre public » (Peyron, Documents pour servir…, II, p. 69-74).

A Plouvorn, la Municipalité n'était point favorable au culte conformiste.

Le 6 février 1793, en séance du District de Landerneau, se présente le sieur Ouroual, curé constitutionnel de Plouvorn, qui expose que « Marc Quéré, son bedeau est le seul citoyen de la paroisse qui veuille concourir journellement avec le Curé pour l'exercice du culte conformiste ; que la Municipalité a déclaré mettre à la place de Marc, Henri Quéré, ancien bedeau, qui fut précédemment cassé pour avoir refusé de remplir ses devoirs ;

Sur quoi délibérant, le District :

Vu la pétition sans date du citoyen Labbé par laquelle il dénonce la nouvelle Municipalité de Plourom comme insermentée et réfractaire à la loi ;

Considérant que les citoyens nommés pour former la nouvelle Municipalité ne sont pas fonctionnaires s'ils n'ont pas prêté le serment ;

Considérant que tout acte de la Municipalité est frappé de nullité si la Municipalité est insermentée ;

Arrête de faire maintenir provisoirement Marc Quéré comme bedeau, et fait défense à tout citoyen de le troubler dans l'exercice de ses fonctions.

Arrête, de plus, de communiquer à la Municipalité la pétition du citoyen Labbé et celle du citoyen Curé de Plouvorn, pour que la Municipalité ait à présenter le procès-verbal de sa prestation de serment » (Peyron, Documents pour servir…, II, p. 266-267).

Le Procureur de la commune de Plouvorn écrivait, le 5 avril 1793 : « Je viens de prendre Jean Le Saout, domestique de l'ancien Recteur, le chef de la révolte dans la paroisse, et je me suis emparé aussi de Marie Le Blaigne, sœur du Tiers-Ordre, qui, lundi dernier, fit le prône à la chapelle de Traonmeur et y recommanda comme mort le susdit Saout, avec De Profundis » (Peyron, Documents pour servir…, II, p. 281).

Le 27 juin 1793, le Curé constitutionnel de Plouvorn dénonçait ses voisins de Mespaul au District de Landerneau :

« J'ai prévenu les Municipaux de Mespaul de fermer cette église et celle de Sainte-Catherine. Malgré cet avertissement, ces deux églises supprimées sont ouvertes avant le jour et fermées pendant le jour. Dans ces deux églises se commettent beaucoup d'abus ; je sais qu'on y célèbre messes, baptêmes, sacrements, par les prêtres réfractaires » (Peyron, Documents pour servir…, II, p. 298).

Le 22 pluviôse an II (10 février 1794) la municipalité de Plouvorn se réunit et sous la présidence de Louis Edern, commissaire du canton, et décide que l'argenterie de l'église sera portée au district. Deux jours plus tard François Ouroual, Yves Eléouet, notable, et Salomon Févurier, orfèvre à Landerneau, présentent au directoire du district un extrait de procès-verbal de la municipalité de Plouvorn, les chargeant de faire le transport à Landerneau de l'argenterie de l'église (Archives de Plouvorn).

Le 7 Frimaire an III (27 novembre 1794) la municipalité reçut communication de la mort de Tanguy Jacob, vicaire de Saint-Pabu, Claude Chapelain, vicaire de Sizain et Marie Chapelain, sœur de Claude, guillotinés à Brest le 15 octobre précédent.

Le 11 Messidor an III (29 juin 1795) le district ordonne l'arrestation immédiate de quelques prêtres in sermentés :

« Ce jour, 11 Messidor l'an III de la République française une et indivisible, le citoyen Penguilly, procureur de la commune de Plouvorn, a déposé sur le bureau une lettre des administrateurs du district de Landerneau en date de ce jour, par laquelle ils ordonnent à la dite municipalité, sous la responsabilité collective et individuelle de ses membres, d'arrêter sur le champ et de faire conduire à Landerneau les nommés Le Bihan, Abgrall, Gougouil et Bizien, prêtres non assermentés, en vertu de l'arrêté des représentants du peuple, daté de Lorient le 9 Messidor.

Après lecture de la dite lettre, le citoyen procureur de la commune, a remontré qu'il était urgent de faire sur le champ une perquisition exacte dans les maisons et autres lieux pour parvenir à arrêter les dits prêtres, et les conduire aujourd'hui à Landerneau.

Sur la dite remontrance, la municipalité, le procureur de la commune et le secrétaire greffier sont partis ensemble, vers deux heures de relevée, pour arrêter les dits prêtres. Après avoir fait toutes les recherches possibles sans pouvoir les rencontrer, la dite municipalité, intruite que les dits prêtres avaient coutume de se réfugier dans la commune de Mespaul, s'est transportée dans la maison commune du dit Mespaul où elle a requis la municipalité de lui prêter aide et secours pour arrêter les dits prêtres, et sur cette réquisition, la municipalité de Mespaul s'est jointe à celle de Plouvorn ; mais après avoir fait une recherche exacte sur la commune du dit Mespaul, dans toutes les maisons et endroits soupçonnés de donner asile aux dits prêtres, la municipalité n'a pu les trouver, ni savoir où ils sont allés » (Archives de Plouvorn).

Nous soupçonnons fort les municipaux de Plouvorn de ne pas avoir mis un grand zèle dans leur recherche, d'autant plus qu'on ne voit pas figurer parmi eux, ce jour-là, le terrible Louis Edern, commissaire du gouvernement, qui terrorisait la commune.

Mais ce n'est pas sans surprise que, un mois après, on voit se présenter librement à la mairie de Plouvorn un des prêtres poursuivis, qui y fait la déclaration suivante : « DÉCLARATION DU CITOYEN PAUL ABGRALL, PRÊTRE CATHOLIQUE ROMAIN, RÉSIDANT SUR LA COMMUNE DE PLOUVORN, Les ennemis des ministres du culte catholique romain, ci-devant détenus ou cachés à raison de refus de serment, ne cessent de leur imputer d'être réfractaires à la loi, et d'insinuer qu'ils sont en révolte contre le gouvernement. Les dits ministres ne sont pas et n'ont point été réfractaires à la loi. Une loi a prescrit aux fonctionnaires publics de jurer la ci-devant Constitution civile du clergé ou d'abandonner leurs bénéfices. Ils n'ont point fait le serment, mais ils ont abandonné leurs bénéfices : ils ont donc obéi à la loi et ne sont pas réfractaires. Ils n'ont pas été, ils ne sont pas, ils ne seront jamais en révolte contre le gouvernement. Disciples d'un maître qui leur a dit que son royaume n'est pas de ce monde, ils sont par principe et état soumis au gouvernement civil de tous les pays qu'ils habitent. Lorsque Jésus-Christ a envoyé ses apôtres prêcher l'Evangile dans tout l'univers, ils les a envoyés dans les républiques, comme dans les monarchies ; et telle est l'excellence de cette religion toute divine, qu'elle s'adapte à toutes les formes de gouvernement. Dire que le culte catholique ne peut s'exercer dans les républiques comme dans les monarchies, c'est calomnier ce culte et ses ministres. Tels sont, tels ont toujours été les sentiments du citoyen Abgrall, prêtre catholique romain, qui déclare vouloir exercer les fonctions catholiques romaines sur la commune de Plouvorn et demande acte de sa déclaration ». Signé : P. ABGRALL, Prêtre catholique romain. (Archives de Plouvorn).

Cette démarche ranime les espérances de la population de Plouvorn qui veut croire à une pacification religieuse, et elle adresse aux représentants du peuple la pétition qu'on va lire : « Séance du 15 Fructidor an III (1er septembre 1795), tenue en la maison commune du canton de Plouvorn. Le citoyen maire ayant déclaré la séance ouverte, le citoyen René Penguilly, procureur de la commune, a déposé sur le bureau une pétition en date du 12 Thermidor dernier (30 juillet), faite et signée par le Général de la commune de Plouvorn, et adressée aux représentants du peuple près des ports et côtes de Brest, pour les prier d'accorder au citoyen Abgrall, prêtre catholique, apostolique et romain, le grand édifice ci-devant appelé l'église paroissiale de Plouvorn, pour y exercer les fonctions de son culte catholique, attendu qu'il est suivi dans l'exercice de son culte par plus de deux mille cinq cents individus, et de donner au citoyen Ouroual, ex-curé constitutionnel, un autre édifice ci-devant appelé l'église de Lambader, pour l'exercice de son culte, attendu qu'il n'est suivi que de cinquante individus. La dite pétition ayant été approuvée et signée par le conseil général de la commune ».

Cette pétition est importante, note M. le comte de Kerdrel (Semaine Religieuse de Quimper), car elle constate la proportion des habitants restés fidèles à leurs anciens prêtres, sans vouloir accepter le ministère du prêtre « jureur » Ouroual, qui semble avoir éprouvé quelqu'ennui en 1795 ; car il n'est plus reconnu officiellement par les agents du gouvernement ; il ne signe plus que « ex-curé constitutionnel » et il demande humblement, le 3 août, à la municipalité de Plouvorn le droit d'exercer son culte : « Aujourd'hui est comparu devant nous, officiers municipaux de Plouvorn, le citoyen Ouroual, ex-curé constitutionnel, lequel a déclaré vouloir résider sur le territoire de la commune, où il se propose d'exercer le culte catholique et a requis qu'il lui soit donné acte de sa soumission aux lois de la République, conformément à la loi du 11 Prairial de l'an III de la République ». Signé : « OUROUAL ».

***

Nous allons retrouver Ouroual dans une circonstance où il nous semble que les Plouvornéens se sont couverts de gloire. Il s'agissait, le 2 Pluviôse an IV (21 janvier 1796), de célébrer l'anniversaire de la mort de Louis XVI. Nous reproduisons, sans commentaires, le procès-verbal de la municipalité de Plouvorn :

« Le commissaire du Directoire entendu : l'administration municipale, conformément à l'ordre du Département, a célébré aujourd'hui solennellement la fête commémorative du dernier tyran de la France. Tous les fonctionnaires publics, les agents et salariés du gouvernement se sont rassemblés sous la présidence de Jean Auffret dans le temple de la Raison du chef-lieu de ce canton, excepté Jean Dol, adjoint, Hervé Péron, assesseur, Jean Montfort, Hervé Saliou, Alain Guiader fils et François Le Saout, aussi assesseurs, lesquels ne se sont point présentés. Et l'assemblée étant constituée, le commissaire a voué exécration et haine éternelle à la royauté et attachement inaltérable aux principes républicains, en criant plusieurs fois : Vive la République, vive la Convention nationale, et vive la Constitution française ! Après quoi, chaque membre s'est empressé de signer sa déclaration.

Ont signé le procès-verbal : Le citoyen Le Bars, commissaire du directoire exécutif ; le citoyen Ouroual, ministre catholique assermenté ; le citoyen Jean-Marie Bléas, greffier de la justice de paix.

D'autre part : Les citoyens Jean Auffret, président ; Louis Bourhis, Yves Jacq et Jean Morvan, agents municipaux ; Olivier Marc, Guillaume Kerbrat, adjoints ; Olivier Marc, juge de paix ; Laurent Plantec, François Tanguy, Yves Le Roux, Yves Madec, François André, François Combot et Guillaume Riou, assesseurs, et Jacob Rolland, secrétaire greffier de la municipalité, ont déclaré ne vouloir signer, attendu qu'ils n'ont pas connaissance si le dernier des rois de Francais ait mérité la mort ou non » (Archives de Plouvorn).

N'y avait-il pas un vrai courage à protester contre l'arrêté du gouvernement, quand un acte de résistance pouvait être un arrêt de mort, quand de pauvres paysans exposaient leur vie pour donner satisfaction à leur conscience ?

Les procès-verbaux retrouvés à la mairie de Plouvorn se continuent jusqu'à l'an VII (1798), mais deviennent de moins en moins intéressants ; le commissaire emploie la séance « à faire exécuter les lois, à maintenir le bon ordre, à veiller à la tranquillité publique… ».

Voici maintenant quelques extraits du rapport du commissaire particulier du canton de Plouvorn du 1er au 25 thermidor an VII (19 juillet - 12 août 1799).

Esprit public. — Il est douloureux pour moi de n'avoir que presque la même chose à dire relativement à l'esprit public du canton près lequel je suis placé, mais le devoir dont je suis investi m'empêche de me taire sur la conduite criminelle de presque tout le peuple de mon canton. Je dis la vérité, et la pure vérité, et la dirai toujours.

Le peuple de mon canton, excepté un petit nombre, suivant sa marche ordinaire, me semble être tout à fait fanatisé, et cela ne peut pas manquer, attendu, qu'il est toujours entouré de prêtres réfractaires qui, au nom d'un dieu de paix, ne cessent de lui prêcher la désobéissance aux lois ; quoique je fasse mon possible pour les atteindre, je ne puis pas y parvenir, parce qu'on leur donne asile, et on les cache si bien qu'il est presque impossible de les découvrir. Les premiers de mon canton, ainsi que les autorités constituées, et principalement le juge de paix, me semble, tiennent cette conduite à l'égard de ces êtres sanguinaires, de ces perturbateurs de repos public.

2. Police Générale. — La police générale est inconnue dans mon canton. Inutilement je me donne de la peine pour donner connaissance des lois, et principalement de la loi du 10 vendemiaire an IV. Les prêtres réfractaires, suivant le bruit commun exercent toujours dans les maisons particulières, et dans les granches ; même, dit-on le jour ainsi que la nuit presque tout le monde court après ces apôtres révoltés que l'on vénère comme des divinités. Il me semble que les autorités constituées les autorisent et surtout le juge de paix, malgré toutes les remontrances, et réquisitoire que je leur ai faites de surveiller de tels monstres.

3. Police des cultes. — Quoique je fasse tout mon possible pour prévenir les abus à l'occasion des cultes, je pense que la police n'est pas du tout observée à l'égard des prêtres réfractaires il me semble que ces individus sont autorisés à mépriser toutes les lois, et ne cessent de prêcher la morale républicaine.

4. Fêtes nationales et décadaires. — Les fêtes nationales et décadaires sont observées avec les bons citoyens de mon canton.

5. Force armée pour la sûreté publique. — Je fais tous mes efforts pour seconder la colonne mobile quand elle arrive dans mon canton, je ne manque pas de lui donner tous les renseignements parvenus à ma connaissance, mais les autorités constituées ne secondent pas nos braves militaires chargés de la répression des délits, ce qui est cause que je n'ai pas la satisfaction d'arrêter les abus criminels des prêtres réfractaires malgré toutes mes sollicitudes précautions (Arch. départ. 10 L 122).

 

***

A ce tableau de l'histoire religieuse de la révolution à Plouvorn ajoutons quelques détails d'ordre économique.
A partir de 1792 les administrateurs du district réclament à la municipalité du bois de chauffage, des bois de construction pour le port de Brest, des bœufs ou à leur défaut « des vaches grasses ». Le 8 messidor an II (26 juin 1794), ils demandent soixante-quatorze quintaux de froment, dix quintaux de seigle, huit quintaux d'orge, cinq de méteil, huit de blé noir, dix d'avoine... Les landes et les bruyères doivent être réduites en cendres pour les lessives de la République. Les toiles et les fils ne pourront être vendus sans l'autorisation des administrateurs. La misère est grande dans les campagnes, et la municipalité fait entendre les plaintes des populations rurales. N'importe ! quand les réquisitions se font attendre, la milice s'installe dans le village aux frais de la commune, jusqu'à ce que le district ait reçu satisfaction. (Semaine Religieuse de Quimper, 1901, p. 776-777).

 

ETATS DE SERVICES D'OLLIVIER YVEN DE PLOUVORN.

« Nous, soussigné Maire de la commune de Plonvorn, certifions que les nommés Jean Thépot âgé de soixante-quinze ans, demeurant à Créachgourlès-Huéla en notre commune et Ollivier Marc âgé de soixante-seize ans demeurant à Nénouin en la commune de Plougourvest, tous deux cultivateurs et cousins germains, nés et élevés audit Créachgourlès-Huéla, nous ont déclaré qu'il est à leur parfaite connaissance que le sieur 0llivier Yven, ex-élève en théologie à l'ancien séminaire de Saint-Pol-de-Léon, déposa chez leurs pères et mères, au commencement de la révolution française les vases sacrés et les ornements pontificaux de Mgr de La Marche, dernier évêque résidant du Léon. L'antique clochette de saint Pol, premier évêque et premier patron de Léon, faisait partie de ce précieux dépôt qui avait été confié au sieur Yven par les dames de la maison de la Retraite de Léon. Il fut conservé intact et sans détérioration par les soins des pères et mères des déclarants et remis, après la tourmente révolutionnaire, à qui de droit. Les deux familles Marc et Thépot se sont toujours fait remarquer dans notre commune par la pureté leurs mœurs et leur grande charité, et y jouissent de l'estime et de la considération publiques. Nous ne pouvons qu'ajouter foi pleine et entière à leurs déclarations.

Le sieur Yven que nous avons bien connu a rendu les plus grands services dans notre commune. Zélé défenseur des intérêts de la fabrique, il contribua par les voies légales, sans suggestions, ni captations, à en augmenter les revenus. Instituteur éclairé et dévoué, il a formé un grand nombre de très bons élèves, dont plusieurs ont été promus à la dignité du sacerdoce. Le sieur Yven ne reçut jamais de traitements comme instituteur et admettait au nombre de ses élèves plusieurs indigents.

Cet homme de bien veuf, en mil huit cent dix-huit, de Marie Guillamette Autret, est mort bien regretté en mil huit cent trente et un ; après trente sept ans de service comme instituteur et secrétaire de mairie, ne laissant à six enfants ni fortune ni aucune espèce de dettes.

En foi de quoi et à la demande de Jean-Allain-Marie Yven son fils aimé, nous avons délivré le présent pour servir à ce que de raison.

En mairie à Plouvorn le 14 août 1859 ».

Suivent les signatures de MM. Jean Couloigner, maire, et Hellard, recteur de Plouvorn (Archives de l'évêché).

L'un des arrière-petits-fils de Jean Thépot, âgé de 76 ans et demeurant à Plouvorn, tient de tradition orale l'épisode de la cachette à Créachgourlès des ornements de Mgr de La Marche : « Une fois la tourmente révolutionnaire finie, raconte-t-il, on étala aux yeux de tous les vêtements dorés et argentés qui brillèrent au soleil. » (Communication de Mlle Césarine Harnay).

 

APPENDICE.

DIGUEMER INTRU PLOUVORN AR VEACH QUENTA (Var don : Du haut en bas).

Holla, holla, - Mear, procureur ac intru, - Choumit a za - N'oumpt ket petra zo oc'h o talla. - Ma na guirit chench a santimant,- O pezo leac'h da gaout nêc'hamant, - Choumit a za.

***

Holla, holla, - Pe leac'h e cassit-u oc'h intru, - Choumit a za - Ar plaç-ma ne guet evintâ, - Ne de nemet dar gatholiquet, - A non pas dec'hu schismatiquet, - Choumit a za.

***

Holla, holla, - Ma, zit-u gant an ornamanchou, - Choumit a za. - Oll o pedomp do divisca, - James ne lezomp an intruet - Da zisapouilla or pastoret, - Choumit a za.

***

Holla, holla, - Perac e tuit da gaout all lutrin, - Choumit a za. - Na songit quet cantic cana, - Rac James bleizi national - Ne bermettomp aze da ïudal, - Choumit a za.

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(An intru spontet)

Tranquilité, - Va breudeur a c’hui va c’hoarezet, - Tranquilité. - Me a barti var quement- se, - Nan biquen mui me ne duin er vro, - Me a soufro quentoc’h ar maro, - Tranquilité.

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(Ar barressionis)

Tec’hit eta, - It, it da gaout o tudou fidel, - Tec’hit eta. - O ped memor eus an dra mâ, - Na vezit quet ta quen touellet - Da glasq ur maro quen diremet, - Tec’hit eta.

(H. Pérennès).

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