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PLOURIN DURANT LA RÉVOLUTION

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Conformément à la loi du 4 mars 1790, les électeurs de Plourin ne tardèrent pas à voter pour le choix d'une municipalité. L'élection eut lieu dans la chapelle Sainte-Anne, et Yves Laîné, de Kerrener, fut nommé maire.

Au moment où s'ouvre la Révolution, Plourin était sous la direction spirituelle de M. de Kersauson, assisté dans son ministère par M. Laîné, curé, et par quatre prêtres habitués : René, Prigent, né à Plourin en 1747, Jean Morel, né à Landunvez en 1754, ancien chanoine de Saint-Charles en Plourin, Olivier Quéré et Yves Kerboul. Kersauson, Laîné, Quéré et Kerboul refusèrent le serment à la constitution civile du clergé. Prigent et Morel eurent la faiblesse de prêter ce serment. Tous deux devinrent curés constitutionnels, le premier de Lanrivoaré, le second de Ploumoguer.

JEAN BRANELLEC, CURÉ CONSTITUTIONNEL.
Né en 1743 à Saint-Frégant, trève de Guissény, et vicaire de sa paroisse natale, Jean Branellec prêta le serment schismatique et fut nommé, le 13 mars 1791, curé constitutionnel de Plourin, que M. de Kersauson venait de quitter [Note : M. Branellec avait un frère du nom de Jean-Marie, qui refusa le serment comme curé du Minihy-Saint-Pol-de-Léon, et fut guillotiné à Brest le 17 avril 1794].

Diverses tribulations l'attendaient en cette paroisse fort attachée à ses sentiments de foi catholique, et il dut en souffrir vivement, lui qui, d'après la tradition, avait bon cœur et se gardait d'indiquer la retraite des prêtres cachés, à leurs persécuteurs.

Le 18 septembre 1791, jour du pardon de la chapelle de Lochrist, au cours d'une procession, il se vit assailli à coups de pierres, ainsi que ceux qui le suivaient. Il en réfère le jour suivant au district de Brest par la lettre suivante :

« Plourin, le 19 septembre 1791. Messieurs,
Pour suivre l'usage annuel, et me prêter aux désirs des bons citoyens de ma paroisse, je me suis transporté en procession, avec les reliques, étendarts et croix levées pour chanter la Grand'Messe en la chapelle de Loc-Christ. Rendu au moment des Vêpres, il s'est élevé un tumulte populaire qui nous a forcé à abréger les Vêpres et à faire manquer le sermon que l'on devoit y prêcher. Nous avons vu le moment où nous devenions la proie de la populace au milieu d'un temple et de l'office divin. Le peuple qui étoit à l'église voyant voltiger les pierres, a voulu fermer les portes, pour pouvoir finir les Vêpres. L'acharnement augmentait toujours. Nous nous sommes empressés de nous retirer, et malgré les vexilles de Jésus-Christ nous n'avons pu sortir qu'au travers d'une nuée de pierre. Heureusement nous en sommes sorti sans subir le sort d'un saint Sébastien, mais non sans recevoir des coups. Pour les insultes je sais les passer pour rien, mais les menaces continuelles qui me parviennent par des oui dire ne peuvent me laisser dans une assiette tranquille. La nuit s'est passée sans que j'aye été attaqué, mais ce matin on a commencé par lapider mes portes. Vous voyez, Messieurs, l'état triste où je me trouve, et les dangers que je cours. M'étant tout dévoué à la Nation, c'est le secours de la Nation que je dois implorer, et que j'implore. Je crois qu'en mulctant les mutins à leurs frais, sans toucher aux vrais patriotes, ce seroit le vrai moyen de les réduire. Vous connoissez, Messieurs, la population de ma paroisse, et probablement sa grande étendue, je connois aussi le civisme des généreux brestois pour me flatter de recevoir du secours. Il seroit à désirer qu'il fut prompt et fort ; par ce moyen on réduirait plutôt la paroisse. Il seroit peut être inutile de vous citer des témoins puisque le fait s'est passé dans un grand pardon, mais malgré cela je vous cite les soussignés, Louis l'escope de Brest qui a fait valoir son patriotisme en cette occasion, et beaucoup d'autres qui sont dans le cas de donner leur témoignage.

Messieurs, si on ne m'avoit manqué que comme à un particulier, j'aurois passé le tout sous silence, mais comme je me trouvois en fonction publique, je me crois obligé, suivant les décrêts qui protège ma religion seulement, de faire part à l'Administration pour obtenir justice. Les chefs de cette émeute qui a éclaté, jusque dans le temple, sont les fils de Corolleur de Kuzaouen, le fils de Jean Lanuzel. Je vous prie, Messieurs, de m'honorer d'un mot de réponse par le porteur de la présente, et suis en attendant avec un respectueux attachement Messieurs,

Votre très humble et très obt Str Branellec curé de Plourin. Morel curé de P'loumoguer. Guéguen. François Léaustic maire de Plourin. Pondaven premier officier municipal. F. J. Léver.

P. S. — Je viens d'apprendre, Messieurs, par voye indirecte, qu'il doit se passer une pareille scene dimanche prochain en l'église paroissiale de Plourin. Je vous prie d'accélérer le secours que j'attends de vous, ou je me vois la proye d'une populace effrenée. Branellec curé de Plourin » (Arch. dép., 21, L. 25).

Le 22 septembre, le Département donna l'ordre d'arrêter les fils Corolleur, de Kergadiou et le fils de Jean Lanuzel. Des commissaires furent envoyés à Brest pour rétablir l'ordre et faire une enquête. Voici leur rapport du 26 septembre :

« 24, 25 et 26 septembre 1791.
Nous Commissaires nommés par MM. les Administrateurs composant le Directoire du District de Brest à l'effet d'informer des faits relatifs à l'émeute populaire survenue le dix-huit de ce mois dans la chapelle de Loc-Christ paroisse de Plourin ; nous étant réunis au bourg de Plourin ce jour vingt-quatre septembre, mil sept cent quatre-vingt-onze, environ midy, presqu'aussitôt l'arrivée des détachements de troupes venues de Brest au dit lieu pour y tenir garnison et y rétablir l'ordre, nous nous sommes transportés au presbytère où nous avons trouvé MM. Branellec Curé et François Léostic, Maire de la ditte Paroisse auxquels ayant déclaré le sujet de notre commission, M. le Maire s'est empressé de former l'état du logement de la troupe et de faire délivrer les billets, et comme il ne nous a point été possible de procéder dans la dite journée à aucune information, nous nous sommes borné à requérir l'arrêtement du nommé Yves Lannuzel et pour satisfaire à cette réquisition le commandant des troupes a fait partir deux dragons de la Garde Nationale pour se rendre à la demeure de ce particulier.

M. le Maire nous ayant observé qu'il ne pouvait seul parvenir à maintenir l'ordre et l'observation des lois dans sa paroisse, que les officiers municipaux et notables ne s'empressoient point à seconder son zèle et ne se trouvoient que rarement aux délibérations de la commune ; nous lui avons recommandé de faire assembler le Conseil Général demain à l'issue des vêpres pour lui donner connaissance de notre mission et l'engager à nous donner les instructions et renseignements nécessaires pour découvrir les auteurs du trouble et les causes qui y ont donné lieu, ce qu'il a promis de faire.

A huit heures du matin de ce jour vingt-cinq septembre mil sept cent-quatre-vingt-onze la Garde a conduit devant nous un enfant vêtu en mendiant qui nous a dit se nommer Yves Lannuzel, âgé d'environ douze ans, fils de Jean et de Marie Laé, arrêté dans la nuit au village de Kergogan, paroisse de Ploudalmézeau, et sur les différentes questions et demandes que nous lui avons faites relativement à l'émeute arrivée à Loc-Christ, il nous a répondu qu'il est vrai qu'on a jeté des pierres au curé de Plourin lorsqu'il entrait dans l'église étant dans ses fonctions ; mais qu'il n'en a point jetté, quoiqu'il y ait été invité par Hervé Coroller, lequel en a jetté plusieurs, en engageant Yves Le Vaillant de Porspoder, le fils de Marie Vincent, et trois autres enfants de Lanrivoaré à l'imiter, qu'après la sortie de la procession il vit le dit Hervé Coroner la suivre jusqu'à Pen-An-Prat prenant des poignées de pierre et les jettant à la volée à la procession, que le dit Vaillant en jettoit également et avoit atteint le nommé lescop à la tête ; mais qu'il a remarqué que Maurice et Jacques Coroller, frère du dit Hervé, avoient toujours resté tranquille et n'avoient point voulu imiter leur frère.

Nous a de plus déclaré qu'avant cette époque lorsqu'il alloit mendier à Keryzavoen dans cette paroisse Hervé Coroller et ses quatre sœurs lui recommandaient de jetter des pierres au nouveau Curé par tout où ils le trouveraient, qu'ils faisaient les mêmes recommandations au dit le Vaillant parce qu'ils étoient dépositaires des biens du cy devant recteur et qu'ils ne pouvoient souffrir le nouveau.

Telles sont les réponses du dit Yves Lannuzel qu'il affirme sincère et véritable et a déclaré ne savoir signer de ce interpellé.

La jeunese du dit Lannuzel, son ingénuité, et l'état de misère dans lequel il se trouve nous a déterminé à lui faire rendre sa liberté en lui recommandant de ne jamais suivre les conseils perfides de ceux qui voudroient l'engager à mal faire.

Le même jour nous avons assisté à la grand'-messe célébrée par le nouveau curé, il ne s'y est trouvé qu'environ soixante personnes de la paroisse de l'un et de l'autre sexe et nous avons appris par le maire et par le sieur Guéguen que d'ordinaire il ne s'en présente point autant par ce que les paroissiens sont pour la plupart persuadés par les prêtres non assermentés que les messes des nouveaux curés ne valent rien, c'est ce qui leur fait préférer d'assister aux messes des autres prêtres ; ils nous ont observé que le sieur Lainé, prêtre non assermenté, ayant célébré aujourd'huy la messe matinale dans cette paroisse l'église s'est trouvée pleine d'assistants.

Après les vêpres auxquelles il s'est encore moins trouvé de paroissiens, nous nous sommes rendus à la Chambre de délibération, où nous avons trouvé le Conseil général assemblé en vertu de la convocation faite par le maire ; lui ayant donné lecture des arrêtés des Directoires de département et de districts dont nous sommes porteurs, les membres du Conseil prenant en considération les représentations que nous avons cru devoir leur faire, se sont empressés de manifester sur la délibération dont ils nous ont remis copie, leur intention de se conformer aux lois et de mettre tout en usage pour rétablir et conserver la paix et l'union dans leur paroisse et avec leurs voisins, mais n'ayant pu nous donner des instructions positives pour connaître les auteurs et complices de l'émeute populaire arrivée à Loc-Christ, ils se sont engagés à faire des informations pour nous procurer les moyens de faire poursuivre les coupables.

Le lendemain vingt-six septembre mil sept cent quatre-vingt-onze, environ les huit heures du matin, nous étant rendus dans la Chambre de délibération, nous y avons trouvé le maire, les officiers municipaux et notables.

M. le Maire nous a dit qu'il n'a pu être informé positivement des troubles, mais qu'il est à sa connaissance que plusieurs particuliers qu'il ne connoit point ont jetté, des pierres dans et contre la porte do l'église de Loc-Christ pendant les vêpres auxquelles il assistoit, que le sieur Guéguen, François Pondaven, François Le Ven et Servais Andres et Michel Lalouco et Michel Richard étoient également dans l'église pendant vêpres et peuvent rendre le même témoignage.

Les autres officiers municipaux et notables nous ont déclaré que, malgré les informations qu'ils ont faites, ils n'ont pu apprendre les noms des coupables, mais qu'ils continueront leurs démarches, affin de les connaître et de donner les noms des témoins qui peuvent déposer sur les faits relatifs à l'émeute dont est cas, qu'ils auront soin d'adresser le résultat de leurs informations à M. le Procureur syndic du district de Brest et ont signé après lecture, ainsi signé : François Léaustic, maire de Plourin, Yves Lainez, procureur de la commune, F. Pondaven, premier municipal, François Kerboul, Yves Trébaol, Yves Pellen, Yves Perrot, Yves Calvarin, Prigent Lilès, Jean-Marie Le Gentil, Jean Léaustic.

N'ayant pu nous procurer d'autres éclaircissements sur les causes de l'émeute populaire arrivée à Loc-Christ, ni connaître plus particulièrement les auteurs et complices de cette émeute malgré les différentes informations que nous avons faites dans le bourg et aux environs, nous avons clos et arrêté notre présent rapport et attestons que les Gardes nationales, les troupes de ligne et de la marine se sont comportés en bonne police et discipline avec la plus grande soumission aux ordres de leurs chefs respectifs à la satisfaction des habitants.

Fait sous nos seings les dits jour et an, les mois, ainsi signé : 0.-M. Mével, Le Hir, Grimaud, Le Bronsort » (Arch. dép., 21, L. 25).

Le 28 septembre, Brichet, accusateur public au tribunal du district, demande aux juges qu'il lui soit décerné acte de son accusation contre les Corolleur et Lannuzel, et qu'il soit reçu à prendre des informations en cette affaire tant par témoins qu'autrement même par monitoires.

L'affaire se termina brusquement le lendemain. Voici ce que nous lisons en effet au bas de la lettre de Brichet au district : « Vu la présente accusation, les pièces jointes servant de dénonciation : Je requiers, pour le Roi, l'exécution de la loi du quinze de ce mois [Note : Par cette loi, l'Assemblée Constitutante avait décrété une amnistie générale]. En conséquence, les nommés Hervé, Jacques, Maurice Corolleur et Yves Lanuzel soient renvoyés d'accusation ; que les trois Corolleur, détenus provisoirement au château de cette ville, d'autorité du directoire de l'administration départementale du Finistère, soient, dans le plus court délai possible, mis en liberté... A Brest, le 29 septembre 1791 ». Signé : « GUESNET ».

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Les fidèles de Plourin faisaient administrer les derniers sacrements à leurs malades par les prêtres insermentés cachés dans la paroisse, et l'on voit de temps à autre présenter à M. Branellec des cadavres à inhumer, sans que jamais il eût été avisé de la maladie, ni de la mort de ceux qu'à la clôture du cimetière on lui demande d'enterrer.

Voici quelques actes de décès signés par le recteur intrus et qui soulignent de traits assez curieux cette bien triste époque. « Le 12 avril 1792 on m'a présenté, à 9 h. 1/4, une châsse dans laquelle on m'a dit qu'était enchâssée Françoise Le Vaillant, femme de Pierre Floch, morte, m'a-t-on dit, le 2 du présent mois. J'ai en conséquence fait les funérailles selon le rituel romain. On m'a dit qu'elle est morte à Kérougant, sur la paroisse de Plourin, ce qu'attestent Jean Vaillant, Jean Cadour, Laurent Le Vaillant et autres...

Le corps de Marguerite Omnès, âgée de 42 ans, morte à Kerganaben, a été aussi présenté au cimetière par Claude Guillimin, son époux, et autres, qui attestent que le corps désigné s'y trouve. Néanmoins, pour être sûr de la chose, le recteur fait ouvrir la châsse.

A l'enterrement de Jean Foll, de Kerganaben, il n'y avait que le bedeau, Jean Lucas, et moi. En foi de quoi je signe : Jean-Marie Branellec, curé constitutionnel ».

Nommé curé de Saint-Frégant, le 30 décembre 1792, M. Branellec ne tarda pas à quitter Plourin. Le 1er janvier de l'année suivante, il demande à la mairie d'attester qu'il avait résidé dans la paroisse les trois derniers mois. Ce pauvre homme mourut à Saint-Frégant, le 12 mai 1797.

(H. Pérennès).

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