Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

Prieuré de LOCHRIST-AN-IZELVET

  Retour page d'accueil        Retour page Plounévez-Lochrist  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

ETAT ACTUEL

Le village, ou comme on dit encore dans le pays, le bourg de Lochrist-an-Izelvet (Note : Lochrist signifie : sanctuaire dédié au Christ. Le préfixe Loc (locus), signifie parfois demeure, village ; il est alors synonyme de ker mais ici il a le sens de sanctuaire, signification qui se retrouve dans une foule de noms de paroisses, Loctudy, Locquirec, etc. Izelvet, Izel-Vez ou Izel-Guez signifie : les arbres bas. Cette dénomination s’explique par ce fait que Lochrist se trouve à proximité de la mer, en un endroit où le vent du large gêne la croissance des arbres et ne leur permet pas de s’élever bien haut), s’élève dans un site charmant à environ 2 kilomètres au Nord-Ouest de Plounévez-Lochrist, grande commune du haut-Léon. 

Prieuré de Lochrist-an-Izelvet - Finistère (Bretagne)

Les maisons, en grosses pierre de taille, se groupent à proximité d’un sanctuaire et laissent voir de vieilles pierres sculptées que l’on s’étonne de rencontrer en ce lieu. 

A flanc de coteau, sur une plate-forme en partie construite de main d’homme, s’élève la chapelle de Lochrist qui, à première vue, ne présente rien de particulier, mais dont l’antique clocher, mi-gothique, mi-roman, se dresse, vrai sphinx, et pose aux archéologues l’énigme indéchiffrable de son âge. 

En contre-bas de la chapelle, un vieux moulin fait retentir le vallon de son clair bruit d’eau. On y descend par un escalier en pierre d’une vingtaine de marches. Un étang placé en bordure de la route, mire le vieux clocher qui là-haut parait plus court et plus trapu. 

Le paysage, à l’entour, est solitaire. En amont, les arêtes chauves des collines ferment le vallon ; au nord, s’étendent de grasses prairies d’un vert foncé, et, serpentant et babillard, un clair ruisseau dévale vers la mer dont le bleu profond se voit à travers une échancrure.

Arrêtons-nous devant la chapelle et examinons ces vieilles pierres témoins de l’antique splendeur du prieuré de Lochrist-an-Izelvet. 

L’antique clocher, chanté par Brizeux, attire d’abord l’attention par son caractère très ancien, ses proportions massives et écrasées, ses chapiteaux ou arcades avec des enroulements et des frettes d’un goût barbare. 

Prieuré de Lochrist-an-Izelvet - Finistère (Bretagne)

« Ce clocher est le monument le plus étrange qui existe dans la région, et qu’il faut regarder avec les yeux de l’archéologue, car c’est une énigme presque impossible à déchiffrer. 

Nous avons encore dans le pays, deux vieux clochers. romans : Kernitron et Loc-Maria de Quimper ; mais ils sont caractérises par leurs larges bases percées de petites baies romanes et recouvertes de lourdes toitures en ardoises. A Lochrist, la base repose sur quatre arcades en ogive ; il est vrai que ces arcades, malgré leur forme, peuvent être absolument romanes, et nous en trouvons de semblables à la Coûture du Mans, à la cathédrale de Laval et même à Kernitron. De plus, tous les autres détails sont romans : les tailloirs ou abaques des piles avec les enroulements, chevrons et losanges qui y sont gravés, les cordons qui divisent la base en trois étages superposés, les contreforts à peine saillants qui accentuent les angles, les baies géminées qui ajourent la chambre des cloches. 

La flèche elle-même, courte et trapue, pourrait bien être attribuée au XIIème siècle, si elle ne présentait sur ses huit pans, des lucarnes dans le genre des clochers du XIIIème et du XIVème siècles, et quelques autres ouvertures d’un dessin absolument gothique. 

Ce clocher vénérable est comme l’objet d’un culte de la part des gens du pays et ils l’ont associé dans une sorte de demi-superstition, au clocher de Loc-Maria en Plabennec ». 

C’est ce que Brizeux décrit dans son poème des Bretons, en parlant d’un coup de foudre qui frappa la flèche de Lochrist. 

"Oui, malheur à Loc-Christ, disent les gens, malheur A vous Loc-Maria ! Loc-maria sa sœur ! Car un lien secret unit vos deux chapelles, Saintes également et toutes les deux belles ; Beaux clochers de Lochrist et de Loc-Maria, Toujours en même temps, le ciel vous foudroya ! ..." (Chanoine Abgrall). 

Le clocher fut de nouveau frappé par la foudre en 1909 ; le fluide démolit le sommet de la tour et, creusant des lézardes, descendit dans la chapelle où il souleva les dalles sous lesquelles dorment tant de religieux et de grands seigneurs. Les dégâts furent réparés et le clocher muni d’un paratonnerre qui, espérons-le, préservera désormais de la foudre, ce curieux représentant de l’art de nos ancêtres. Nous n’avons pas su qu’à la même époque le clocher de Loc-Maria, comme le veut la légende, ait subi le sort de son frère de Lochrist. 

Dans l’arcade ogivale qui surmonte les portes accouplées sous le clocher, on remarque un curieux tympan assez finement sculpté dans la pierre. Il se compose de trois panneaux. Celui du milieu représente le Christ sur la croix ; il est nu, les reins entourés d’un linge en ceinture dont les extrémités pendent de chaque côté, il a une couronne d’épines sur la tête, et, détail caractéristique, ses jambes sont croisées l’une sur l'autre. 

Les deux panneaux latéraux représentent des anges agenouillés, soutenant des écussons où sont représentés en relief les instruments de la passion. Celui de gauche porte l’éponge, la lance traversant la couronne, le fouet à manche court et à longue lanière enroulée et enfin le marteau.  

L’écusson de droite porte une croix cantonnée : au premier des tenailles et des clous ; au deuxième un marteau entre deux clous ; au troisième un clou terminé en flèche et suspendu à la branche de la croix ; au quatrième un clou de même forme également suspendu. 

A l’intérieur de la chapelle, des dalles armoriées usées par les pieds de milliers de pèlerins attirent d’abord les regards. 

« Près du choeur est une tombe plate extrêmement curieuse. On y voit la figure gravée en creux d’un chevalier du XIIIème siècle, armé de pied en cap. Il a sur la tête un casque, le casque informe et à sommet plat de l’époque. Quelques petits trous indiquent seulement la visière. Par dessus son armure, ce chevalier porte une cotte d’armes ouverte par devant ; et sur sa poitrine est placé un grand écu au centre duquel est grossièrement représenté un lion. 

Le bout de son épée passe sous le côté gauche de l’écu : sa lance est à côté de lui et il a des éperons en mollettes, tels qu’on les portait au XIIIème siècle. 

Dans cette figure du dessin le plus barbare, l’artiste n’a tracé que les contours et n’a figuré aucun détail. Tout autour de la tombe est une inscription latine en lettres capitales gothiques. Elle est tellement mutilée qu’il est impossible de la déchiffrer en entier. On y peut lire le principal c’est-à-dire le nom du chevalier et la date de sa mort : c’est Alain de Kermavan dit Pierre le Brave ; mort le jour de la Sainte Agathe le 5 février de l’an 1212 » (Fréminville : Antiquités du Finistère. Cette pierre tombale est mentionnée dans l’ouvrage Voyage pittoresque dans l’ancienne France, par Taylor ; elle a été décrite par Nodier et Cailleux Bretagne 1846 tome II). 

M. Pol de Courcy relève cette inscription comme suit : Hic Jacet Alanus de Villamavan, m.... dic festi bea ... anno dni MCCLIII. Requiescat in pace (Fréminville et Pol de Courcy ne s’accordent pas sur la date. L’usure de cette inscription ne permet guère de prendre parti entre les deux archéologues). 

Une croix pattée, semblable à celle que les templiers portaient sur leurs manteaux, figure dans l’inscription. Fréminville prétend que le prieuré de Lochrist aurait appartenu aux chevaliers du Temple, et émet l’hypothèse qu'Alain de Kermavan pouvait faire partie de cet ordre. 

Nous croyons savoir que Lochrist n’a jamais appartenu aux templiers ; il est probable que la croix remarquée par Fréminville est un simple signe séparant les deux parties de l’épitaphe. 

Auprès de cette pierre tombale sont d’autres dalles ; quelques-unes portent les armes de la maison de Kergournadec’h « déchiqueté d’or et de gueules »

D’autres, portent des armoiries à écussons d’une forme bizarre, qui, d’après M. Jourdan de la Passardière, devaient faire partie d’un ensemble quadrilobé ; deux sont du reste accolés, et d’autres semblent s’adapter pour faire l’autre moitié. Ces dalles, assez nombreuses, ne seraient-elles pas les tombes des religieux et les écussons ne représentent-ils pas les armoiries de l’abbaye primitive ? C’est une question qu’il ne m’appartient pas de résoudre. 

Les murs de la chapelle sont blanchis à la chaux et laissent déborder de nombreux écussons qu’un empâtement de mortier rend presque illisibles. Ce sont les écussons des seigneurs prééminenciers qui, lors de la reconstruction de la chapelle furent, ainsi que le stipulent divers actes de l’époque, placés en évidence dans la nouvelle construction. 

Peu de sculptures dans cette chapelle ; l'autel en bois, est surmonté d’un retable à colonnes nues, et d’une verrière ronde. A gauche, un Christ nu, aux cheveux longs retombant sur les épaules, est assis sur un bloc de pierre ; il a les mains et les jambes liées par de grosses cordes. A droite, une vierge habillée comme les anciennes abbesses contemple le corps de son fils étendu sur ses genoux. Un saint Jean en robe ; une vierge couronnée tenant une fleur dans la main droite et portant sur son bras gauche l’enfant Jésus caressant une colombe ; un grand christ en croix avec, comme ex-veto des béquilles, c'est tout comme ornement. 

En 1830, l’église renfermait une de ces anciennes cuves de pierre qui dans les premiers temps du christianisme servait aux baptêmes par immersion. Cette cuve provenait indubitablement de l’église primitive bâtie en ce lieu par Fragan. Elle était entièrement circulaire et ornée en dehors, dans son contour, d’arcades grossièrement sculptées. Nous ne savons ce qu’est devenue cette cuve. 

A l’angle Nord-Est de la chapelle se trouve un sarcophage en granit. « Il indique assez vaguement, dans son contour, une forme humaine enveloppée d’un linceul. Le cercueil est creusé d’environ 26 centimètres et percé à 75 centimètres des pieds d’un trou circulaire destiné à l’écoulement des sérosités provenant des entrailles, les parties musculaires se conservant ainsi avec les ossements en produisant une sorte de momification du cadavre » (Chanoine Abgrall). Les habitants prennent ce sarcophage pour la piscine dans laquelle autrefois on immergeait les malades. Nous avons cependant la certitude que là n’a jamais été la destination de ce bloc de granit.  

Prieuré de Lochrist-an-Izelvet - Finistère (Bretagne)

Fréminville nous apprend qu’il visita Lochrist vers 1830 et qu’il y arriva au moment où des ouvriers en creusant une fosse dans le cimetière, y découvraient deux cercueils très anciens. Dans la description qu’il fait de l’un d’eux, on reconnaît le sarcophage mentionné plus haut. 

« Le second, écrit-il, était d’une forme moins ancienne. Il était couvert d’une pierre plate qui ne portait aucune inscription.  On y voyait seulement, gravé dans son milieu, l’écusson blasonné de la maison de Kergournadec’h. 

Cette pierre ayant été levée, on trouva dans le cercueil un coeur de plomb. Ce coeur ayant été ouvert à son tour, laissa voir un coeur humain embaumé et enveloppé dans du coton imbibé d’une liqueur aromatique et spiritueuse, d’une odeur fort agréable. 

Ce coeur qui me fut présenté, était encore aussi frais que s’il venait d’être extrait du corps qu’il animait. Mais, à peine eût-il été exposé à l’air qu’il se flétrit et se dessécha ; M. de Keranguéven, recteur de Plounévez-Lochrist, le conserve encore chez lui »

Il serait intéressant de savoir à quelle époque appartiennent ces deux cercueils. 

Au moyen-âge, les cercueils de pierre étaient réservés aux personnes d’un certain rang. Les gens du peuple étaient inhumés plus simplement. 

Dans une étude sur les cercueils de pierre dans le Morbihan (Les cercueils en pierre du Morbihan par l’abbé Euzenot), l'abbé Euzenot nous apprend qu’un emboîtement, une entaille, une petite cellule évidée dans la pierre, pour loger la tête du mort distinguent nettement les cercueils et permettent de classer ces derniers parmi ceux de l’époque carlovingienne. Cet emboîtement caractéristique se remarque sur le sarcophage de Lochrist. Si le classement fait par l’abbé Euzenot est exact, il appartiendrait donc à l’époque carlovingienne. 

Quant au second sarcophage décrit par le Chevalier de Fréminville, je n’ai pu savoir ce qu’il est devenu. Sans doute doit-il servir d’auge dans quelque ferme. 

Cependant d’après la description faite par Fréminville on peut affirmer qu’il datait de la fin du XIIIème siècle ou du commencement du XIVème. 

A cette époque les grands seigneurs étaient encore déposés dans des cercueils de pierre, mais le corps était entouré d’une enveloppe de plomb. Au temps de Charles V seulement, le bois ou le plomb remplacèrent absolument la pierre, même dans les sépultures de luxe (Abbé Euzenot, loc. cit. page 202). 

Pour le cas qui nous occupe, il est à présumer qu’un seigneur de Kergournadec’h aura trouvé la mort dans quelque combat lointain d’où l’on n’aura rapporté que son coeur qui fut enfermé dans une enveloppe de plomb suivant l’usage du temps. Il ne serait pas trop téméraire de supposer que c’est là le coeur de Guyomar fils d'Olivier de Kergournadec’h, le second seigneur de la maison des Kergournadec’h dont l’histoire fasse mention après celui de la légende, et qui se signala dans les guerres de Montfort contre Charles de Blois. 

Aux alentours de la chapelle, on rencontre de nombreux débris et quelques substructions, seuls souvenirs des gloires du passé. Du côté Sud, des pierres sculptées provenant de voûtes, de fenêtres etc. ; une croix fruste renversée, de trois mètres de long, qui semble avoir été taillée dans un menhir. 

Sur un pilier du cimetière, se voit l’écusson chargé de trois trèfles et timbré de la crosse et de la mitre de Robert de Cupif, ancien prieur de Lochrist, évêque de Léon en 1637. 

Prés de l’enclos, encastrés dans la margelle d’un puits sont des motifs architecturaux et, un saint Abbé décapité. 

L’ancienne maison qui servait de presbytère est une construction en pierres de taille, sans aucun intérêt ; elle porte la date de 1783 et fut sans doute construite sur l’emplacement de la maison prieurale détruite par un incendie. Prés de la porte d’entrée se voit un lec'h taillé et renversé qui sert de banc aux habitants du village. 

La fontaine de dévotion se trouve au fond du vallon, au pied de la colline sur laquelle est bâtie la chapelle. Les pèlerins ne la fréquentent plus guère et la végétation a tout recouvert. On distingue encore cependant en avant de la fontaine, un bassin rectangulaire peu profond et assez grand pour permettre d’y baigner un homme. C’est là sans doute que l’on immergeait les malades lors des grands pèlerinages annuels. En 1830 cette fontaine se trouvait dans une antique chapelle dont les ruines couvertes de lierre étaient de l’aspect le plus romantique. Une arcade gothique protégeait la fontaine à côté de l’ogive de la porte principale. Tout cela a disparu aujourd’hui.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

Fondation et prospérité du prieuré

La vue de tous ces débris du passé nous prouve surabondamment que nous sommes ici en un lieu qui jadis connut des jours de splendeur. 

Ce site pittoresque fut habité de toute antiquité, ainsi qu’en témoignent les nombreux débris mégalithiques épars aux alentours. 

Izel-Vez fut, dit-on, l’un des derniers refuges du paganisme.  C’est là que, sous le couvert d’une forêt aujourd’hui disparue se célébraient des cérémonies aux rites oubliés. Des menhirs et des dolmens, une allée couverte témoignent d’une importante occupation néolithique.  

Il est permis de croire que nos ancêtres attachés à ces pierres, les entouraient d’une grande vénération, et ces superstitions tenaces ont sans doute sauvé ces monuments placés à proximité d’un monastère, d’une destruction maintes fois ordonnée par l’église. Si nos ancêtres ont cédé à la religion nouvelle, Ils n’ont cédé qu’à moitié : le christianisme vainqueur dut transiger avec le druidisme expirant. Il dut se greffer en quelque sorte sur la religion qui le précédait. Ce qui le prouve ici, ce sont les croix élevées sur les menhirs ou taillées dans le flanc même des mégalithes.  

C’est à Lochrist, nous dit Albert Le Grand (Vie des saints de la Bretagne armorique p. 51 - Vie de Saint-Guénolé) qu’en l’an 401, le chef breton Frégant ou Fragan, livra une sanglante bataille à une armée de Normands qui s’y était retranchée. 

Les pirates avaient débarqué à Guissény. Chargés de butin, ils s’étaient retranchés sur la colline d'Izel-Vez (aujourd’hui Lochrist). « Les Bretons les y assaillirent de telle furie que, les ayant forcés, ils taillèrent la plupart en pièces, excepté quelques uns qui se sauvèrent à la nage vers leurs vaisseaux, desquels plusieurs furent brûlés... »

Le butin pris sur l’ennemi fut employé pour bâtir un monastère en l’honneur du Christ, au lieu même où fut livrée la bataille. Telle est l’origine de l’abbaye de Lochrist-an-Izelvez. 

Le P. Albert Le Grand se trouve d’accord avec le poète breton qui jadis a célébré l’origine de l’abbaye : E fondation quenta - E memor d’eur victor - A yoa bet evit renta - D’ar groaz, gloar ag enor.  

Si l’on en croit la tradition, la première chapelle bâtie à Lochrist était en bois. Elle fut remplacée par un édifice en pierre vers le VIème siècle, époque à laquelle furent élevés de nombreux édifices religieux. « C’est en effet à cette époque que Saint-Pol Aurélien fonda la cathédrale de Léon, les monastères de l'Ile de Batz, de Lampaul-Ploudalmézeau, de Lampaul-Guimiliau et de Plougar. C’est encore au VIème siècle qu’il faut faire remonter la chapelle du Creisker à Saint-Pol-de-Léon, la chapelle de Callot, les abbayes de Daoulas, du Relecq et de Saint-Mathieu-finterre » (Les grandes époques de l’architecture religieuse en Basse-Bretagne par M. le Chanoine Abgrall). 

La Gallia Christiana ne mentionne pas Lochrist. Cependant d’anciennes chartes portent Abbatia Loco-Christi, Abbatia humilioris arboris mots latins qui sont la traduction des mots bretons : Abbaty Loc-Christ, Abbaty Izel-Guez ou Izel-Vez (Note de Kerdanet : édition de la Vie des saints de Bretagne Armorique par Albert Le Grand). 

Les Bretons insulaires tenaient la vie monastique en grand honneur. On connaît de nombreux couvents qui furent fondés en Bretagne par les premiers émigrants. 

Puis plusieurs invasions normandes ruinèrent notre pays et mirent les moines en fuite. On conçoit que plusieurs abbayes disparurent ainsi. Celle de Lochrist dut être du nombre. Elle n’eut sans doute qu’une existence éphémère car les chartes du XIIIème siècle portent : Prioratus Loco-Christi, Prioratus humilioris arboris (Prieuré de Lochrist, Prieuré d’Izel-Vez) [Note : La carte ecclésiastique de la Bretagne Armoricaine au IXème siècle d’après M. Aurélien de Courson (Cartulaire de Bedon), donne le ruisseau de Lochrist comme limite Est à l'archidiaconé de Kemenet-ili. Ce ruisseau, croyons-nous s’est appelé autrefois "ster Kemenet-ili" Kémenet signifie commanderie religieuse. Ili ou Hily nom de personne].  

Les archives, anciennes du prieuré ont été négligées ; les plus anciens titres sont perdus, aussi ne sait-on rien de positif sur les premiers siècles qui ont suivi sa fondation. 

Les vieilles chroniques, les anciennes gwerz, nous apprennent cependant que le monastère de Lochrist eut autrefois une grande importance, tant par sa richesse, que par le nombre de ses moines et le grand concours des pèlerins qui y accouraient de tous les points de la Bretagne. 

Les constructions devaient être autrefois très considérables mais on ne retrouve pas de débris permettant de fixer l’emplacement des divers bâtiments. 

Nous savons toutefois que l’église dénommée « basilique » était bâtie sur l’emplacement de la chapelle actuelle ; elle était très vaste, ornée de sculptures d’une naïveté charmante dont quelques restes se voient encore. « Cette église rappelait celle de Saint-Martin de Tours ; le clocher rappelait celui de Saint Denis » (Kerdanet loc-cit).  

Au moyen-âge, le monastère de Lochrist-an-Izelvet était un des plus riches de Bretagne. Il possédait le droit d’asile. L’autorité et la réputation du couvent s’étendaient très loin.  Lochrist, jadis dernier refuge du paganisme, est considéré comme un des lieux les plus saints de Bretagne. Les eaux de la fontaine qui coule au fond du vallon, sont considérées comme miraculeuses. Elles ont la réputation de guérir les paralytiques, les lépreux etc. « Les poètes bretons ont chanté les miracles opérés autrefois en ce lieu. Les infirmes, les affligés, recevaient à cette nouvelle fontaine de Silhoé, la guérison du corps et celle de l’âme (Note de Kerdanet). - Cant a cant den affliget - Gant cals c’hlenvejou bras, - 0 deuz recouret yec’het, - Aman dre ar groaz.  - Cant a cant ! ..... ».  

En septembre, le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix avait lieu le pèlerinage annuel. De tous les pays limitrophes, accouraient des milliers de pèlerins. Ce n’était pas chose facile que de loger et de nourrir tout ce monde. Mais les pèlerins ne sont pas gens difficiles : les uns s’accommodent d’une écurie ou d'un coin de grange ; d’autres se font une confortable couche au bout d’un tas de paille ou de foin. Les hôteliers improvisés font la cuisine en plein vent ; dans d’énormes marmites cuit le met nationale du Léon : le « kik a farz ». Quelques paysans attirent les clients en souillant à pleins poumons dans leur « corn-bout ».  

Mais chaque année, les pèlerins se font plus nombreux ; les vivres finissent par atteindre un prix exorbitant. Certaine année les habitants vendent toutes les provisions si bien qu’une véritable disette s’ensuit. Chacun se récrie et tous attribuent à la fontaine miraculeuse le don de faire venir dans le pays la lèpre et la peste, si bien que, pour mettre fin à ces protestations on fait recouvrir l’innocente fontaine cause de tant de maux.  

Depuis lors, les pèlerins ont délaissé la vieille église de Lochrist. Avec les grands pèlerinages annuels, disparut un des plus importants revenus du prieuré.  

Un curieux document conservé aux archives départementales du Finistère relate un miracle qui aurait été opéré sur Yves Kerézean de Kergoual (Village situé à Plounévez-Lochrist). Ce dernier, mort en l’an 1534 de la peste, ressuscita le même jour à la suite du pèlerinage de sa mère à l’église prieurale. Ce document est une lettre écrite en 1609 par le fils d'Yves de Kerézean et adressée vraisemblablement à René du Garreau prieur de Lochrist à cette époque.

"Monsieur, je entandu par ma fille que vous avé voulonté de scavoir comant fuct la maladie de feu mon père loursque son harchet (cercueil) fuct pourté à Lochrist. C’est que feu mon père une peu avant qu’il se maria qui avet son nom Yves Kerézean fils de Guilla Kerézéan et Plesou Percevaulx fille de Mesarnou seigneur et dame de Kergoual se trouva malade de peste en l’an 1534 et fuct malade qu’il eust tous les Sainctes sacramantz de l’église et à la fin décéda devant sa mère et tous ceux de la maison et les vouysins, (Voisins) et sa mère quand elle le vict décédé, elle dit : Noustre Seigneur Jésus Christ a fait plusieurs myracles et encore je espère qu’il fera. (Sy lui plait) en mon endroit et promiet bailler unq gavas de fourmant en oufrance (offrande) et comance enchemin pour aler à Lochrist et quand elle était arrivé près la croes (croix) qui est devant la rabine (ravin) du lieu de pellen (Hellan) elle se mit à genou et alla aynsy a genou jusques a la dicte Esglise et fict les tours entour de la d. Esglise et après fict célébrer des messes en son intention, et cependant ceulx qui estoynt en la maison avent mis le cours (corps) dans son archept et mis sur deux scabeaulx (escabaux) au mitant de la chambre et unq peu après envyron leure que les messes achevant le courps comance à parler et de dire "delye moi Noustre Seigneur Jésus-Christ a ouy l’oureson, de ma mère". Et quand sa mère aryve son fils parlait et fuct mis dans son lit et le d. harchet et les deux lyniaulx (linceuls) qui avent esté mis en tour le courps et sur le d. archept et les deux serviettes qui avent esté mis en croes sur le courp furent rendus en compagne (compagnie) de tous les vouysins a la d. Esglise et furent mis au-dessous les piés de lemaige (l’image) de Noustre Seigneur Jésus-Christ : et le courtil qui est a Lochrist appellé le courtil de Kergoual fuct baillé pour la d. grace du défunct. Et vous supplie de me tenir Votre humble et oboisant serviteur Ambroise Kérézean. De Kernidouès ce 19 de juillet 1609"

Ce document est accompagné de la note ci-dessous écrite vers 1781 par Miorcec de Kerdanet père de l’éditeur d'Albert Le Grand, qui à cette époque était chargé des intérêts du prieuré. 

Cet écrit rend raison du cercueil qui se voit en l’église Lochrist en témoignage du miracle opéré sur Yves Kérezéan de Kergoual mort en 1534 de la peste et ressuscité le même jour, à la suite du pèlerinage de sa mère et de l’invocation de N. S. J. Christ dans la chapelle prieurale de son nom en la paroisse de Guinévez d’autant que Loc-Christ ainsi syncopé, signifie en latin : locus christi. Cet écrit est du fils d’Yves Kerézean ce qui le rend authentique (Note : Ce cercueil n’existe plus à Lochrist).

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

AVEUX ET DONATIONS

Les documents ne permettent pas de se rendre un compte exact de la richesse du prieuré avant le XVIIIème siècle. Un certain nombre d’aveux rendus au roi et à divers seigneurs nous apprennent cependant que les domaines du prieuré s’étendaient dans toutes les paroisses environnantes et jusqu’à Ploudalmézeau, Plouguin, Plounéventer etc.

a) L’aveu rendu au roi le 14 octobre 1536 à cause de son fief à Lesneven, mentionne des biens à Plounéour-Trez. Le prieuré devait en outre une rente foncière de une garcée de froment, mesure comble de Seiz-Ploué (Note : Seiz-Ploué est le nom de la juridiction qui avait son siège au château de Maillé en Plounévez-Lochrist. Cette juridiction importante s’étendait sur sept paroisses : Plounévez, Lanhouarneau, Saint-Vougay, Plouzévédé, Sibiril, Trézilidé et Cléder. Seiz-Ploué est un mot breton qui veut dire sept paroisses) sur le terrain de Kermajean.

b)  D’un accord passé en 1331 entre Guillaume, abbé de Saint-Mathieu et Yvon de Palust prieur de « Saint-Christ » d’une part, et Hervé de Kermavan (Note : La famille de Carman ou Kermavan est originaire de Kernilis. Au XIIIème siècle les Carman étaient de puissants bannerets. En 1626, le château de Seiz-Ploué fut érigé en Comté en faveur de Charles de Maillé, marquis de Carman qui donna son nom au nouveau comté. La maison de Carman fut autrefois la plus riche du Léon. On connaît le proverbe qui classait ainsi les quatre premières maisons de cet évêché. « Antiquité de Penhoat ; vaillance du Châtel, richesse de Carman ; chevalerie de Kergournadec'h ». Au XVIIIème siècle, cette famille était ruinée ; le 3 juin 1747 la terre du Maillé était vendue à Louis Antoine de Rohan-Chabot) d'autre part, devant la cour de Lesneven, il résulte que le prieur devait à ce seigneur : 1°) pour la maison prieurale, deux jardins, un verger, un colombier, une cour, deux maisons couvertes de « glets » : cent sous monnaie de chef-rente ou à défaut un dîner pour le seigneur et tout son équipage. 2°) Sur le moulin, ayant 23 pieds de long sur 14 de large, avec 2 petits jardins : 12 deniers monnaie de chef-rente. 3°) Une rente foncière d’une garcée froment, mesure raise de Maillé et 1 sol tournois, sur une maison située au bourg de Lochrist. 4°) Une rente foncière de 1 boisseau, mesure de Maillé sur Kervillan. 5°) Un quart de garcée de froment sur le lieu de Kerdézan comprenant une maison et diverses terres. De son côté, le Seigneur de Maillé doit au prieuré une rente annuelle de 2 livres 10 sols et 2 quarts garcées de froment pour la tombe qu’il possède dans le choeur de l’église (Note : C’est la tombe d'Alain de Carman dont il a déjà été question). Un aveu fourni le 1er janvier 1743 au comte de Maillé marquis de Carman confirme cet accord.

c) 16 avril 1772. Aveu et mina par le Sieur Lucan dit Tymeur prieur de Lochrist à Messire Guillaume Mathurin de Kerguvelen seigneur de Penhoat, Camfrout et autres lieux, pour diverses terres au lieu et manoir noble de Traonboze, de Kervern etc... Pour ces biens, relevant du fief de Penhoat, le prieuré devait une rente annuelle de 1 garcée de froment mesure comble de Maillé. 

d) Autre aveu au fief de Coatmeur, paroisse de Tréflez : une rente de 1 mesure racle de Maillé, 2 mesures combles de Lesneven (Note : La garcée, le boisseau la mesure raise, la mesure racle, la mesure comble etc... étaient des mesures employées avant l’adoption du système métrique. Ces mesures variaient d’une paroisse à l’autre, rendant le commerce très difficile : c’est ainsi que la mesure comble de Lesneven et la mesure comble de Maillé n’étaient pas d’égale grandeur) et 30 sols en argent dûs sur le lieu de Penanros et 4 autres champs.  

e) Aveu au fief de Goatlez, paroisse de Tréflez : rente en grains, mesure raise de Seïz-Ploué sur une maison et ses dépendances à Lanarhouézen et 4 autres champs. 

f) Aveu au fief de Pont-Coatméal, paroisse de Plouguin : le lieu de Poularméan, maison manale, jardin, fours et 12 champs, le tout quitte de charges. 

g) Aveu au fief de Coatméal, paroisse de Plouguin (différent du précédent) 3 champs, le tout quitte de rentes et chefrentes. 

h) Aveu au Sieur de Kergournadec'h rente de 5 livres sur le lieu de Trobily, maison manale, jardin et 17 champs. 

Les archives du Finistère conservent encore un certain nombre d’actes de donations faites au prieuré. 

1421. Un fidèle ayant fait voeu de fournir le pain bénit tous les dimanches, se libéra de cette obligation en léguant à l’église un courtil qui depuis s’appelle « Liors ar bara béniguet » (le courtil du pain béni). 

8 février 1421. Don au prieuré de Lochrist d’une maison et de diverses terres au village de Trobily en Plounévez. 

Du pénultième septembre 1460. — « Legs au prieuré de Lochrist par Yvon Corre et femme, d’un vieil hôtel, place à maison à son coutil et franchises, le tout dit, situé en la ville de Lochrist, pour être les donateurs participant à bonnes prières et messes qui ont et auront lieu à l’église prieurale ».

28 may 1521. — « Contrat de concessions de tombes et voûtes en l’église de Lochrist, à Goulven Maucazre, écuyé à la charge : 1°) de faire fenêtrer sur le choeur. 2°) de payer une garcée froment, mesure comble de Seïz-Ploué ».

29 may 1521. « Acte de donation au prieuré de Lochrist représenté par frère Prigent Camper, religieux de l’abbaye de Saint-Mahé fin-terre, consenti par noble dame Jeanne du Rest, portant rente annuelle un quart froment, mesure comble de Seïz-Ploué, sur les héritages de la donatrice en la paroisse de Plounévez, en faveur de l’octroi de 2 tombes ».

21 may 1557. « Contrat de don au prieuré de Lochrist, par noble homme Jehan Kerdaniel sieur de Kerlec’h, d’une pièce de terre au terroir de Traonfeunteun en Plounévez, à la charge de 5 messes, l’une à notes, les autres à basses-voix, à être célébrées en l’église prieurale le jour et fête de l’invention de la Sainte-Croix ».

17 novembre 1602. — Acte portant concession et confirmation de tombes en l’église prieurale de Lochrist, par le sieur Le Moine prieur, à Marie Richart et autres, moyennant une pièce de terre dans le parc dit Quibidic en Brétouaré de la contenance de 8 sillons ½.

Une liasse de procédure — 1602 — nous apprend en outre que le prieuré percevait la dîme sur un certain nombre de villages.

Le prieuré avait aussi les revenus d’une foire qui se tenait chaque année à Lochrist le 14 septembre, foire très importante à l’époque. Mais une lettre du duc de Bretagne, en date du 16 octobre 1463 donne ces revenus au sire de Kermavan. Une autre lettre du 27 juillet 1482 confirme les droits de ce dernier

« Francoys par la grâce de Dieu duc de Bretaigne et conte de Montfort de Reichemont Estampes et de Vertus de la part de nostre bienamé et féal chambelan le sire de Kermavan nous a esté fait remonstrances de noz lectre et mandement patant oncques lesquelz ces présentes sont annexées entant que nostre lectre et mandement conscernant l’octroy que la foire qui avait accostumé avoir cours au bourg de Loccrist le jour saincte crouez en septembre par chacun an se peust commancer et avoir lieu au temps avenir des laveille de ladicte feste et par tout le jour d’icelle et que dempuyx le dict octroy et concession desdictes lectres qui fut le saizieme jour d’octobre lan mil quatre cent soixante trois nostre dict chambelan navait fait faire publicacion et noctification de nos dictes lectre et mandement touchant le dict article ces diceulx fait enterinence au moyen de quoy il doubtoit que on pust pour celle raison dire qu’il ne devroit jouir ne se aider de nostre lectre et mandement et du contenu en icelle...... Mandons a noz présidant sénéschaulx, allouez bailliffs lieux-tenantz, procureurs, receveurs et a tous noz feaulx et subjets et qui de ce pourra appartenir faire, souffrir et laisser nostre, dct Chambellan jouir et user paisiblement selon son contenu à cet affet ».

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

PRÉÉMINENCES

Un certain nombre de seigneurs possédaient des prééminences et chapelles prohibitives dans l’église du prieuré. Voici ces prééminences telles qu’on les trouve dans le procès-verbal notarié du 20 avril 1687.

1°) Chapelle du seigneur marquis de Carman. — La chapelle du S. marquis de Carman est à l’aile droite de l’église, une arcade de la dite chapelle joint la nef. Dans la fenêtre du milieu au-dessus de l’autel de la dite église, il n’ y a aucune vitre fors l’écusson au milieu appartenant au S. marquis de Carman. Un autre écusson se trouve au milieu du pignon au bas-bout de l’église. Le sieur de Carman a le titre de Seigneur supérieur et fondateur de l’église de Lochrist ; il possède une tombe au milieu du choeur.

2°) Voûte et prééminences du S. Penanrue du Dresnay. — Dans la voûte et préminences qu’on dit appartenir au S. de Penanrue à cause de la terre de Lanarnuel, il manque 3 toises de muraille. Le bois des dites voûtes et prééminences entre dans la nef. Les voûtes et prééminences contiennent 21 pieds et demi de large à compter depuis la chapelle du dit S. de Carman, jusqu’à la seconde fenêtre au-dessus de la dite voûte. Dans cette fenêtre et l’autre au-dessus il n’y a aucune vitre.

3°) Chapelle et prééminences du Chateaufur. — Les chapelles et prééminences de Chateaufur contiennent de long 28 pieds. Il manque 3 toises de muraille.

4°) Voûte et prééminences du S. de Kermen-Poulpiquet, Kerliviri etc. — Ces voûte et prééminences sont au-dessus de celles susdites de Chateaufur en descendant par l’aile gauche de la dicte église. Elles appartiennent au sieur de Kermen à cause de sa terre de Kerliviri et contiennent 16 pieds 7 pouces de long.

5°) Chapelle et prééminences du Sr. de Coatanfao. — Les chapelle et prééminences qui suivent en descendant, appartiennent au S. de Coatanfao à cause de sa terre de Morizur.  Il manque 2 toises de muraille et 2 palâtres.

6°) Voûte et prééminences du manoir de Traonboz. — Les voûte et prééminences dépendant du manoir de Traonboz contiennent 2 pieds et demi de long, et sont situées entre la porte de la chapelle de Morizur et la chapelle ci-après dépendante de Kerouzéré.

7°) Chapelle et prééminences de Kerouzéré. — Cette chapelle contient 25 pieds et demi de long. La voûte entre la chapelle de Kerouzéré et les dites prééminences, menace prompte ruine. La voûte au-dessous, joignant la nef est mauvaise. La voûte vers la tour et la muraille de la chapelle, manquent de réparations.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

ORNEMENTS ET EFFETS

Un inventaire en date de 1670 donne la liste des ornements et effets de l’église prieurale de Lochrist (Note : Cet inventaire ne comprend malheureusement pas l’énumération des statues des saints qui se trouvaient dans l'église).

1°) Une croix d’argent avec l’image de N. S. en croix avec les armes de feu. Sieur Cupiff précédent prieur. Un pied de bois.

2°) Une image de N. S. d’argent blanc portant : Salvator Mundi. Un visage d’argent, un autre d’airain.

3°) Un calice de vermeil avec les armes de Kergournadec’h au pied de la patène.

4°) Deux calices d’argent doré.

5°) Autre calice en plomb avec patène d’étain.

6°) Un reliquaire en bois en forme de bras, avec 4 reliques différentes et des inscriptions.

7°) Un autre reliquaire en forme de pantoufle en bois, couverte d’une grille des fer.

8°) Une croix d'argent pour la procession avec sa châsse de cuir et son pied de bois.

9°) 4 petites sonnettes dont une plus grande pour avertir le commencement de la messe.

10°) 1 graduel in-12 ; 1 antiphonaire in-folio ; 3 missels ; 1 propre de Léon pour la messe.

11°) 2 croix de cuivre pour les enterrements.

12°) 8 aubes, 6 amicts et 6 ceintures.

13°) 12 chasubles avec leurs voiles, étoles et manipules.

14°) 4 dalmatiques, 2 à fond rouge et 2 autres violets.

15°) 1 grande lampe de cuivre.

16°) 4 chandeliers de cuivre.

17°) Une chaple violette, 2 douzaines de nappes.

18°) 4 parements d’autel avec un parement pour la chaire du prédicateur.

19°) 1 pupitre pour le choeur avec un banc.

20°) 11 clefs pour la chapelle dont une pour le tronc situé près du moulin.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

CHAPELLENIES

Un grand nombre de chapellenies étaient desservies en l'église prieurale. Les titulaires de ces chapellenies étaient des prêtres qui exerçaient parfois dans des paroisses très éloignées de Lochrist. Les bénéfices consistaient en revenus divers : blé, terres maisons etc. 

En 1790, 7 chapellenies sont encore desservies.

1°) Chapellenie de Lochrist, présentateur : le Seigneur de Maillé : Une messe basse par semaine à Lochrist. -Titulaire, Mr Chagnet du diocèse de Paris.

2°) Chapellenie de Carman, présentateur le Seigneur de Maillé : une messe basse par semaine à Lochrist.

3°) Chapellerie de Coatélés, présentateur le Seigneur de Coatélès en Plabennec : une messe basse par semaine. Titulaire Mr Le Floc’h, recteur de Sizun.

4°) Chapellenie de Pillac, présentateur, l’ordinaire : une messe basse par semaine. Titulaire, Nicolas Le Gallou prêtre à Guissény.

5°) Chapellenie de Yves Moan : une messe basse par semaine. 

6°) Chapellenie de Kersabiec : présentateur : Mr de Launay de Létang, sieur de Kersabiec : 2 messes basses par semaine.  

7°) Prieuré de Lochrist : 1 messe basse les Dimanches et fêtes et deux par an à chants, les jours de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

PRIEURS

Nous avons pu dresser la liste des prieurs qui se sont succédé à Lochrist. 

En 1331 : Yvon du Palust. 

En 1536 : Prigent Camper, ancien religieux de l’abbaye de Saint Mathieu. 

En 1571 : Tanguy le Gall, chanoine de Lesneven. 

En 1597 : Jacques Le Moine. 

En 1609 : René du Garreau (résigne en faveur d'Isaac Fouquet). 

Le 21 février 1610 : Isaac Fouquet chanoine de Tours (résigne en faveur de son neveu). 

En 1628 : Jean Fouquet, doyen du Folgoët, neveu du précédent. 

En 1633 : Robert Cupiff, devint évêque de Léon en 1637, résigne en faveur d'Yves Fouquet avec obtention de 500 livres de pension. 

Le 29 février 1640 : Yves Fouquet. 

En 1664 : Louis Chesne! docteur en Sorbonne. 

En 1687 : Jean Louis de la Bourdonnaye, docteur en théologie de la faculté de Paris, évêque de Léon en 1701. 

Le 21 août 1714 : 0llivier Hyppolite Louis de la Bourdonnaye, prêtre du diocèse de Saint-Malo, licencié en théologie de la faculté de Paris, abbé commandataire de l’abbaye de Saint-Maurice Carnoët. 

Le 15 novembre 1734 : Jacques Nicolas Gauthier, prêtre du diocèse d'Avranches, demeurant au collège d'Harcourt à Paris. 

Le 2 septembre 1740 : Louis Digne, bachelier en théologie du lieu de Bargemon, diocèse de Fréjus. 

Le 29 novembre 1768 : Georges François Marie Lucan du tymen. Sous-diacre du diocèse de Léon. 

En 1780 : Jean Le Bouler, prêtre de la Congrégation des missions.  

Ces prieurs étaient nommés par le pape, mais parfois ils résignaient le prieuré en faveur d’un parent ou d’un ami, et généralement le pape ratifiait.  

Comme on peut s’en convaincre par la liste ci-dessus, les prieurs se trouvaient souvent très éloignés de Lochrist. Parfois même ils ne venaient pas visiter leur prieuré. 

Ils avaient des procureurs chargés de percevoir les bénéfices en leur nom et d’administrer les biens du prieuré. Ces procureurs étaient généralement des avocats ou des prêtres du diocèse.  

Les prieurs se montrent en général âpres au gain et cherchent à retirer du prieuré un important bénéfice. Les ornements et l’église elle-même sont laissés en mauvais état. En vain, le fermier général demande-t-il des réparations : le prieur fait la sourde oreille. Les quittances de fermages portent parfois des observations attestant le soin que les « procureurs » mettaient dans l’administration du prieuré

« Reçu de Jean Le Mest 53 livres. Le Mest ne cultive pas bien, il n’a pas soin des fossés »

« Reçu de Troadec 15 livres. Cet article aurait dû être affermé davantage ; il faudra y faire attention au prochain renouvellement »

Les divers baux de fermage du moulin situé en contre-bas de l'église, montrent une progression constante. 

Le prix de la location en 1609 est de 120 livres plus 12 chapons et 12 poulets ; en 1644 138 livres ; en 1666 153 livres ; en 1729 165 livres plus 12 poulets ; en 1743 174 livres ; en 1749 200 livres ... 

Cependant les revenus du prieuré diminuent sans cesse. Des terres sont vendues et le patrimoine se rétrécit d’année en année. 

En 1637, Robert Cupif publie un monitoire (Note : En terme de juridiction ecclésiastique. un monitoire est une lettre publiée pour obliger ceux qui ont connaissance d’un fait révéler ce qu’ils en savent) « pour recouvrer les papiers et terres usurpées au prieuré, pour Cléder, Lochrist, Plouescat et Ploénèvez »

De nombreux papiers sont éparpillés chez des seigneurs ou chez les héritiers des anciens prieurs. 

En 1781, le revenu n’est plus que de 1200 livres.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

Rattachement du prieuré au séminaire de Léon

Nous voici loin de l’ancienne splendeur de Lochrist-an-Izelvet. Depuis le moyen-âge sa prospérité est allée sans cesse décroissant. Jadis il avait droit d’asile et franchise ; puis Lochrist devint simple prieuré et fut possédé par des prêtres séculiers ; il ne tarda même pas à devenir prieuré de sous-ordre, car il fut rattaché à l’abbaye de Saint-Mathieu finterre. 

En 1780, les directeurs du Séminaire du Léon sollicitent le rattachement du prieuré de Lochrist à leur Séminaire. Ils se plaignent de l’insuffisance des revenus de ce séminaire. Depuis 1689, époque de sa fondation, ils n’ont que « 300 livres de pension par tête ». Or, à cette époque disent-ils, le blé était seulement à 9 et à 10 livres la garcée, et en 1780, la garcée vaut 30 livres. Le vin, les étoffes etc. ont renchéri pendant ce temps de plus de moitié.  

La demande est prise en considération. Une enquête de commodo et incommodo est faite par Corentin de Troérin, prêtre ; licencié ès-lois, grand chantre et premier dignitaire de l’église cathédrale de Léon, vicaire général du dit diocèse.  

Il entend de nombreux témoins : 

Paul Inizan (Note : Paul Izinan fut l’un des délégués choisis par la paroisse de Plounévez pour prendre part à l’élection des députés du Tiers à Lesneven en 1789. Il joua un rôle prépondérant dans les délibérations de l'assemblée) 48 ans marchand ménager demeurant à Lanzéon déclare « que les revenus du prieuré sont d’environ 1200 livres, que l’église est en état pitoyable et qu’il n’y a pas d’incommodité à réunir le prieuré au Séminaire, pourvu qu’on y dise la messe ».

— Hervé Abervé, meunier au moulin de Lochrist ; Hervé Gloria « fournier » à Lochrist et Le Bras ménager à Kergoungas « déposent en leur vulgaire langage breton, par l’organe de l’interprète »

Par décret, en date du 25 septembre 1781, Mgr de la Marche évêque de Léon « éteint et supprime à perpétuité le titre de prieuré de Lochrist »

« La dite extinction n’aura son plein effet qu’à partir de la mort du sieur Jean Le Bouler, titulaire actuel du bénéfice et qui le restera de son vivant. Nous unissons dès à présent à notre Séminaire de Léon, le dit prieuré avec tous ses fruits et dépendances, à condition que le Séminaire paye la première année au dit sieur Le Bouler, la somme de 600 livres et ensuite 300 livres sa vie durant. Le Séminaire sera chargé de faire acquitter toutes charges spirituelles et temporelles du prieuré. Le Sieur abbé de Saint-Mathieu fin-terre, aura le droit de présenter chaque année un sujet pauvre du diocèse, pour jouir d’une bourse au dit Séminaire, à concurrence de 100 livres par an ». 

Le roi Louis XVI approuva ce décret par lettres données à Versailles au mois de décembre 1781 ; le Parlement de Rennes l’enregistra le 1er février 1782. 

Le Séminaire confie la desserte de la chapelle à Ursin, Le Gall (Note : Ce Le Gall eut une existence très mouvementée. Sous la Révolution, il prêta serment, fut nommé curé constitutionnel d’abord à Plouguerneau, puis à Plounévez-Lochrist. Il n’y trouva ni logement, ni pension, dû se retirer à Tréflez ; puis il quitta les ordres, se maria, acquit une haute situation à Lesneven et devint procureur syndic à Landerneau) prêtre à Plounévez-Lochrist. 

Le Gall a la charge : 

— 1°) De dire à l’intention du prieuré de Lochrist, toutes les messes dont le dit prieuré est çhargé. Savoir : une messe basse tous les dimanches et autres jours de l’année où il y a lieu de l’entendre : une messe à chant le jour de l'Invention de la Sainte-Croix, et six autres messes basses les jours de la semaine pendant l’année. 

— 2°) De chanter la messe du 1er de l’an et du dimanche de la passion, et aussi un nocturne des morts le 1er dimanche qui suivra chaque Saint-Michel. De chanter vêpres le dimanche de la passion et le jour de l’exaltation de la Sainte-Croix. 

— 3°) D’exposer la Relique les fêtes principales et la donner à baiser au peuple. 

— 4°) De procurer un sermon le jour de l'Exaltation sur le mystère. 

— 5°) De faire recueillir avec soin et vigilance toutes les offrandes en blé, lin, toiles, argent et autres objets quelconques, tant à la chapelle du dit Lochrist, qu’au tronc du chemin, faisant pour ces objets tous les frais nécessaires sans aucune reprise, sauf un homme qui sera fourni par le Séminaire pour les fêtes de l'Exaltation. 

— 6° ) De répondre de tous les objets portés à l’inventaire. 

— 7°) De faire balayer toutes les semaines la chapelle et la sacristie, faire arranger l’autel et sonner la cloche aux temps requis et d’usage. 

— 8°) De fournir le blanchissage du linge de l’église, le luminaire, le pain et le vin des messes, le servant et autres personnes nécessaires. 

— 9°) De faire ouvrir l'église le matin et fermer le soir. 

Depuis de longues années, la vieille église de Lochrist menaçait ruines. Longue de 120 pieds et large de 40, elle était trop étendue en égard au nombre des fidèles qui la fréquentaient.  En outre, elle était dans un tel état de vétusté qu’il fallait, non la réparer, mais la refaire.

En 1783, Mgr de la Marche décida de construire sur le même emplacement une autre église de moindres dimensions ayant 40 pieds de longueur sur 21 pieds de largeur, avec 3 fenêtres de chaque côté. La dépense était évaluée à 10289 livres. Le clocher seul devait être conservé, et il fut décidé que les écussons, feux et autres marques de prééminences pourraient être par les ayant-droit, remplacés à leurs frais dans la nouvelle église en observant les proportions que comportait l’étendue de la nouvelle construction.  

Les écussons des seigneurs prééminenciers furent placés dans les murs de la nouvelle chapelle ; leurs armoiries furent peintes sur les vitres des fenêtres. Les écussons se voient encore en 1916, mais les vitraux ont été brisés probablement sous la Révolution et remplacés par de simples verres. 

Quant à la maison prieurale et à ses dépendances qu’un incendie avait consumées en 1778, elles ne furent pas relevées.  Leurs pierres ont servi à la construction des fermes avoisinantes. 

Mais bientôt survient la Révolution de 1789. 

Le directeur du Collège de Saint-Pol doit rendre compte de sa gestion au Directoire du district de Lesneven. 

En 1791, l’ancien prieuré de Lochrist et la chapelle du Guermeur (Note : La chapelle du Guerveur ou Guermeur est bâtie près du château de Maillé en Plounévez-Lochrist. Elle fut bâtie en 1555 dans le grand bois de Seiz-Ploué ; si l’on en croit Albert le Grand, cette chapelle fut au XVIème et au XVIIème siècles un lieu de pèlerinage très fréquenté. Les seigneurs de Carman y fondèrent une chapellenie. Mais la chapelle fut incendiée ; les habitants s’empressaient de sauver les richesses du château menacé aussi par l’incendie ; mais le sr. de Carman se précipita dans la chapelle et sauva des flammes les objets pieux en s’écriant : «  Dieu avant ! ». Depuis lors, ces mots figurent comme devise dans les armes de la maison des Carman. En 1805 le petit clocher fut placé sur la remise du château : c’est la chapelle qui existe encore en 1916), n’ont plus qu’un seul et même titulaire. « Michel Rollant Chagnet, clerc tonsuré à Paris »

A cette époque, le revenu annuel de ces bénéfices, certifié par le Directeur du district, est de 769 livres 10 sols. Les dépenses comprennent :  

— 1° ) Le 15ème du revenu annuel pour les réparations. 

2°) 200 livres pour la desserte des messes et fondations. 

3°) 82 livres 2 sols pour l’imposition aux décimes. 

Bientôt tous les biens du prieuré, y compris le presbytère sont vendus comme biens nationaux ; la chapelle est fermée, et le silence et la désolation remplissent ces lieux jadis si animés.

Il nous reste bien peu de choses à dire sur l’antique prieuré de Lochrist aujourd’hui bien abandonné des dévots. 

La tradition rapporte que les derniers moines enfouirent le trésor de l’abbaye sous la croix de pierre qui domine l’étang. Nul chrétien, dit la légende, n’oserait toucher à ces richesses placées sous la garde de la croix. Or, vers la fin du XIXème siècle (vers 1886), des bohémiens, mis au courant de la légende voulurent pratiquer des fouilles en cet endroit. ils empruntèrent des outils chez un fermier du nom d'Abaléa, avec qui ils promirent de partager. Mais, par crainte d’être dérangés ils ne travaillèrent que la nuit. Pendant qu’ils creusaient, Abaléa priait pour obtenir du ciel la réussite de l’entreprise. Mais hélas ! il comptait sans les chiens de Lochrist qui, entendant un bruit inaccoutumé aboyèrent si fort qu’ils éveillèrent tout le village.  

Quelques habitants intrigués, se levèrent et mirent en fuite les chercheurs de trésors. 

La chapelle, fermée pendant la période révolutionnaire a été de nouveau ouverte. Les reliques ont été transférées à l’église paroissiale de Plounévez. Vers 1916, trois fois par jour, la voix argentine de l’unique cloche vibre encore à l’heure de l’angélus et réveille les échos endormis du vallon ; mais la chapelle ne retentit plus guère du chant des pèlerins ; on n’y dit plus la messe qu’à l’occasion du pardon, et les « pardonneurs » vont sans cesse diminuant, et les vieillards seuls parlent encore à qui veut les écouter, des antiques splendeurs de Lochrist-an-Izelvet. 

Cependant la guerre de 1914 a ramené à Lochrist de nombreux fidèles qui y venaient prier pour les absents et demander au Dieu des armées, le retour d’un fils, d’un mari ou d’un fiancé.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

LE DERNIER MIRACLE DU CHRIST

Je ne puis terminer cette notice sur Lochrist sans rapporter une curieuse légende que l’on se raconte encore dans les veillées. « Le dernier miracle du Christ » (Note : Cette légende est écrite en vers bretons, mais un vieillard me l'a racontée avec des variantes qui en augmentent l'intérêt et c'est cette version que l'on va lire). 

Autrefois vivait à Lochrist-an-lzelvet une jeune femme du nom de Francesa, célèbre par sa piété. Jamais un pauvre ne frappait à sa porte sans recevoir au moins un morceau de pain. 

Un jour cependant, un malheureux se présente, grelottant et suppliant — « Je n’ai rien mangé depuis 3 jours, je meurs de faim, un morceau de pain s’il vous plait... »

Mais la ménagère est pressée, les hommes vont rentrer des champs et le repas n’est pas encore prêt. 

Je n’ai pas le temps, s’écrie-t-elle, repassez une autre fois. 

Mais le pauvre a bien faim, il supplie, il parle au nom du Christ ! 

Francesa, si calme d’ordinaire, s’emporte : Allez-vous en ou je mets le chien à vos trousses ! 

Mais le vieillard ne bouge pas : les forces lui manquent sans doute Le chien est détaché, mais loin de sauter sur le malheureux, il le flaire et lèche ses membres engourdis. 

Le mendiant s’éloigne ; il se traîne péniblement et tombe expirant devant la porte de la cour. Le chien se couche à ses pieds. 

Bientôt, les gens reviennent des champs. Quelle n’est pas leur surprise de voir ce cadavre qu’assistait seul le chien de la maison. 

Lorsqu’à son tour, Francesa voit le vieillard étendu et déjà froid, elle pleure et se lamente. 

Hélas, s’écrie-t-elle, je suis cause de cette mort, j’ai refusé à ce malheureux le morceau de pain qu’il me demandait au nom du Christ. Je suis maudite, car Dieu ne voudra jamais me pardonner une telle faute ! 

Le lendemain on enterra le pauvre mendiant ; Francesa le suivit au cimetière et prit à sa charge les frais de l’enterrement. 

De retour chez elle, qu’elle n’est pas sa stupéfaction de retrouver sur la table son argent et les linceuls qui entouraient le mort. A cette vue, toute pâle et toute tremblante, elle s’enfuit et court à l’église où se trouve encore le prêtre. Elle lui confesse sa faute. 

Je ne puis vous donner l’absolution lui dit le prêtre ; le doigt de Dieu se montre trop clairement dans tout ceci. Il vous faut aller à Rome ; le pape seul peut vous absoudre. 

Pauvre Francesa ! le coeur saignant elle s’en retourne chez elle. 

Va ! Va ! lui dit son mari, nous sommes assez riches, nous vendrons tous nos biens, s’il le faut. Du reste je t’accompagnerai. 

Les préparatifs sont vite faits. La mère embrasse ses deux enfants ; elle donne à boire une dernière fois au plus jeune qui tête encore, et toute en larmes, elle les laisse aux soins d’une voisine. 

Voici sur la grande route Francesa et son mari. Ce dernier, armé d’un pen-bas, porte quelques provisions dans un bissac.  Tout-à-coup Francesa se rappelle qu’elle a oublié dans son armoire l’argent du voyage. 

Retourne vite le prendre, je t’attendrai ici, dit-elle à son mari. 

En toute hâte, celui-ci retourne à Lochrist. Revenu à l’endroit où il avait quitté sa femme, il ne la retrouve plus. Poussée par une force surnaturelle, celle-ci avait continué sa route. Le pauvre homme se lamente, déplorant son triste sort. Il interroge les passants : personne n’a vu Francesa. Après de laborieuses, mais vaines recherches, il s’en retourne chez lui.... 

De longues années se passent, sa femme ne revient pas. Il l’attend 15 ans ; puis au bout de tant d’années, la croyant morte, il se remarie.... 

Cependant Francesa vivait toujours. Après bien des péripéties et non s’en s’être plusieurs fois trompée de route, mendiant et couchant dans les granges, elle arrive enfin au terme de son voyage, 24 ans se sont passés depuis qu’elle a quitté Lochrist .... 

Elle se jette aux pieds du pape et lui demande pardon de son péché. 

Le Saint-père l’écoute avec bonté. Mais avant de l’absoudre, il la fait enfermer dans « la chambre de pénitence » où elle devra rester trois jours, filant du lin, avec, pour toute nourriture, du pain sec et de l’eau. 

Mais pendant huit jours on oublie la pauvre femme dans sa prison. Lorsqu'enfin on se souvient d’elle, on la croit morte, mais on la retrouve filant toujours, en bonne santé, et fort heureuse. 

Le pape alors lui donne à baiser l’anneau pontifical et la congédie avec son absolution.... 

En sortant de Rome, Francesa rencontre un inconnu qui lui demande où elle va ? 

Je suis de Bretagne, répond-elle, je vais à Lochrist-an-Izelvet. Mon mari et mes enfants m’y attendent depuis 24 ans. 

Que Dieu soit loué, lui répond l’inconnu, je suis le sculpteur qui fit le grand crucifix de l’église de Lochrist. Vous retrouverez votre pays : prenez cette bague blanche, elle vous y conduira tout droit. Quand vous reverrez le « christ » rappelez-moi à son bon souvenir, et dites-lui que je l’aime. Adieu... 

Toute rassurée, l’âme inondée d’une joie céleste, Francesa continue sa route. 

Que de fois depuis son départ, n’a-t-elle pas pensé à son mari, aux deux chérubins qu’elle a laissés après elle. Que sont-ils devenus ? Comme ils doivent être grands et changés ! Les reconnaîtra-t-elle ? 

La pauvre femme ne sent plus ni le froid, ni la faim. Ses pieds endoloris ne lui font plus mal : la bague mystérieuse la guide.... 

En moins d’un an elle refait la longue route qu’à l’aller elle a mis 24 ans à parcourir. 

La voici à Lochrist-an-lzelvet. 

Toute tremblante elle frappe à la porte de la maison qu’elle a quittée depuis tant d’années. 

Comme le coeur lui bat ! son mari va sans doute se jeter dans ses bras !... 

Hélas ! C’est une femme inconnue qui lui ouvre et d’une voix arrogante lui dit : Passez votre chemin. on ne loge pas ici ! 

La pauvre Francesa s’éloignait déjà lorsqu’une jeune fille intervint. 

Entrez, lui dit-elle, si ma marâtre ne veut pas vous donner une place pour la nuit, moi je vous donnerai mon lit ! 

Et elle la força à s’asseoir au coin du feu. Près de la table un jeune prêtre lisait son bréviaire. Il s’approcha près de la pauvre femme couverte de poussière, les pieds nus et ensanglantés. 

Lave-lui les pieds ma soeur, puis tu lui donneras des bas et des sabots. 

Et, comme il la regardait, son coeur battit plus vite. Devant cette femme, il se sentait l’âme inondée d’un bonheur inexpliqué... 

La jeune fille se mit en devoir de laver les pieds de Francesa, et comme elle se baissait, elle étouffa un cri de surprise : un signe pareil à celui qu’elle portait plus bas que la cheville apparaissait sur la jambe de la malheureuse. 

Serait-ce ma mère ? se dit-elle. Mais non, ma mère est morte pauvre mère !.... 

Des bols de soupe fumaient sur la table.

Tenez, dit le jeune abbé, tendant sa propre écuelle à la mendiante, mangez, je n’ai pas faim. 

Mais Francesa ne mange que du bout des lèvres. Son coeur bat à se rompre. Elle voudrait causer à ces deux jeunes gens pour lesquels elle ressent une infinie tendresse, mais le dur regard de la mégère qui tout à l’heure l’a si mal reçue, arrête dans sa gorge les mots prêts à sortir. 

Pauvre femme, s’écrie le prêtre qui ne peut la quitter du regard, vous devez avoir grand besoin de repos. Venez, mon lit est là-haut, vous y dormirez ; moi je passerai la nuit en prières. 

A peine la bonne Francesa est-elle couchée que le mari rentre. Il revenait d’une foire. 

Vous avez là, lui dit sa femme, un fils prêtre qui finira mal. Une pauvresse est venue. Malgré moi, votre fils l’a fait rentrer, lui a donné à manger et l’a fait coucher dans son propre lit. 

Vraiment mon fils, je ne trouve ceci ni digne de vous, ni digne de ceux de votre rang. 

Mon père, répond le jeune abbé, ne soyez pas si fort en colère ; tout bon chrétien doit agir comme je l’ai fait. Du reste, je ne puis le regretter, car ce que j’ai fait, je l’ai fait au nom de Dieu !... 

Le lendemain, levée la première, Francesa n’ayant pu fermer l'oeil de la nuit, se dirige vers l’église de Lochrist. 

Elle s’approche du Christ et lui répète les paroles du sculpteur qui, là-bas, lui donna la petite bague mystérieuse. Le Crucifié semblait l’écouter avec ravissement et, pour mieux entendre, il penchait la tête sur sa poitrine.... 

Le jeune abbé et sa soeur entraient en ce moment. Alors, détachant sa main droite de la croix, et leur montrant Francesa, le Christ dit d’une voix douce : 

Soyez heureux, voici votre mère que vous avez tant pleurée ! 

Mes enfants s’écrie Francesa ! 

Oh ! ma mère ! ... 

Et tous trois tombent dans les bras l’un de l’autre. 

Mais, dans ce cri de joie leur âme s’est envolée. Il ne reste plus, étendus sur les dalles froides que trois corps sans vie.....  Et, paternel, dans un geste de bénédiction, le Christ étend au-dessus d’eux sa main ensanglantée !.... Janvier 1916. L. Ogès.

© Copyright - Tous droits réservés.