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CAHIER DE DOLÉANCES DE PLOUNÉVEZ-MOËDEC

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Subdélégation de Guingamp. — Département des Côtes-du-Nord, arrondissement de Lannion, canton de Plouaret.
POPULATION. — En 1789, 360 feux (Procès-verbal) ; — en 1793, 2.437 hab. (D. TEMPIER, Rapport... au Préfet, dans le volume du Conseil général des Côtes-du-Nord, session d'août 1891, 3ème partie, p. 163).
CAPITATION. — Total en 1770, 2.756 l. 18 s. 5 d., se décomposant ainsi : capitation, 1.830 l. ; 21 d. p. l. de la capitation, 160 l. 2 a 6 d. ; milice, 244 l. 5 s. ; casernement, 417 l. 10 s. 11 d. ; frais de milice, 75 l. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3981).
VINGTIÈMES. — En 1788, 2.800 l. 13 s.
FOUAGES. — 50 feux 1/6 1/24. — Fouages extraordinaires et garnisons, 965 l. 13 s. 7 d.

OGÉE. — Sur une hauteur et sur la route de Guingamp à Morlaix ; à 6 lieues au S.-S.-0. de Tréguier ; à 31 lieues de Rennes et à 4 lieues de Guingamp. — 2.000 communiants. — Ce territoire, borné à l'Est par la rivière du Léguer, renferme des terres en labour, des prairies et des landes, qui sont plus étendues que toutes celles des paroisses voisines.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 31 mars, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence d’Yves-Julien-Marie Prigent de Kersalic [Note : Yves-Julien-Marie Prigent de Kersalic s'est montré l'adversaire irréductible du domaine congéable, et, pendant la Révolution, s’est distingué comme acquéreur de biens nationaux (Renseignements communiqués par M. Léon DUBREUIL)], procureur fiscal de la juridiction du clocher de la paroisse de Plounevez-Moëdec. — Comparants : Francois Le Guen, ancien délibérant (35,15) [Note : Quelques cotes de capitation sont données par un rapport de Le Normant de Kergré et Anfray, du 29 décembre 1785 (Arch. d'Ille-et-Vilaine. C 2422)] ; Jean Le Perron, ancien délibérant ; Claude Riou ; Pierre Raoul, syndic ; Jean-Marie Le Maître, délibérant ; Jean-Marie Keryvel ; Claude Le Lagadec ; François Le Manach ; Guillaume Le Morvan ; Pierre Prigent ; Yves Le Taldu ; Louis Raoul ; Guillaume Malledant [député de la corvée en 1786] ; Roland Le Cunuder ; Jean Le Lignez ; Yves Le Gall ; Yves Kerellou ; Jean Le Cojan (35,3) ; Yves Keryvel [député de la corvée en 1786] [Note : Voy. une ordonnance de l’Intendant, du 10 février 1786 (Ibid., C 2422)] ; Jean Riou ; Yves Le Houërou ; Pierre Le Hénaff ; Joseph Kerellou ; Yves Le Jean ; Jean Le Hamon ; Guiriou Salomon ; Pierre Henry ; Yves Le Blevennec (30) ; Guillaume Le Fur ; Yves Le Dantec ; Olivier Prigent ; François Tilly ; François Le Foll ; Aurigan, ancien délibérant et syndic ; L. Malledant. — Députés : Yves Le Blevennec ; Guillaume Le Fur ; Yves Le Dantec ; Pierre Le Henri.

 

Cahier des doléances et représentations respectueuses des habitants de la paroisse de Plounevez-Moëdec, au sujet des lettres du Roi et ordonnance de Monsieur le Sénéchal du présidial de Rennes, notifiées à Jean Le Foll et Georges Le Boulanger, fabriques en charge de cette paroisse, par exploit du 28 du courant, et ce en vertu de la publication d'icelles en faite au prône de la grand'inesse du jour d'hier, portant assignation de s'assembler en l'église de cette paroisse, attendu qu'il n'y a pas d'autres endroits plus commodes, et que la sacristie, lieu ordinaire des assemblées, est trop petite.

El procédant au présent cahier des doléances, les habitants de la paroisse de Plouvenez-Moëdec, évêché de Tréguier, réclament, ce jour trente mars mil sept cent quatre-vingt-neuf :

1° — La représentation des campagnes aux Etats de la province par députés librement élus, non nobles, ni anoblis, ni agent des seigneurs.

2° — La suppression des francs-fiefs, tailles et fouages de tous impôts distinctifs des ordres de citoyens d'une même patrie, l'extinction de la corvée des grands chemins (voir note ci-dessous) qui sera convertie en contribution pécuniaire, et l'égale répartition de tous les subsides sur les trois ordres de la province par rôles communs, tellement que chacun paye suivant son bien, sans distinction de profession ou naissance.

[Note : La tâche de Plounevez-Moëdec, sur la route de Châtelaudren à Morlaix, était, en 1788, de 2.015 toises, et son centre se trouvait à 1 lieue 1/4 du clocher (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4883). — Dans un rapport de Le Normant de Kergré, commissaire des Etats de Bretagne, et du sous-ingénieur Anfray (du 29 décembre 1785), on se plaint très vivement de la négligence des corvoyeurs de Plounevez-Moëdec et de Plouaret et l'on donne la liste des défaillants, qui sont au nombre de 18 à Plounevez et au nombre de 42 à Plouaret. Les commisaires de la Commission docésaine de Tréguier, dans une lettre du 31 janvier 1786, se plaignent trés vivement des corvoyeurs de Plounevez et de Plouaret : « leurs syndics et députés n’ont ni fait travailler aux tâches, ni envoyé les listes des défaillants, ni propose aucun marché des tâche abandonnées. Qelques-uns de ces derniers ont même poussé la morosité au point de ne pas se trouver sur leurs tâches aux jours et heures fixées pour la vérification extraordinaire du travail… ». Le 19 décembre 1786 , les tâches abandonnés par un certain nombre de corvoyeurs de Plounevez, et représentant 57 toises et demie, furent adjugées au prix de 35 l. 10 s., somme que durent payer les corvoyeurs défaillants (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 2422)].

3° — Ils regardent en conséquence comme autant d'injustices à réformer tous les privilèges et exemptions en matière de casernement, logements de troupes, charrois, contributions pécuniaires à la milice (voir note ci-dessous) et autres charges publiques, dont ils sont maintenant accablés.

[Note : Dans la période 1781-1786, Plounevez-Moëdec a fourni 8 miliciens : un dans chacune des années 1781, 1782, 1783 et 1785 ; 2 en 1784 et 1786. En 1781, sur 192 jeunes gens appelés au tirage, 174 ont été exemptés ou réformés ; en 1784, sur 176, 156 ; en 1786 sur 165, 154 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4704)].

4° — Persuadés que le bien public défère les places militaires, de la magistrature et du clergé au mérite et aux talents, ils sollicitent pour le Tiers Etat l'entrée dans ces charges, dont l'élévation semble destinée à ceux dont l'âme est élevée, quel que soit le hasard de la naissance.

5° — L'expulsion des cultivateurs au milieu de l'année entraînant leur ruine et celle de l'agriculture, ils sollicitent une loi, qui, suivant l'usage des derniers siècles, décide qu'un colon à domaine congéable ne sortira qu'à la Saint-Michel. Mais aujourd'hui ce remède ne serait pas suffisant. Pour obvier aux maux qu'occasionnent les domaines congéables, il ne reste qu'un seul, c'est leur abolition totale, comme n'étant qu’une trace de l'esclavage, qui heureusement ne s'étend que dans une petite partie de la province, principalement dans une petite partie de la province, principalment dans l’évêché de Tréguier ; ces congéments y sont tellement des fléaux qu’il occasionnent des meurtres à l'infini, des incendies fréquents, des familles opulentes réduites à manquer des denrées de la première nécessité ; on ose même assurer que les vols fréquents qui se commettent dans cette partie de la Basse-Bretagne ne proviennent que de ce grand mal.

[Note : Depuis une vingtaine d'années, la seigneurie du Ledern, appartenant au comte du Parc, exerçait fréquemment le droit de congément. Citons à cet égard une lettre de M du Parc à Lofficial, procureur fiscal de plusieurs juridictions (datée du 15 septembre 1766) : « Puisque nous avons commencé par le Ledern, monsieur, je vous donne ordre de signifier aussi en congément les colons et détenteurs du convenant Saluden ou Saludon par le Vieux-Marché et ceux du convenant Kernéan par Keranvoix, et ce au plus tôt, et en attendant de faire exercer ma juridiction du Ledern... ». En effet, dans le courant de 1767, on congédia les domaniers des convenants Kernéan, Saluden et Prigent. Les droits réparatoires de ce dernier furent évalués per le seigneur à 3.891 l. 19 s. 8 d. Le 10 février 1767, le convenant Saluden fut baillé à un nouveau colon. « avec assurance de neuf ans » ; la rente convenancière, de 12 quartiers de froment mesure de Morlaix et de 9 l. 12 s. pour les corvées, était abonnée au prix de 120 l. en argent : les droits superficiels et réparatoires étaient estimés 6.474 l. 7 s. 9 d. (Arch. des Côtes-du-Nord, E 2387). En 1771, le même seigneur baille à un nouveau domanier le convenant Le Corre-Keravel, en lui donnant le droit de congédier et expulser l'ancien (Ibid., E 2388). Après la mort de René du Parc, seigneur de Keryvon, conseiller au Parlement de Bretagne, décédé en 1778 (F. SAULNIER, Le Parlement de Bretagne, t. II, pp. 684-685), son fils exerça dans ses domaines un grand nombre de congéments, qui eurent pour effet de remanier complètement la division de son patrimoine, de modifier le nombre et la consistance des convenants. On peut citer, à titre d'exemple, une procédure de congément exercée, en 1782, par Amateur-Anne, comte du Pare, contre Olivier Le Gall et consorts, « colons domaniers de la grande portion de la Maison Coatmeur. en la frairie de Treunaf » ; pour des droits réparatoires évalués à 1,116 l. 13 s. 7 d., les frais d'expertise ont été considérables : le seigneur seul a payé 120 l. au tiers expert (Arch. des Côtes-du-Nord, E 2377 ; cf. aussi Ibid. , E 2380 et 2383).

Les domaniers de Plounevez-Moëdec étaient fréquemment assujettis aux corvées seigneuriales. On peut consulter à cet égard une bannie pour les corvées des vassaux et domaniers de la seigneurie du Ledern, du 8 septembre 1771 : ils sont invités à « se trouver aux jours et heures ci- aprés indiquées sur les terres dépendantes situées au village de Kerzéven et ses appartenances et du Boistailly ou de la Haye, en Plounevez-Moëdec, avec charrettes et harnois bien attelés, à raison d’une charrette attelée et de quatre chavaux et conduite par deux hommes pour chaque convenant, aux termes des déclarations pour charroyer desdits lieux et convenants… les arbres des bois que ledit seigneur du Parc y a fait couper et abattre et qu’il fera couper et abattre pour sa provision en sondit château du Marquès, savoir les jeudi, vendredi et samedi 12, 13 et 14 septembre à 7 heures du matin jusqu’à 6 heures aprés-midi de chaque journée.., ledit seigneur offrant de nourrir les corvoyeurs et les chevaux suivant l’usage à cet égard … ». Voy. aussi des bannies analogues du 20 septembre 1772, du 19 septembre 1773, du 14 août 1774 (Arch. des Côtes-du-Nord, E 2384).

On comprend que les pétitions adressés par les habitants de Plounevez à l’Assemblée Constituante se soient élevées très vigoureusement contre le domaine congéable et le droit de congément. — La délibération du 5 janvier 1790 affirme « qu'ils ont avec raison crié par leur cahier de doléance et par leur juste réclamation contre le régime du domaine congéable, la banalité du four et moulin, la milice, les corvées, franc-fief, centième denier, féodalité. etc., qu'ils espèrent avec confiance la réformation entière, comme vous l'expliquez par votre adresse au peuple breton des villes et campagne le 21e décembre 1789 ... ». « Voyez donc Messieurs, les familles les plus anciens et les plus respectables ce sont par leur exercice [des congéments ] réduit à la mendicité, les délis qu'ils ce trouve commis pendant leurs exercices tant d'homme du Tier, tant de maison, de meubles, bestiaux et malereusement de crétien réduit en sendres par le feu et l'effet du malice. Les commissions et facultez de congédier coûtent au demandeur en congément des sommes de 300 l. et 400, 500 l. jusques à 600 l. et les frais pour juger laditte congément coûte 150 l. et pour chacun des trois priseurs pareille somme de 150 l., qui feront un total de 900 l. ou 1.200 l.... », et tous ces frais pour congédier un convenant qui ne sera peut-être prisé que 6.000 l. (Arch. Nat., D XIV, 3). — Quant à la pétition à l'Assemblée nationale de François Leguern, du village de Cosquer Huet (datée du 20 Juíllet 1790) (Ibid.), elle insiste surtout sur les exactions auxquelles donne lieu la perception des rentes convenancières : « … Nous avons criés par notre premier cayez dolleance contre les receveurs, agens, procureurs fiscaux des fonciers. Il ne nous reste plus à détruire que les pouvoir et authorités et lefluance de receveur des cy devant privilégiés... le receveur nous menge cher et au sans miséricorde ny considération. Nous sommes redevables des rentes foncières au sy devant privilégié, sa est est Juste, dessus la plus grande partie de notre terrain et nous contestons point... ». Mais l'apprécis des grains est fixé par les justices subalternes, par exemple, à 3 l. pour toute espèce de grains. Le receveur exige 4 l., 4 l. 10 s., au lieu de 3 livres. « Le receveur ne lui manque point de finesse pour faire sa quittance ou collon par laquelle il déclare avoir reçu en espèce, ce que le receveur ne reçoivent presque jamais. Ceux qui payent 20, 30, jusques 40 boisseau par an sont totallement ruynés ; il suffit qu'un receveur aura fait des recettes pendant 10, 15, 20 ans, il deviendra sy riche que le foncier des biens des veuve et orfelin et cultivateur... ». Leguern demande la réforme des « attouchements faits par les receveurs jusqu’à ce jour », et même la restitution de ce qu'ils ont pris indûment. — Que les fonciers, dit-il encore, soient tenus de communiquer aux colons leurs titres primordiaux avant de toucher la redevance, et qu'ils se conforment à ces titres : « tous les déclaration rendue jusques à ce jour seront déclaré nul, comme étant la plus grandes parties de cette déclaration construit par les receveur et procureur fiscaux des fonciers, qui ont augmentés l'arrentement d'un quart e trois quart estant quelque endroit la moytié... »].

6° — Qu'on abolisse l'usement affreux de quevaise et qu’on en convertisse la tenure en féage.

[Note : Il y avait à Plounevez-Moëdec des quevaisiers dépendant de la commanderie du Palacret. Nous lisons dans le Terrier du Palacret, de 1731, fol. 701 (Arch. des Côtes-du-Nord, série H) : « Il y a dans cette paroisse la chapelle et le village de Keranmenech, qui composent 12 tenues, dont les unes sont possédées à titre de quevaise et les autres à titre d'héritage. Les vassaux sont sujets à suivre le moulin du Rechou étant dans la distance d'une lieue ; les rentes avec la dîme sont affermées Quiriou Le Mortellec ». Ce bail indique que la dîme et le terrage se perçoivent à raison de la 6ème et 7ème gerbe. Les aveux de quevaise qui suivent (Terrier, fol. 702 et sqq.) mentionnent les charges qui pèsent sur les quevaisiers, et notamment la dîme « de 20 gerbes 3 », les lods et ventes au quart denier, les corvées. Ainsi l'aveu de la quevaise Toëzer (fol. 726) déclare : « ... Sont tenus [les quevaisiers] de charroyer les foins et matériaux pour la réparation des manoirs, églises, chapelles, moulins et chaussées dépendant de ladite commanderie ». Voy. aussi d'autres documents relatifs à des tenues quevaisières (Ibid., série H, fonds du Palacret, liasse 1)].

7° — Que les poids et mesures soient uniformes dans tout le royaume, tant pour les liquides que pour les grains et autres objets, et qu'à l'égard des procès qui peuvent actuellement exister entre seigneurs et les vassaux, ils soient, après instruction par pièces et mémoires, jugés irrévocablement, sans frais, par une commission souveraine et incessamment.

8° — Ils attestent en honneur et en conscience que l'organisation et la graduation des juridictions seigneuriales désolent la province, principalement les campagnes ; pour y remédier, ils demandent que la justice soit universellement administrée au nom du Roi, que les justices seigneuriales soient supprimées, et qu'il soit formé des arrondissements de juges royaux, lesquels ressortiront au Parlement ou au Présidial, sauf à établir des prévôtés de police aux lieux convenables.

[Note : Plusieurs juridictions s'exerçaient en Plounevez : celles de Keranrays (haute justice), appartenant au comte de Bouteville ; de Kerprigent-Kerhaber (haute justice), à M. de Lanascol ; de saint-Loha (moyenne et basse), à M. du Parc Keryvon (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1819, état de 1766, et OGÉE, Dictionnaire de Bretagne, t II, p. 345). Vers 1755-1760, un conflit éclata entre le conseiller au Parlement, M. du Parc, et le Premier Président au sujet de l'exercice de la juridiction de Saint-Loha, qu'ils revendiquaient l'un et l'autre : voy. à ce sujet un dossier conservé aux Archives des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), E 2379 — La délibération des habitants de Plounevez, du 5 janvier 1790, se plaint très vivement des justices seigneuriales. Les nobles, dit-elle, « ont vécu jusqu’à présent avec les procès aux dépans de notre biens et notre vies, comme les poissons dans l’eau, et qui nous ont conduit d’un tribunal à l'autre jusques aux conseils privés, à ce bornant quelques fois de conformer une sentence après l'autre sans faire vérification d’aucun titre ny se conformer à aucune ny apprecy ny poids ny mezure, pour payer leur redevance… ». Que l’on jette les yeux sur les papiers qui sont entre les mains des avocats du Conseil Privé pour les procès qui vont être jugés (papiers qui se trouvent maintenant entre les mains de Me Thacussios) : « … Comme les nobles ont étez jusques à présent l’un juges à l’autre, nous ce trouvons à l’impossibilité de deffendre aucune véritez. Plus l’assamblés nassionalle donne des decrés contre les nobles, plus cecy nous affligent… » (Arch. Nat., D XIV 3)].

9° — La plupart des paroisses se trouvent une ou deux fois par siècle écrasées par les réparations des presbytères, qui occasionnent aussi fréquemment la ruine des familles de recteurs ; pour y obvier, il serait convenable d'établir une caisse diocésaine, où chaque année se verserait une somme levée sur la cure, pour frayer à ces réparations à la diligence du recteur, sans recours vers les paroissiens.

10° — Les églises de Bretagne ont quantité de modiques rentes de cinq, dix, vingt sols, de trois, six ou douze livres, ce qui consomme ces églises en frais pour reddition d'aveux et en procès avec les débiteurs, ce qui gène d'ailleurs les redevables par le fournissement de déclarations coûteuse ; et l'unique remède est que l'on permette aux généraux de vendre ces rentes qui n'atteindront pas cinquante livres annuelles et d'en recevoir le remboursement au denier trente pour, du produit annuel, acquérir des biens dans un ou plusieurs tenants, sans indemnités, amortissements, ni même lods et ventes, vu que les rentes à aliéner auront produit tous ces droits.

11° — Il se lève dans cette paroisse trois espèces de dîmes : la première, dans le meilleur canton, à la six et septième gerbe au profit de MM. du Palacret ; la seconde, dans la majeure partie de la dite paroisse, à la douzième gerbe, aux gentilshommes qui y résident, sous le spécieux prétexte de frayer à la chasse des loups et autres bêtes fauves ; mais cette chasse ne se fait pas, l'attribution se paye régulièrement, les bestiaux ne sont pas moins la proie de ces animaux carnassiers ; il y a donc abus, et les paroissiens demandent la suppression de ces dîmes ; la troisième se lève à la trente-sixième gerbe et qui se paie au recteur ou curé : outre ces différentes dîmes, il se paie encore au recteur une prémice, qui est d'un boisseau de froment par convenant.

[Note : La seigneurie du Marquès possédait en Plounevez la dîme du Marquès. Le livre rentier de la seigneurie (1765-1769) (fol. 10) déclare à ce sujet qu'elle avait cours dans plusieurs convenants et était affermée 30 l., mais, ajoute le rédacteur. « j'ay attaché la dîme à chacun des nouveaux convenants que j'ai faits » (Arch. des Côtes-du-Nord. E 2373). A la seigneurie du Vieux-Marché appartenaient les dîmes des frairies de Kerilis, de Traou Le Guer et de la Noë Verte, qui en 1748 et en 1770 étaient affermées 18 l. (Ibid., E 1745. Vente de la seigneurie du Vieux-Marché, 1748, et E 926, Minu du marquis de la Rivière, 1770). La seigneurie du Ledern exerçait aussi le droit de dîme dans plusieurs frairies. Le produit de cette dîme s'est accru considérablement, surtout dans la seconde moitié du XVIIIème siècle : les prix de ferme, qui avaient été de 72 l. en 1739, 60 l. en 1746, 63 l. en 1754, se sont élevés a 96 l. en 1766, 105 l. en 1769, 150 l. en 1781 et 1783 (Ibid., E 2385). La dîme du Ledern avait produit en 1765 : 33 boisseaux ou demi-renées de seigle, mesure de Belle-Isle, valant 101 l. 5 s ; 33 boisseaux ou demi-renées de seigle, mesure de Belle-Isle, valant 101 l. 5 s. ; 33 boisseaux d’avoine (53 l. 12 s. 6 d.) ; 34 boisseaux de blé noir (59 l.) (Ibid., E 2373, Livre rentier de la seigneurie du Marquès, fol. 97). Sur le taux de cette dîme, nous trouvons des renseignements précis dans la déclaration du convenant Kernéan, fournie par Yves Le Blevennec, le 27 septembre 1787 : les terres du convenant sont « sujettes à la dîme seigneuriale du Ledern, d'oû elles relèvent noblement, à raison de la 12e gerbe une, dans les gaigneries de blés seulement, celle ecclésiastique y comprise, excepté ledit Parc Neveu Bras, qui en est exempt et sujet à prémice au recteur de Plounevez… » (Ibid., E 2387). Les convenants dépendant de la seigneurie de Rosambo devaient aussi à celle-ci la dîme à la 12ème gerbe (Ibid., E 937)].

12° — Le cultivateur regarde comme une vexation la plus onéreuse les perceptions exorbitantes des meuniers à l'égard de leurs détraignables ; après avoir conféré sur les moyens d'empêcher ces abus, qui résultent de la sujétion aux moulins, on ne trouve d'autre remède efficace pour, d'une part, faire aux meuniers se conformer à la loi et, de l'autre, pour rendre le peuple satisfait, que la voie de la liberté, que les sujets réclament unanimement.

[Note : Il existait dans la paroisse de Plounevez plusieurs moulins dépendant de plusieurs seigneuries : le moulin de Saint-Loha appartenait à la seigneurie du Marquès et était affermé 78 l. en 1768 (Arch. des Côtes-du-Nord, E 2373. Livre rentier de la seigneurie du Marquès, 1765-1769, fol. 57) ; le moulin de Roz-Plounevez, sur le bord de la grande rivière de Guic ou de Loquenvel, appartenait à la seigneurie de Rosambo et était affermé 120 l. en 1770 (Ibid., E 926, Minu après décès de Le Peletier de Rosambo, 25 septembre 1770). Pour le moulin du Marquès, dépendant de la seigneurie du Marquès, nous possédons toute une série de baux, qui montrent que, si le revenu ne s'est pas accru dans la première moitié du XVIIIème siècle, il s'est élevé très rapidement, à partir de 1760 : en 1713 et 1717, le moulin fut affermé 210 l. ; en 1725, 240 l. ; en 1742, 210 l. ; en 1750, 180 l. ; en 1757, 210 l. ; en 1766, 300 l. ; en 1772 et 1779, 360 l. ; en 1786, 420 l. (Ibid., E 2375). Même observation en ce qui concerne le moulin de Troburunon, appartenant à la seigneurie du Lodern. En 1729, le moulin était donné à bail convenancier moyennant 66 l. et 5 douzaines d’anguilles ; en 1746, 1754, 1761, la rente fut de 72 l.., et à cette dernière date, les droits superficiels et réparatoires étaient évalués à 1.000 l. En 1769, le moulin fut donné à simple ferme, au prix de 384 l. et 1773, il fut affermé pour 7 ans, au prix de 376 l. Le bail du 26 septembre 1773 nous indique que certains convenanciers donnaient une rente déterminée au meunier pour droit de moute, par exemple 2 boisseaux de seigle (Ibid., E 2384). — Les vassaux du comte du Parc, propriétaire des seigneuries de Marquès et du Ledern étaient assujettis aux corvées de moulin, comme le montre une bannie d’Amateur–Anne du Parc, du 10 août 1783. Le seigneur « a fait entendre aux vassaux détraignables du moulin de la terre et seigneurie du Ledern, nommé le moulin de Troburunon, situé en la rivière du Léguer, en la frairie de Traouliguer, en Plounevez-Moëdec, que l'écluse dudit moulin est en si mauvais état que les eaux se perdent presque entièrement et empêchent le moulin de pouvoir moudre le grain et que par conséquent il est de nécessité indispensable de réparer l'écluse le plus promptement possible pour le service et l'utilité des mouteaux, à laquelle réparation ils sont obligés de contribuer suivant la coutume... ». Le document fixe alors dans les détails la nature des corvées que devra accomplir chaque convenancier. Tous seront astreints à ce travail pendant quatre jours, de 6 heures du matin à 7 heures du soir : et « attendu l’éloignement du château du Marquès du Moulin de Troburunon., les susnommés sont avertis d’apporter avec eux leurs diners et goûters et le foin en herbes pour les chevaux, parce qu’on en payera la valeur en argent à la fin de chaque journée » (Arch. des Côtes-du-Nord, E 2384)].

13° — Les paroissiens de Plounevez-Moëdec ne sauraient trop s'appesantir sur l'objet qui concerne les domaines congéables, dont la majeure partie de cette paroisse est affectée ; c'est ce qui les engage à observer que les cultivateurs de ces terrains sont excédés par des commissions exorbitantes, qu'on les force de payer à la noblesse qui réside dans cette paroisse et qui possède le fonds de toutes ces tenues ; outre ces commissions, s'ils ont le malheur de disposer soit d'un mauvais tronc d'arbre, soit d'un plant qu'ils ont, et leurs pères avant eux, élevé sur ce terrain, les seigneurs fonciers les assaillissent aussitôt et font à leurs colons payer, pour ces minces objets, des sommes qui excèdent la valeur de tout le bois du convenant.

Il y a 50 à 60 ans que leurs pères avaient la disposition des bois blancs, dans le nombre desquels ils comptaient le hêtre, l'orme, le frêne et le châtaignier ; cependant, depuis un demi-siècle, la tyrannie de la noblesse de cette paroisse les prive même des émondes de ces bois.

[Note : A l'expiration du bail couvenancier, au moment du congément, le seigneur foncier réclamait une indemnité au domanier pour les bois qu'il avait pu couper. Voy. à ce sujet une lettre de M. du Parc à son procureur fiscal Lofficial (9 mars 1767) : « de crois qu'on peut demander 36 ou 40 l. pour les bois coupés sur leurs fossés par Le Scornet et femme et autres déprédations, et celle de 50 ou 60 l. pour les bois coupés par le fermier du sieur Esdameton (?), qui, à la plupart, a eu la malice de les cacher ou frotter de terre ou de motte, pour faire croire que c’était vieux » (Arch. des Côtes-du-Nord, E 2387). — Les quevaisiers étaient soumis à des obligations analogues en ce qui concerne les bois. Nous lisons, en effet, dans l'aveu de la quevaise Toëzer : « Ne peuvent les quevaisiers abattre aucuns bois par pied sur lesdites quevaises si ce n'est pour employer aux bâtiments et réparations d'icelles, auquel cas ils sont tenus d'appeler le seigneur, les fermiers et receveurs ; pourront néanmoins jouir des émondes et bois desdits arbres » (Ibid., série H, Terrier du Palacret, fol. 726). — Le 14 novembre 1790, les officiers munipaux de Plounevez approuvent le projet de Le Lay, député de Morlaix, « si ce n’est qu'il est juste et équitable que le domanier jouisse des bois que ses soins ont entretenus et pourraient entretenir dans la suite » (Arch. Nat., D XIV 3)].

14° — La mendicité naissant de la fainéantise, la misère est extrême en Bretagne ; il est possible, facile même de la supprimer, si l'on établit partout des bureaux de charité, des ateliers de travail, si l'on favorise l'agriculture et l'industrie.

15° — Les mêmes habitants supplient Sa Majesté d'autoriser et créer un tribunal, plutôt économique que contentieux, de simples jurés, pour connaître sans frais des servitudes, cours d'eaux, chemins de voisinages, mutuautés, gages de domestiques et autres matières de ce genre en campagne et donner leurs décisions au moins en forme d'avis, avant qu'on puisse procéder dans les tribunaux de justice, qui condamneront par corps en une amende les particuliers réfractaires, en cas qu'ils succombent.

Au surplus, les habitants de Plounevez-Moëdec se référent aux arrêtés du Tiers Etat de Bretagne, tant du mois de décembre dernier que des séances durant les Etats ; et ont, ceux qui savent écrire, signé ce dit jour.

[31 signatures].

(H. E. Sée).

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