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LES CHAPELLES DE PLOUNEVEZ-LOCHRIST

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Lochrist-an-Izelvet

(Voir Louis Ogès. Le prieuré de Lochrist-an-Izelvet... dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, 1916).
La chapelle de Lochrist s'élève dans un site charmant, à deux kilomètres au nord-ouest du bourg de Plounévez. On l'appelle Lochrist-an-lzelvet ; plus exactement on devrait dire : an Izelvès. Izel-vez ou Izel-Guez signifie les arbres bas. A Lochrist le vent du large gène la croissance des arbres et les empêche de pousser bien haut.

La chapelle de Lochrist fut, des siècles durant, l'église d'un prieuré : ce qui divise naturellement notre étude en deux parties : la chapelle — le prieuré.

1°) CHAPELLE DE LOCHRIST.

ANCIENNES CHAPELLES.
La tradition hagiographie consignée dans Albert Le Grand rattache la première chapelle de Lochrist une victoire remportée sur les pirates païens par Fragan, père de saint Guénolé, et cela grâce à l'intercession de son fils. Le prince aurait bâti, sur le lieu même de la bataille, un monastère en l'honneur de la Sainte Croix (Les Vies des Saints... édition Kerdanet, p. 51).

L'oratoire de ce monastère fut remplacé au moins au XIIème siècle par une vaste église priorale, fondée par l'abbaye bénédictine de Saint-Melaine de Rennes. Le clocher actuel de Lochrist est du XIIIème siècle et la date 1263 est inscrite sur la pierre tombale de l'évêque Jean de Kermavan [Note : On sait que le culte du Christ, c'est-à-dire du Sauveur souffrant a été développé par les Templiers et les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem (Largillière, Les Saints... p. 21-23)].

Au-dessous des portes accouplées qui se trouvent à la base du clocher, une arcade ogivale porte un tympan composé de trois panneaux. Celui du milieu représente le Christ en croix ; aux deux panneaux latéraux figurent des anges agenouillés soutenant des écussons où sont représentés en relief les instruments de la Passion.

En 1521 une tombe fut concédée dans la chapelle à écuyer Goulven Maucazre, à charge de faire des fenêtres sur le chœur.

Parmi les prééminences dont jouissaient à Lochrist un certain nombre de seigneurs il faut placer au premier rang celles des Maillé-Kerman, qu'un procès-verbal dressé en 1614 par le peintre verrier Jean Bouricquen nous fait connaître, ainsi que les cinq dessins qu'il y a annexés.

« Derrière la tour, qu'il montre garnie d'une balustrade en quatrefeuilles et semée d'une quantité de lions héraldiques en ronde-bosse [Note : Cette tour, telle que l'a représentée Bouricquen, diffère étrangement du clocher de Lochrist tel qu'il existe encore. Elle est beaucoup plus basse, plus étroite, de forme cylindrique et semble accolée à la longère sud. Son beffroi, surmonté d'une flèche courtaude, abrite deux cloches d'assez grandes dimensions], apparaît une partie de la nef, éclairée d'en haut par des fenêtres romanes, tandis qu'une de celles du bas-côté est gothique. La petite baie en plein cintre du chevet ne contenait que deux écussons, aux armes du Roi et des Kerman, fondateurs de la chapelle. Mais ils possédaient, dans la longère sud, à droite du chœur, une chapelle prohibitive dédiée à sainte Anne. Les piédestaux des statues de sainte Anne et de la Sainte Vierge portaient, l'un de Kerman ancien, l'autre l'écartelé ordinaire de Lesquélen et de Kerman.

La fenêtre, à remplage du XVème siècle, était ornée d'un vitrail de la même époque. On y voit le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean. Dans le dernier panneau, saint Jean semble consoler la Mère du Sauveur en lui commentant les prophéties de la Bible. Plus bas sont rangés quatre couples de priants, avec leurs noms écrits au-dessous. D'abord, à gauche, « Messire Alein de Kerman et dame Janne de Rosmadec » présentés par sainte Catherine qui tient une épée et, un fragment de sa roue brisée. Ensuite, « Messire Tangui de Kerman et dame Marguerite de Pennaneach ». Celle-ci est coiffée d'un hennin d'où retombe un voile, et tous deux ont pour présentateur un saint muni d'un calice ou coupe. Au troisième panneau, saint Jean-Baptiste qui porte l'Agneau sur un livre, présente « Messire Tangui de Kerman et dame Elliete du Vieux-Chastel » [Note : Sic pour Eliette ou Aliette de Quélen, de la maison du Vieux-Chastel en Plounévez-Plorzay. Elle était fille aînée de Conan de Quélen, sire de Quélen, baron du Vieux-Chastel, et de Tiphaine du Quellennec, et épousa en septembre 1409 Tanguy de Kermavan, seigneur de Seizploué. Il est à remarquer que Bouricquen, se conformant à l'inscription de cette vitre, remplace toujours le nom de Quélen par celui du Vieux-Chastel]. Enfin un autre saint escorté d'une sorte de monstre vert présente « Messire Tangui de Kerman et dame Marguerite du Chastel ». La date du vitrail : en l'an m iiiic iiiixx iiiixx iiij (1484) suit cette dernière légende. Chacune des quatre châtelaines a sur son cotillon les armes de son époux mi-parti des siennes. Celles de Pennaneach sont d'argent à l'écu d'azur accompagné de 6 annelets de gueules en orle. Dans les découpures du remplage, les armes des mêmes personnages sont en alliance ainsi que Léon et La Forest.

La pierre tombale d'Alain de Kermavan, aujourd'hui encastrée dans le dallage, en avant du chœur, couvrait un enfeu élevé, sous une arcade gothique, à gauche de la chapelle de sainte Anne. Bouricquen a non seulement dessiné « le grand figure et portraict du seigneur de Seizploué avecq ses armes », mais il s'est attaché à transcrire l'épitaphe devant laquelle devaient pâlir Fréminville et Pol de Courcy et qui était alors bien plus lisible qu'à présent. Voici sa lecture : HIC : JACET : ALANUS : DE : VILLA : MAVAN : M : (ICI, cinq lettres informes) REQUIESCAT : IN : PACE + DEC : DIE : MERC : P : FESTI : BE : AGATHA : VIRG : ANNO : DNI : M : CC : LX : III (1263). Le fond de l'enfeu était garni d'un grand écu timbré et soutenu de deux lions avec des volets armoriés du Rosmadec-Gouarlot, Pennaneach, Quélen et du Chastel, le tout en « platte paincture ».

Au milieu du chœur, les seigneurs de Seisploué possédaient encore un caveau, surmonté d'une grande « tumbe de pierre enlevée ». Leur devise et leurs armes pleines ou alliées à celles de Rosmadec, Pennaneach, Quélen et du Chastel, en chargeaient le dessus et le pourtour, soutenues alternativement par des anges, des « hommes sauvages » et des lions. Enfin, la lizière ou litre funéraire, grande bande noire horizontale coupée d'écussons timbrés dont les lambrequins offraient les alliances précédentes et celles de Léon, Dinan, Ploesquellec, Rohan, du Perrier et Rostrenen, formait une double frise au-dessus des arcades du chœur et de la nef. Au-dessus de la fenêtre gothique du pignon ouest, il y avait à l'extérieur deux écus de Kerman ancien parti de Quélen et de du Chastel, et un autre écu en bannière de Lesquélen-Kerman supporté par deux hommes nus avec le heaume chaperonné d'hermines, le lion formant cimier, et la devise Dieux avant. De toute cette débauche héraldique rien n'a survécu, à part la fruste dalle du XIIIème siècle, tandis que l'on distingue encore sur quelques pierres du pavé l'échiqueté des Kergounadéac'h » (Le Guennec, Prééminences de la famine de Maillé-Kerman dans l'évêché de Léon en 1614, p. 16-18).

Un procès-verbal du 20 avril 1687 signale avec la chapelle des Kerman, les chapelles et prééminences de Châteaufur, du sieur de Coatanfao et de Kerouzéré, les voûtes et prééminences du sieur Pénanrue, du Dresnay, du sieur de Kermen-Poulpiquet, et du manoir de Traonboz (Ogés, op. cit.).

LA CHAPELLE ACTUELLE.
La chapelle de Lochrist tombant en ruines en 1781, il fallut songer à la rebâtir, ce qui fut fait quatre ans plus tard, sous la forme la plus mesquine.

Neuf écussons armoriés, malheureusement badigeonnés, figurent à l'intérieur dans les murs. Ils furent placés là par les possesseurs des anciens droits honorifiques, que l'on admit, de surcroît, à mettre leurs prééminences dans les verrières. Ces vitraux n'existent plus ; des verres blancs ont pris leur place.

Les statues en vénération dans la chapelle sont une Vierge-Mère, Jésus enchaîné et couronné d'épines attendant le supplice au calvaire, une piéta, saint Jean-Baptiste avec son agneau. Au-dessus de la porte sud un Christ en croix, dont le visage exprime une violente douleur.

Le clocher de Lochrist, prit feu en Janvier 1910.

A l'angle nord-est de la chapelle se trouve un vieux sarcophage en granit, exhumé du cimetière en 1830.

La fontaine de dévotion est située au fond du vallon. au pied de la colline sur laquelle est bâtie la chapelle. En 1830, observe M. Ogès, elle était abritée par une antique chapelle de style gothique.

La chapelle de Lochrist, desservie par un chapelain depuis la Révolution, fut érigée en chapelle de secours par Napoléon III le 9 mai 1839.

 

2) LE PRIEURÉ DE LOCHRIST.
L'existence d'un prieuré à Lochrist est attestée par les chartes du XIIIème siècle, qui portent : Prioratus Loco-Christi. Prioratus humilionis arboris. Il existait déjà au XIIème siècle et dépendait de l'abbaye Saint-Melaine de Rennes ; nous le savons par une bulle du pape Lucien III, confirmant le 1er juillet 1185 les possessions de cette abbaye [Note :  Mémoires de la Soc. d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, 1929 p. 82 — Cette bulle mentionne : « ecclesiam de loco Christi cum appendiciis suis »].

Les constructions devaient être considérables. Au moyen-âge, note M. Ogès, le monastère de Lochrist était l'un des plus riches de Bretagne. Ses domaines s'étendaient dans toutes les paroisses environnantes jusqu'à Ploudalmézeau, Plouguin, Plounéventer... Il possédait le droit d'asile. L'autorité et la réputation du couvent s'étendaient très loin.

Cependant dans la seconde moitié du XVIème siècle, les bénédictins abandonnèrent leur prieuré « parce que les dépenses nécessitées par les réparations absorberaient les ressources du bénéfice » (Note de M. Caër, prise aux Archives départementales). Ce bénéfice fut dès lors octroyé à un prieur commendataire, et desservi par des prêtres séculiers.

En 1634, au moment où écrit Albert Le Grand « le prieuré est presque désert et sécularisé » ( Les vies des Saints, éd. Kerdanet p. 51). Ses ressources diminuent sans cesse, et ne seront, plus que de 1200 livres en 1781.

En 1778 la maison pieurale et ses dépendances furent dévorées par un incendie. Trois ans plus tard le prieuré fut rattaché au séminaire de Léon, et par décret du 25 septembre 1781, Mgr de la Marche supprima le titre de prieuré de Lochrist. Ce décret fut approuvé par lettre patente de Louis XVI, au mois de décembre suivant.

LISTE DES PRIEURS.
1389 Mort d'Yves de Lannédern.
1508 Yves Camper.
1531 Yvon du Palust.
1521, 1536 Prigent Camper, religieux de l'abbaye de Saint-Matthieu.
1571, 1574 Tanguy Le Gall, chanoine de Lesneven.
1592 François Leïn.
1597-1608 Jacques Le Moyne, chanoine de Léon, recteur de Ploudaniel, demeurant à Ploedider.
1609-1610 René du Garreau, licencié en droit. Le 27 août 1610 ce prieur se plaint au grand vicaire et official de Léon de l'attitude de certains prêtres qui s'ingèrent indûment dans le service de la chapelle. Ils se revêtent du surplis, chantent des offices funèbres et commettent des exactions à l'égard des fidèles en « leur faisant payer tout ce qu'ils veulent, pour leur salaire ». Du Garreau était aidé dans son ministère à Lochrist par quatre prêtres.
1610-1628 Isaac Fouquet, chanoine trésorier de Saint-Martin de Tours.
1628 Jean Fouquet, neveu du précédent, en faveur de qui il a résigné son bénéfice.
1635-1644 Robert Cupif, doyen du Léon, et évêque de Léon en 1639. Il blasonnait d’argent à trois trèfles de sinople [Note : Sur un pilier du cimetière observe M. Ogès, on aperçoit l'écusson chargé de trois trèfles et timbré de la crosse et de la mitre de Robert Cupif].
1645-1653 Yves Fouquet, nommé sur designation de Cupif.
1664-1670 Louis Chesnel, docteur en Sorbonne.
1687-1698 Jean-Louis de la Bourdonnaye, docteur en théologie de la faculté de Paris, évêque de Léon 1701.
1714 Olivier de la Bourdonnaye, neveu du précédent, prêtre du diocèse de Saint-Malo, licencié en théologie.
1734-1741 Jacques-Nicolas Gauthier, prêtre du diocèse d'Avranches, demeurant à Paris.
1740-1768 Louis Digue, bâchelier en théologie, du diocèse de Fréjus, pourvu en commende par Benoît XIV.
1768-1777 Georges Lucan de Tymen, aumônier en 1775 des Dames de la Retraite de Brest.
1780 Jean Le Bouler qui, à l'extinction du prieuré en 1782, demeure titulaire du bénéfice jusqu'à sa mort.
En 1785 un nommé Richenet est dit prieur « de la nouvelle église ».
Le Séminaire confie ensuite la desserte de Lochrist à Barthélemy Le Gall, curé de Plounévez depuis 1786.

Sous la Révolution, les biens du prieuré furent vendus nationalement, on ferma la chapelle et ce fut, dans ces lieux jadis si animés, le silence et la désolation.

LOCHRIST CENTRE DE DÉVOTION.
Le pardon de Lochrist avait lieu chaque année le 14 septembre, en la fête de l'Exaltation de la Sainte-Croix. Il était accompagné d'une foire très importante dont les revenus étaient perçus en 1463 et dans la seconde moitié du XVème siècle, par le seigneur de Kermavan. La grande fête annuelle attirait à Lochrist, de tous les pays limitrophes, des milliers de pèlerins.

En temps ordinaire la dévotion à l'endroit du Christ se manifestait par de multiples fondations et donations, et aussi par des pèlerinages faits de façon privée.

A ces marques de dévotion le Seigneur se plaisait à répondre par des signes de sa faveur et de sa protection. Un curieux document conservé aux archives départementales relate un miracle dont aurait bénéficié Yves Kérézéan, du village de Kergoall en Plounévez. Mort de la peste en 1534 il aurait été ressuscité le même jour, à la suite du pèlerinage de sa mère à l'église prieurale. Ce document est une lettre écrite le 16 juillet 1609 par le fils d'Yves Kérézéan et adressée au prieur René Garreau.

C'est ici le lieu de mentionner une vieille gwerz bretonne, datant probablement du XVIIIème siècle et imprimée dans la première partie du XIXème siècle chez Lédan, rue du Mur à Morlaix [Note : Autrou Lochrist an Izelvet, e ty Ledan e traon ru ar Vur. La pièce devait se chanter var ton nevez Quadri. Coadry est une chapelle de Scaër où l'on honore aussi an Aotrou Christ]. De caractère populaire elle comprend 141 quatrains octosyllabiques. Le barde qui a composé cette pièce, note M. Caër, s'appelait Le Gall. Il s'en était réservé la propriété, et devait la chanter lui-même, dans les pardons, foires et marchés, au grand attendrissement des auditeurs. En voici une brève analyse.

Après avoir invoqué l'assistance de Dieu le Père, de son ange gardien et de la Vierge, le poète déclare qu'il y eut jadis à Lochrist une fontaine, fréquentée par une foule de pèlerins. Chaque jour, en la présence d'un prêtre vêtu de l'aube et de l'étole, des malades étaient baignés dans une auge remplie de l'eau de la fontaine, et chaque fois l'un d'eux était miraculeusement guéri. Par crainte cependant d'une épidémie on recouvrit la fontaine, et dès lors les pèlerins se firent moins nombreux. Les miracles toutefois se produisaient quand même en fort grand nombre, et le barde populaire de nous en donner un spécimen.

Deux époux charitables vivaient à Lochrist. La femme un jour, pressée par la préparation du repas, refusa l'aumône à un pauvre qui se présentait dans la cour de la ferme, mourant de faim. Abandonnant à la maison un enfant encore à la mamelle, force lui fut de se rendre à Rome pour y demander l'absolution du pape. Vingt-cinq ans s'écoulèrent sans qu'elle reparût au pays ; son mari s'en autorisa pour se remarier.

A Rome, la pauvre femme, sur ordre du pape, fut enfermée, pour trois jours, dans une « cellule de pénitence », avec du pain et de l'eau en quantité suffisante. Longtemps oubliée dans sa prison, elle vivait encore quand on se souvint d'elle. Absoute par le Souverain pontife et mise en liberté, elle rencontra à Rome le charpentier qui avait sculpté la statue du Christ en Izelvet, et celui-ci lui fit don d'une bague blanche, qui devait l'aider à trouver le chemin de son pays.

Revenue à Lochrist, elle fut mal accueillie par sa remplaçante. Sa fille et son fils qui venait d'être promu au sacerdoce la reçurent bien, sans la connaître, tout en soupçonnant la vérité à une marque qu'elle portait à la jambe.

Le lendemain elle communia de la main de son fils qui chantait sa première messe à Lochrist. Après quoi elle lui donna à lire un billet, que nul ne pouvait lui ôter des mains, et où sa vie entière était écrite. Tous deux moururent sur place de douleur et d'amour. Au su de l'événement, le mari et la fille se rendirent à l'église, mais tous deux, frappés d'une vive douleur tombèrent morts sur la route. Leurs cadavres furent portés en charrette à Plounévez pour y être inhumés. A ce moment des prêtres firent savoir que d'après la volonté divine, le corps de la mère devait être enterré à Lochrist, et des bœufs le ramenèrent à cet endroit. La statue du Christ, de son doigt tendu, indiqua le lieu qui convenait à la sépulture. Le barde ajoute ensuite : Nep a glevo an histor-ma, - Oc'h eus clevet da recita, - Zo crissoc'h eget an tigret - Ma ne vez o c'halon touchet.

Heureux temps où des récits si naïfs étaient crus et faisaient pleurer le peuple [Note : Voir dans la brochure de M. Ogès : « Le dernier miracle du Christ » curieuse légende que l'on se raconte encore dans les veillées].

Le cantique breton chanté actuellement au pardon de Lochrist, et qui porte l'imprimatur du 12 mai 1938, comprend treize strophes octosyllabiques. En voici le refrain : D'an Aotrou Christ en Izelvez - Henor a gloar e Guinevez, - Henor a gloar da virviken - D’ar Groaz, guir banniel ar c’hristen.

 

Notre-Dame de Pont-Christ.

« A l'une des extremitez de ceste paroisse, écrivait en 1647 dom Cyrille Le Pennec, est la chappelle de Nostre-Dame de Pont-Christ, près du passage de la mer qui est fort dangereux ; priez Dieu et sa bonne mère qu'il ne vous y arrive ny peur ny douleur » (Albert Le Grand, Vies des Saints de la Bretagne Armorique, édition Kerdanet, p. 519).

C'est le passage de Pont-Christ. La mer montait jadis jusqu'à Milin-ar-Gall, et s'étendait, aux hautes marées jusqu'au calvaire de Pont-Christ. A marée basse, on passait la rivière sur un pont en pierre ; à marée haute la traversée se faisait en bateau. Ce n'était pas toujours sans danger. Vers 1825, un 14 septembre, des gens de Cléder et de Sibiril, retournant de la foire et pardon de Lochrist, arrivèrent devant Pont-Christ quand la mer était haute. Comme il y avait ce jour-là grande marée, ils s'embarquèrent à la croix même de Pont-Christ, à laquelle le bateau vint accoster. Au nombre de quatorze, hommes et femmes, tous périrent en mer.

Etant donnée l'imagination celtique, ce passage périlleux devait susciter des légendes. M. de Kerdanet rapporte la croyance populaire selon laquelle le pont de Pont-Christ avait été fait par le diable, à la condition d'avoir le premier être qui y passerait. Ce fut un chat qu'on y fit passer tout d'abord. Le diable furieux démolit tout, et jura même qu'il démolirait sans cesse tout ce qu'on y construirait dans la suite (Albert Le Grand, Vies des Saints de la Bretagne Armorique, édition Kerdanet, p. 519). Il creusa, au surplus, deux gouffres en cet endroit, l'un pour les marquis, toull ar markis, l'autre, pour les pages, toull al lakès.

Le pont fut reconstruit en 1829. Plus tard on bâtit une digue à Kernic pour empêcher la mer d'envahir les campagnes environnantes ; un assez grand espace a ainsi été gagné à la culture (1851).

Nos aïeux, hommes de foi, crurent qu'il était bon de bâtir près du passage une chapelle au Christ où les voyageurs pussent invoquer Celui qui commande aux vents et aux flots, avant de tenter la traversée de Kernic. Vers 1385 cette chapelle et le pont, voisin avaient besoin de sérieuses réparations. Pour stimuler le zèle des fidèles et provoquer leurs aumônes, on adressa au pape Clément VII une demande d'indulgences. Le pape qui résidait alors en Avignon, acquiesça à la requête en accordant, le 12 juin 1387, les indulgences désirées (Annales de Bretagne, 1910, p. 189). La lettre de concession mentionne « les miracles que Notre-Seigneur Jésus-Christ opéra dans la chapelle, grâce aux mérites et aux prières de la Vierge Marie sa mère », puis elle constate « le grand concours de peuple que la piété amène dans le sanctuaire » [Note : Ce concours devait se produire le premier dimanche de mai, jour où la procession de Lochrist se rendait solennellement à Pont-Christ avec les reliques précieuses].

Jean Bouricquen, nous fait savoir qu'en 1614, le pignon du clocher de notre chapelle arborait les armes en bannière de Kerman ; dans la petite maîtresse vitre les mêmes armes étaient entourées de la devise : Expecta loca, tandis qu'un écusson mi-parti de Kerouzéré et de Le Blonsart, dépendant de la terre de Kersabiec, était logé dans le lobe du premier panneau.

L'oratoire de Pont-Christ fut réparé au XVIIème siècle. Avant 1847, M. de Kerdanet y a lu les inscriptions suivantes : au cadran solaire la date de 1647, au-dessus de la petite porte de la façade midi : Par Monsieur Cadour 1695, au-dessus de la porte du pignon ouest : Dom Yves Cadour P.

La chapelle contient trois autels en pierre, le maître-autel dédié au Christ, l'autel de la Vierge au sud, celui de saint Isidore au nord.

En 1852, les pierres des murs en ruines entrèrent dans la construction de la maison des Religieuses de l'Immaculée Conception au bourg, et dans la porte de la cour du presbytère. Vers 1900, M. Le Guennec remarqua dans les dernières ruines un écusson aux armes écartelées de François Le Bihan, seigneur de Kerellon, et de sa femme Isabelle Le Canaber, mariés en 1657.

Le 10 juin 1912 M. Caër, recteur, visita Pont-Christ, et il note mélancoliquement : Etiam porters ruinæ : les ruines mêmes ont disparu. Mais il ajoute : ce qui n'a pas péri à Pont-Christ c'est la dévotion à la Sainte Vierge.

La vieille statue de la Madone a été placée dans une niche, creusée dans une ancienne muraille. Durant le mois de mai on vient faire « le mois de Marie » devant cette statue, de tous les villages environnants. Et c'est ainsi que victorieuses du temps, les anciennes dévotions survivant aux ruines de toutes sortes, fleurissent toujours dans l’âme populaire.

La chapelle de Pont-Christ possédait 66 livres 10 sols de revenu (Kerdanet, Vies des Saints, p. 519).

Vers 1780, le prêtre gouverneur du sanctuaire touchait 320 livres, pour une messe basse les dimanches et fêtes.

La présentation du chapelain revenait au seigneur de Maillé.

La croix de Pont-Christ, datée de 1676, existe toujours. Le Sauveur crucifié est assisté de la Sainte Vierge et de saint Jean qui tient un calice. A l'avers de la croix, la mère de Jésus est encadrée de deux saints qui portent chacun un livre ouvert.

La fontaine de dévotion se trouve, non loin de la chapelle, de l'autre côté de la route.

 

Notre-Dame de Kermeur.

« Dans la paroisse de Guyenevez, note Dom Cyrille Le Pennes, vous avez l'antique chappelle de Nostre-Dame du Kermeur, construicte au mitan de ce beau boys, joignant la barrière du chasteau du Boys, l'une des maisons de plaisance des seigneurs de Kermaon ou Kermavan ; les messieurs de ladite maison y ont eu, de temps immémorial, une très particulière dévotion ; le grand peuple que l'on y voit aborder de divers coigns du Léon, aux festes de la Saincte Vierge, donne assurance tant de la saincteté de ce lieu que de l'assistance que plusieurs recoyvent de la Reyne des Anges » (Kerdanet, Vies des Saints, p. 518-519).

Se cachant sous les hautes futaies qui enveloppaient le château de Seizploué, la chapelle de N.-D. de Kermeur (Itron Varia Guerveur) était paroissiale. Les Kerman, toutefois, la considéraient comme leur appartenant, et ils s'étaient réservé le soin de la décorer et de la doter richement.

Cette « antique chapelle » existait déjà vers la fin du XIVème siècle. En 1393 il fallait la reconstruire et pour stimuler à cette occasion la générosité des fidèles, le pape Clément VII octroya des indulgences par une lettre du 9 mars de cette année dont voici un extrait : Cupientes igitur ut capella Beate Marie de Magnavilla, aliàs Anguervor (Ar Guerveur) sita in parochia de Plebenova, leonensis diocesis, congruis honoribus frequentetur, et ut Christifideles eo libentius ad dictam capellam causa devotionis confluant, et ad fabricam ipsius capelle eo promptius manus porrigant adjutrices... (Peyron, Actes du Saint-Siège, p. 113).

Tanguy de Kerman fit aussitôt construire la chapelle. Comme il y avait fondé une chapellenie pourvue d'une dotation suffisante, l'abbé de Saint-Matthieu reçut mandat du pape Benoit XIII de l'autoriser à y faire célébrer la messe par quelque prêtre que ce fût, pourvu qu'il fût idoine et que les droits de l'église paroissiale fussent sauvegardés (Peyron, Actes du Saint-Siège, p. 124).

La chapelle de Kermeur, au dire de M. de Kerdanet, fut rebâtie en 1555. Grâce au brave Bouricquen nous sommes fixés sur les sujets de ses verrières et les fresques qui la décoraient.

La maîtresse vitre, dont le tympan indignait la fin du XVème siècle, arborait à son sommet l'écusson plein de Bretagne, ceint de la cordelière. Le vitrail avait été offert par Tanguy de Kerman et sa femme Louise de la Forest. Peints tous deux dans les baies latérales, ils étaient présentés au groupe de N.-D. de Pitié qui occupait le panneau du milieu, par saint Tanguy, costumé en abbé et sainte Madeleine, munie de son vase de parfums. Plus haut des écus, tenus par des anges, figuraient des mi-parti de Kerman et de Pennaneach, Rosmadec, du Chastel et la Forest.

La statue vénérée de Notre Dame de Kermeur reposait sur un socle aux armoiries de l'évêque Jean de Kermavan, soutenues par deux anges. De grands écussons couronnés, entourés de la cordelière de l'Ordre, couvraient les murs du chœur, et présentaient les belles alliances directes et indirectes de la maison : Maillé, Sourdis, Luxembourg, Goulaine, Bourbon, Amboise, Dauphiné, Orléans, Vendôme, Thouars et Montmorency.

Deux grandes fresques, avec personnages de taille naturelle, décoraient les murailles de la nef. A droite, Jean de Kerman, seigneur de Lesquélen, fils aîné de Morice de Ploesquellec et de Françoise de Kerman, apparaissait pieusement agenouillé, en armure toute blanche, sauf les jambières noires, l'épée au côté, la tête nue, le visage encadré d'une chevelure bouclée, le collier de l'Ordre au cou. Son patron saint Jean-Baptiste, en robe à poil de chameau, portant sur un livre l'Agneau pascal muni de la croix triomphale, le présentait à une très dolente N.-D. de Pitié. Sur la gauche, ses deux neveux, Louis, marquis de Kerman et Christophe de Kerman, seigneur de la Marche, étaient représentés en priants devant une image de la Trinité, couverts d'une armure formée de nombreuses lames articulées. Portant barbe et moustache, la tête émergeant d'une fraise, Louis de Kerman, avait près de lui le saint roi de France, son patron, couronné, le sceptre à la main, en grand manteau d'azur constellé de lys d'or, avec sa robe cousue d'un quartier d'hermines, tandis que Christophe, au rond visage juvénile sous une chevelure frisée, était escorté de son robuste patron, à mi-jambes dans la rivière dont il assurait le passage, portant sur ses épaules athlétiques l'Enfant Jésus bénissant.

« Il y avait une touchante pensée, observe M. Le Guennec, dans la figuration de ces trois gentilshommes morts tragiquement, l'un noyé, les autres en duel, privés sans doute de sacrements, et dont le salut éternel demeurait dès lors incertain » (Prééminences de la famille de Maillé-Kerman, p. 27-29).

La chapelle de 1555 subsista jusqu'en 1805, et de ses ruines on ne la releva plus.

D'après M. de Kerdanet, le revenu de N.-D. de Kermeur était en 1789 de 187 livres 10 sols.

Vers 1580 M. Chognet, du diocèse de Paris, était titulaire de la chapellenie de Kermeur, dont la présentation appartenait au seigneur de Maillé. Il touchait 300 livres par an.

Une fort vieille croix se dresse sur la place du village de Kermeur. A l'avers du Christ, figure la Vierge couronnée, portant son enfant dans ses bras. Au socle apparaît un calice sculpté, entouré d'une inscription à caractères gothiques : ce calvaire fut établi par les soins d'un prêtre.

 

Chapelle de Maillé.

La chapelle actuelle de Maillé a été aniénagée dans la remise du château, trois ans après la ruine de N.-D. de Kermeur : cela résulte de la date de 1808 que porte un confessionnal confectionné à cette époque pour le nouvel édifice.

L'autel est surmonté d'un vieux tableau représentant un cardinal guérissant un malade, qui se dresse sur son séant en une attitude de suppliant. A droite de l'autel c'est un groupe de la Trinité, dont il ne reste plus que le Père et la croix du Fils. A gauche apparaît N.-D. de Kermeur, belle et grande statue du XVIème siècle : la Vierge est remarquablement drapée ; l'Enfant Jésus très petit et mal conservé, est étendu dans les bras de sa mère. Du même côté, contre la muraille latérale, apparaît un saint moine gothique portant à la main un cahier ouvert. De l'autre côté figure un autre saint moine du même genre, dont les deux mains sont brisées.

A droite de l'autel on voit aussi une grande statue d'un pape assis, coiffé de la tiare et tenant devant lui une croix moderne.

Du côté nord de la chapelle existe un panneau peint où l'on reconnaît saint Pierre à la clef qui est suspendue à sa main.

La chapelle de Maillé se trouve sous le vocable de Notre-Dame du Mont-Carmel, comme l'était sans doute auparavant la chapelle de Kermeur.

 

Saint-Nicolas de Kernic.

A Kernic, non loin des murs qui avoisinent la « Tour », existait jadis une petite chapelle dédiée à saint Nicolas, évêque de Myre en Lycie au IVème siècle, et patron des marins. Il n'en reste plus de trace. La statue du saint a été transportée à Kersabiec.

La légende s'est emparée de cette statue. D'après quelques-uns saint Nicolas était parent de saint Eden, vénéré dans une chapelle de Plouescat, voisine de la mer. Les deux saints aimaient beaucoup se rendre visite et c'est durant la nuit qu'ils faisaient ces promenades. D'après d'autres, saint Nicolas était extrêmement casanier. Si on lui changeait de place, il revenait immanquablement à son point de départ. Un ouvrier de Landivisiau, du nom de Nicolas, qui travaillait dans le pays, dit un jour : « Je mettrai bien mon saint patron dans une place qu'il ne pourra pas quitter ». Avisant une fenêtre de manoir il eut l'idée d'y mettre saint Nicolas. Comme cette fenêtre n'était point assez haute, il coupa les jambes du saint à la hauteur des genoux et le fixa dans la fenêtre, et même, comme il était un tantinet peintre il le badigeonna fort décemment. Le saint n'a plus quitté cette place : il a les jambes coupées !

 

Sainte-Anne de Kéraouel.

C'est une chapelle privée appartenant à M. Casimir du Vergier de Kerhorlay.

Le 24 février 1882, un chemin de croix y fut érigé par M. Le Roux, recteur. Signèrent au procès-verbal de la cérémonie : du Vergier, né de Réals, Henriette. Marie, Anne du Vergier...

 

Notre-Dame de Vrai-Secours à Traonjulien.

Cet oratoire public, qui appartient à M. Camille de Dieuleveut, se trouve au bord d'une esplanade boisée, bordant un vallon silencieux. Il a un petit clocher en dôme, qui porte la date de 1729.

Au-dessus de l'autel on aperçoit la sainte patronne N.-D. de Vrai Secours. C'est une Vierge Mère couronnée qui tient un sceptre dans la main. L'Enfant Jésus porte le globe du monde. A droite est sainte Anne apprenant à lire à sa fille.

Au bas de la chapelle sur le sol un saint Sébastien mutilé.

 

Saint-André de Keroliou.

Il ne reste plus trace de la chapelle Saint-André. Vers 1830,
les murs subsistaient encore dans une garenne de Keroliou, dite « garen Sant-André ». La statue du saint est logée dans une niche. Des pèlerins viennent le visiter et le prier pour des enfants atteints de la coqueluche. On sait que ce mal est dénommé en breton an dreo, jeu de mots avec André. Les pèlerins, notait M. Caër en 1912, emportent de la terre qui est sous la pierre où repose le saint, et la mettent dans les sabots du malade. Tous les ans à la Saint-André les voisins y viennent le soir en pèlerinage et y disent ensemble les « grâces » ou prières du soir.

 

Saint-Yves du Liorzou.

Aucun vestige ne subsiste de cette chapelle. Elle devait se trouver au sud-est de la maison de ferme, dans un champ dont le nom était sans doute park-ar-chapel ; on l'a divisé en deux parcelles de terre dont l'une s'appelle park-ar-chapel-vras et l'autre park-ar-chapel-vihan.

 

Chapelle de Kersabiec.

On voit, ou on voyait naguère, quelques restes de la chapelle domestique où Françoise de Kérouzéré dame du lieu et de Kernic, avait fondé une chapellenie en 1609.

Cette chapelle bit bâtie en 1593. Tanguy de Kerouzéré, sieur de Kersabiec, obtint, le 30 novembre de cette année l'autorisation de la construire de Mgr Roland de Neuville, évêque de Léon. C'était sous le rectorat de Prigent Le Ny, trésorier et chanoine de Léon (Archives départ., 202. G. 7).

 

Chapelle de Kerguélen.

Cette chapelle dont on ignore l'emplacement, existait entre 1760 et 1770.

 

Autres chapelles.

La tradition place une ancienne chapelle à Kermorvan, et une autre, Sainte-Christine, au manoir de Langristin. M. Ogès mentionne dans ses notes, Saint-Laurent, au manoir de Kergongar, N.-D. de la Paix au manoir de Landégniac'h fondée par Jean de Kerlezroux, vers 1500, Saint-Evête au manoir de Kergaradec, Sainte-Ouïdé au manoir de Camfrout, puis d’autres chapelles aux manoirs de Kerbiquet, de Coatlus, de Rescourel, de Rillac ainsi qu’à Keryvin (Archives départ. Dossier Le Guennec).

(H. Pérennès).

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