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LA FRERIE DE TREGONEZRE EN PLOUJEAN

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FRÉRIE DE TRÉGONEZRE.

Cette frérie est ainsi nommée de la colline qui forme le point culminant de Ploujean et que la nature a dressée si à propos, à l’extrémité de la commune, au confluent des rivières de Morlaix et du Dourdu, ainsi qu’un écran protecteur contre les vents et les bourrasques de la Manche. De sa crête déchirée, couverte de bruyères et de landes fauves, à 95 mètres d’altitude, le regard embrasse, de Plougasnou à Lambader, de l'Ile de Batz à Sizun, un immense et magnifique panorama. Il plonge d’abord et s’arrête longtemps, invinciblement, sur la belle nappe bleue du golfe, glacée d’argent, veinée de stries miroitantes ou laiteuses, assoupie dans son cadre de hautes terres verdoyantes et de promontoires s’enlevant en silhouettes d’ombre sur les lointains brumeux où meurent les deux pâles azurs du ciel et des flots, puis il suit le sévère profil des plateaux du Léon qui s’étagent en arrière-plans successifs, plane sur un vaste cirque creusé de vallons, bosselé de coteaux, se heurte à la chaîne nue des montagnes d’Arrée dont les longues et violettes ondulations barrent l’horizon du sud, et glissant sur l’arête infléchie des meziou trégorrois, revient de nouveau se perdre dans la douce splendeur de la mer. C’est elle surtout qui fait le charme de ce magique paysage, et l’œil s’attarde à suivre les barques de pêches bercées sur la houle autour des îles, au pied du château du Taureau, ce vieux gardien de notre rade qui, malgré ses embrasures vides et ses plateformes désertes, semble encore continuer sa faction séculaire.

Dressée en face de l’océan comme la proue d’un navire, la montagne de Trégonezre drape ses flancs d’un manteau d’épaisses futaies, et la vague vient y mourir sous l’ombre des sapins et des chênes. Parmi les manoirs qui se cachent, à l’abri du vent, dans les replis de ses pentes boisées, est celui de l'Armorique, jadis la plus importante terre de toute la paroisse. Outre leur droit de haute, base et moyenne justice, les seigneurs du lieue étaient encore, de par ce fief, inféodés de la charge de prevôts de Morlaix, et avaient droit à la septième partie des debvoirs et coustumes des foires de la ville, pendant toute la durée desquelles le sénéchal leur confiait les verges de la justice, symbole de son pouvoir et les investissait du gouvernement de la cité, avec juridiction plénièe sur les habitants (V. Histoire de Morlaix de Daumesnil éd. Allier, p. 196-198).

Ces charges à gage, c’est à-dire attachés à une terre seigneuriale, n’étaient point rares autretois en Bretagne, avant la réunion de notre province à la France. Si le titulaire s’acquittait mal de ses fontions, son domaine était saisi par les officiers ducaux, et servait de garantie aux pénalités fiscales encourues par lui.

Albert le Grand rapporte, au sujet de l'Armorique, une tradition intéressante quoique gravement altérée. D’après lui, c’est là qu’aurait debarqué, en 382, le Romain Flavius Maximus, venu de Grande Bretagne avec une armée pour conquérir la Gaule et s’y tailler un empire. Sans s’arrêter même à discuter l’hypothèse du passage de Maxime à l’Armorique, puisque d’après l’historien contemporain Zozime, sa descente eut lieu à l’embouchure du Rhin, il ne faut voir dans cette tradition qu’un souvenir confus de l’arrivée sur nos côtes, au sixième siècle d’une de ces bandes d’émigrants insulaires chassés de leur pays par les hordes saxonnes. Pendant que les exilés s’établissaient à leur gré, par les halliers et les bois, leur tyern, pour arrêter les attaques toujours possibles des pirates du nord, barra cette trouée à laquelle sa position sur le rivage fit donnner le nom de l'Armorique.

Le fief de l’Armorique paraît être un débris du beau partage accordé par Charles de Dinan, sire de Montafilant et de Bodister, à son cadet Jouhan de Dinan, époux de Philippe du Guesclin, sœur du célèbre connétable : « Se lit en certaines enquestes, dit une ancienne généalogie de la maison de Lannion, que ledit Jouhan de Dinan… avoit eu en partage les terres et seigneuries de Plogano et de Bodister, mais il n’en jouist ny ses enfants et successeurs, parce que les officiers de son aisné recouvrèrent et emblèrent les lettres dudit partage ».

Il ne laissa qu’une fille, Anne de Dinan, dame de l’Armorique, mariée à Yvon Foucault, seigneurs de Lescoulouarn. Leur fils Eon Foucault seigneur de Lescoulouarn et de l’Armorique, capitaine de Conq (Concarneau) en 1413, chevalier en 1420 dans l'armée levée contre les Penthièvre, fut l’aïeul de Yves Foucault, seigneur des mêmes lieux, banneret aux Etats de Bretage en 1455 et sergent féodé de Morlaix aux Etats de 1462. La famille Foucault s’est fondue dans Languéouez, puis Talhouët et Guengat, et la terre de l'Armorique a été vendu vers 1550, par Jacques de Guengat et sa femme Marie-Jeanne de Talhoët, seigneur et dame de Lescoulouarn : à Yves de Goesbriand, seigneurs dudit lieu, capitaine de Morlaix en 1558, dont les descendants se qualifiaient de barons de l’Armorique et disputaient aux marquis de Locmaria les premiers prééminences de l’église de Ploujean, où ils avaient une tombe haute et plusieurs écussons et effigies de priants dans les vitraux peints.

Au début du XVIIème siècle, l’Armorique passa par acquêt à la famille Carré. Elle a depuis appartenu aux Minihy du Rumen, Mauduit du Plessis, de Maczon, Guillemot de la Villebiot el enfin de Lugré.

Le donjon primitif de la seigneurie devait couronner un monticule escarpé, formant promontoire sur le vallon, et terminé par une étroite plate–forme rocheuse. L’ancien manoir, construit au XVIème siècle, est ruiné et converti en ferme ; on y remarque surtout le portail de la cour, à portes cavalière et piétonne pratiquées dans une solide muraille revêtue de pierres de tailles ; derrière la maison s’étend un vaste jardin, à l’angle nord duquel fait saillie un pavillon carré. Des chênes et des hêtres centenaires jettent sur les vieilles murailles enlierrés et croulantes l’ombre mouvante de leur feuillage, au travers duquel on voit, dans l’échappée du vallon, briller la nappe bleue du golfe et glisser les voiles pourpres des pêcheurs de Locquénolé. Un manoir moderne, construit et habité par la famille de Lugré, s’élève à la lisière du bois regardant la rade de sa façade à tourelles.

Sur le versant est de la montagne de Trégonezre s’étagent de hautes futaies qui enveloppent et cachent l’ancien manoir de Suciniou, type délicieux de gentilhommière bretonne si bien enfouie dans le feuillage qu’à grand’peine en émergent les girouettes de ses tourelles. Une magnifiques avenue des hêtres nous conduit au portail de la cour, appuyé à une petite chapelle au toit plaqué de mousses vertes. L’édifice principal, flanqué de deux tours rondes et d’un pavillon revêtus de lierre et de vigne vierge, date du XVIIème siècle, mais il a subi bien des mutilations.

Dans la chapelle se lit cette inscriptions, imprimée sur une feuille de parchemin encadrée :

« Cette chapelle a été bénite par Noble Messire Jean du Parc, Recteur de Ploujean, dediée à N. D. de Grace par permission de Mgr Baltazar Grangier, évêque et Comte de Tréguier le 19 may 1661, jour de M. St-Yves, fondée par Noble Homme Julien Bélin et Dlle Francoise Coroller, Sr et Dame de la Furtais, pour y dire la messe toutes les fêtes et dimanches de l’année, fors excepté les jours de Pâques, Pentecôtes, la Toussaint, Nouel, et jour de la dédicace de la paorisse ».

L’autel, surmonté des statues de Saint-Bernard et de Saint-Yves, est orné d’un ancien tableau sur toile de bonne facture, quoique dégradé. Cette toile représente une petite fille vêtue de blanc, agenouillée sur un coussin, entre Saint–Francois, en costume de cordelier, et Saint–Julien , en seigneur Louis XIII, l’épée au côté. Au-dessus paraît sur les nuages une Vierge-Mère escortée d’anges dont l'un tient un cartel portant ces mots : Nostre–Dame de Grâce.

La fillette figurée sur ce tableau est Francoises Coroller, fille de Julien Bellin, sieur de la Furtays, riche banquier morlaisien, entourée de son saint patron et de celui de son père, à l’intercession desquels elle dut une guérison quasi-miraculeuse. Née le 26 décembre 1651, elle avait quatre ans lorsque fut exécuté ce tableau, signé : du Pré Noblet f. 1656 [Note : Jacques Noblet, sieur du Pré, était Morlaisien. Il épousa 1° le 2 Juillet 1643, à St-Melaine, Marie Colas, dame du Roslan, et 2° à St-Mathieu, Catherine Blanchard, le 15 août 1661. Il mourut à St-Melaine le 2 Juin 1662, âgé de 50 ans, et fut inhumé dans l’église. Son acte de décès le qualifie " d'excellent peintre "]. A douze ans, la petite penherez de Suciniou épousa le sénéchal de Morlaix, Jean Crouézé, sieur de la Maillardière, le 7 février 1664. Leur fille Marie Geneviève Crouézé, mariée en 1702 à Alexandre. Chrestien, seigneur de la Masse, apporta dans cette famille la terre de Suciniou. Un cadran solaire posé sur le parapet de la terrasse offre encore les armoiries d'Alexandre Chrestien : une fasce accompagnée de trois casques de profil, accolées à celles de sa seconde femme Louise de Kerrerault, qu'il avait épousée en 1705 : un fretté brisé d'une fleur de lys.

Après la mort, vers 1785, de Messire Pierre-Alexandre Chrestien de la Masse, ancien major d'infanterie et chevalier de Saint-Louis, décédé sans postérité de sa femme Marie-Estienne Quemeneur, le manoir de Suciniou passa par héritage aux Ploësquellec de Kerprovost, sur lesquels le saisit la Révolution.

Mis en vente comme lieu national, Suciniou fut acquis par le capitaine de vaisseau en retraite Charles Cornic, le fameux corsaire morlaisien, qui, résidant à Bordeaux depuis 1761, et nommé colonel général de l'artillerie de cette ville, avait dû la quitter en 1793, lorsque le féroce proconsul Tallien y vint, selon son expression « couper la tête des meneurs et saigner la bourse des riches égoïstes ».

Il ne rentre pas dans notre plan de retracer tout au long, une fois de plus, la vie de notre vaillant compatriote, de ce Cornic dont un autre Morlaisien, Émile Souvestre, a le premier, dans ses Chroniques de la Mer, dégagé des brumes du passé et de la légende la mâle physionnomie. Contentons-nous donc de saluer en passant le paisible manoir où s'abrita l'active et verte vieillesse de l'intrépide Officier bleu, du héros de la Félicité et du Protée, du sauveteur de l'Isle-Saint-Georges, où les toiles du peintre brestois Gilbert retracent ses grandes actions.

Pendant une dizaine d'années, Cornic vécut à Suciniou avec une famille de paysans qu'il y avait accueillie, et son historien ému, M. Charles Alexandre, nous décrit ainsi ses journées, toutes semblables vouées au devoir et au labeur.

Le matin, il descendait par la colline et se rendait à son magasin, robuste et massif édifice qu'on peut voir encore en 1908 au dessous de l'Armorique, échoué sur la grève comme une barque abandonnée. Il y réunissait tous les enfants du voisinage, leur faisait l'école de la marine, les conduisait en rade sur son bateau, leur enseignait pratiquement ce dur et viril métier qu'il avait tant aimé lui-même. De retour au manoir, il montait à sa chambrette des mansardes et assis à sa table, près de la fenêtre par laquelle il voyait la mer briller dans le feuillage et des voiles blanches ou roses glisser à travers les ramures frémissantes, il écrivait ses notices, ses mémoires sur ce beau golfe qu'il regardait comme un trésor pour notre marine, dont il aurait voulu faire un port de refuge, une embuscade sûre et redoutable d'où nos corsaires eussent guetté le passage des navires chargés des richesses de l'Inde ou des Antilles.

Le soir enfin dans la grande salle, assis sur son fauteuil, au coin de la cheminée de pierre, il causait longuement avec ses commensaux, s'intéressant à leurs labeurs, à leurs récits, tout en buvant son habituelle tasse de thé, puis l'heure du repos venue, il s'endormait dans son hamac.

Très charitable, d'une bonté brusque et ronde, il secourait la misère par le travail, en occupant de nombreux ouvriers à ses constructions, à ses chantiers, aux murailles de son parc. Aux jours du pardon, sous l'avenue, il se plaisait à parcourir la foule endimanchée et joyeuse, et lui ouvrait, pour danser, la salle du manoir. Les infirmes, les malades des environs recevaient de lui du bouillon, de la viande, des vêtements.

Ainsi se passèrent, obscures et bienfaisantes, les dernières années de cette noble existence. Quelques séjours à Morlaix, chez ses parents, de fréquentes visites à son frère Mathurin Cornic, qui résidait de l'autre côté de la rade, au manoir de Coatilès, en animèrent seules l'heureuse monotonie. Cornic aimait tendrement son frère, aide patient de ses travaux, confident de ses patriotiques études ; aussi sa mort fut-elle pour lui un coup terrible. Il quitta tristement Suciniou et la mer, et revint à Morlaix, où il mourut peu de temps après, le 12 septembre 1809, à l'âge de 78 ans.

Son nom, sa gloire s'oublièrent vite, et selon l'expression d'Emile Souvestre, un siècle entier marcha sans la voir, sur cette pièce d'or cachée dans la poussière. On ne saurait donc trop louer l'initiative de ceux qui ont mis fin à ce déplorable oubli, et dressé sur une des places de notre ville l'énergique et mâle image du héros trop longtemps méconnu.

Dans la chapelle du manoir avait été célébré, le 2 juillet 1768, le mariage de noble maître Ronan-Jacques-François Landois, sieur de Kerderrien, notaire royal et procureur au siège et sénéchaussée de Morlaix, fils de Guy Landois, sieur du Clémeur, et de Françoise-Louise de Kersauson ; et de Marie-Thérèse Gabrielle de Tréménec, fille de défunts écuyer François de Tréménec et de Jeanne-Renée Jouan, originaire de Carnoët, en présence de Messire Pierre-Alesandre Chrétien de la Masse, chevalier, seigneur de Suciniou et de sa femme Marie Etienne Quéméneur, dame de la Masse.

La propriété de Suciniou appartient vers 1908 à une petite nièce de Cornic, Madame Alexandre, veuve d'un poète et littérateur morlaisien fort distingué, M. Charles Alexandre, qui fut secrétaire de Lamartine et représentant du peuple en 1848. Les souvenirs de l'harmonieux chantre d'Elvire et de Jocelyn, bustes, livres, esquisses, se mêlent dans le manoir à ceux du rude corsaire, portrait, panoplies de sabres et de pistolets d'abordage, et tableaux retraçant ses plus glorieuses actions : le combat de la frégate la Félicité contre un vaisseau, une frégate et une corvette britanniques, en 1758 ; la prise du vaisseau anglais l'Ajax par le vaisseau le Protée, en 1761 ; l'inondation de la Garonne, en 1770, pendant laquelle Cornic arracha 600 personnes à la mort et les nourrit plusieurs jours.

Outre le manoir de Suciniou, il existait encore deux ou trois autres maisons nobles du même nom, formées par les vieilles fermes à pignons aigus et fenêtres étroites qui s'élèvent à l'ouest, sur la lisière du bois. L'une d'elle appartenait vers 1560 à Jean Nouel, sieur de Kermorvan en Plouigneau, aïeul de Martin Nouel, sieur de Suciniou, que acquit en 1602, pour la somme de 48 livres, la ferme du droit d'ancrage dans le port de Morlaix. Il fut nommé enseigne du château du Taureau le 18 novembre 1604.

De son mariage avec Gratienne Nocher, alias Nauchair, issurent plusieurs enfants baptisés à Saint-Melaine et à Saint-Mathieu de Morlaix de 1609 à 1614. Le dernier était Vincent Nouel, Sieur de Suciniou, époux de Marie de l'Estang, laquelle mourut à Suciniou le 15 novembre 1680 et fut inhumée dans l'église de Ploujean. Avec leur fils Vincent, sieur de Sucinio, décédé à Saint-Melaine de Morlaix, le 29 mars 1680, à l’âge de 27 ans, s’éteignit cette branche des Nouel.

On trouve aussi un Guillaume Nouel, époux de Marguerite Hert, habitant Saint-Martin de Morlaix, et qualifié de sieur de Suciniou depuis 1616 jusqu’à sa mort, survenue le 22 avril 1642. Il laissa plusieurs enfants, entre autres Marguerite Nouel, mariée le 21 Juin 1630 à Yves Le Minihy, sieur du Mesguen.

Vers 1615 vivait églement à Saint-Melaine Yves Cam, sieur de Suciniou, époux de Marguerite Bidégan. En 1697, noble homme Yves d’Alancon, avovat au Parlement, se qualifie dans un acte de baptême à Ploujean de sieur de Suchuniou de Traonévez.

Dans une garenne situé au nord-est de l'observatoire bâti sur l’une des crêtes de la montagne, des ouvriers ont découvert, il y a quelques annés, en extrayant du sable, un très curieux groupement de petites cellules rondes, creusées dans la roche friable, et reliées entre elles par d’étroits passages qu’on ne peut franchir qu’en rampant. Plusieurs de ces chambres souterraines ont été détruites, mais il en subsiste  en 1908 encore quatre ou cinq, et l’on distingue l’ouverture de quelques autres non encore dégagées. Des fouilles pratiquées à diverses reprises dans ces alvéoles nous ont donné de nombreux fragments de poterie brunâtre et grossière, des morceaux de terre cuite et de clayonnage en abondance, une petite coupe ou cupule en poterie noire, des instruments et armes de pierre, parmi lesquels un gros galet cylindrique de quartz, deux hachettes, un grattoir de quartz à arêtes tranchantes, des percuteurs en granit ou en diorite, un petit morceau de fer, etc. A peu près tous les outils exhumés par nous sont formés d’un granit à gros grains, mélangé de cristaux, assez dur, mais peu susceptible de taille régulière ni d’arêtes vives.

On connaît dans le Finistère plusieurs autres chambres souterraines du même genre, notamment à Rugéré en Plouvorn, à la Tourelle, en Ergué-Armel à Kerlouët, en Landivisiau, à Trégourez, à Pont-croix. Certaines semblent dater d’une époque très reculée, antérieure à l’âge de bronze, mais dans d’autres on a trouvé des objets gallo-romains. Il serait à souhaiter que quelque archéologue achevât l’explorations des chambres du Méné-Plouïan, et fit fouiller sous de grandes dalles de pierre voisines qui paraissent recouvrir des sépultures.

L’épais manteau d'ajoncs qui revêt la parti la plus élevée de la montagne empêche d’en étudier la configuration étrange et mouvementée. Ce ne sont partout que crevasses profondes, éminences, enceintes bouleversées en terre ou en pierres sèches. Il est probable qu’un oppidum préhistorique a dû exister jadis sur cette hauteur que les vieilles cartes marines nomment le Tertre-Morgan.

Sa position dominante, permettant d’embrasser un immense horizon de terre et d’eau, sa proximité de la mer et de deux estuaires poissonneux, sa ceinture de vallons ombreux pleins de sources et de gibier, en faisaient un vrai lieu d’élection pour l’établissement de l’une de ces peuplades anciennes qui demandaient leur subsistance à la chasse et à la pêche, tout en se gardant avec vigilance d’une attaque toujours possible de la part de quelque tribu jalouse ou famélique.

Une levée de pierres brutes mêne de Sucinio au belvédère gazonné du Cador (la chaise), d'où la vue rivalise d’ampleur avec celle que l’on découvre du marabout de l’Armorique :

« Le long de la Dour-duff, par ce matin tranquille,
Nous avons tous les deux marché dans la presqu’île,
Tenu l’étroit sentier, en septembre encore vert,
Puis tourné vers la lande et quitté le couvert ;
Et du haut du Ka-dor, tu m’as montré, cher hôte,
La mer et le château du Taureau, l’âpre côte,
Et le Kreisker au loin, Saint-Pol et ses maisons,
Et les bois emplissant de triples horizons ! »

(Frédéric Plessis, la lampe d’Argile).

Plus bas descendent jusqu’à la grève les jolis bosquets de Poullalec, qui entourent et cachent une maison de champagne possédée par M. Cloarec, maire de Ploujean, député du Finistère. De cette propriété déend la petite ferme de Coatdesq, aux abords de laquelle on a découvert, vers 1880, une cachette de fondeur formée d’une douzaine de haches à douille et à talon et d’une belle pointe de lance ornée au pointillé sur la lame et autour des trous de rivets.

Les hautes futaies de Suciniou déversent leur avalanche de feuillage sur le versant Est de la colline, jusqu’au calme et vert étang assoupi au pied des grands hêtres, derrière sa chaussée disjointe que surmonte un vieux moulin à marée, et jusqu’à l’embouchure du Dourduff, coin charmant que les Morlaisiens fréquentent avec prédilection tous les dimanches d’été. Des bois pleins de fraîcheur s’inclinant sur la grève, un gai village ensoleillé éparpillant ses maisons blanches au-dessus d’un petit port naturel, la rivière frissée de vaguelettes scintillantes, des barques filant bon train, penchées sous leurs voiles rousses, la rade et la mer bleue, n’est ce pas là le paysage rêvé pour une bonne journée de villégiature ouvrière, avec ses gais repas sur l’herbe, ses baignades dans l'eau claire qui gagne lentement la palue tiède, douce aux petits pieds nus, ses siestes sous les grands pins maritimes que la brise du large emplit d'harmonies ?

Au sud-est du Mene-Plouian, émerge d'un bouquet d’arbres le pavillon du petit manoir du Cosquérou, dont les bois sont encore un lambeau de cette riche toison de forêts qui ceignait jadis la montagne. En 1427, le Cosquérou appartenait à la famille Richard ; vers 1460, aux Estienne, et en 1503, à Jean de la Forest, père d'Olivier. Il passa ensuite à Guillaume Denis, sieur du Gorrequer, marchand à Morlaix, et époux, en 1656 de Claude du Gratz, de qui sont issus les sieur de Trobriand, en Plougasnou, de Kerfanéfas et de Talarglas, en Plouézoch, de Keredern et du Cosquérou, en Ploujean.

Son fils aîné, Jeans-Elie Denis, sieur de Trobriand, né le 10 juillet 1664 à Saint-Melaine de Morlaix, maintenu en qualité de noble et d’écuyer par arrêt du Conseil en 1715, épousa : 1° Fiacre Le Loucze ; et 2° Marguerite Le Disez, et mourut en 1725, après avoir eu seize enfants, parmi lesquels Jean-Etienne Denis, sieur du Cosquérou, Talarglas, Trobriand, Jean Marie Denis, sieur de Villeneuve, et Jean-Elie Denis, sieur de Keredern, père du vaillant marin dont nous avons parlé par ailleurs. La branche du Cosquérou alliée au XVIIIème siècle aux familles de Suasse, Drouet et Le Gris du Clos, est aujourd’hui éteinte, et le manoir appartient vers 1908 aux Mège. C’est une modeste maison d’apparence moderne, mais bien située dans un site agreste et riant.

Entre le Cosquérou et le bourg de Ploujean existait jadis la mare de Poul-ar-Bellec (la mare du prêtre). Ce nom provenait de ce qu’on y ayait trouvé noyé, le 19 février 1636. « Missire Mathurin Merer, prestre et chapalain de la paroisse ». Elle n’existe plus.

La vielle ferme de Kervellec, situé à la naissance du vallon de l'Armorique, semble, par la solidité de sa construction et les meneaux de ses fenêtres, avoir été jadis une maison noble : elle contient d'ancien : meubles de chêne sculpté, auxquels leur délabrement ôte d’ailleurs toute valeur. Noble homme Nicolas–Augustin Carré et sa femme Catherine–Rose Herry, de la paroisse de Saint-Melaine, se qualifient dans l’acte de décès de leur fille Françoise, en 1726, de sieur et dame de Kervellec. Sur le puit est posé un reste d’ancienne croix armoriée provenant de Kerochiou.

(L. Le Guennec).

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