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LA FRERIE DE KERSCAU EN PLOUJEAN

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FRÉRIE DE KERSCAU (ou KERSCAO).
Le chef-lieu de cette frérie était l'important hameau de Kerscau, formé de deux ou trois maisons nobles dont il est assez malaisé de démêler les possesseurs respectifs. La famille de Kerscau, connue depuis Jean, époux vers 1427 de Marguerite Le Long, s'est plus tard transplantée dans le Minihy de Léon, et son berceau appartenait vers 1500, à Yves Quintin, époux de Marie de Coatanlem, puis, en 1616, à Pierre Quintin, sieur de Rochglaz, maire de Morlaix, marié à Catherine Nouël, dont Alexandre Quintin, écuyer, sieur de Kerscau, qui épousa le 5 mai 1640, à Saint-Melaine de Morlaix, Marguerite Tournemouche, dame de Trogriffon.

On voit aussi les Trédern, vers 1660, se qualifier de sieurs de Kerscau par alliance avec les Quintin. Un autre Kerscau était au début du dix-septième siècle, la résidence d'une branche de la famille de Kersaintgilly. Nous ignorons laquelle de ces terres appartint plus tard aux familles Denis et le Denmat de Resguen.

Le premier fief de la frérie de Kerscau était le manoir de la Boissière, d'abord à la famille du même nom, puis aux Kersulguen, par le mariage, en 1502, de Prigent de Kersulguen avec Tiphaine, dame de la Boissière. Leur fils Tanguy de Kersulguen, bailli de Morlaix et Lanmeur en 1455 épousa Constance Le Voyer, dont Jean, bailli de Morlaix en 1484, allié à Béatrix de Keramborgne. Pierre de Kersulguen, leur fils aîné, époux de Marguerite du Poirier, dame de Bongoat, « se rendit, dit Guy Le Borgne (Armorial breton, p. 22) si agréable à la Duchesse Anne, en qualité de l'un de ses Gentilshommes ordinaires, qu'elle ne dédaigna de prendre son logement en ladite Maison, faisant une tournée par le pays » Ajoutons, à cette intéressante note du bon alloué de Lanmeur, que se fut en se rendant en pélerinage à Saint-Jean du Doigt pour demander au Précurseur la guérison de son œil malade, que la duchesse Anne honora la Boissière de sa royale visite (1505).

Messire Michel de Kersulguen, seigneur de la Boissière, Crechonvel, Kerduté, Traoudousten, etc.., épousa vers 1635 Philippe de Lanloup de Kercabin. Il mourut le 5 septembre 1657 et fut enterré le lendemain dans l'église « en sa tumbe eselvée au milieu du chœur ». Son fils aîné Jean, décédé à Morlaix en 1686, n'eut pas d'enfants de sa femme Françoise du Parc, de la maison de Kergadou, et laissa ses biens à son frère Michel de Kersulguen. Ce dernier, marié à une demoiselle de la Villeneuve, du Béarn, abandonna le séjour de la Boissière pour celui du château de Kercabin, en Plouëc dont il avait hérité, et la famille de Kersulguen, après avoir produit un président de la noblesse bretonne aux Etats de 1731, s'est fondue dans les maisons de Tinténiac et de Lannion ; de cette dernière, la terre de la Boissière a passé par alliance aux Stapleton, originaires d'Angleterre, puis, saisie nationalement, appartient vers 1908 par acquêt à la famille Mège.

De l'ancien manoir, que précédaient de longues avenues d'ormes et de hêtres, malheureusement abattues depuis peu, il ne subsiste plus qu'un pavillon à comble aigu, le portail écussonné de la cour, quelques murailles croulantes et un colombier. M. Le Vacher a acquis et fait placer sur une terrasse de sa villa de Roch-ar-Brini, en Ploujean, un écusson provenant des démolitions de la Boissière, offrant les armes alliées de Jean de Kersulguen et de Béatrix de Keramborgne, seigneur et dame du lieu en 1480, (parti au 1 coupé au 1 d'un lion accompagné d'un canton écartelé, au 2 de 7 annelets ; parti au 2 d'un heaume accompagné de 3 coquilles). Ce blason, d'un beau relief et d'une conservation parfaite, est supporté par un aigle qui le tient dans ses serres, et accosté de deux figurines d'anges déployant des banderoles sur lesquelles se lit, en caractères gothiques, la devise de la maison de Kersulguen : Lessez dire.

On conserve au Musée de Morlaix une minuscule et fort curieuse statuette d'or gallo-romaine, paraissant être la personnification féminine du Silence, qui, découverte en 1780 dans le jardin de la Boissière, fut acquise par M. Duplessix-Quéméneur, procureur du Roi.

Outre leurs prééminences de l'église de Ploujean, les seigneurs de la Boissière avaient encore dans l'église du Mur à Morlaix, une chapelle dédiée à St-Pierre et joignant au maître-autel du côté de l'épître, éclairée d'une grande vitre à 4 soufflets contenant 4 écussons aux armes des Kersulguen, pleines et parti de la Boissière, le Verger et du Périer. A côté était une autre vitre à 6 soufflets contenant 8 écussons des mesmes armes et alliances « et au dessoulz dicelle vittre est une voulte avec un écusson des mesmes armes, qui est un lion cantonné chicquetté d'or et de gueules ». (V. Préém. de l'église du Mur, Mss, A- 19 des Arch, Départem.).

Non loin de Kerscau, près du carrefour des routes de Lanmeur et de Plougasnou existe la ferme de Kervézélec, autrefois Kerbrézelec (le lieu du guerrier). Le bâtiment qui flanque le portail est percé de fenêtre à meneaux et d'une lucarne gothique, mais les autres édifices semblent moins anciens. Pierre Oriot, sieur de Kerbrézelec, signe comme parrain à un baptême en 1614 ; nous ne connaissons rien autre chose sur ce lieu. A l'ouest de la frérie s'étend la terre du Neckoat (le bois élevé), l'une de ces propriétés qui bordent sans interruption la commune de Ploujean dans sa partie confinant à la rivière. Il y avait là jadis deux manoirs, Neckoat et Kerneckoat, ce dernier appartenant aux Kergournadech en 1587, puis possédés l'un et l'autre par une branche de la famille Coroller, issue d'Yves Coroller, quatrième fils de Jean, sieur de Kervescontou et de Marie de Partevaux, qui épousa en 1633 Guillemette Le Borgne. L'aîné de leurs enfants, noble homme Philippe Coroller, sieur de Kerdanneau, sénéchal du marquisat de Guerrand, Guicaznou et Bodister, et sa femme Claude Le Bourva, résidaient en 1676 au manoir de Kerneckoat ; resté veuf, Philippe Coroller se remaria en 1681 à Périne de Kerloaguen. Son fils aîné Yves, garde de la marine vers 700 épousa Mauriette Le Coant, dont issurent Jean-Baptiste prêtre, et deux filles.

Joseph Coroller, sieur du Neckoat, époux d'Eléonore Blanchard et frère puîné de Philippe, fut maire de Morlaix en 1679 et juge-consul en 1684. Une de leurs sœurs, Périne, se maria à noble homme Jean Cozten, sieur du Rascoët ; leur fille Guillemette, héritière de son oncle Joseph Coroller, apporta la terre du Neckoat dans la famille Bonnemez qui la transmit par alliance aux Kerouartz.

Le château du Nechoat, riche résidence moderne dont les tours à flèches pointent sur la colline, au dessus des grands arbres, a été restauré et habité par le général Le Flô, l'une des célébrités contemporaines de la Bretagne. Né en 1804 à Lesneven, il fit ses premières armes en Afrique, sous les ordres et aux côtés de ses vaillants amis Bedeau, Lamoricière, Changarnier. A l'héroïque assaut de Constantine, il faillit rester sous les décombres de la porte écroulée du Marché. Blessé une seconde fois au col de la Mouzaïa, il conquit à la pointe de l'épée ses épaulettes de chef de bataillon et de colonel. A son retour en France, Cavaignac le nomma général de brigade en 1848 ; il devint ambassadeur en Russie, député à la Constituante (1848), à la Législative (1849), et s'opposa en 1851 au coup d'Etat de Louis-Napoléon. Proscrit par l'empire, le général Le Flô se retira à Jersey et y vécut jusqu'en 1859, près de Victor Hugo. Les revers de l'année terrible le rappelèrent dans la patrie menacée. Ministre de la guerre en 1870-71, député du Finistère en février 1871, il écrasa l'insurrection de la Commune et pacifia Paris puis fut envoyé par Thiers à l'ambassade de Russie, où l'attendaient des victoires diplomatiques aussi brillantes qu'inespérées. Il gagna l'amitié du tzar, le conquit à la cause de la France, sut ainsi préserver notre pays d'une nouvelle invasion allemande en 1875, et fut le promoteur de cette alliance franco-russe solennellement scellée depuis en de mémorables circonstances. Revenu à sa terre du Neckoat, il y mourut, au mois de novembre 1887, pleuré des pauvres et regretté de tous ; à ses obsèques assistait un général russe envoyé par le tzar Alexandre III. Une statue de fière allure et d'une frappante ressemblance, érigée à Lesneven en 1899 a depuis fait revivre aux yeux de ses compatriotes la martiale physionomie du vieux soldat d'Afrique. De son mariage avec Mlle Guégot de Traoulen héritière du Neckoat, le général Le Flô n'a laissé qu'une fille, qui a épousé M. le comte de la Barre de Nanteuil et à laquelle appartient la terre du Neckoat.

La route de Lannion sépare le Neckoat de la propriété de Coatserhou, beau parc de 20 hectares couronné d'épaisses futaies qui se déversent sur les pentes en une avalanche de frais feuillage et qui, faisant face aux frondaisons de Portzantrez, encadrent merveilleusement la nappe brillante du port de Morlaix et les grands voiliers qui dorment, amarrés à ses bords. A l'entrée du cours Beaumont, ainsi nommé d'un maire de Morlaix en 1810, père d'un aide-de-camp du duc de Bellune créé baron de l'Empire en 1810, et longeant la partie la plus basse du parc de Coatserhou, coule la fontaine du Styvel, ornée au fronton d'une galère, armes de Morlaix, et offrant l'inscription suivante : Cette fontaine a esté refaite et agrandie de nouveau l'an 1716.

Une autre fontaine, plus simple que la précédente et datée de 1790, a gardé le nom de : Fontaine des Anglais, depuis le massacre qui, au seizième siècle, ensanglanta ses eaux. Profitant de l'absence des nobles de Morlaix, appelés aux monstres de Guingamp, et des plus vaillants bourgeois et marchands, partis à la foire de Noyal-Pontivy, une flotte anglaise pénétra en rade le 30 juin 1522 et jeta sur la côte une forte troupe de soldats et de marins. Ceux-ci s'embusquèrent dans les bois du Styvel et n'en sortirent qu'à la nuit close pour se ruer sur la ville, dont les portes leur avaient été ouvertes par des émissaires déguisés. Surpris dans leur sommeil, terrifiés de cette invasion soudaine, les habitants ne tentèrent aucune résistance. La chronique a pourtant gardé le souvenir de Missire Jehan Périou, recteur de Ploujean et chapelain du Mur, qui arquebusa de son clocher plusieurs pillards attirés par le trésor de l'église, et fut tué d'un coup de feu, et aussi d'une chambrière de la Grand'Rue qui, en ouvrant dans le couloir de la maison une trappe donnant sur la rivière, noya quatre-vingts Anglais avant d'être elle-même précipitée du grenier dans la rue. Mais ces initiatives isolées ne purent arrêter les envahisseurs ni diminuer l'étendue du désastre. Au point du jour, las de pillés et d'égorger, les Anglais abandonnèrent la ville en flammes et se retirèrent avec force butin et bon nombre de prisonniers. La noblesse réunie à Guingamp, prévenue par des fuyards, accourait déjà ventre à terre au secours de Morlaix ; survenue trop tard pour empêcher sa ruine, elle la vengea du moins sur une bande de six ou sept cents traînards qui, ayant fait bombance dans les celliers des Lances, cuvaient leur ivresse sous les ombrages du Styvel et de Coatserhou. Tous, ils furent massacrés sans pitié, et l'eau d'une source voisine coula rouge de leur sang. Depuis lors, elle s'est appelée la fontaine des Anglais (Feunteun ar Saozon).

Benoît de Coatserhou était, en 1301, garde de la forêt de Cuburien pour le vicomte de Léon. Au seizième siècle, Coatserhou appartenait à la famille du Plessix, originaire de Pluzunet, qui portait : de sable au cygne d'argent becqué et membré de gueules, avec la devise : Plezant ezo (il est agréable). Jean du Plessix était en 1480 capitaine des francs archers de l'évêché de Tréguier et gouverneur de Lanmeur ; un autre Jean du Plessix, sieur de Coatserhou, fut en 1587 maire de Morlaix.

Son frère cadet Guillaume, sieur de Kerangoff, élu maire de Morlaix en 1593, devint ensuite, selon l'usage, capitaine ou gouverneur du Taureau pour l'année suivante. Mais son commandement expiré, il refusa de déloger et chassa, en menaçant de la corde, les huissiers que le corps de ville envoya pour le sommer de cesser son usurpation. Pendant neuf ans, l'Enragé têtu, ainsi qu'on l'appelait, demeura au fort, arrêtant des navires et en vendant la cargaison à son profit, rançonnant de notables personnages, faisant saisir et emprisonner à Morlaix même ses ennemis. Non seulement il refusait de restituer le fort, mais il exigeait encore ses gages et recevait fort mal ceux qui les lui apportaient. Il avait, dit-on, reçu du roi mission de garder le Taureau jusqu'à la paix, et c'est ce qui explique l'inertie des Morlaisiens en présence de ses agissements. Toutefois, les plaintes affluant aux autorités royales, Henri IV lui écrivit de sa propre main une lettre contenant ce conseil bien digne du Béarnais « Plumez, plumez la poule, mais sans la faire crier ». Quelques détails préciseront la manière par trop brutale en effet dont Kerangoff s'entendait à plumer la poule. Lors de la taxe de 200.000 écus levée sur la province le contingent du Taureau fut fixé à 307 livres, et le miseur se rendit près de Kerangoff pour lui réclamer cette somme. Mais le brigand, pour toute réponse, fit jeter le malheureux miseur dans les cachots du donjon, et ne le laissa sortir que contre quittance en due forme des 307 livres demandées. Une de ses facéties les plus habituelles était celle-ci. Il enlevait et enfermait dans sa forteresse de riches bourgeois de Morlaix, et ne leur rendait la liberté qu'après s'être fait très grassement payer leur pension. L'un d'eux, Bernard Nouel, fut rançonné à 1175 livres.

Enfin, en 1604, sur l'ordre formel du roi, Kerangoff dut déloger. A peine rentré à Morlaix, l'insatiable pirate présenta à la communauté une note formidable de dépenses, montant à 6970 livres, et sur son refus de payer, entama contre elle le plus insolent des procès. Après de longs débats, les parties fatiguées transigèrent. Kerangoff reçut encore 28.000 livres, et se retira à la campagne pour y jouir de la fortune qu'il venait si honnêtement d'amasser.

Jean du Plessix, mourut le 28 août 1619 et fut enterré dans l'église de Saint-Dominique. Son fils François du Plessix épousa en 1642, Renée de Lanloup, « il décéda dans Guingamp de mort soudaine et son corps fust inhumé dans la paroisse de Ploujean, le dimanche 24 d'aoust 1659 ». Il laissa pour héritier Marc Toussaint du Plessix, époux en 1665 de Marie Nouel, de la maison du Trohoat, lequel mourut le 28 mars 1678 à son manoir de Coatserhou et fut enterré dans l'église en présence de ses cousins, Messires Jean de Kersulguen, seigneur de la Boissière, Jean-Baptiste du Trévou, seigneur de la Boissière et Jean-Baptiste du Trévou, seigneur de Carsoson. Yves du Plessix, seigneur de Coatserhou, son fils aîné, se maria à Catherine de Kermellec, dont Jean, époux de Anne du Boisboissel, qui vendirent vers 1740 leur terre de Coatserhou à écuyer Jacques-Guillaume Boudin, seigneur de Tromelin. Kerhallic, Lannuguy, époux de Marie-Françoise le Diouguel de Penanrun, et petit-fils de Jacques Boudin, secrétaire du Roi en 1701, anobli par sa charge.

Malgré les faciles plaisanteries qu'il inspira, le nom des Boudin-Tromelin a été fort dignement porté par plusieurs vaillants soldats, et par deux officiers généraux de la marine, décorés du cordon rouge pour leurs services dans l'Inde, dans le Levant, et pendant la guerre d'Amérique. Toutefois, la principale illustration de cette famille est le comte Jean Boudin de Tromelin, né à Coatserhou en 1771 de Nicolas-Thérèse Boudin, ancien cornette au régiment de Dauphin-cavalerie, et de Geneviève Barbe du Buisson du Vieux Chastel. Elevé à l'école militaire de Vendôme, il servit d'abord en Corse. La révolution le força de s'expatrier. Il suivit comme volontaire l'expédition de Quiberon en 1795, échappa à la catastrophe qui détruisit l'armée royale et continua jusqu'en 1798, à travers mille péripéties, à combattre sur les côtes normandes, puis accompagna le commodore Sydney Smith et Phélippeaux à Constantinople. Nommé par le sultan Sélim major des troupes turques, il contribua à la défense de Saint-Jean d'Acre contre Bonaparte, et prit part aux campagnes de Syrie et d'Egypte. Mais renonçant enfin à servir contre sa patrie, il sollicita sa radiation de la liste des émigrés et revint à Morlaix où il vivait tranquille, lorsqu'il fut, en 1804, impliqué dans les intrigues de Méhée de la Touche avec l'Angleterre. On l'arrêta et il resta six mois prisonnier à l'Abbaye, d'où il sortit pour prendre, sur le désir de l'empereur et les conseils de ses amis, du service comme capitaine dans les armées de Napoléon, qui sut bientôt apprécier ses hautes qualités militaires et lui procura un avancement rapide.

Chef de bataillon en 1809, colonel après Wagram, il prit possession de la Croatie au nom de la France et reçut le commandement du 6ème régiment croate. Chargé plus tard de diverses missions, il fut rappelé à l'armée d'Allemagne en 1813 comme adjudant général, se distingua à Bautzen, devint général de brigade à Leipzig, chef d'état-major à Mayence, commandeur de la Légion d'honneur, chevalier de la Couronne de fer et baron de l'Empire. Le général de Tromelin commanda à Waterloo une brigade de la division Jeannin, qui s'y conduisit héroïquement, et, rentré à Paris, réussit à faire cesser les hostilités entre les alliés et le gouvernement provisoire. Commandant un corps d'armée en Catalogne pendant la guerre d'Espagne, les brillants succès qu'il remporta lui valurent les titres de lieutenant général, grand officier de la Légion d'honneur, grand cordon de Saint-Ferdinand d'Espagne et de Sainte-Anne de Russie. Après 1820, il rentra dans la vie privée et s'occupa dès lors de l'amélioration de la race chevaline du Finistère, sur laquelle il s'efforça toujours d'attirer l'attention du gouvernement, en sa qualité de conseiller général et de maire de Ploujean, dont il construisit la mairie et l'école communale, et répara les chemins vicinaux. Le lieutenant général de Tromelin est mort à son château de Coatserhou le 3 mars 1842.

La terre de Coatserhou avait été séquestrée pendant la Révolution comme bien d'émigré. Cependant, Mme de Tromelin, mère du général, put y résider sans être trop inquiétée, grâce à la protection de M. Alexis de Rochon, savant physicien et astronome organisateur de la fonderie de Coat an-Noz, qui avait épousé sa fille. Mme veuve Gratien de Saint-Maurice, « aussi distinguée par le caractère que par l'esprit et le cœur » après avoir obtenu de Jean-Bon-Saint-André sa sortie des prisons de Brest. Il installa au Manoir une manufacture de toiles en fils de cuivre et de fer, où il occupa un grand nombre de tisserands sans ouvrage. [Note : Cambry en parle dans son ouvrage sur le Finistère. " La rive droite de la rivière de Morlaix, n'est pas moins embellie par la demeure du citoyen Rochon, connu par l'étendue de ses connaissances si variées, par ses belles découvertes, par ses ouvrages ; il vient d'établir sur sa terre une manufacture infiniment utile, elle remplace les vitres de cornes qui manquaient aux grands fanaux de la marine, c'est un réseau de fil de fer étamé, dont les carreaux couverts d'un vernis transparant, laissent un passage à la lumière en s'opposant au passage des vent ". Voyage dans le Finistère, p. 4].

La propriété de Coatserhou, d'abord acquise par M. Philippe de Saint-Prix a été de nouveau mise en vente en 1892, et acquise par la famille Tardieu de Maleyssie. L’habitation, construite par les Boudin-Tromelin, n'a rien de monumental et a perdu les riches collections qui naguère faisaient sa gloire. L'ancien manoir existe encore, au haut du parc ; c'est un petit édifice Renaissance, bien conservé, flanqué de deux tourelles accolées, l'une carrée, l'autre ronde, avec une façade à corniche, garnie d'un portail classique et de deux lucarnes de pierre.

Tout près s'appuie à la muraille d'enceinte une tour basse percée de meurtrières. Ce manoir nommé le Petit Coatserhou, appartenait vers 1680 à Nicolas le Diouguel, sieur de Tromeur, époux de Jacquette des Anges, et conseiller du Roy à l'Amirauté de Tréguier en 1692. La famille du Plessis de Coatserhou avait un banc et une tombe dans une chapelle du côté de l'évangile, dédiée à Saint-Etienne et Laurent, de l'église de Saint-Melaine de Morlaix.

Au sud de la propriété, et séparé d'elle par un chemin, est l'enclos du couvent des Capucins, fondé en 1611 par René Barbier, seigneur de Kerjean en Saint-Vougay, et Léonard, son frère cadet, qui y fit profession, sur la terre du Styvel, qui appartenait à sa mère Catherine de Goesbriand, mariée en 1589 à François Barbier. La première pierre en fut posée par Philippe Emmanuel de Gondy, duc de Retz, « officiant noble et discret Messire Guy Pinart, chanoine de Tréguer et recteur de Plou-Jean ». Ce couvent, où fit profession l'admirable « Frère Louis de Morlaix », mort en soignant les pestiférés en 1631, subsistait surtout des libéralités de la ville et de quelques riches particuliers. Il contenait environ 18 moines et un noviciat qui fut transféré à Guingamp avant la Révolution.

Un procès-verbal des archives de Ploujean, relatant l'inventaire dressé dans la communauté des Révérends Pères Capucins, le 20 mai 1790, par Jean Steun, maire de Ploujean, Jean Denis de Trobriant, procureur de la commune, et autres officiers municipaux nous donne l'état du monastère au début de la tourmente qui devait l'anéantir :

1°. — La communauté consiste dans trois corps de logis et une Eglise qui renferme le Cloître.
2°. — Il y a de plus une petite maison et une cour pour loger la sœur affiliée qui reçoit les aumônes.
3°. — Un bocage de différents bois de haute futaye, contenant environ 64 cordes de 24 pieds, et un jardin à 2 terrasses de même contenance et une allée d’ormeaux, qui conduit du péron à la croix, à peu près de cent toises.
4°. — Des caneaux de plomb qui conduisent de l'eau de la fontaine de Penanru jusqu'au couvent.
5°. — La bibliothèque contenant environ deux mille volumes, la plupart in-douze, vieux et disparates, reliés en parchemin ou en veau.
6°. — Il n'y a d'autres manuscrits qu’un cahier contenant les extraits mortuaires de 69 soldats qui ont été enterrés dans l'enclos en 1779, que la maison étoit prise pour hôpital.
7°. — Dans la Sacristie il y a six petits calices, un soleil et un ciboire, vingt ornements de diverses couleurs sans galon d'or ni d'argent, et le simple nécessaire en linge d'église.
8°. — La Batrie de cuisine consiste en quelques marmites de fer, de plâts et assiettes de terre et quelques-unes de feillance, des fourchettes et des cuillères de bois.
9°. — Il y a dans la communauté vingt douzaines de serviettes, bonnes et mauvaises, et huit douzaines de mouchoirs de toile.
10°. — Il y a dans le réfectoire six tables de bois de chêne et quelques simples tableaux, ceux du Cœur et de l'église sont aussi de peu de valeur.

Le couvent ne renfermait plus alors que 9 religieux. C'étaient, d'après le procès-verbal déjà cité :

Gardien : le Révérend Père Jean-François de Morlaix, ancien professeur de Théologie, ex-provincial, dit dans le monde Le Rouge de Guerdavid, âgé de 70 ans.

Vicaire et maître des novices : le Révérend Père Maximin de Locronan, dit dans le monde L'Elgouerc'h, âgé de 46 ans, prédicateur missionnaire.

Le Révérend Père Joseph de Roscoff, prédicateur missionnaire, dit dans le monde Mével, âgé de 60 ans. né le 18 octobre 1729.

Le Père Daniel de Morlaix, prédicateur missionnaire, dit dans le monde Carré de la Regnière, âgé de 29 ans.

Le Père Paul-Marie de Landerneau, prêtre, dit dans le monde Kerautret, âgé de 36 ans, actuellement absent pour son examen à Saint-Malo.

Le Frère Léon de Guingamp, capucin lais, dit dans le monde le Roux, âgé de 65 ans.

Le Frère Félix de Quimperlé, capucin lais, dit dans le monde Guillou, âgé de 51 ans.

Le Frère Pascal de Guingamp, capucin donnai, dit dans le monde Geffroy, âgé de 34 ans.

Le Révérend Père Jean-François, supérieur, a ajouté avoir pour affiliée la Sœur Jeanne le Minihy, depuis 13 ans.

Cette liste paraît incomplète, car elle ne mentionne ni le Frère Casimir ni le frère convers Joachim-Alexandre-Louis, morts en rade de l'île d'Aix, en 1794.

Vers la fin de l'année 1792, le district de Morlaix fit fermer le couvent, après en avoir expulsé les moines, qui refusèrent courageusement le serment. L'un d'eux, le père Mével, fut arrêté le 12 messidor 1794, dans le grenier d'une maison du quartier des Halles à Morlaix, où il célébrait secrètement la messe [Note : D'après une tradition conservée à Morlaix, le P. Joseph, pendant qu'on le conduisait en prison, obtint de se reposer un instant sur le parapet des Lavoirs, devant la place des Viarmes, car il marchait avec difficulté. Mais un misérable, nommé Béguel, s'approcha de lui et saisissant sa longue barbe le souleva en l'air en l'accablant de menaces et d'injures, puis le contraignit à reprendre sa marche, Peu de temps après la mort du P. Joseph, on trouva Béguel pendu]. « Dans le repaire de Mével, dit l'extravagant réquisitoire que Donzé-Verteuil, l'accusateur public du tribunal révolutionnaire de Brest, dressa contre le vieux moine, se rendaient les superstitieux et criminels sectateurs d'un culte exercé par des ministres séditieux et rebelles ; là, cet ennemi de la République et du peuple s'efforcait par ses mensonges et ses impostures de les retenir sous l’étendard de la contre-révolution ». A cette époque, un tel forfait méritait la mort — il la méritera encore bientôt peut-être — et le pauvre religieux fut guillotiné le 30 juillet 1794, à l’âge de 65 ans, ainsi que les deux vieilles dames qui lui avait donné asile, une blanchisseuse et une jeune fille, Mlle Emilie de Forsanz, arrêtées dans la même maison. L’assassinat juridique de cette dernière, et les odieuses circonstances dont il fut entouré, sont l’un des plus révoltants épisodes de la Terreur dans le Finistère. (V. Histoire de la persécution religieuse dans le Finistère par l’abbé Téphany, p. 659).

L'administration de la guerre convertit en caserne le monastère des Capucins, et des troupes l’occupèrent à diverses reprises jusqu’après 1838. Il fut aussi questions d’y installer un dépôt de mendicité ou un asile de jeunes détenus. Mgr Sergent, évêque de Quimper, voulut plus tard y créer un couvent de R .P. Rédemptoristes, mais l’intolérance agressive de certains individus empêcha d’aboutir cette intéressante tentative de restauration. Aujourd’hui, des Capucins, devenus propriété particulière, il ne subsiste plus qu’un grand corps de logis sans caractère, les murs d’enceinte et le portail de la cour, daté de 1612.

L’église a été démolie yers 1840. Elle avait vu, en 1646, le mariage de noble homme Louis Musnier, sieur des Quatremarres et de Coatilès en Locquénolé, avec demoiselle Fiacre de Gratz, dame de Trochéon, et en 1737, l’abjuration de Johann Ramm Joaissoh, fils de Joachim Ramm, de la ville de Riga dans la Livonie « de l'hérésie luthérienne dans laquelle il avoit été élevé dès son bas-âge, entre les mains de R. P. Francois–Marie de Dornac canton Suisse, religieux capucin de la communauté de Morlaix, suivant la permission à luy accordée par lettres du Seigneur Evêque de Tréguier en présence de F. Joseph d'Audierne professeur en théologie, gardien du couvent [Note : Ce F. Joseph d’Audierne fut un des hommes les plus remarquables de l’ordre en Bretagne. Il devint provincial des capucins, et écrivit des ouvrages sur la canonisation des saints, et sur l’art militaire, sujets qu’il est rare de voir traiter par un même individu] du F. Jean-Baptiste de Châteauneuf, professeur en théologie, du F. Anastase de Quimperlé, lecteur en théologie, et de MM. Lestobec et Croiset de la Haye ».

Enfin, le 21 juillet 1750, l'Illustrissime et Révérendissime Monseigneur Charles Guy Le Borge de Kermorvan évêque et comte de Tréguier, y avait béni l’union de Messire Jacques Magdeleine Artur, chevalier, seigneur châtelain de Keralio, Lezversault et autres lieux, fils et héritier de feu Messire Guillaume Artur, lieutenant des vaisseaux du Roi et de défunte dame Marie Cillart de Villeneuve, avec demoiselle Marie-Josèphe Boudin de Tromelin, fille mineure de Messire Jacques Boudin, chevalier, seigneur de Tromelin, Lannuguy, etc, et de dame Marie le Diougeul de Penanrun. De ce mariage est né l’amiral Guillaume Marie-Alain Artur de Keralio, mort à Paimpol en 1833.

Au-dessus de l’enclos des Capucins, et pittoresquement campé sur ses vieilles murailles frangées de lierre, se dresse le manoir de Penanru, édifice du dix–septième siècle flanqué d’un pavillon carré et garni de lucarnes Renaissance aux lourds frontons. L’étymologie de Penanru (le haut du ruisseau) est conforme à sa situation et aussi à l’orthographe des anciens titres : Penarru, Penanruz, Penenru- lez- Mortaix, sans l’e final que lui a été ajouté modernement.

A la fin du quinzième siècle, cette terre appartenait à Nicolas de Caëtanlem, vieux soldat de Saint-Aubin du Cormier, riche amateur et négociant marlaisien, époux de Méance Le Borgne, dame de Keryvoalen en Plouézoch. Elle lui était venue par voie d'achat, d’après la Réformation de 1543 à Saint-Melaine de Morlaix, portant que « Nicolas Coëtanlem, noble, a acquis la pièce (sic) de Penanru en la paroisse de Ploë-jehan près Morlaix ». En 1492, il avait fait partie du complot fomenté par plusieurs seigneurs bretons mécontents du mariage d’Anne de Bretagne avec Charles VIII, dans le but d'enlever notre province à la suzeraineté de la France pour la placer sous la dépandance de l’Angleterre, mais il fut arrêté et emprisonné au Louvre. Il réussit à s’échapper avant sa comparution devant le Parlement et revint à Morlaix. Une amnistie générale termina cette affaire, et Coëtanlem servit désormais fidèlement la cause nationale en lançant ses corsaires à la poursuite des vaisseaux britanniques et en dirigeant lui-même sur les chantiers du Dourdu, en 1503, la construction de la célebre caraque de guerre la Cordelière, pour laquelle il dépensa 10.000 livres de sa prope fortune.

Nicolas de Coëtanlem fit son testamant le 11 avril 1518, « en la maison de mannoir de Penanru, en la paroisse de Ploejehan, en la chambre derrière sur le celyer ». Ce curieux document ne remplit pas moins de 13 pages du 1er fascicule du Bulletin de la Socièté d’études scientifiques du Finistère de 1885, dans laquel il a été publié par M. Luzel. Après avoir recommandé son âme à Dieu « mon père créateur et rédempteur, à la benoiste Vierge-Marie, ma doulce mère et à toute la compaignye célestielle et esglise triumphante de paradis », et son corps « à la terre benoiste, quand decois luy adviendra » il demande à être inhumé « en l’église des frêres prescheurs de la ville dudit Mourlaix » [Note : Son tombeau, armorié des armes de Coëtanlem parti de Calloët et de Le Borgne, se voyait en 1679 dans le quatrième enfeu du côté de l’Evangile de cette église]. Suivent des fondations de messes à perpétuité dans les Eglises des frères Prêcheurs, de Saint-Melaine, de Plouezoc’h, avec commémoration au carnel ou reliquaire, puis une interminable liste de dons, de reconnaissances à des particuliers, surtout à des Anglais trafiquants de draps et de toiles, de legs en argent ou en froment à des églises ou chapelles, même situées hors de Bretagne : 100 quartiers de froment de rente à l’hospice de Morlaix — 1 boisseau de froment de rente à l’hospice de Morlaix — 1 boisseau de froment de rente à St-Jean Tuonmériadech (Saint Jean du Doigt) — 25 livres monnoye et 3 renées de froment de rente à l’hospice de Lanmeur — 45 escus couronnés à N. D. du Mur — ung vestement entier pour dire la messe, en damas blanc, et 3 escus d’or, à la chapelle d. N. D. de la Fontaine (Chapelle des Carmélites, aujourd'hui ruinée) — 1 escu d’or à la chapelle de Toutejoye près de Lanmeur (Notre Dame de la Joie, en Guimaëc) ; 1 escu à Monsieur Saint-Jean–Baptiste à Tuonmériadech ; à Monsieur Sainct Berthelemi, (Eglise prieurale du Ponthou) luy faire vigille le jour de sa fête et 1 escu ; à Messieurs St-Sebastien, St-Augustin, St-Carantec, St-Conven et St-André de Ploézoch, 1 escu porté — 100 livres monnoie tournoy à Monsieur Sainct Melaine de Morlaix pour ayder à édifier sa maison et esglise — à Messieurs St Simon et Juda, faire faire leur chapelle à Plouézoch — à Mesdames saincte Katherine de la Villeneuve et sainte Margarete de Pontmenou 1 escu porté, etc…

Sa fille aînée, Marguerite de Coëtanlem, dame héritière de Penanru, Stivel, Keraudy, Keryvoalen et Triévin, apporta ces terres dans la mison de Goesbriand, en épousant en 1500 Guillaume de Goesbriand, seigneur dudit lieu mort en 1521. Son autre fille Marie épousa Yves Quintin, sieur de Kerscau, et Penanru passa plus tard, par voie de partage ou d’acquêt, à cette dernière famille. Il appartenait en 1604, à Gilles Quintin, époux de Anne de Pensornou ; leurs fils Pierre Quintin sieur, de Rochglas, maire de Morlaix en 1616 marié en 1609 à Christine Nouel, fut père de Bernard Quintin sieur de Kerhuon, Roglas, Penarru, maire de Morlaix en 1643, qui mourut en ce manoir le 3 décembre 1658 « et fust enterré son corps en l’esglise des Pères Récolletz du Cuburien, evesché de Léon ». De son alliance en 1626 avec Anne Salün, il laissa écuyer Pierre Joseph Quintin, seigneur de Penanru, capitaine de la paroisse de Ploujean en 1665, époux avant 1659 de Marie de Corran, qui dût mourir avant réformation de 1660-71, à laquelle il n’a pas produit.

Les Quintin vendirent vers 1670 leur terre de Penanru à la famille Bonnemez, représentée à Ploujean par noble homme René Bonnemez, sieur du Bois, maire de Morlaix en 1861, père de maître Jacques Bonnemez, sieur du Bois conseiller du Roy et receveur des fouages de l’évêché de Tréguier vers 1691, époux de Guillemette Cozten, de la maison du Rascoët en Garlan, dont César-François Bonnemez, sieur du Neckoat, maître des Comptes en 1740, et Jacquemine, mariée en 1713 à Messire Francois-René de Kerouartz, seigneur de Lézarazien.

Vers 1700, Penanru fut loué à la Ferme du Tabac pour y installer la Manufacture. Celle–ci, l’une des plus anciennes de France, existait d’ailleurs auparavant, puisqu’en 1689 les enfants de l’hospice travaillaient à faire des chevilles de bois pour elle. Toutefois, c’est seulement le 11 juin 1700 qu’apparaît sur les registres paroissiaux la signature de noble homme Francois Dupleix, qui s’intitule d’abord receveur général des Fermes du Roi, puis (avril 1706) Directeur général et inspecteur de la Manufacture royale de Morlaix, établie au manoir de Penanru, en la paroisse de Ploujean. Originaire, ainsi que sa femme Louise de Massac de la ville de Landrecies dans le Hainaut, Francois Dupleix devait être le propre oncle du fameux Joseph Dupleix, gouverneur de Pondichéry et des Indes françaises, né dans cette même ville en 1697, et qui entra peut-être au service de la compagnie des Indes sous les auspices du directeur de la Manufacture. Celui-ci fut remplacé, en 1716 par Jean-Francois Baronnet, sieur de Richemont, qui épousa une Morlaisienne, Marguerite Cotonnec de Penvern, et dont quatre des enfants furent baptisés à Ploujean Les registres nous donnent encore les noms de quelques autres fontionnaires de la Manufacture ; comme contrôleurs, MM. Jean Sabolis 1700 — Maynon des Tournelles (1706) — Nicolas Morel (1726) — Claude Toussaint Croizet de la Haye (1735) — Jean–Louis Robeau, mort en 1738. Comme receveur, Germain–Hyacinthe Bruasse (1732). Comme imprimeur de la Compagnie dans la ferme du tabac, Antoine Camarec, mort en 1739.

Le commerce du tabac ayant rapidement pris une extension considérable, la compagnie des Indes, à laquelle appartint de 1723 à 1747, le monopole de sa fabrication, en retirait d’énormes bénéfices. Aussi, constatant l’insuffisance des bâtiments occupés par son établissement à Penanru et Troudousten, fit–elle en 1730 commencer sur un vaste plan, au Clos Marant, sur la rive gauche du port de Morlaix, la construction de la manufacture actuelle, qui fut achevée en 1736. Alors les ateliers et la direction quittèrent définitivement Penanru, et quelque années plus tard, en 1742, ce manoir était la résidence de M. Jean Baptiste Petit, officier d’artillerie au château du Taureau, auquel succéda, par acquêt des Kerouartz vers 1748, noble maître Hyacinthe-Marie Tilly de Chefdubois, avocat au Parlement de Paris, époux de Marie-Françoise Damerot.

Penanru avait été couvent, quant les Bénédictines du Calvaire y furent recuillies après l’incendie qui, en 1636, consuma leur monastère. Il fut ensuite, comme nous venons de le voir, manufacture de tabacs. Il faillit être école, lorqu’en 1764 son propriétaire, M. Tilly de Chefdubois, avocat et ex-jésuite, proposa à la ville d’y établir un collège, s’offrant lui-même pour l’enseignement. Ce projet n’eut pas de suite. La propriéte de Penanru a depuis appartenu aux Gratien de Saint-Maurice. Querret Labbé du Bourquet de Quenguen, du Laurens de la Barre, et en 1908 de la Berrurière de Saint-Laon.

Les seigneurs de Penanru avaient leur banc dans l’église du Mur, joignant le pignon de l’autel de N. D. de Pitié « armoyé mye partye d’un lion (armes des quintin), et à l’autre partye de trois fleurs de lys 2 et 1 et en abisme une estoille (armes des Corran) avec le collier de l’ordre ». Ce banc était prétendu en 1679 par le sieur du Bois Bonnemez.

Le populeux hameau de Troudousten que s’étend à l’est de Penanru, sur le flanc du vallon, doit son origine à un manoir ou maison noble qui existe encore, au bas de la rapide montée de Kerscau, et montre à droite du chemin son portail en ogive écussonné et son massif pavillon contenant la cage d’escalier. La charte de donation de l’église Sainte-Marie, en 1154, nmme ce lieu Dolahan. Au-dire de Guillaume le Jean, Troudousten viendraint de Traou-daou-stang (le vallon des deux étangs), mais il paraît n’y avoir eu là qu’une seule pièce d’eau, celle qui actionnait le moulin seigneurial de Penanru. Cette étymologie est d’ailleurs assez vraisemblable, surtout en y apportant un léger correctif. Traou-doun-stang (le vallon du profond étang), désignation qui caractérise fort bien la topographie de l’endroit.

La prospérité de Troudousten date de l’époque où la manufacture des tabacs y fut instanllée, tant à Penanru que dans cette file de vieilles maisons grises qui s’échelonne au versant du plateau formant la montueuse « rue du Pont ». Aux abords se groupèrent les maisons des ouvriers, et lorsque l’établissement fut transféré au Clos-Marant, le village n’en continua pas moins à croître. En 1780, il comptait déjà 250 habitants. « Cette prompte augmentation n’a rien d’étonnant, quand on songe qu’il était à la fois fauborg de ville et hors des banlieues, exempt par conséquent de l’ennuyeux service de guet et garde ». C’est aujourd’hui une agglomération bien plus importante que le bourg de Ploujean lui-même. A Troudoustean s’élevait jadis la chapelle de Saint-Sébastien, mentionné dans le testament de Nicolas de Coatanlem, en 1518 : A Monsieur Saint-Sébastien ung escu porté. Le 24 novembre 1695, on y avait célébré le mariage d'écuyer Olivier de Crechquérault, seigneur de Kerellon, de la paroisse de Commana veuf de défunte dame Françoise de Bouvans, et de demoiselle Louise du Plessix, fille de feu Marc-Toussaint du Plessix et de dame Marie Noël, seigneur et dame de Coatserhou ; et le 5 février 1714, celui d’écuyer Jacques Desnos, conseiller du Roy et commissaire de la marine dans le port de Brest, de la paroisse de Saint-Louis de Brest, et de demoiselle Anne Dupleix, âgée de 16 ans, fille de François Dupleix, directeur de la Manufacture, et de dame Louise de Massac.

Cette chapelle fut démolie après la Révolution ; un petit oratoire reconstruit de ses débris a longtemps existé dans un jardin privé, mais a disparu à son tour pour faire place à une maison neuve. La fontaine consacrée, devenu le lavoir commun, est ornée vers 1908 d’une statue de Vierge Mère, peinte et dorée, qui doit provenir de la chapelle de Saint-Sébastien, ainsi qu’une autre statuette de pierre ornant une façade dans la partie base du village. La statue de St-Sébastien se trouve en 1908 au patronage de Saint-Melaine.

Au-dessus de Troudousten, les limites de la commune de Ploujean suivent jusqu’à sa source le ruisseau du Launay, contournent Madeleine et dévalent par Coat-amour et la Fouasserie pour atteindre le Jarlot au moulin de la Chèvre (Milin ar Gawr). Elles n’ont point varié depuis la réformation du domaine ducal à Morlaix, opérée en vertu des lettres patentes du duc Pierre II, datées du 21 mai 1455, et renouvelée en 1678-1679 par François Bouyn, sieur de Rains, maîtres aux Comptes, commis à cet effet par un arrêt de la Chambre des Comptes du 10 janvier 1676. Les deux procès-verbaux de cette dernière réformation qui concernent la délimitation des bornes partables du domaine royal de Morlaix, dans sa partie confinant à Ploujean, renferment divers détails intéressants et méritent qu’il leur soit donné place en ce travail.

« Et continuant ce jour 26 avril 1679, environ l’heure de 2 heures de relevé, nous seroit venu trouver en nostre logis Maistre Louis Laureau, préposé de Maistre Jacques Buisson, fermier général des domaines de France, lequel nous a dit et remonstré qu’estant nécessaire de continuer notre procès-verbal des bornes partables de la ville de Morlaix du costé de Tréguier et quay dudit Morlaix en lestendue de la paroisse de Saint-Melaine, il a assigné témoins pour y assister. A quoy inclinant nous nous sommes rendus en compagnie de Maistre Jean Le Mat, advocat en la Cour faisant la fonction de Procureur du Roy en son absence et dudit Laureau, de Maistre Francois Mitern, sieur de Kerigonan, de noble homme Joseph Coroller, sieur du Nechoat, procureur scindicq (maire) de Morlaix, de Maistre François Jonno nostre grefier et de Maistres Jan Chrestien, notre priseur et arpenteurs et Ollivier Etesse, nostre huissier, jusques à la croix des Capucins sittué sur ledit quay de Tréguier et près le moulin de Penanru en ladite paroisse de Saint-Melaine....

En l’endroit s’est présenté noble homme René Bonnemez, sieur du Bois et du manoir de Penanru, lequel a dit que les bornes partables en montant de la rivière de Morlaix vers Tréguier passent par les terres dépendants dudit manoir de Penanru, qu’il ainsy fera voir à la suite du présent, et a soustenu que la construction nouvellement faite de la continuation dudit quay de Tréguier qui se voit à présent entre la croix dicte des Capucins et la fontaine dans laquelle on lave le linge a esté faite dans la terre dudit Penanru a son préjudice, en ce qu’on luy veut opposer la proprietté et disposition de sa dite terre en ladite sittuation et pour servir au jugement du procès nous a requis vouloir faire procéder par lesditz priseurs au mesurage de la largeur dudit quay au devant de la cour de la dame du Coatlosquet, proche la porte des Porches dudit quay, 2° en l’endroit de la maison du sieur du Roudour, en 3° lieu en l’endroit de ladite croix des Capucins qu’il dit avoir esté planté sur sa terre par la concession de ses autheurs en 4° lieu la distance qu’il y a de ladite croix jusques au ruisseau du moulin de Penanru qui fait lesdittes bornes, et que les tesmoins assignés de la part du Procureur du Roy pour déposer desd. bornes soient enquis s’il n’est pas véritable que devant peu d'années, tout le placy entre ladite croix et la fontaine à laver estoit plantée d’arbres que les sieurs de Penanru ont fait couper de temps en temps quand bon leur a semblé pour y mettre des sables et autres matériaux dans une distance raisonnable de ladite Rivière, et que la plupart dudit placy et issue qui est au dela dudit ruisseau est hors des bornes, et a signé : Ainsy signé : Bonnemez.

En l’endroit nous a ledit sieur scindic déclaré n’avoir rien a dire et s’est retiré et n’a voulu signer, et le dit Laureau a protesté de nullité des requisitions dudit Bonnemez et demande qu’on face l’esleü des bornes : Ainsy signé : Laureau.

De quoy nous avons décerné acte, ordonné que nostre priseur procédera présentement au messurage requis…. ce quaiant faict en nostre présence il nous a dit que depuis la muraille de la cour de la maison du sieur du Roudour jusques a ladite rivière il y a 19 piedz et demy, et en l’endroit de la croix des Capucins vulgairement nommée la Croix Rouge jusques a la mesme rivière il y a 27 piedz et depuis la croix jusques au ruisseau venant de l’estang de Penanru qui faict les bornes, qu’il y a de distance cinq cordées et trois quart… ainsy signé : Jean Chrestien, priseur noble.

Et attendu que le sieur sindiq s’est retiré, avons ordonné à Maistre Ollivier Etesse nostre huissier sur les réquisitions dudit Jean Le Mat, de le contraindre d’assister a nostre dit procès-verbal, mesme par corps en cas de reffus, et continuant nostre du procès verbal en sa présence, nous avons commencé au ruisseau se coulant du moulin de Penanru dans la Rivière de Morlaix laissant dans les bornes le jardin dicelluy qu’on nous a dit estre autrefois l’estang d’Hervé Jouhan et qui appartient aux sieurs de Gouezbriant anciens pocesseurs, et hors les bornes la maison et moulin de Penanru qu’on a dit estre dans le fieff de Crechronvel appartenant au sieur de la Bouessière Kersulguen et que ledit ruisseau faict la distinction du costé de Tréguier desdittes bornes partables de Morlaix et dudit fieff de Crechronvel et monté sur la chaussée dudit moulin, avons remarqué que la chaussée et bonde par ou sort l’eau qui fait moudre le moulin faict la séparation desdittes bornes et que le terrain est moitié au fieff du Roy et de Crechronvel.

… Continuant et allant contre mont nous ont faict appercevoir ledit ruisseau continuant par une prée dépendante a présent du manoir de Penanru qui est a present au sieur du Bois Bonnemez, les dessus de laquelle et d’une autre vers le midy demeurent dans les bornes avec une parcelle de terre froide nouvellement planté de chesnes et desdittes prées arrivé au grand chemin de Morlaix à Sainct-Jan du Doigt, avons veu que ledit ruisseau laisse hors les bornes partie dudit grand chemin et la chapelle de Sainct Sébastien, et laissé dans les bornes ledit ruisseau, une pièce de terre appartenante audit sieur du Bois Bonnemez appelé parc Issellaff, et une pièce de terre froide au dessus appartenante au sieur de la Bouessière, nouvellement plantée de chesnes, et suivant ledit ruisseau avons laissé hors des bornes la maison de Trodousten, appartenante au sieur de la Bouessière, et continuant les bornes partables par une prée dépendante dudit Troudousten, suivant ledit ruisseau contremont… et sortant de la dite prée contremont dans un chemin conduisant de Sainct-Nicolas vers la fontaine anciennement nommée Feuteun ar bougart et la croix Neuffve, nous avons veu la continuation dudit ruisseau par un petit pré dépendant du convenant Ty douar appartenant audit sieur de la Bouessière et au-dessus par trois prées qui mènent jusques a la fontaine du petit Launay a présent appartenant au sieur de Lannurien Barazer, et de là prenant le chemin passant près de la porte du lieu de Launay laissant dans les bornes ladite maison et terres coniigüe jusques au grand chemin conduisant de Morlaix à Lanmeur et continuant lesdittes bornes par le millieu du grand chemin en traversant pour se rendre en un autre chemin au dessus menant vers la chapelle de la Magdelaine au costé droit duquel chemin en entrant il y a un convenant dans les bornes nommé Rochcongar, appartenant à René Colin, sieur de Coatellan et arrivé au bout dudit chemin tournant à la gauche avons trouvé un chemin de servitude qui costoye les terres de Kerjoaic à la droite qui sont dans les bornes appartenant audit Colin, et de là croisant le grand chemin allant à la Magdelaine, au manoir de Coat-congar et Lannion, devallant pour aller trouver le grand chemin de Morlaix audit Lannion par la rue des Vignes, et laissant les terres dudit chemin à la droite dans les bornes, et avons remis la continuation à demain une heure de relevé….

Et arrivé le lendemain, environ les 2 heures de relevé, nous nous sommes transportés en compagnie de Monsieur le Procureur du Roy de Morlaix et de Maistre François Laureau, de maistre François Mittern, sieur de Kerigonan, dudit Chrestien nostre priseur, d'escuier Maurice Guillousou, sieur de Kérédern, dernier scindicq de la communauté de Morlaix, de noble homme François le Diouguel, sieur du Poulfanc, bourgeois dudit Morlaix et des témoins pour suivre la continuation des bornes en ladicte paroisse de Sainct-Melaine, avec maistre François Jonno, nostre greffier, et estans rendus au chemin ou nous demeurasmes hier qui vat de la Magdelaine à Coat-congar et Lannion et dévalant pour aller à Morlaix par le couvent neuff (les Ursulines, fondées en 1640) à la rue des Vignes. Ledit sieur procureur du Roy a dit qu'il paroist de l'affectation en la descente du jour d'hier, puisqu'estant en ville jusques à dix heures du matin, on ne lui en donna aucun advis et a esté surpris d'apprendre à son retour le mesme jour qu'on avoit travaillé aux limites des bornes partables de ceste ville commençant au quay de Tréguier ... et mesme qu'on avoist pris pour substitut Maistre Jean Le Mat, advocat, quoy qu'il ne soit pas son substitut et partant protesté de nullité de ce qui peut avoir esté faict au préjudice du Roy et du public et de sa charge. Ainsy signé : Clete Gourcun.

En l'endroit, ledit Laureau a demandé que pour accélerer les commissions et les intérêtz de sa majesté, il soit passé outre ..., soustenant qu'il n'y a aucune contradiction en ce qui a esté faict sur la veüe de la réformation de l'an 1455, et ce, en présence du sieur du Nechoat Coroler, scindiq qui s'est trouvé sur les lieux. Ainsi signé ... Laureau.

De quoy nous avons décerné acte, ordonné qu'en la présence ou absence des susnommés, il sera passé outre a la continuation des bornes en ladite paroisse et en présence dudit sieur du Nechoat, scindicq, sans s'arrester aux exceptions et protestations de nullité dudit sieur procureur du Roy, ce que faisant et dévalant ledit chemin vers la ville avons laissé à la droite dans les bornes Parc an portz, dépendant dudit lieu de Kerjoaic au coign duquel parc avons traversé le grand chemin qui mène de Morlaix à Lannion de la rue des Vignes et avons entré dans un autre chemin qui conduit à Penanru, laissant dans les bornes les pièces de terre a la droite et au nort dudict chemin en dévalant et hors les bornes le convenant Coat an fau appartenant au sieur de la Villeblanche (Dominique Calloët, sieur de Villeblanche) avec ses dépendances et terres qui sont en Ploujean et suivant dudit convenant par ledit chemin nous avons laissé dans les bornes ledit lieu de Penanru et traversant le chemin qui conduit à Morlaix à Pelan, avons suivy ledit chemin pour descendre vers Coat amour, prenant le coign du convenant nommé le Verger hors les bornes et laissant dans les bornes les terres au nort et a la droite dudit chemin et continuant ledit chemin sommes arrivés au lieu de Goazmarquat par ledit chemin jusque au bout dicelluy ou nous avons remarqué le grand chemin de Morlaix à Belisle et Plouigneau lequel traversant et entrant dans un autre chemin conduisant contrebas vers Coat-amour et le moulin d’icelluy autresfois nommé le moulin Ansquer, avons avant d’y entrer remarqués une croix figurée qu’avons laissé hors les bornes avec ledit lieu de Goazarmarhat et dans les bornes les terres avec le convenant dépendant de Coat-amour vers le nort et la ville, et estans arrivés près le manoir de Coat-amour, le sieur Procureur du Roy a maintenu que suivant la description des bornes partables de l’an 1455, il est à présumer que ledit manoir de Coat-amour est dans les bornes et que par conséquent il est de conséquence que les propriétaires communiquent leurs tiltres dans trois jours avec leur déclaration ainsy signé : Clete Gourcun, Procureur du Roy.

« De quoy nous avons décerné acte et après avoir veu les tiltres nous en l’endroit communiqués par les propriettaires dudit manoir de Coat-amour, justiffiantz quil est hors les bornes et aiant esgard au cahier de la refformation de l’an 1455, nous avons continué lesdites bornes par le chemin conduisant dudit Coat amour vers le moulin Ansquer, a présent de Coat amour, appartenant aux hérittiers de feu le sieur du Runiou Oriot, laissant dans les bornes les terres à la droite dudit chemin en dévallant vers ledit moulin et les terres à la gauche et ledit moulin hors les bornes et dudit moulin traversasnt lesdites bornes par la rivière Jarleau qui descend vers Morlaix, etc… » (Proceix-Verbal et Description des bornes de la Ville et faubourgs de Morlaix, suivis selon la Réformation de 1455. A-19).

Certains noms de terres cités dans les documents ci-dessus ont quelque peu varié. Ty-Douar est devenu Ty-Dour ; Rochongar, Roscongar. Le grand chemin de Morlaix à Lanmeur est l’ancienne route de Lannion ; celui de la Magdelaine à Coatcongar et Lannion, quoiqu'à peu près abandonné, sert encore pour se rendre à Garlan. La ferme de Goazarmarhat se nomme actuellement les Tourelles. Naguère, on y voyait les restes d’un vieil édifice assez élevé, et percé de fenêtres en cintre, avec une petite cour que fermait un portail timbré d’écussons. Devant passait la route de Morlaix à Plouigneau dite encore an Hent braz coz, aujourd’hui chemin vicinal qui mène de la rue des Vignes aux hameaux de la Clarté et du Penquer, et se prolonge fort loin, non sans interruption, parallèlement à la route national de Paris. Les bornes de Ploujean atteignent la rivière du Jarleau à la Fouasserie, englobant une partie de ce village, et confinent en cet endroit avec celles de Saint-Melaine, Saint-Mathieu et Plouigneau.

Cette pointe avancée de la commune vers le sud, seul lambeau qui lui soit resté du démembrement de Saint-Melaine au douzième siècle, ne contenait qu’un seul manoir, Coatamour, placé à l’extrême limite de Ploujean. Richard Quintin, sieur de Coatamour époux de Jeanne de Coëtanlem, était miseur à Morlaix en 1480. Son fils François comparut en archer en brigandine à la montre de 1481, parmi les nobles de la ville-close de Morlaix, et fut, ainsi que Richard, anobli en 1491 par la duchesse Anne. Christophe Quintin, sieur de Coatamour et sa femme Catherine de Kermerc'hou, mariés en 1522, fournissaient aveu le 19 Janvier 1539. « Coatambourg (sic), dit la Réformation de 1543, à François Quintin. Ne savent (les témoins) s'il est noble ». Le fils de ce dernier, Pierre Quintin, sieur de Coatamour, eut de Marie Toulgoat, inhumée le 19 avril 1617 en l'église de Saint-Dominique, Antoine Quintin, écuyer, sieur de Coatamour, conseiller du Roi et son sénéchal au siège de Morlaix en 1608, époux de Marie Le Gualès, et mort à Coatamour le 30 mai 1613. Leur fille et héritière Marie Quintin transmit aux Lollivier, par son mariage avec Messire Yves Lollivier, seigneur de Lochrist, bailli de Morlaix vers 1630, les biens de sa famille mais Coatamour fut acquis, avant 1660, par Jean Oriot, sieur du Runiou, riche bourgeois morlaisien, et par sa femme Guillemette Catherine Le Borgne, de la maison de Lanharan-Trévidy, qu'il avait épousée en 1642. [Note : Ils avaient acheté plusieurs terres nobles aux environs le Morlaix, et étaient sieur et dame du Runiou en Saint-Mathieu, du Porzmeur en Saint-Martin, de Kervézelec, de Kerochiou et de Coatamour en Ploujean, de Kerellou en Plouigneau, de Kerbridou en Plouézoch, de Traonviniec en Saint-Jean du Doigt, de Kergoat en Guiclan, etc. Leur hôtel se trouvait au Pavé, joignant à gauche la porte de l'Hospital, et flanqué d'une tour faisant l'angle du rempart de la ville close en face de la Venelle au Son. Les Oriot se sont alliés aux le Borgne, Boiséon, le Bihan de Pennelé, de Pestivien, etc..]. Leur fils aîné Maurice Oriot, sieur de Kergoat, secrétaire du Roi en 1673, bailli de Morlaix en 1675, maintenu noble et écuyer par M. de Nointel, intendant de Bretagne, en 1702, fut père d'autre Maurice, sieur de Kergoat, sénéchal de Morlaix en 1722, et de Jean-Eusèbe Oriot, sieur de Coatamour, époux de Ursule-Dorothée Boutouillic, résidant à leur manoir de Coatamour en 1729, dont l'aînée, Marie-Pauline Oriot, apporta les terres de Coatamour et de Kerochiou aux Haudeneau, famille originaire d'Orléans, en s'alliant à Charles-Joseph Haudeneau, seigneur de Breugnon, Gourdon, chef d'escadre des armées navales. Leur fils Pierre-Claude Haudeneau, comte de Breugnon, capitaine de vaisseau et ambassadeur extraordinaire de sa Majesté très chrétienne près de l'empereur du Maroc en 1767, puis lieutenant général des armées navales en 1779. Le livre de bord du garde marine de Guichen, fils du célèbre amiral, que possède son arrière neveu, M. le comte H. de Lauzanne, contient, sous le titre de : Journal de la campagne de vaisseau du Roy l'Union, commandé par M. de Breugnon, capitaine de vaisseau du Roy, allant ambassadeur extraordinaire auprès de l'empereur du Maroc, année 1767, une, curieuse relation du voyage de cette mission, dont il fit partie. Le comte de Breugnon n'eut pas d'enfants de sa femme, née de Saint-Sauveur, et son héritage revint collatéralement aux le Bihan de Tréouret et à la présidente du Chefdubois de Saliou, née Oriot.

La terre de Coat-amour avait des prééminences dans l'église de Saint-Dominique de Morlaix, consistant en la quatrième voulte du côté de l'évangile, « contenant six piedz et demi de long et de profondeur comprise la largeur du banc y estant 4 pieds 8 poulces, lequel banc est armoyé (en 1669) des armes des Oriot et des Borgne ». Cette propriété appartient en 1908 aux Dulong de Rosnay, famille descendue de Louis-Etienne Dulong, l'un des plus brillants officiers du premier Empire, qui engagé comme volontaire en 1799, était en 1809 colonel, officier de la Légion d’honneur, chevalier de la Couronne de fer et baron de l'Empire, après avoir vaillamment enlevé tous ses grades, à la pointe de l'épée, en Italie, en Autriche, en Portugal, avoir eu 9 chevaux tués sous lui et reçu 11 blessures graves. Général de brigade en 1813, lieutenant général en 1815, créé comte et lieutenant commandant des Gardes par Louis XVIII, grand'croix de la Légion d'honneur en 1825, il fut nommé cette même année gouverneur militaire de la Corse. Mais sa santé, déjà affaiblie, ne put résister aux fatigues de ses nombreuses courses à travers cette île montagneuse et le 20 mai 1828, le lieutenant-général, comte Dulong de Rosnay, mourait à Paris à l'âge de 48 ans, « sans peur et sans reproches, rendant à Dieu son âme de héros et à la terre son corps criblé de blessures par où son sang s'était largement épanché pour la France ». Son fils ancien garde du corps de Charles X, officier de marine, épousa Mlle de Kermoysan et se fixa en Bretagne. C'est le père de M. H. Dulong de Rosnay, ancien capitaine des mobiles du Finistère, ancien maire de Ploujean, qui réside en 1908 au manoir de Coatamour, et de Mgr J. Dulong de Rosnay, l'éminent prélat qui habite le manoir tout voisin de la Fontaine-au-Lait, en Saint-Melaine de Morlaix.

(L. Le Guennec).

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