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LA SEIGNEURIE DE PLOUHA ET SES SEIGNEURS

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§ 1 — Origines.

Bien obscures sont les origines de cette grande paroisse de Goelo. Son nom autorise cependant à dater sa fondation de l'émigration bretonne, ce que semble d'ailleurs confirmer l'absence de vestiges de l'époque romaine [Note : Le nom de Moguer donné à l'un des hameaux permet toutefois de supposer qu'il y eut là un petit poste romain, mais aucun débris n'y a été signalé à notre connaissance]. L'ancienne graphie Ploeaza indique en outre, suivant M. Loth [Note : V. Loth : Revue celtique, 1908, p. 229 : « Le nom des saints bretons » (Ada)], que l'éponyme fut saint Ada, dont la vie est totalement inconnue, fait d'ailleurs naturel, la fondation d'une paroisse étant, suivant la remarque de Largillière, oeuvre de longue haleine qui suffisait à occuper une vie entière. Mentionnons cependant qu'une chapelle dédiée à saint Ada existait jadis à Bourbriac, près de la chapelle actuelle de Notre-Dame de l'Epine.

Nous ne sommes pas mieux renseignés sur saint Eden ou, suivant une autre graphie, saint Edéan, qui donna son nom à l'une des dixmeries de la paroisse. Plus tard, ce saint fut confondu avec saint Edern, plus populaire, puis enfin avec le plus illustre de tous les saints bretons, le grand saint Even, dont la dixmerie prit le nom français de saint Yves. Saint Eden n'est plus connu à Plouha que par une ferme, mais une chapelle côtière lui est dédiée en Plouescat.

Le cadastre de Plouha rappelle également plusieurs autres saints. Tout d'abord saint Laureuc, dont une lan occupa peut-être primitivement l'emplacement de la ferme de Lanlorec, puis saint Logot, qui a donné son nom au port Logot, mentionné dans les plus vieilles chartres de Beauport ; saint Pergat, rappelé par Lanmergat ; enfin saint Guichal ou, suivant les graphies, saint Guihal, patron de l'ancienne chapelle du cimetière, saint probablement local, que nous n'avons vu mentionné nulle part ailleurs, à moins qu'il ne faille voir là, tout simplement, une altération par les scribes de Saint-Michel.

Quels furent les premiers seigneurs laïques ? Lysandré et Port­andré rappellent qu'il y eût jadis, à Plouha, la résidence seigneuriale d'André ou Audren, peut-être même du fameux roi Audren, mais la, tradition est muette à ce sujet. Il faut attendre, en effet, la fin du XIIème siècle pour qu'apparaissent les documents certains sur Plouha.

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§ 2. — De 1189 à 1420.

Les Comtes de Goelo, seigneurs de Plouha.

[Note : Voir Barthélemy et Geslin de Bourgogne : Anciens évêchés de Bretagne, t. IV, Chartres de Beauport].

A cette époque, la seigneurie de Plouha était entre les mains du comte de Goelo. Une bulle d'Innocent III, datée du 4 des calendes de mai 1198, et confirmant les biens et privilèges accordés aux moines de Saint-Victor par Alain, fils du comte Henry, pour la fondation de l'abbaye de Saint-Rion, mentionne en effet parmi ceux-ci le fenagium de Plouha, c'est-à-dire les redevances sur les pâturages de cette paroisse. Quatre ans plus tard, lors de la fondation de Beauport, en 1202, le même comte Alain donne entre autres aux prémontrés six église en Goelo avec toutes leurs appartenances, parmi lesquelles celle de Plouha, dont il était le présentateur. En 1212, la seigneurie était entre les mains de Mathilde, épouse d'Hervé le Clerc, qui porte le titre de dame de Plouha, dans la donation qu'elle fit à Beauport, lors d'une maladie, de toute sa terre de Lissineuc, en Plélo, qu'elle avait eue en héritage. Mathilde, au profit de qui la seigneurie avait été ainsi détachée du Goelo, était très proche parente et vraisemblablement fille du comte Alain. Nous voyons son mari cité avec Guillaume de Fougères, également allié au comte, à la fondation de Saint-Rion, et le premier mentionné à celle de Beauport.

Hervé le Clerc fit plusieurs donations à cette dernière abbaye, entre autres, de toute sa dîme de Tremelel-Goudelin, en 1220, dîme qui avait jadis était donnée par le comte Alain, lors de la fondation de Saint-Rion. Il était probablement décédé en 1245, lors du testament de sa femme, dans lequel, chose fort curieuse, il n'est même pas rappelé.

Dans ses dernières volontés, Mathilde fait d'importantes donations : tout d'abord, à Beauport, où elle élit sa sépulture, puis au clergé de Plouha, aux hôpitaux de cette paroisse et de Lanvollon, à ses serviteurs, enfin à ses neveux et nièce : Eudon, Aenor, et Havis.

Mathilde ne laissait aucun enfant. Son testament, d'une part, n'eût pas manqué, semble-t-il, de les mentionner ; et, d'autre part, la preuve formelle nous en est donnée par le fait que Lissineuc, et le moulin sur l'Ic qui en dépendait, ne cessèrent d'appartenir à l'abbaye, comme l'indique une chartre de 1257.

Or, la donation de 1212, portait une clause expresse de rachat au cas où, survivant à sa maladie, Mathilde aurait eu un fils ou une fille.

La seigneurie de Plouha revint au comte de Goelo, Henry d'Avaugour, fils d'Alain qui, empruntant en février 1257, trois cents livres aux moines de Beauport, leur en donna les dîmes en paiement pendant huit années, dîmes estimées cent rais froment par an. Elle suivit ensuite le sort du Goelo et le nécrologe de Beauport rappelle que Pierre Poulart, sr. de Kerberzault et Constance de Kerraoul, son épouse, firent don à l'abbaye, par acte du 27 septembre 1364, des dîmes de Bréhec, qu'ils tenaient de Charles de Blois et de Jeanne de Bretagne, dîmes valant un tonneau froment, comme l'apprend l'autorisation ducale du 14 juillet de cette même année.

Avant de voir ce que devint la seigneurie, lors de la confiscation des biens des Penthièvre, après l'attentat de 1420, examinons un instant les chartres publiées par les auteurs des anciens évêchés.

Beaucoup des noms qui y sont cités subsistent actuellement, tels le sanctuaire de Kermaria-an-Isquit, tels le Cosquer, Kergrist, le Pont-Rabel, la Tour-Couffon, la Runsegal [Note : Run Segal, actuellement Enez Guen Segal, ce qui ne signifie rien], le hameau de Treloven, construit vers 1260, etc.

La léproserie est encore rappelée de nos jours par le quartier de la Corderie, près de la gare actuelle [Note : Les villages des Caqueux ou Corderies relevaient jadis, comme l'on sait, directement de l'évêque. Peut-être est-ce à cette cause qu'il faut rattacher Kernescop].

Quant à la voirie, elle ne comprenait, en dehors de la route de Plouha à Lanvollon, que d'étroits chemins, dont le tracé est généralement emprunté, avec quelques modifications, par les routes actuelles.

C'est ainsi que le vieux chemin de Plouha à Tréveneuc passait encore, au début du siècle dernier, par Pont-ar-Stang, Port-André, le Moulin-Marec et Kérégal ; que le chemin allant de l'église de Plouha à celle de Lanloup rejoignait directement ce bourg au lieu de la contourner.

Quant au chemin, alors fréquenté, de Plouha au port de Bréhec, il était au XIIIème siècle jalonné par les points actuels suivants : le Bouredeau, Kersauson, Kerlivio, Kerhardy et Kerjollis, d'où il descendait dans la vallée, non loin du Moulin-des-Moines.

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3. — De 1420 à 1535.

Les Vicomtes de Rohan, seigneurs de Plouha.

Alain de Rohan ayant, en 1400, poursuivi Jean de Blois pour supplément de partage de son ayeule Marguerite d'Avaugour, Olivier de Blois lui promit, par acte du 25 juin 1405, la châtellenie de Châteaulin, en Cornouailles, baillée auparavant en gage aux comte et comtesse de Penthièvre, pour 1.300 livres de rentes, promesse qui n'avait pas encore reçu exécution en 1420 [Note : Voir Dom Morice : Pr. II, 768-769, et Hevin : Questions féodales, édition 1736, p. 403]. Le duc Jean V, après la confiscation des biens de Penthièvre « voulant complaire à son cousin et à sa belle cousine, Béatrix de Clisson, et par eux être et demeurer quitte », leur bailla, par acte du 5 octobre 1420, la somme de 1.200 livres de rente, à asseoir sur les parasses de Plouha, Plouézec, Yvias, Plourivo et Plounez. Il exceptait, toutefois, la ville et mettes de Paimpol, les ports et havres, les droits de bris et peczois de mer, les fiefs d'église et d'hôpital, les entrées et yssues, tout ce que la mer couvre par la plus grande marée, et les autres droits de principauté. Il se réservait également « les foy, hommage, droits et obéissances que le duc avait sur son bien-aimé et féal écuyer, Guillaume Preczart, sur son père et leurs hommes, fiefs, terres et héritages en la dite paroisse de Plouha ».

Il était stipulé que les quatre paroisses de Plouézec, Plourivo, Yvias et Plounez étaient données au vicomte, pour qu'il en jouisse par héritage ; quant à celle de Plouha, le duc lui en attribuait seulement les rentes et revenus, jusqu'à ce que le prisage des quatre autres paroisses ait été fait. Il était, en outre, convenu que, si dans un an cette estimation n'avait pas eu lieu, le vicomte prendrait possession des terres, rentes et revenus de Plouha « sauf à les faire priser quand le duc ou le vicomte le verrait à faire ».

Le duc ajoutait : « Nous voulons, ordonnons et octroyons, que le vicomte et ses successeurs tiennent ces cinq paroisses de nous prochement et s'en délivrent, au temps à venir, à congé de personne et de menée, à nos généraux plaids et par notre cour du ressort de Goelo, ès lieux où il plaira à notre sénéchal d'assigner les dits plaids en notre juridiction, nonobstant quelconques usements précédents ou autres choses à ce contraire » (Actes de Jean V, édition des bibliophiles bretons, n° 2667 et n° 1454).

Cet acte définit ainsi nettement la seigneurie ; seule, l'incertitude plane sur le petit fief donné par le duc à Guillaume Preczart et à son père. Est-ce la seigneurie de Lysandré qui aurait été confisquée temporairement sur les Taillart, dont on connaît la participation aux attentats de 1420 et 1422 ? Aucun acte ne nous a permis d'éclaircir ce point, les Preczart n'ayant laissé aucune trace à Plouha.

La seigneurie de Plouha et Plouézec fut souvent, dans la suite, donnée en usufruit aux filles de la maison de Rohan. Par acte du 23 novembre 1428, le vicomte donne à sa soeur germaine, Marguerite, dame de Quintin, comme succession de leurs père et mère, les rentes et héritages lui appartenant en ces deux paroisses et estimées 600 livres de rente, pour qu'elle en jouisse sa vie durant et comme usufruitière, à charge de payer à Beauport 6 tonneaux et une pipe de froment, et, à Blanche d'Avaugour, 31 livres 2 sols 6 deniers de rente. Mais, le prisage indiqué dans l'acte de 1420 n'ayant pas eu lieu, cette donation motiva immédiatement l'opposition du procureur général du duché qui prétendit, à juste titre d'ailleurs, que la seigneurie de Plouha, n'ayant pas été baillée « fors par manière de engaige », le vicomte de Rohan ne pouvait la mettre en autres mains que les siennes, sans congé et licence du duc. Celui-ci pria son procureur de passer outre et de ne pas s'opposer à ce que Marguerite de Rohan entre en possession de la seigneurie.

La nouvelle dame de Plouha ne paraissait d'ailleurs pas devoir en jouir longtemps, car le duc, considérant la débilité de sa très chère et très bien-aimée cousine, qui est ancienne et maladive, le temps d'hiver et la distance de Quintin à Vannes, toutes choses qui l'empêchent « sans grand grief et empirement de son corps, bonnement venir devers lui pour faire son devoir de l'ommaige et féaulté que lui devait et lui doit faire », accorde un sauf répit d'un an (Id., n° 1824).

Cette santé précaire, n'empêcha pas Marguerite de vivre encore jusqu'en mars 1441, survivant ainsi à son frère Alain, décédé en 1429.

A sa mort, la seigneurie de Plouha fut donnée en usufruit à Catherine de Rohan, épouse, par contrat du 22 février 1429, de Jacques de Dinan Montafilant, puis, en secondes noces, après la mort de celui-ci, le 30 avril 1444, de Jehan d'Albret, vicomte de Tartas, fils de Charles et d'Anne d'Armagnac.

Un long débat s'engagea, le 2 décembre 1450, entre les seigneur et dame de Tartas et le vicomte de Rohan, qui venait de donner à sa fille Yolande les 3 paroisses de Plourivo, Plounez et Yvias, que les premiers revendiquaient [Note : Catherine de Rohan avait eu en dot, par contrat du 22 février 1429, 600 livres de rentes pour tous droits présents et à venir des successions de ses ayeux Alain de Rohan et Béatrix de Clisson. 200 livres étaient payables à dater du mariage et les 400 livres restantes après le décès de Marguerite de Rohan, dame de Quintin et Plouha, sa grand'tante. (Titres de Blain, Bibliothèque Nationale, f. fr., 22332, p. 163). Par acte du 19 juillet 1441, son père, Alain de Rohan, lui fit assiette de 1.000 livres de rente, savoir des 600 livres précitées sur Plouha et Plouézec, à raison de 6 livres par tonneau froment, et le reste sur Plounez, Plourivo et Yvias ; ces dernières 400 livres ne devant revenir à Catherine qu'à la mort de son père. (Bibl. Nat., f. fr., 22333, p. 8). Sur le procès cf. Bibliothèque Nationale, f. fr., 8269, fol. 136. Nouv. acq. fr. 3702 et f. fr. 22331, fol. 193]. Le 19 février 1463, une première sentence fut rendue au profit de Catherine de Rohan, sentence confirmée en 1467. La succession de cette dame, donna également lieu, entre son frère et le sire d'Albret, à un procès qui commença aux plaids généraux du Goelo, le 12 octobre 1485. Les comptes si intéressants du receveur nous montrent, à cette occasion, que les frais accessoires de justice étaient, comme de nos jours, bien loin d'être gratuits. Le vicomte de Rohan n'avait pas moins de 6 notaires et 9 avocats, dont les honoraires s'élevaient aux sommes suivantes, pour chacune des nombreuses audiences, qui se renouvelèrent jusqu'à sept fois en 1486 :

Avocats :

à Pierre le Cozic : 29 sols 2 deniers ;

à M. Jean le Nepvou : 20 sols ;

à Jehan Poulart : 10 sols ;

à M. Guillaume Taillart, procureur : 20 sols.

à Sylvestre de Kernevenoy : 10 sols ;

à Nicolas Marec : 10 sols ;

à Yvon de Guerguezangor : 10 sols ;

à M. Rolland le Piver, qui plaidoya la cour : 29 sols 2 deniers ;

à M. Jean le Rochadour : 10 sols.

A ces frais, il y avait lieu d'ajouter :

pour la présentation du procès : 16 sols 8 deniers ;

à 6 notaires : 5 sols ;

et à la compagnie de Monsieur le Sénéchal : 30 sols.

Enfin, à partir de 1488, le vicomte put jouir paisiblement de sa seigneurie de Plouha et Plouézec, qu'il donna, entre autres, en dot à sa fille Marie, lors de son mariage, en 1511, avec Louis de Rohan Guéméné, fils d'autre Louis et de Renée du Fou, héritière de Montbazon.

Jacques de Rohan, frère aîné de Marie, étant mort à Corlay le 16 octobre 1527, sa succession fut partagée entre ses frères et soeurs. La dame de Guéméné, qui réclamait l'exécution de son contrat de mariage, obtint, par transaction du 31 octobre, outre la seigneurie de Plouha et Plouézec, estimée 1.200 livres, les seigneuries de Corlay et de la Marche. Quelques années plus tard, Marie se plaignant de ce que Plouha et Plouézec ne valaient, tout au plus, que 700 à 800 livres, et que les seigneuries de Corlay et de la Marche avaient été également surestimées, son neveu René, fils de sa soeur aînée Anne et de Pierre de Rohan Gié, confirma, par acte du 7 septembre 1535, le partage de 1527 et lui fit don, en outre, de la seigneurie de Saint-Aubin-des-Châteaux.

On trouve, dans les archives des Rohan, la série presque complète des comptes de Plouha et Plouézec ; de 1425 à 1511, documents fort importants, qui nous font connaître l'organisation administrative de cette seigneurie.

Les officiers gagés directement, étaient au nombre de trois seulement : le sénéchal, l'alloué et le receveur.

Le sénéchal, dont les émoluments annuels s'élevaient à 20 livres, était le principal représentant du vicomte dans la paroisse. Il publiait les mandements du seigneur et poursuivait leur exécution, rendait en son nom la justice, et faisait châtier les criminels, enfin, engageait et soutenait les actions reconnues nécessaires, devant la juridiction supérieure, la barre ducale de Goelo.

Il était secondé dans ses fonctions par un alloué, auquel il pouvait déléguer ses pouvoirs, et qui recevait 10 livres pour ses gages.

A côté de ces deux officiers, nous en rencontrons un autre, non rétribué directement, dont la charge héréditaire préexistait à l'administration des Rohan : le prévôt féodé. Le rôle de cet officier, qui était autrefois chargé de la police et du recouvrement des rentes, fut réduit par les vicomtes, à l'unique perception des vieilles censines ou rentes convenancières, dont il conservait, pour sa peine, la huitième partie.

Ce droit d'ouythenage fut contesté à maintes reprises par les vicomtes, sans succès d'ailleurs, aux seigneurs du Bouredeau, prévôts féodés héréditaires de Plouha. Le prévôt, avait en outre, le droit de présenter le sergent féodé chargé de faire les bannies et exploits de la juridiction. Le 6 juillet 1746, Julienne 0llivier revendiquait encore ce droit, en qualité d'héritière principale d'Helan François-Ollivier, sr. du Bouredeau.

Le troisième officier du vicomte, était le receveur de la seigneurie, dont la charge correspondait à la fois à celles actuelles, de percepteur et d'intendant. Il était, en effet, chargé d'assurer la rentrée des diverses redevances, de faire les mises nécessaires, d'établir les comptes et de les soumettre à l'approbation de la chambre des comptes des Rohan. Il affermait les divers convenants vacants, la sécherie et les moulins seigneuriaux, discutait et passait les marchés nécessaires à l'entretien de ces derniers, ainsi qu'à celui des chaussées et de la cohue.

Les recettes de la seigneurie comprenaient :

1° Les censives ou rentes convenancières dues en argent et perçues, comme nous l'avons dit, par le prévôt féodé.

2° Les chefrentes, dues partie en argent, partie en froment et, avoine, partie en volailles, enfin, partie en cire.

3° Les lods et ventes, correspondants aux droits actuels de mutation. La moitié de cette recette casuelle était pour le receveur, et l'autre moitié servait à l'entretien des chaussées et moulins pour lequel elle était généralement insuffisante et devait être complétée.

4° Les dixmes de la paroisse, payables en froment et en poules. La perception de celles-ci était affermée par dixmerie au nombre, tantôt de sept, tantôt de six, la dixmerie de Tremic, qui comprenait alentours de la chapelle Saint-Samson, ayant été le plus souvent jointe à sa voisine Trévros.

Ces six dixmeries étaient :

a) La dixmerie de Kérillis ou de l'église, comprenant le bourg et un territoire concentrique passant par Kerversio, le Poulfanc, la Sauraie, le nord de Kerdaniel et laissant à l'est Kernescop et Kertanguy.

b) La dixmerie de Saint-Eden, limitée par la précédente et sensiblement, par les deux routes actuelles de Plouha à Lanvollon et de Plouha au Palus.

c) La dixmerie de Travazec, bornée par les deux premières, et au nord-ouest par la route du Port-Moguer.

d) La dixmerie de Trévros et Trémic, délimitée par celles de Kérillis et de Travazec, par la route actuelle de Plouha à Paimpol jusqu'à son croisement avec le vieux chemin de Kermaria à la Tour, enfin, par ce dernier chemin.

e) La dixmerie de Bréhec, bornée par le chemin précédent jusqu'au moulin de Kerdegasse, puis, par le ruisseau qui coule dans le vallon de Kermaria, enfin, par les communes de Pléhédel et de Lanloup.

f) La dixmerie de Kergrist comprenait le reste de la paroisse.

5° La ferme de la sécherie de Monseigneur et des moulins seigneuriaux, au nombre quatre :

Le moulin de Bréhec ou de la Grève, disparu ;

Le moulin Goelo, près de Kermaria ;

Le moulin de Pontrabel ou du Poulsoch, dans la vallée verte, non loin de Kernescop ;

Enfin, le moulin du Corzic, dans la même vallée, au pied du Maugoer.

Les charges de la seigneurie consistaient en paiement de la chefrente, qui s'élevait à 130 livres par an pour Plouha et Plouézec, en gages des officiers s'élevant, comme nous l'avons dit, à 50 livres par an, aux frais des exécutions de justice, le cas échéant, de réception des officiers du vicomte en inspection, des messagers, des réparations des moulins, des chaussées et de la cohue, déjà signalées.

Il était dû, en outre, 6 tonneaux et demi de froment au couvent de Beauport, et tonneau froment aux Frères Cordeliers de Guingamp.

En tant qu'intendant, le receveur s'occupait d'ailleurs des choses les plus diverses, et les comptes de 1502 et 1503, mentionnent, par exemple :

« Item se décharge d'avoir payé à un tendeur qui prit deux faulcons de passage à la rive de la mer, pour monseigneur, les récompenses et réceptions qui échoient au dit receveur, 12 livres ».

Les différentes charges de la seigneurie, ainsi que l'affermage des dixmes et des moulins, furent toujours briguées par la noblesse du pays. C'est ainsi que nous voyons au XVème siècle, parmi les sénéchaux Fouques de Rosmar, Pierre Le Cozic, Rolland de la Villéon, parmi les alloués Jehan Millon et François de Boisgelin, parmi les receveurs Pierre de Kerleau, Guille Geslin et Pierre Couffon.

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§ 4. — De 1511 à 1622.

Les Rohan-Guémené, seigneurs de Plouha.

Marie mourut en 1542 et fut inhumée dans l'église collégiale de Guéméné, dite Notre-Dame de la Fosse, qu'elle avait fondée en 1529.

De son fils, Louis de Rohan-Guéméné, époux par contrat du 18 mai 1529, de Marguerite de Laval, fille de Guy et d'Anne de Montmorency, la seigneurie passa à sa petite-fille, Renée de Rohan, épouse en troisièmes noces, en 1564, de Jean de Laval, seigneur de Loué, fils de Gilles, baron de Bressuire et de Louise de Saint Maure. Leur fils, Guy de Laval, marquis de Nesle, époux d'Anne Hurault, fille du chancelier de France, fut seigneur de Plouha et Plouézec, et mous voyons, en 1582 et 1583, de nombreux aveux lui être rendus en cette qualité.

Mais, bien que ce seigneur n'ait été tué que le 14 mars 1590, à la bataille d'Ivry, la seigneurie de Plouha était, dès 1585, sans doute par rachat ou retrait lignager, entre les mains de son oncle, Louis de Rohan-Guéméné, qui la conserva jusqu'à sa mort, en 1611.

Si, suivant les vieux comptes et autres documents, la paroisse paraît avoir été relativement calme au XVème siècle et pendant la majeure partie du XVIème, elle connut, au contraire, comme ses voisines, les horreurs de la guerre civile, à partir de 1589. Le souvenir en resta longtemps vivace, témoin cet aveu, rendu le 25 mai 1776, pour le manoir du Bouredeau, mentionnant que « dans la tourelle dans laquelle est placé le degré pour monter aux chambres hautes, il y eut, autrefois, bretaiche et refuge à pigeons, à présent démolis, depuis le temps des guerres civiles qui ont été en cette paroisse ».

Les Plouhatins ne subirent pas, du reste, passivement les incursions des nombreuses bandes qui dévastaient la région, puisqu'un acte vient nous apprendre que Jean Courson, sr. de Kernescop, fut tué en qualité de capitaine des paroissiens de Plouha, par une compagnie de gens de guerre, au-devant desquels il s'était porté, avec ses hommes, jusqu'à Binic et Etables.

Malheureusement, beaucoup de gentilshommes prirent prétexte de cette lutte fratricide, entre royaux et ligueurs, pour assouvir leurs rancunes personnelles et donner libre cours à leurs passions les plus viles, ainsi qu'en témoignent un grand nombre de documents.

Ecoutons plutôt Marguerite Bizien, veuve de Jacques de Kernevenoy, sr. de Kerhardy, demander justice au roi. La suppliante expose « qu'en l'an 1591, un nommé Louis de Kerlouet, notoirement connu comme ennemi de son mari, désirant se venger des inimitiés qu'il lui portait, le fit prendre et enlever de sa maison, où il gisait au lit, extrêmement malade, et l'emmena prisonnier, sous prétexte qu'il ne tenait pas le même parti, encore qu'il ne pût porter les armes, et le retint misérablement par plus de trois mois ; et que son mari, ne pouvant plus résister à tant de supplices et de violences dont il était tyrannisé, et pour recouvrer sa liberté, fut contraint de consentir toutes les volontés du dit Kerlouet, et de, vendre solidairement avec Catherine du Gasrouet, le lieu noble de Poulfanc pour la somme de mille écus ». Le pauvre sr. de Kerhardy mourut peu après des suites de sa captivité, et le roi ordonna une enquête à ce sujet, en 1597 (Titres de Kerhardy).

Ecoutons également la requête de Jean Courson, sr. de Port­andré, exposant « qu'encore qu'il fut âgé de plus de soixante ans, il avait été assassiné avec un sien fils, près du bourg de Plouha, par quelques particuliers, sous prétexte de contrainte de parti ».

Triste époque, où tout prétexte, même le plus futile, était bon pour se débarrasser de ses ennemis, comme le montre encore le document suivant, intéressant par les quelques détails qu'il nous apporte, en particulier sur l'état sommaire de la chirurgie à cette époque (Archives Côtes-du-Nord, B 682) : au marché au bétail de Lanvollon, le laquais de Guillaume Berthou, sr. de Kervaudry, époux de Françoise Hémery, dame de Kerversio, en Plouha, ayant battu celui de Gilles Rocquel, sr. de Leslech, ce dernier en demanda raison au sr. de Kervaudry et le pria de châtier son laquais. Pour toute réponse, Guillaume Berthou sortit son épée, en transperça le sr. de Leslech et jugea prudent de prendre le large, pendant qu'on transperçait le malheureux Gilles dans la maison voisine de Jeanne Le Masson. Guillaume de Suasse et Jean Pommeret, notaires de Gouelo, qui se trouvaient en la compagnie du sénéchal, interrogèrent le blessé, tandis que l'on envoyait, en hâte, chercher les hommes de l'art : Jean Mériadec, de Plourhan, Rolland le Carrer, de Goudelin, et Fichou, de Lanvollon, barbiers et chirurgiens « pour visiter les plaies du dit Rocquel, qui avait une plaie au ventre, au côté gauche, plus haut que le nombril, par laquelle sortaient ses boyaux, avec une plaie au bras gauche, qui passait tout à travers ». Ces trois augures, ayant rapporté que les blessures étaient mortelles « parce que les boyaux étaient coupés et offensés », le sénéchal fit recoudre la plaie, confesser et mettre en bon état le dit Rocquel et attendit patiemment ses derniers moments avec François Hingant, maître Yves Poulart, et quelques autres amis. A la suite de cet homicide, les héritiers de Gilles, François Rocquel, sr. du Bourgblanc, et Marguerite Rocquel, épouse de Jean de Tanouarn, sr. de Couvran, ayant obtenu décret de prise de corps contre le sr. de Kervaudry, cédèrent moyennant mille écus payables en argent, leurs droits contre Guillaume Berthou, à nobles gens Vincent le Chaponnier, sr. de Kerhamon, Jean le Borgne, sr. de Kersaliou, Jean le Chaponnier, sr. de Maulouarn, Jacques Raison et Yvon Jehannot, sr. du Tertre, transaction qui paraîtrait assez déplacée de nos jours, mais courante alors, comme nous l'ont montré plusieurs cas analogues [Note : Le « prix du sang » n'était d'ailleurs pas particulier à la Bretagne et paraît avoir été général]. Remarquons d'ailleurs, que les seigneurs du Tertre et de Kergroas étaient alliés de Guillaume Berthou, aussi tout s'arrangea-t-il, et cet homicide n'empêcha pas le sr. de Kervaudry de devenir, quelques années plus tard, sénéchal des juridictions de Pléhédel et Langarzeau.

Revenons aux seigneurs de Plouha. Pierre de Rohan, fils cadet de Louis et d'Eléonore de Rohan, dame du Verger, sa première femme, rendit minu au roi de sa terre et chastellenie de Plouha et Plouézec, le 17 février 1612.

Les recettes et charges étant semblables à celles indiquées dans les comptes du XVème, nous ne nous y attarderons pas. Le minu précise cependant que l'appréci des chefrentes dues à la seigneurie, à la fête de Noël, en froment, avoine ou cire, se faisait à l'audience ordinaire, précédant les offices de cette fête « par l'advis des assistants aux audiences de la dite juridiction, lesquels froment et avoines se perçoivent par crublées, dont la crublée fait deux boisseaux et un cinquième de boisseau, trois crublées d'avoine valant une crublée de froment ». Par ailleurs, nous voyons apparaître, parmi les redevances diverses, un mouton avec sa laine.

Enfin, tandis que dans les comptes précédents il n'était fait mention que de trois officiers gagés, le receveur étant à la fois procureur, cette charge est distincte en 1612, et le receveur ne touche plus annuellement que quinze livres, le procureur étant gratifié de cent sous monnoie.

Pierre de Rohan épousa Madeleine de Rieux, puis Antoinette d'Avaugour, et mourut en 1622, laissant de ce second mariage une fille Anne, qui porta la seigneurie de Plouha et Plouézec à son cousin germain Louis de Rohan, fils du premier mariage d'Hercule et de Madeleine de Lenoncourt, douairière de Montbazon.

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§ 5. — De 1622 à 1789.

Les Rohan Montbazon, seigneurs de Plouha et leurs successeurs.

Louis, grand veneur de France, mourut en 1667. Sa femme lui survécut et aveux lui étaient encore rendus comme dame de Plouha, en 1678.

Leur fils aîné Charles, prince de Guéméné, épousa, en 1653, Jeanne-Armande de Schomberg, fille d'Henry, maréchal de France, et mourut en 1699, laissant de nombreux enfants. L'une des cadettes, Elisabeth, héritière de la seigneurie de Plouha et Plouézec avait épousé, en 1690, Alexandre, comte de Melun, maître de camp d'un régiment de cavalerie, dont elle eut une fille, Louise-Jeanne-Armande. Le nouveau seigneur, fils aîné de Charles Alexandre de Melun, et de Renée de Rupierre, avait pour cadets Ambroise, époux, en 1709, de Charlotte de Mouchy, d'où un fils Jean-Alexandre-Théodose, et Gabriel qui, le 8 juillet 1710, prit en mariage sa nièce, Louise-Jeanne-Armande.

La fille unique de ces derniers, Louise-Elisabeth de Melun, fut, femme, en premières noces, de son cousin germain, Jean-Alexandre-Théodose, prince d'Epinay, qui mourut à Paris en 1738, suivant une note des registres de Plouha le mentionnant alors seigneur de la paroisse, et en secondes noces, de Gilbert Alire, marquis de Langeac. Du premier mariage naquit Louise-Elisabeth, épouse, le 9 octobre 1758, de très haut et très puissant seigneur Alexandre-Emmanuel-François-Joseph de Ghishelle, marquis de Risbourg, prince du Saint-Empire, grand d'Espagne de première classe, etc. Ce furent les derniers seigneurs de Plouha et Plouézec. Etrangers à la Bretagne, ils ne paraissent pas avoir fréquenté beaucoup Plouha ; et, lorsque la Révolution éclata, la seigneurie était totalement affermée depuis longtemps déjà.

Nous avons, à propos de Lanloup étudié en détail la période révolutionnaire dans cette dernière paroisse, et ne pourrions que nous répéter ici. Le seul fait saillant fut, d'ailleurs, l'occupation de Plouha par les chouans, les 17 et 18 pluviôse, an VIII, occupation dont MM. Geslin de Bourgogne et de Barthélemy ont publié, in extenso, le curieux rapport officiel du commissaire du gouvernement près de ce canton (Voir Etudes sur la Révolution en Bretagne). Notons qu'en 1793, Plouha était l'une des communes les plus peuplées du département, devançant, avec ses 3.551 habitants, Lannion, Tréguier, Uzel, Moncontour et Paimpol (Voir Durand : La population des Côtes-du-Nord en 1793).

  (René Couffon, 1929).

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