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CHAPELLE DE KERMARIA-NISQUIT EN PLOUHA.

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Si la Bretagne est moins riche que la Normandie, sa voisine, en somptueuses cathédrales, elle possède encore, en dépit des ravages du temps et de l'incurie des hommes, de nombreux édifices religieux qui se distinguent par l'originalité de leur architecture. Les chapelles y abondent, et celle qui fait l'objet de notre étude est particulièrement digne d'attirer l'attention des archéologues tant par sa construction que par sa décoration intérieure.

Entre Saint-Brieuc et Paimpol, au fond d'un petit vallon que traverse le chemin vicinal de Pléhédel à Plouha, se trouve, enfouie dans un bouquet d'arbres, la chapelle de Kermaria-Nisquit. Malgré son état d'abandon, les mutilations dont elle a été victime, et les restaurations maladroites qui ont, au XVIIIème siècle surtout, dénaturé ses formes, cette chapelle impose encore par ses proportions harmonieuses et les ornements pleins d'élégance qui révèlent sa noble origine.

Chapelle Kermaria-Nisquit en Plouha (Bretagne)

Construite sur un tertre planté d'ormes et de frênes qui domine la route, elle offre aux regards du passant la large baie de son transept encadrée de délicates colonnettes, et la silhouette de son porche couronné d'une galerie de granit découpée comme une dentelle.

Étudions d'abord l'extérieur de l'édifice orienté de l'ouest à l'est, et qui présente à la route son collatéral sud dans toute sa longueur. Nous ne nous arrêterons pas devant le chevet polygonal, lourde construction de granit datée de l'an 1702. Elle est due au mauvais génie de Kermaria, messire Jan Huët, chapelain, qui ne manque jamais de signer avec orgueil ses sauvages innovations. Examinons le transept qui conserve toute l'élégance architecturale du XVème siècle. Sa fenêtre latérale en ogive a d'exquises proportions qu'on retrouve également dans la vaste verrière du pignon dominée par l'écu de Taillart.

Chapelle Kermaria-Nisquit en Plouha (Bretagne)

Les rampants de la toiture se terminent par des gargouilles d'un charmant dessin qui se profile sur le ciel. En doublant la saillie du transept, nous passons près d'une porte basse qui y donne accès. C'était l'entrée particulière aux seigneurs de Lisandré, fondateurs et prééminenciers, qui avaient, comme nous le verrons plus loin, leur enfeu dans cette partie de la chapelle. On longe ensuite une partie du collatéral refaite en 1720, comme l'indique la date taillée dans le tympan d'une lucarne, et l'on arrive au porche qui mérite un examen détaillé. Une large porte ogivale, dépourvue malheureusement de ses redans ajourés qui enrichissaient sa décoration, est flanquée des statues de saint Pierre et de saint Paul naïvement taillées dans des troncs de chêne. C'est l'entrée du porche qui donne accès dans l'intérieur de la chapelle.

Chapelle Kermaria-Nisquit en Plouha (Bretagne)

Elle est surmontée d'un pignon en retrait qu'entoure une galerie formée d'une suite continue de quatre-feuilles à jour. Ogée rapporte, dans son Dictionnaire de Bretagne, que de ce balcon en saillie le sénéchal de la juridiction de Lisandré, dont relevait Kermaria, faisait connaître au peuple les jugements rendus par celle-ci, en présence du coupable qui se tenait au pied de la vieille croix de pierre faisant encore face au porche.

Avant de pénétrer dans l'intérieur, continuons notre promenade autour de l'édifice. Nous arrivons au portail principal qui est à lui seul un chef-d'oeuvre de goût et d'exécution. Son ornementation est pourtant bien simple, car elle ne se compose que de moulures et de colonnettes. Mais quelle justesse et quelle harmonie dans les proportions ! Quelle variété dans ces chapiteaux de tuffeau bleu ciselés comme du bronze aux arêtes vives et nerveuses ; quelle légèreté dans les faisceaux de colonnettes, dans les profils de moulures qui se courbent avec la grâce et la souplesse d'une liane ! On voit avec pitié un pareil bijou entouré de tas de fumier et d'immondices, exposé chaque jour au heurt des charrettes, et l'on a peine à comprendre comment il n'a été cité dans aucun dés monographies de Kermaria.

Le clocher actuel qui surmonte ce charmant portail a été refait au XVIIIème siècle sans doute par les soins du chapelain Jan Huët. Il n'a aucun caractère, et a dû probablement remplacer un de ces élégants campaniles dont on rencontre de nombreux types dans l'architecture religieuse en Bretagne.

Le parement de cette façade porte, un écu triangulaire dans lequel ont été retaillées des armoiries plus récentes, car il était d'usage, lorsqu'un fief changeait de mains, que le dernier venu substituât ses armes à celles de son prédécesseur, partout où il avait des droits de prééminence.

Les armes retaillées sont celles de Claude de Lannion; sieur de Lisandré, chevalier des ordres du roi, mort en 1621, et de Renée de Quélen, sa femme.

Nous atteignons le collatéral nord qui jadis était, lui aussi, orné d'un porche dont on a pu voir, pendant bien longtemps, les claveaux, du plus beau style gothique, rouler dans la boue.

Quand ce porche fut-il démoli ? Peut-être au XVIIIème siècle, à l'époque des déplorables restaurations du funeste chapelain. Lors de l'édification de l'église neuve de Plouha, M. le curé Perro s'était approprié ces vénérables débris pour augmenter le nombre des moellons destinés à sa gigantesque basilique. M. le comte de Keranflec'h, dans sa monographie de Kermaria (Une frairie bretonne Kermaria-Nisquit. Vincent Forest, Nantes, 1857), cite en note la réclamation que fit à ce sujet M. Alfred Ramé, au Congrès de Saint-Brieuc, déclarant que ce porche est un monument du XIIIème siècle, d'un intérêt véritable, et demandant qu'il fût enlevé de l'église de Plouha, où on l'avait transporté, pour le rétablir à sa première place. C'est seulement vers l'an 1893 qu'un propriétaire voisin, descendant des anciens seigneurs de Lisandré, M. Charles de Taillart, recueillit dans la nef de la chapelle les débris épars de ce porche, en attendant qu'on puisse obtenir les fonds nécessaires à sa réfection. Nous tenons à signaler en cette occasion les témoignages d'attachement que donnèrent les habitants du petit hameau de Kermaria pour leur vieille chapelle. Chacun offrait avec empressement ses services pour mettre à l'abri de la destruction ces précieux restes, et l'espoir de les voir un jour relever excitait leur ardeur.

Ces sentiments-là sont bien rares à notre époque d'indifférence générale, et l'on ne saurait trop y applaudir. Ils se manifestèrent même avec plus de violence lorsqu'on eut l'étrange pensée de raser la chapelle de Kermaria pour utiliser ses matériaux à la construction de l'église neuve de Plouha. « Quand il y a quelques mois, dit M. de Keranflec'h, le bruit se répandit que ces débris étaient condamnés à une démolition prochaine, ce fut un deuil général. De pauvres paysans protestèrent qu'ils mangeraient jusqu'à leur dernier sou plutôt que de voir disparaître le sanctuaire de leurs ancêtres ». Certaines protestations furent encore plus énergiques, car nous tenons de ces braves gens qu'un vieux du hameau grimpa sur le toit avec son fusil, et menaça de casser la tête au premier qui toucherait à sa chapelle.

Descendons maintenant les degrés du porche, dont le sol se trouve en contre-bas de celui du placitre. La voûte en est supportée par d'élégantes nervures et l'on y remarque les traces d'anciennes peintures représentant des anges qui déploient des banderoles couvertes de versets des Psaumes.

De chaque côté, les statues des douze apôtres sont rangées sous des niches d'une ornementation variée, qui semblent, par leurs formes, accuser des styles différents. Franchissons la jolie porte ornée des armes en alliance de Claude de Lannion et de Renée de Quélen, et pénétrons dans l'intérieur de la chapelle. Sa nef, divisée en sept travées, est flanquée de deux bas-côtés et se termine par un chevet polygonal refait, comme nous l'avons vu, au commencement du XVIIIème siècle. Comme la plupart des chapelles bretonnes, Kermaria n'a qu'un seul transept, orienté, ainsi que son porche, vers le sud. Au premier coup d'œil, on est frappé de la différence de style des piliers.

Les quatre premiers de la nef semblent dater du XIIIème siècle tandis que les autres, taillés à pans coupés et dépourvus de chapiteaux, offrent, ainsi que le transept et certaines parties du porche, les caractères de l'architecture du XIVème siècle.

Sur les parois de la muraille, entre les piliers et la charpente de la toiture, se déroule toute une suite de personnages entremêlés de squelettes, et toute la hiérarchie sociale y figure en beaux et pittoresques costumes du XVème siècle, depuis le pape, l'empereur et le roi, jusqu'au moine, au ménétrier et au laboureur. C'est un des rares et peut-être le seul exemple qui subsiste de nos jours en France, de ces danses macabres si souvent reproduites au moyen âge dans les édifices religieux [Note : Consulter la Danse macabre de Kermaria-Nisquit, de M. Félix Soleil, illustrations de M. Duplais-Destouches. Saint-Brieuc, Prud'homme, 1882]. On lit sous chaque personnage une strophe de huit vers inscrite en caractères gothiques, expliquant chacun des sujets de cette lugubre peinture. Mais ce n'était là qu'une partie de la décoration intérieure de la chapelle qui devait être entièrement couverte de fresques, puisqu'on en retrouve partout des traces sous le badigeon grossier qui les recouvre. Ainsi les deux côtés de la nef, au-dessous de la danse macabre, sont décorés, dans l'axe des piliers, de figures de prophètes tenant de longs phylactères qui portent leurs noms et des versets tirés des Psaumes. Dans la partie du bas-côté gauche qui avoisine le chœur, on distingue encore sur la teinte rouge brique qui couvre la muraille, les formes d'un cavalier et d'un squelette qui se détachent en grisaille. C'est un fragment de la légende des Trois Morts et des Trois Vifs. Immédiatement au-dessus de cette peinture, on voit une voussure lambrissée divisée en neuf travées par de gracieuses nervures qui s'appuient sur une frise courante ornée de sculptures et d'inscriptions. Chacune des travées contenait l'image d'une Vertu terrassant un Vice. Il ne subsiste plus que trois de ces figures dont nous donnons ici la reproduction [Note : Ces dessins sont extraits de notre article Peintures murales de Kermaria-Nisquit, publié dans les Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, t. XLVI, 1886].

Chapelle Kermaria-Nisquit en Plouha (Bretagne)

Si l'on suit le bas-côté, dans la direction de la porte principale, on remarque des restes de frise délicatement sculptée.

Chapelle Kermaria-Nisquit en Plouha (Bretagne)

Traversons le chœur pour gagner le transept. Au-dessus de la double ouverture qui y donne accès, on voit le fragment d'une importante composition en partie détruite. C'est un groupe de six personnages représentant deux seigneurs et leurs femmes, en oraison, assistés de deux saints. A en juger par les costumes, cette peinture remonte au XVème siècle. Le premier de ces personnages, qui porte un écartelé sur sa cotte d'armes et est assisté d'un saint en costume épiscopal, doit être Guillaume de Boisgelin qui épousa Anne du Vieux-Chastel, et servit en 1481 comme archer de la garde du corps du duc François II.

Chapelle Kermaria-Nisquit en Plouha (Bretagne)

Effectivement, la plus petite des baies qui éclairent le transept conserve encore dans son vitrail les armes pleines du Boisgelin, et en alliance avec celles du Vieux-Châtel. Le second des deux seigneurs agenouillés est assisté de saint Jean-Baptiste et accompagné de cette invocation inscrite en caractères gothiques : Sancte Johannes Baptista, ora pro nobis.

Chapelle Kermaria-Nisquit en Plouha (Bretagne)

Nous pensons qu'il doit représenter Jean Taillart, mentionné, dans la montre de l'évêché de Saint-Brieuc en 1469 parmi les nobles de la paroisse de Plouha dont dépend Kermaria.

Les Taillart, comme seigneurs de Lisandré, avaient, aux XVème siècle et XVIème siècles, des prééminences et droit d'enfeu dans la chapelle de Kermaria, où l'on voit encore leurs armes plusieurs fois reproduites en sculpture et peintes sur les vitraux. La grande baie ogivale du transept, dont nous avons parlé plus haut, conserve encore dans sa verrière quelques écussons que nous allons décrire.

En supériorité, on remarque deux écus tailladés dans le goût du XVème siècle ; l'un porte les armes pleines de Taillart qui sont : d'hermines à cinq fusées de gueules accolées et mises en bande ; l'autre est : parti, au 1er de Taillart, au 2ème de le Vayer, de gueules à la bande d'or accostée de deux étoiles en chef, et d'un croissant en pointe, le tout d'or. Ce sont les armes en alliance de Guillaume Taillart, sieur de Lisandré et de Gillette Le Vayer, dont le contrat de mariage porte la date de 1488.

Chapelle Kermaria-Nisquit en Plouha (Bretagne)

Plus bas, ce sont les armes en alliance d'Yves Pinart et de Marguerite de Boisgelin, fille de Sylvestre du Boisgelin, sieur de la Noë-Verte. Un écusson en bannière, entouré du collier de Saint-Michel, est attribuable à Pierre de Lannion, baron du Vieux-Châtel, et à sa femme Renée d'Aradon. Son père, René d'Aradon, avait reçu, en 1590, du duc de Mercœur, le gouvernement des villes de Vannes et d'Auray, dont il se démit en 1625 en faveur de son gendre, Pierre de Lannion.

Chapelle Kermaria-Nisquit en Plouha (Bretagne)

Les vitres de la fenêtre latérale du transept contenaient encore les blasons plusieurs fois répétés des Taillart et des Harscouët, mais on n'en distingue plus aujourd'hui que des débris informes.

Au-dessous de la grande verrière dont nous venons de parler, on reconnaît l'emplacement d'un ancien tombeau ménagé dans l'épaisseur de la muraille ; c'était l'enfeu des sieurs de Lisandré aux XVème et XVIème siècles. Plus tard, l'enfeu seigneurial fut transféré au milieu du chœur, comme le prouve ce passage du testament de Jean de Lannion, baron des Aubrays, sieur de Lisandré et de la Noë-Verte, à la date du 21 janvier 1651 : « Et pour mon corps..... j'ordonne, selon la coutume de la saincte Eglize catholique, qu'il soit mis dans le caveau qui est sous la grande tombe eslevée qui est au milieu du chœur de l'église de Kermaria, en la paroisse de Plouha, dépendant primativement de ma terre et seigneurie de Lisandren ».

La tombe élevée qui devait porter l'image couchée du défunt, comme on en voit encore un exemple dans la chapelle de Notre-Dame-de-la-Cour, en Lantic, a été détruite à la Révolution. Il n'en reste plus qu'une grande dalle brisée qui ferme l'ouverture du caveau. Sans doute les dépouilles du sieur de Lisandré furent-elles jetées au vent. Toutefois une âme pieuse recueillit son crâne que l'on conserve encore dans une humble châsse de bois peinte en noir sur laquelle on lit cette naïve inscription : Le Geff de les Aubré.

Le chœur était jadis fermé par un jubé en bois sculpté, peint et doré [Note : Ces jubés en bois étaient de mode au XVIème siècle dans les églises de Bretagne. La chapelle de Notre-Dame-d'Avaugour, en Saint-Pever, en conserve de curieux fragments, et celle de Kerfons, voisine du château de Touquédec, possède un jubé encore intact], mais il a été détruit lors du pillage de la chapelle, et il n'en existe aucun vestige. On trouve çà et là dans le pavage du chœur quatre dalles funéraires dont les écussons, usés par les sabots des fidèles, semblent dater du XVème siècle.

Signalons encore un charmant retable d'albâtre de la même époque qui représente le Couronnement de la Vierge et l'Annonciation ; deux candélabres en fer forgé dont l'un surtout est du plus beau style, et un modeste banc de chêne qui porte, sculptées en relief, les armes de Callouët de Trégomar au milieu d'un cartouche Louis XV. C'est le blason du dernier seigneur de Lisandré, dont le père ou le grand-père était Guillaume-Jacques Callouët, sieur de Trégomar, qui, de concert avec le chapelain Jan Huët, dénatura d'une façon si malheureuse l'élégante architecture de Kermaria. La pauvreté de ce petit banc de chêne, qui n'a pour tout ornement qu'un blason grossièrement sculpté, contraste d'une manière frappante avec ce qui reste de la somptueuse décoration de la chapelle. Il ne subsiste rien d'autre de l'ancien mobilier de Kermaria dont la richesse devait répondre à l'importance du sanctuaire.

Un cartulaire de 1714 intitulé : Recueil des titres de l'Église de Notre-Dame de Kermaria et des fondalions et prééminences des seigneurs de Lizandrain et dont le premier feuillet porte un pennon écartelé des armes [Note : C'est une bannière écartelée au 1 de Callouet, au 2 de Taillart, au 3 de Le Vayer de Trégomar, au 4 d'un losangé d'or et de gueules dont nous ignorons l'attribution] des différents seigneurs de ce fief, donne quelques renseignements malheureusement incomplets sur les origines seigneuriales de Kermaria. Il en résulterait que la seigneurie de Langarzeau, en Pludual, qui, lors de la réformation de 1423, appartenait aux sieurs de la Feillée en Goven, avait des droits prééminenciers dans la chapelle. La dernière héritière de ce fief, Renée de la Feillée, qui avait épousé au commencement du XVIème siècle un sire d'Acérac de la maison de Rieux [Note : François de Rieux, deuxième fils de Jean, maréchal de Bretagne, et d'Isabeau de Brosse, sa troisième femme. Il eut en partage la seigneurie d'Acérac, et épousa Renée de la Feillée, dame du Gué de l'Isle, fille et héritière de François de la Feillée, vicomte de Plouider, et de Cyprienne de Rohan, dame du Gué de l'Isle], déclara le 26 février 1547, à l'assemblée générale des paroissiens de Plouha, comme le relate le cartulaire, qu'elle cédait à Roland Pinart, sénéchal de Léon, sieur de Lisandren, tous les escussons et armoiries avec tout le droit, cause, rayson et action qu'elle avait dans la chapelle de Kermaria-Nisquit. D'après les montres et les réformations de la noblesse, et la généalogie de la maison de Quelen, dressée par dom Gallais, les Taillart, comme seigneurs de Lisandré, étaient les plus anciens et les premiers prééminenciers dans la chapelle de Kermaria qui relevait de cette seigneurie. Lisandré passa aux Pinart de la Noë-Verte, par le mariage, en 1534, de Roland Pinart avec Catherine Taillart [Note : Leurs armes en alliance se voient encore sculptées sur une clef de voûte au château de la Noë-Verte, en Lanloup], fille d'Yves, sieur de Lisandré et de Kerdaniel, puis aux Lannion par Julienne Pinart qui épousa François de Lannion, sieur du Cruguil. Les seigneuries de Lisandré et de la Noë-Verte étaient donc aux mains des Lannion dès les premières années du XVIIème siècle.

D'après le compte, rendu en 1618, par le trésorier de Kermaria à Pierre de Lannion, chevalier de l'Ordre, gentilhomme ordinaire de la Chambre, du roi, sieur du Cruguil et de Lisandré, il résulte que quiconque consentait à payer une rente de 6 sols avait droit de sépulture dans la chapelle. Aussi les noms de simples laboureurs se trouvent-ils mêlés, dans l'obituaire, à ceux des familles nobles de la localité. A cette même date, 1618, les recettes de la fabrique s'élevèrent à la somme de 1,297 livres. Ce chiffre éloquent nous monstre à lui seul de quelle vénération était entourée Kermaria, et quelle pouvait être la richesse de son mobilier.

A l'époque de la Révolution, cette chapelle eut le sort de tous les édifices religieux ; ses tombeaux furent brisés, ses richesses pillées et ses peintures murales recouvertes de chaux. L'existence même de ces peintures avait disparu du souvenir des habitants du hameau, lorsque, vers le milieu de notre siècle, le hasard les révéla. L'humidité des murs fit détacher un fragment du badigeonnage et laissa à nu un des personnages de la Danse macabre. Ce fut le descendant des anciens seigneurs de Livandré, M. Charles de Taillart, qui fit cette découverte et la signala.

Plusieurs rapports furent adressés en 1858 et 1860 à la Commission des Monuments historiques, insistant sur l'importance d'un exemple si rare d'une danse macabre. L'un d'eux est signé de Mérimée, l'écrivain célèbre, alors inspecteur général des monuments historiques.

A plusieurs reprises, le Conseil général des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) demanda le classement de la chapelle, et des subsides pour son entretien. Un devis fut dressé par l'architecte diocésain, et le Ministère des Beaux-Arts donna mission à un peintre, M. Denuelle, de relever ce qui subsistait encore des peintures murales de Kermaria. Les choses traînèrent ainsi jusqu'en 1886. Le 12 juillet de cette année, le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts signait un arrêté qui conclue au « classement » des « restes de peintures murales dans la chapelle de Kermaria-Nisquit ». De l'édifice il n'est pas dit un mot. Or comment admettre que ces peintures soient préservées de la destruction si l'édifice qui les renferme n'est pas entretenu ? Le classement des peintures est donc absolument illusoire si la chapelle n'est pas classée comme monument historique [Note : La chapelle fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis le 3 juillet 1907].

(P. CHARDIN).

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