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EXCURSION DANS LA COMMUNE DE PLOUEZOCH

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La commune de Plouézoch s'étend sur la rive droite de la rade de Morlaix, à huit kilomètres environ de cette ville. C'est un étroit et long plateau, ou plutôt une chaine de collines au relief fortement accusé, qui s'abaissent de toutes parts, sauf au sud-est, en pentes parfois très abruptes. Pour embrasser d'un seul coup la topographie de la commune et jouir à la fois d'un beau panorama, il n'est que de gravir l'escalier tournant du vieux clocher du bourg, perché à 90 mètres d'altitude, sur une croupe rase et nue où rien ne borne le regard. Plus d'une fois, lorsque nous recueillions des notes en vue de ce travail, il nous est arrivé, après avoir durant toute l'après-midi fouillé les poudreuses archives municipales, déchiffré les écritures jaunies aux paraphes bizarrement entrelacés en lacs d'amour, de monter sur la plate-forme nous reposer les yeux et nous rafraîchir l'esprit en contemplant un des paysages de terre et de mer les plus mouvementés qui se puissent voir en Bretagne. A nos, pieds, les arbres frémissants du cimetière, l'humble bourg, maisons blanches et chaumières, puis les champs, les landes, les taillis déjà roussis par l'automne. Plus loin, la rade étincelant sous le ciel d'or pâle d'une claire soirée d'octobre, les promontoires étirant leur sombre et noueuse échine, le chenal coupé de longues roches noires, le château du Taureau dressé sur son écueil, la montagne et l'église de Carantec, la chapelle insulaire de Callot, la côte de Léon, dentelée de clochers et de phares, l'infini du large... Vers le sud, c'était l'immense pays tourmenté de Morlaix, ses trente clochers émergeant des verdures, ses hautes terres étagée en plans successifs, et la silhouette bleue des monts d'Arrée se profilant à l'extrême lointain.

Mais de ce grandiose horizon, un seul coin nous occupe aujourd'hui, Plouézoch, dont nous découvrons en entier le territoire : devant nous, l'Arvor, la zone maritime de la commune, baignée par la mer depuis la sauvage combe du Dourdu jusqu'aux sables de Kernéléhen ; derrière, le Gourré, la zone élevée, continentale, que sépare de l'autre le bourg lui-même. Nous ferons donc de celui-ci le point central de notre exploration, que nous commencerons, ainsi qu'il convient, par l'église paroissiale. Sa partie la plus ancienne est le chevet, percé d'une fenêtre ogivale au tympan formé d'une petite rose flamboyante. Le choeur et les bas-côtés, restaurés en 1859, dataient de 1641-1642, comme en témoigne la pièce suivante, contenue dans les registres de baptêmes, et dont le texte original latin a été déchiffré et traduit par notre savant collègue M. le chanoine Peyron :

« L'an du Seigneur 1642, le 12 novembre, moi, Vincent le Guernigou, prêtre, licencié en droit, recteur de Plouézoch, en vertu des pouvoirs à moi accordés par illustrissime et révérendissime Noël Deslandes, par la grâce divine et la faveur du Saint-Siège apostolique évêque et comte de Tréguier, j'ai béni et posé la première pierre de l'église de Plouézoch dans les fondations au côté Est de la façade, en observant, les rites prescrits par le rituel romain, en présence et avec l'aide de vénérables Maîtres François Riou, Yves Berthou, François Le Louçeault, Yves Le Jeune et François Kerriel, prêtres de ladite église ».

Lors de la réfection, on a supprimé l'arc triomphal de l'entrée du chœur, qui surmontait un petit campanile muni d'une cloche bénite le 12 juin 1644 et nommée Renée par « haut et puissant Claude du Louet, Sgr de la Villeneuffve, Kergus, et dame Rennée de la Marzelière, dame dauarière de Goezbriand et propriétaire de Trievin, Kergrech ». Les piliers et les arceaux du chœur sont cependant demeurés anciens ; aux clefs de voûté se voient les armes des Goezbriand : d'azur à la fasce d'or, que retrouve encore au portail latéral, au-dessus de la maîtresse-vitre et sur la tour en ces deux dernières places, elles chargent un écusson incliné à l'antique, supporté par deux lions, timbré d'un heaume et entouré du collier de Saint-Michel.

La date de 1627 se lit sur la tour. « La première pierre du clocher naguère élevé dans la partie occidentale de ladite église, continue l'acte précité, a été bénite et posée par moi le 13 juillet 1627, en foi de quoi j'ai signé les présentes, V. Guernigou ». Très original avec son avant-corps formant, logette ou chambre des archives couverte en appentis et reposant sur deux colonnes de granit cannelées, l'encorbellement en forte saillie de sa galerie ajourée, sa flèche aigüe et sa tourelle d'escalier surmontée d'une vieille statue de pierre de la Vierge, le clocher de Plouézoch frappe par la robustesse un peu lourde et le cachet particulièrement breton de son architecture.

Dans les registres paroissiaux, on ne relève pas moins de dix baptêmes de cloches, dont sept, de 1599 à 1778, se rapportent à l'église principale. Le plus ancien de ces actes est d'une rédaction curieuse.

« Le mercredy dernier jour de juign lan de grace mil cincq centz quattre vingtz dix neuff, ennvyron les trois heures après midy furent faict et fonté les deulx cloches de rostre église pochielle de Plouezoch, auprès de la cymittière dicelie, par ung ouvrier nomé Me Jan Cadoudal, de levesché de Léon, le vandredy ensuyvant, jor de la Visitaon de Notre-Dame après vespres furent lesd. cloche tyrées de la fosse, l'une pesant anvyron 93 livres et lauttre anvyron 33 livres esquelz sont les armoiries de la seigneurye de Goezbriand et le nom de Me Françoys Le Loucze, recteur de lad paroisse.

Le dimanche prochain ensuyvant, 4e jo de juillet audit an, a lissue de la grande messe en grande assamblée de peuple furent les cloches bénistes et baptizées sollennellement par moy Me François Le Loucze, prestre recteur de lad parroe et fust la grande nommée Renée par la représentation et présence de noble et puissante dame Renée de la Marzillyere, dame de Goezbriand, Trievin, Kerantour, Keraudy, Bren, Lanouverte, Coatcoazer et fust por parrain escuyer Pierre du Goezlin, sgr du Coskaer, [Note : Pierre du Goezlin, s. du Cosquer, Quinquizou époux vers 1592 d'Anne Parcevaux, veuve de François Pastour, s.. du Launay] et la petite fust nommée Jacques par la présance de nobles homs Jacques de Keraldanet sgr. de Kervern, Rozangavet, [Note : La terre de Rosangavet n'a jamais appartenu aux Keraldanet et nous ne savons comment expliquer la présence de ce Jacques de Keraldanet à Plouézoch, à moins qu'il ne fût peut-être tuteur des enfants mineurs de Jean Cazin et de Marguerite de Lannay, sr. et dame de Rosangavet] et fust por marraine damslle Louyse Estienne, dame du Roslan, Kerveguen — le tout faiet au cymittière de lad. esglise devant le grand portail dicelle, le jour et an que devant. — F. Le Loucze. pr. recteur ».

La première de ces deux cloches, refondue le 28 juillet 1649, fut de nouveau nommée Renée « par escuyer René de Guicaznou, sr de Kerandulven, et dame Renée de Toulbodou, dame douarière de Kerandulven et proppriétaire de Kernoter, Coatquéau, le Scozou, et mère dudit Sieur de Kerandulven ».

Le 25 juillet 1684, Missire Vincent Prigent, recteur de Plouézoch, assisté de vénérables et discrètes personnes Missires Hervé Prigent, ci-devant recteur de Plouézoch, et Henry Primaigné, recteur de Garlan, procéda à la bénédiction solennelle d'une cloche du poids d'environ huit cent livres, « que le général des paroissiens dudit Plouézoch ont fait dernièrement refondre pour l'usage de l'église paroissiale, ... à laquelle cérémonie ont esté présents pour l'Imposition du nom de Saincte Thérèse, sous l'invocation de laquelle ladite cloche a esté beniste, haut et puissant Messire Yves marquis de Goezbriand, gouverneur pour le Roy du chasteau du Torreau, ports et havres de Morlaix et pais circonvoisins. Escuyer des grandes et petites escuryes de sa Majesté, Mareschal de camp de ses armées, collonel général du ban et arrière-ban de l'évesché de Set Brieuc, capitaine de cent bommes d'armes des ordonnances de sa Majesté, seigneur fondateur de ladite paroisse de Plouézoch, et damoiselle Jeanne Thérèse Josset, dame de la Noo, lesquels ont voulu estre présens a ladite cérémonie et imposer, conjoinctemet le nom à lad. Cloche ». Le même jour, il bénit une seconde cloche « qui fut dedyée à la gloire de Dieu sous l'invocation et nommée Marie par noble homme Yves Ferrière, Seigneur de Bussé et de Kernoter, auquel à cause de sadite terre de Kernoter, dans l'estandue de la paroisse de Plouézoch, appartient une chapelle prohibitifve dans l'église dudit Plouezoch dont la porte sert à présent pour l'entrée à la sacrystie de ladite Eglise, pour marque de quoy on a conservé en ladite sicrystie le bénistier qui estoit au dehors avec le fretté [Note : Guicaznou, Sgr. de Kernoter : d'argent fretté d’azur] qui y est pour armes, et damoiselle Marie Corroller, femme de Jacques Allain, sieur de la Marre et du Rest audit Plouézoch, ausquels à cause de ladite terre du Rest appartient après le Seigneur fondateur les premières prééminences dans la dite église » [Note : Registres paroissiaux, cahier de 1684].

Un siècle après, Jacques Louis Guino, chanoine et official de Tréguier, recteur de Plouézoch de 1775 à 1778, plus tard député du clergé à l'Assemblée nationale et l'un des chefs de l'église constitutionnelle du Finistère, fit faire par le sieur Guillaume, maître fondeur à Morlaix, une cloche « pour être mise au clocher de céans du côté du midy, pesante environ huit cent cinquante livres, chargée : 1° des armoiries en alliance de Monsieur le comte de Pastour de Kerjan et de madame la comtesse de Goëbriand de Kerjan-Pastour, son épouse ; 2° des armoiries de feu Monsieur Michel, en son vivant trésorier général de l'artillerie et du génie, seigneur fondateur de Plouézoch, à laquelle cloche a été imposé le nom de François-Marie-Magdelaine par haut et puissant seigneur François-Toussaint Pastour, seigneur, conte de Kerjan, enseigne des vaisseaux du Roy, et par haute et puissante dame Marie-Magdelaine de Goëbriand, dame comtesse de Kerjan, le 28 avril 1778, en présence de MM. Barazer de Lannurien et Malescot de Kerangoué, procureur fiscal et sénéchal de Coatcoazer, et de divers membres des familles nobles des environs » (Registres paroissiaux. Cahier de 1778).

Par son arrêté du 18 pluviôse an II (6 fevrier 1794) le conseil général de la commune décida « que les cloches existant, dans les chapelles que dans la tour de ladite commune seront descendues en bref délay ; arrête en outre que ces cloches seront transportées au chef-lieu du district de Morlaix, à l'exception de la grande cloche du côté du nord du clocher et de la petite posée au clocher du milieu de l'église ». Les cloches actuelles sont modernes.

En fait de mobilier ancien, l'église de Plouézoch a conservé fort peu de choses. A gauche du chœur, la chapelle de Goezbriand, jadis privative à cette famille, renferme un vieux tableau du Rosaire, la statue de Saint-Jean-Baptiste vêtu d'une robe en poil de chameau, et celle de Saint-Eloi en évêque, armé de sa crosse et de ses tenailles. De l'autre côté, un enfeu ogival orné d'un écusson mi-parti d'un lion, accompagné de sept billettes, qui est Pastour de Kerjan, et d'un burellé de dix pièces, qui est Quélen, abrite sous son arcade une Pitié provenant de la chapelle du cimetière, aujourd'hui démolie. Les orgues, qui dataient du dix-septième siècle, ont disparu, ainsi que toutes les vitres armoriées, les lisières et les tombes seigneuriales plates ou enlevées qu'énumère le procès-verbal des prééminences de l'église dressé le 29 septembre 1679 par François Bouyn, sieur de Rains, maître à la Cour des Comptes et commissaire pour la réformation du domaine royal dans la châtellerie de Morlaix-Lanmeur (Mss. A. 19 des Arch. départ. f° 163-165).

D'après ce procès-verbal, la maîtresse-vitre contenait quatorze écussons Bretagne plein ; Bretogne et Navarre, Goezbriand et alliances, Quélen, dépendant de la terre du Rest, Ploësquellec parti de du Chastel, de la terre de Triévin-Bruilliac ; Pastour et alliances, de la terre de Kerjan. Missive Hervé Prigent, recteur, déclara que les prières nominales se disaient pour le sieur marquis de Goezbriand fondateur de ladite église ; que la lizière tant extérieure qu'intérieure était exclusivement chargée de ses armoiries, lesquelles se voyaient en supériorité dans tous les vitraux, sculptées aux clefs de voûte du chœur et de la nef, et peintes sur le lambris ; qu'il possédait encore deux bancs dans le chœur et plusieurs tombes dans la chapelle du Rosaire. Ces écussons et armoiries, ainsi que ceux des autres prééminenciers de l'église, les sieurs de la Villeneuve, Kernoter, de Kerjan, de Rosangavet, du Roslan et de Keristin, furent effacés et brisés sous la Révolution, en vertu du décret de l'Assemblée nationale du 19 juin 1790 et de l'arrêté par lequel le district de Morlaix ordonna le 17 frimaire an II, la destruction des emblèmes royaux et nobiliaires dans son ressort. « En effet de conformer au loy du Convention relative à la dégradation des affugies du cidevant Roy, dit une délibération du conseil de Plouézoch du 22 frimaire, nous maire et officiers municipaux arrette et arrettons que tous armoiries et affugies du ci-devant Roy seront dégradés en pierre, et auté cy on peut les armines qui sont gravés en boas, ainsi que ceux qui sont au vitre au Resort de notre commune ».

La chapelle du cimetière, dite de Notre-Dame-de-Pitié, se trouvait au nord de l'église et avait été vraisemblablement construite pour sanctifier la sépulture des pestiférés, au dix-septième siècle [Note : D'après l'acte latin porté sur un registre de baptêmes par Vincent Le Guernigou, recteur, « le cimetière qui joint le nord de ladite église fut béni le 12 février 1641, en présence d'un concours considérable de peuple, pour servir à l'inhumation des corps des fidèles, spécialement de ceux qui meurent de la peste »]. C'était le lieu habituel de réunion du Général des paroissiens ; pendant la Révolution, elle servit d'abri aux gardes nationaux de la commune. Le reliquaire a également été démoli. Devant le porche latéral existe une curieuse croix hosannière avec pupitre contre le fût cannelé et petit crucifix encadré dans un médaillon en quatrefeuille, qui, selon notre érudit collègue M. le chanoine Abgrall, pourrait dater du quatorzième siècle. Une vieille croix pattée monolithe se voit aussi encastrée à l'angle sud du cimetière.

Au point de vue féodal, la paroisse de Plouézoch relevait autrefois des juridictions réunies de Coatcoazer, Bren et Triévin, dont la haute justice s'exerçait à Lanmeur. Le fief de Coatcoazer, situé en Plouégat-Guerrand, appartenait à la maison de Goezbriand depuis le mariage, en 1277, d'Alain de Goezbriand, seigneur dudit lieu et de Kerantour, avec Denise du Ponthou, fille et héritière de Jacques du Ponthou, seigneur de Barnénez et de Louise, dame de Coatcoazer. « Il est prouvé, lit-on dans une ancienne généalogie de cette famille, [Note : Communiquée par M. de Bergevin] par les deux actes du jeudi après la Sainct Mahé et du lundi ès octaves de la Toussaint 1322 que ledit Allain, comme gentilhomme et à cause de sa noblesse, avoit le droit de haute et basse justice et de faire punir par sa cour ses subjectz délinquantz ». Le pilori de cette juridiction se dressait au milieu de la place du bourg ; c'était, dit le procès-verbal de 1679, « un poteau armoyé des armes de Goezbriand en plain et d'autres escussons escartelez en alliance avec ledit de Goezbriand, auquel poteau il y a un colier de fer pour attacher fies jureurs et blasphémateurs ». La branche aînée des Goezbriand transmit par alliance en 1744 à la famille de Saint Tropez le fief de Coatcoazer, qui passa ensuite par acquêt aux Michel. Le dernier sénéchal de Coatcoazer; M. Malescot de Kerangoué, avocat à Morlaix, a péri sur l'échafaud de Brest, le 18 thermidor (3 août) 1794, comme coupable « d'avoir entretenu des correspondances criminelles avec les ennemis extérieurs et intérieurs de la République française, en leur faisant passer des secours en argent » (Histoire de Brest, de Levot, t. III, p. 367).

Les registres de baptêmes déposés à la mairie remontent jusqu'à 1524, avec toutefois de nombreuses lacunes dans les feuillets du début. Le premier recteur dont il y soit, fait mention, vers 1550, se nommait Yvon Jégaden ; son successeur, Vincent Loueze, baptisa le 2 octobre 1566, sous le nom de François, un enfant né de Rolland an Achiver et de Marie Tugdoal sa femme, lequel lui fut présenté par François Braouézec et Charles Baill, parrains, et Marie Rolland, marraine. Se doutait-il, le bon prêtre, en versant l'eau sacrée sur le front du nouveau-né, qu'il donnait à l'Église et faisait chrétien un futur évêque de Rennes ?... En tout cas, ce n'est sans doute point sans fierté que plus tard, lorsque le petit paysan de Plouézoch eut ceint la mître des Lunaire et des Melaine, le recteur François Le Loucze apposa en marge de son acte de baptême cette note : Fuit épiscopus Redonensis.

François. Lachiver avait deux frères aînés, Tanguy et Guillaume, baptisés le 17 novembre... et le 23 janvier 1557, et trois sœurs, Marie, Jeanne et Isabelle, nées en 1559, 1569 et 1570. Il dut commencer ses études ecclésiastiques sous la direction de Messire Jean de Botglazec, recteur de Plouézoch de 1568 à 1594 ; le. 23 novembre 1584, il est parrain de sa nièce Marie, fille de son frère Guillaume An Achiver et de Marguerite An Réguer, et se qualifie dans l'acte de sous-diacre. Ordonné prêtre, il devint le précepteur et l'ami du P. Quintin, dont il n'était l'aîné que de trois ans. Ils se rendirent ensemble à Paris pour y suivre les cours de la faculté de théologie, mais la guerre civile les sépara bientôt. François Lachiver partit pour Rome, où son rare mérite et ses hautes qualités lui valurent la très honorable charge de pénitencier des Bretons. En 1602, le cardinal Olivier, alors évêque de Rennes, « cognoissant sa piété et zèle à l'advenement, de l'Église » lui résigna son siège, et il fit une entrée solennelle dans sa ville épiscopale le 1er septembre 1602. Après avoir édifié son troupeau par ses vertus, coopéré à un grand nombre de pieux établissements et siégé en 1615 aux Etats Généraux en qualité de premier député de Bretagne, il mourut à Rennes, le 21 février 1619 [Note : Albert le Grand, catalogue des évêques de Rennes, p. 52-53, éd. de 1659]. En 1616, passant à Morlaix, François Lachiver avait voulu revoir sa paroisse natale, ses parents et ses amis. Il se rendit ensuite au château du Taureau et y chanta la messe en grande pompe.

De 1623 à 1671, le pasteur de la paroisse fut Messire Vincent le Guernigou, licencié en droit, notaire apostolique, recteur vigilantissime de Plouézoch. Il mourut le 24 mars 1675 au manoir de Coatquif, près du bourg, chargé d'ans et de mérites, et alla recevoir la récompense de ses labeurs qu'énumère en ces termes son acte de décès : « gouverné au spirituel la paroisse de Plouézoch l'espace de cinquante ans avec toute justice et sobriété, annoncé la parolle de Dieu avec doctrine, zèle et bénédiction en plusieurs lieux, servy d'arbitre charitable et pacifié par sa prudence plusieurs différens, fait bastir a neuf et pourveu de riches ornements son église paroissiale et y avoir estably les confrairies du Saint-Rosaire, la Charité pour les pauvres malades et l'aumosne de bleds pour les valides, réglé la sépulture ecclésiastique pour les personnes de condition commune, constitué successeur à son bénéfice depuis les quatre ans, faiet acte de partage de tous ses biens aux églises, aux pauvres et à ses parents comme tels, pressenty a temps et disposé toute chose pour son décès dans un plain usage du jugement et de tous les sens extérieurs ou intérieurs, sans aucune fiebvre ou maladye... Son corps fust porté par les pauvres de la paroisse pour être inhumé dans le cimittière adjacent à l'église paroissiale, suivant sa disposition testamentaire et pour devenir témoignage de la grande humilité qu'il a pratiquée en toute sa vie » [Note : Reg. par : cahier de 1684. Cet acte de décès a été rédigé par Messire Henry Primaigné, notaire apostolique et recteur de Garlan] .

A l'époque de la Révolution, le recteur de Plouézoch était M. René Geffroy. Ayant refusé le serment, il dut abandonner sa charge à un curé constitutionnel, le citoyen Yves-François Morvan, désigné par l'assemblée électorale du 10 avril 1791. Les registres de délibérations de cette époque antérieurs à juin 1793 ont malheureusement, disparu des archives municipales ; aussi ignorons-nous les détails de « l'affaire de Terénez » où les gardes nationaux de Plouézoch et Plougasnou, arrêtèrent, en octobre 1791, plusieurs familles nobles du pays au moment où elles s'embarquaient pour émigrer en Angleterre, et après avoir quelque peu malmené les aristocrates, les détroussèrent de fond en comble. Depuis, c'est toujours avec un certain orgueil que les patriotes de Plouézoch se remémoraient le triomphe remporté sur « ces hommes pervers qui voulaient fuir leur patrie pour y revenir le fer et le feu à la main ». Le héros de cette expédition fut le citoyen Jean Le Noan, alors maire de Plouézoch, plus tard nommé administrateur du Finistère. Arrêté sous la Terreur comme fédéraliste, mais plus heureux que ses vingt-six collègues immolés le 22 mai 1794 par le monstrueux tribunal révolutionnaire de Brest, il en fut quitte pour une assez longue incarcération à Paris. Nous avons trouvé à la mairie de Plouézoch un fragment de pétition présentée par le conseil général de la commune au comité de Surveillance de la Convention afin d'obtenir l'élargissement de Le Noan. Voici ce document qui n'est pas daté, mais doit être contemporain des événements de thermidor :

« La Convention, par son décret consolateur du 21 messidor, rappelle dans leurs champs les cultivateurs qu'une longue détention a assez punis. Déjà plusieurs ont senti les bienfaits de cette loi qui va faire fleurir l'agriculture en lui rendant les bras qu'un moment d'erreur, quelques propos inconsidérés lui avaient enlevés. Nous réclamons la même faveur pour le citoyen Jean Le Noan, natif de la commune de Plouézoch, district de Morlaix. Dès l'aurore de la Révolution, il montra le plus pur, le plus ardent, patriotisme, et si ses concitoyens ont toujours été dans les vrais principes, ils le doivent à son zèle, à l'énergie et à la sage fermeté qu'il a déployée en plusieurs occasions contre les ennemis de la chose publique ; nomément le ... octobre 1791 (style esclave) dans l'affaire dite de Térenès, où, à la tête d'une poignée d'hommes, il arrêta une barque chargée d'effets précieux et de quarante personnes qui émigraient.. L'or et l'argent saisis vont enfin, après de trop longues discussions, prendre le chemin de la Monnaie. Eh bien, citoyens représentans, c'est en faveur de ce bon, de ce vrai citoyen que nous réclamons vos sollicitudes, il y a huit ou neuf mois qu'il languit à la Conciergerie (N° 13). En vain jusqu'à ce jour avons-nous envoyé les certificats les plus vrais, visés par les autorités et la Société populaire de Morlaix, nous sommes restés sans réponse, et rien ne nous tranquilise sur le sort de notre estimable concitoyen, si ce n'est votre justice et son innocence.

............. [Note : Mots illisibles] et la confiance de ses concitoyens ont causé les ........ [Note : Mots illisibles] et le désastre de sa modique fortune, ils le nommèrent membre du ci-devant Directoire du département du Finistère. Dans cette place, il a continué à justifier notre attente. Le fédéralisme dont peut-être il ne sait que le nom ne l'atteignit jamais. D'ailleurs, dans ces moments orageux, il nous a bien assuré qu'il n'a jamais partagé les sentiments de ceux dont la tête est tombée sous le glaive de la Loi, et n'avoir, à sa connaissance, rien signé de contraire à l'unité et à l'indivisibilité de la République ».

On retrouve Le Noan, en 1798, président de l'administration du canton de Plouézoch — érigé en 1790 et comprenant les quatre communes de Plouézoch, Plougasnou, Saint-Jean du-Doigt et Garlan, puis supprimé à la suite d'un arrêté des consuls du 17 ventôse an VIII, et rattaché à celui de Lanmeur. — Il fut encore maire de Plouézoch sous l'Empire et la Restauration, et les registres nous ont conservé le texte du discours tout brûlant de zèle monarchique qu'il prononça lorsqu'après les Cent jours et la définitive chute de Napoléon, il fit arborer solennellement le drapeau blanc au faîte du clocher.

Plusieurs faits intéressants seraient à glaner dans les archives de la commune, si ce n'était, par trop sortir du cadre de cette excursion : fêtes républicaines pittoresquement narrées, chasses aux prêtres réfractaires, épisodes de chouannerie, surtout lourdes et incessantes réquisitions exigées à grand renfort de garnisaires et sans rénumération aucune.

Avant de quitter le bourg, n'oublions pas de mentionner la Grande Maison, fruste manoir gothique qui doit être le berceau de cette famille de Plouézoch que mentionnent les premières réformations du Tréguier, en 1427, et qui portait : de sable fretté d'or de six pièces, à la bordure engreslée de gueules. Au presbytère, on voit, sur un manteau de cheminée un écusson chargé d'un buis arraché sénestré d'un poisson en pal, armes des la Boissière-Plourin.

En suivant le chemin de Kernéléhen, qui se dirige au Nord-Ouest, vers la mer, nous laissons à droite, dans le joli vallon de Pont-Cornou, les restes du manoir de Keristin, remplacé par une maison moderne. La réformation de 1445 cite « le métayer à Ollivier Meryen en son hostel de Kerjestin ». On trouve en 1640, parmi les nobles résidant à Saint-Melaine de Morlaix, un Jan de Kermerien, écuyer, sieur de Keristin, époux de Renée de Lanrivinen. Noble homme François le Diouguel, sieur du Poulfanc, Keristin, Térénez, Rosludu, avocat en la Cour et syndic de la ville et communauté de Morlaix en 1673-1674 résidait vers 1685 en son manoir noble de Keristin, avec sa femme Marie le Pontoys et leurs enfants dont l’aîné, Mathieu, âgé de 8 ans, fut tué le 8 décembre 1686 d'un coup de fusil par le fils du fermier, Yves Léon. François le Diouguel mourut à Keristin le 28 octobre 1711, âgé de 78 ans, laissant deux fils, Missire François le Diouguel, sieur recteur de Loguivy-Plougras, et Maurice, sieur de Térénez, mort sans hoirs avant 1747, et deux filles, Anne, mariée à Jean de Castillon, sieur de Kerbriand, et Anne-Françoise, héritière de Keristin, qui épousa le 11 février 1714 Jean-Augustin de Kermerchou, sieur du Cosquer. On se souvient encore, à Plouézoch, des vieilles demoiselles Pastour de Kerjan qui habitaient ce manoir il y a soixante ans, et se faisaient conduire en chaises à porteur à la grand'messe.

A deux kilomètres environ du bourg, en face d'un groupe de rochers bizarrement superposés sur la lande, se montre à gauche du chemin le château ruiné de Lanoverte, construit au seizième siècle. François de Goezbriand, seigneur dudit lieu, l'Armorique Lanoverte, l'entoura sous la Ligue, d'ouvrages défensifs et en fit, non une forteresse, mais une place à l'abri d'un coup de main. Une poterne pratiquée dans le mur d'enceinte extérieur, que flanquent sur la façade trois tourelles percées de meurtrières, donne accès dans une vaste cour close au fond de laquelle s'ouvre un grand portail à portes cavalière et piétonne surmonté des coulisses d'un double pont-levis et des armoiries des Goezbriand encadrées du collier, de l'Ordre et supportées par deux lions. Ce portail était défendu par une galerie à mâchicoulis et deux tourelles rondes, dont l'une a été démolie : dans la courtine adjacente se voient aussi quelques embrasures. Lorsqu'on l'a franchie, on se trouve devant le château, gris et vétuste édifice, aux toits moussus, aux pignons vêtus lierre, qui n'a conservé de son ancienne splendeur qu'une salle aux poutres ornées de moulures grossières. La chapelle, dédiée à saints Simon et Jude, n'existe plus ; elle avait été consacrée le 19 avril 1607 par Révérend Père en Dieu Monseigneur Adrien d'Amboise, docteur en théologie et évêque de Tréguier [Note : Registres paroissiaux. Un article du testament de Nicolas Coëtanlem, sieur de Keraudy, père de Marguerite Coëtanlem, dame de Goezbriand, ordonnait en 1518 de « faire faire à Ploézoch la chapelle de Messrs Saincts Symon et Juda ». Cette clause ne fut donc exécutée qu'un siècle plus tard]. Sous la tourelle détruite existait, paraît-il, l'entrée d'un souterrain qui se prolongeait, d'après la tradition, jusqu'au rivage.

La seigneurie de Lanoverte (en breton Goasglas) était possédée en 1445 par la dame de Tuogoff, Marie de Kerouzéré, mariée à Yvon de Tuogoff ou Trogoff, seigneur de Kerprigent et citée parmi les nobles de Plouézoch, ainsi que son fils Pierre, à la réformation de 1445 ; elle passa ensuite aux Quenechcan par alliance, aux Tromelin et enfin aux Goezbriand par le mariage de François de Goezbriand, seigneur dudit lieu, et de Marie de Tromelin, dame du Bren et Goasglas, vers 1540.

Cette antique lignée des Goezbriand, dont le nom historique est inséparable de celui de Plouézocb, apparaît dès le douzième siècle dans les annales de notre province en la personne d'Auffroy, sire de Goezbriand en Plouigneau, homme d'armes de l’ost de la duchesse Constance, en 1200, et augmenta rapidement par de belles alliances sa richesse territoriale. Un autre Auffroy de Goezbriand, gouverneur de Nontron et Saint-Macaire en 1389, eut pour petit fils François de Goezbriand, seigneur dudit lieu, Kerantour, Barnénez, qui combattit à Saint-Aubin du Cormier comme lieutenant de la compagnie de cavalerie du baron de Pont-l'Abbé, tué à cette rencontre ; il y fut fait prisonnier, et ses vassaux durent doubler leurs redevances pour payer sa rançon. Il laissa de sa femme Margilie de Boiséon, qu'il avait épousée en 1461, Guillaume de Goezbriand, gentilhomme de la chambre de François 1er, marié en 1500 à une opulente héritière morlaisienne, Marguerite Coëtanlem, dame de Keraudy et de Triévin en Plouézoch, de Penanru et du Launay en Ploujean. Leur fils aîné, François de Goezbriant, seigneur dudit lieu, Kerantour, Barnénez, Keraudy, Triévin, Kerivalen, Tréauguer, Coatcoazer, Rodalvez, le Cosquer, etc., épousa Marie de Tromelin, dame du Bren et de Goasglas, et compléta ainsi les vastes possessions de sa famille dans la paroisse de Plouézoch.

Le roi le nomma en 1539 capitaine de Morlaix, puis chevalier de Saint-Michel, distinctions dont hérita son fils Yves, lieutenant d'une compagnie de gens de pied en 1557, tué en duel à Nantes vers 1567 par Troïlus de Mesgouez, marquis de la Roche. Il avait épousé Marguerite de Kergrech dame dudit lieu et de Boiséon, et en eut François, né au manoir de Kerdéouzer, trêve de Pouldouran, paroisse de Hengoat, le 5 septembre 1557, baptisé à Hengoat, avec, pour parrains, Rolland de Quoittredrez, seigneur dudit lieu, et Pierre de Quoittredrez, seigneur de Trogriffon et de Kerdéouzer, et pour marraine Louise de Goezbriand, dame de Kermarquer (Reg, par. de Plouézoch). Ce François de Goezbriand prit une part active aux évènements de la Ligue en Basse-Bretagne, et fut l'une des plus curieuses figures de cette époque troublée où chacun changeait tour à tour de camp et d'étendard au mieux de ses intérêts. Nous n'avons rien à ajouter à l'esquisse biographique que lui a consacrée M. le Men [Note : Etudes Historiques sur le Finistère, 1873], d'après un factum conservé aux archives départementales. La guerre civile terminée, il s'en revint à Plouézoch vivre paisiblement dans son château de Lanoverte entre sa femme Renée de la Marzelière et ses huit enfants, s'estimant heureux de goûter le calme et la paix au sortir de toutes les tribulations et les vicissitudes qu'il subissait depuis 1589, jouissant davantage de sa liberté, de son repos, en songeant aux cachots de Nantes et de Blavet, à l'affreuse tragédie de Kerouzéré, et s'efforçant aussi sans doute de réparer par une sage économie les brèches qu'avait ouverte dans son patrimoine la rançon ruineuse payée à Mercœur. Créé chevalier de l'Ordre et gentilhomme de la reine Marie de Médicis, il mourut en 1628.

Son fils aîné François de Goezbriand, chevalier, seigneur, dudit lieu, Kerantour, Coatcoazer, l'Armorique, Lanoverte, Bren, la Tour, etc, gentilhomme de la chambre du roi, épousa en 1628 Claude Gazet, dame de la Tour, dont un seul enfant, René, né le 21 mars 1634 à Lanoverte et baptisé le 1er avril à Plouèzoch, décédé au collège de la Flèche en 1644. Le frère cadet de François, Yves de Goezbriand, seigneur de Triévin, Kergrech, Crénarz, le Cosquer, sénéchal de Lesneven en 1628 ne laissa non plus son mariage avec Marie Simon de Penanguer qu'un seul fils, Yves, né à Triévin et baptisé à Plouézoch le 30 août 1637, qui recueillit l'héritage de son cousin René.

Yves de Goezbriand, dit le marquis de Goezbriand, suivit la carrière des armes ; il était en 1662 mestre de camp du régiment du Roi, enseigne des gardes du corps et gouverneur du Taureau, puis devint maréchal de camp, et colonel général du ban et arrière-ban de l'évêché de Saint-Brieuc. Sa femme, Françoise-Gabrielle de Kerguésay, dame de Guermorvan, Kergomar, Belle-Isle, les Sept-Saints, qu'il avait épousée en 1657, lui donna quinze enfants ; leurs baptêmes, presque tous célébrés à Plouézoch de 1661 à 1674, groupent sur les registres paroissiaux une brillante collection de beaux noms de Bretagne, compères et commères, parent et amis, venus parfois des extrémités de la province pour tenir les nouveaux-nés sur les fonts sacrés, et prendre part — complément indispensable de la cérémonie — aux plantureux festins servis dans la salle d'honneur de Lanoverte par le digne maistre d’hostel Jean le Muet, sieur de Dupont. D'après la tradition, le marquis de Goezbriand pouvait se rendre de Plouézoch à Guingamp sans sortir de ses domaines ; il y a là exagération évidente, mais cependant on doit reconnaitre que ses propriétés étaient situées dans cette direction et se succédaient sans de trop grandes lacunes. En condensant les pompeux protocoles qui accompagnent son nom dans les actes, on constate qu'il se qualifiait, de son chef et de celui de sa femme, de seigneur marquis de Goezbriand et de Belle-Isle, comte de Lanoverte et du Guermorvan, vicomte de Trobodec et de Gurunhuel, baron des baronnies de l'Armorique, Kerantour, Crénarz et Bren, « ancien banneret » de Coatcoazer, seigneur châtelain de Triévin, Kergrech, Boiséon, le Bois de la Roche, Kergomar, Rodalvez, les Sept-Saints, etc., fastueuse énumération qui prouve bien sa puissance.

René-Vincent-Corentin de Goezbriand, mestre de camp et colonel général des Cravattes du Roy, fils aîné du marquis, mourut le 3 juin 1685 au château de Lanoverte, âgé de 28 ans, « d'une fievbre continue après une fievbre quarte nonobstant laquelle il avoit suivy toute la campagne en Cataloigne. Il avoit reçeu, dit son acte de décès [Note : Reg. par, cahier de 1685], le Saint Viatique avec une dévotion non pareille le jour de l'Assansion et demanda avec instance ensuite l'extrême-onction qui ne lui fust administrée par le soubsignant recteur que le vendredy au soir (1er juin) en présance de Monsieur le Compte son frère, Collonel du régiment de Berry, de Monsieur le baron de Trésiguidy leur oncle, de Messieurs de Kergrist et du Plessis-Goasmap. Après sa mort, son corps fut rendu en la chapelle dudit château de Lanoverte ou se fist un service solennel et de là le Convoy en l'église paroissiale où il fust enterré au Cœur dans les enfeus de ses encestres ».

La disparition de ce malheureux jeune homme frappé en pleine carrière fit de son frère cadet Louis-Vincent l'héritier principal de la maison de Goezbriand. Ce dernier, né au Guermorvan, paroisse de Louargat, le 14 février 1659, et baptisé à Plouézoch le 20 juin 1662, avait eu pour parrain haut et puissant Messire Vincent du Parc, chevalier, conseiller du Roi en ses conseils, maréchal des camps et armées de sa Majesté, capitaine du ban, arrière-ban et garde-côte de l'évêché de Tréguier, marquis de Locmaria et du Guerrand, baron de Coatredrez, Coatfrec, Saint-Michel-en-Grève, châtelain de Bodister, Plougasnou, Guerlesquin, le Ponthou, Keradennec, Beffou, Trogore, Coatsauf, Guernauf, le Méné, et pour marraine haute et puissante dame Louise-Gabrielle de Plœuc, dame de Mezléan et Lanuzouarn (Reg. par.). Parmi les autres enfants du marquis, il faut citer encore Charles-Jean, né à Lanoverte le 9 août 1661, page du Roi en 1680, auteur de la branche actuellement existante des Goezbriand ; Julien-Joseph, page de la Dauphine en 1682 Marie-Anne, née à Lanoverte le 1er septembre 1671, abbesse de Kerlot en 1715 ; Corentin-Louis, baptisé le 13 novembre 1674, dont la marraine fut, Louise-Renée de Penancoët de Kerouazle, plus tard duchesse de Porsmouth et favorite du roi d'Angleterre Charles II (Reg. par.).

Le marquis de Goezbriand est mort à Paris, en 1718, dans son hôtel de la rue des Rosiers. En 1705, son fils Louis-Vincent, gendre du contrôleur général Desmarets, l'avait fait enfermer par lettre de cachet, sous prétexte de débauches et de prodigalités, au château de Pierre-Encise, près de Lyon ; il y resta dix ans, jusqu'à la mort de Louis XIV. Exténué de fatigues et de privations, l'infortuné vieillard se plaignait un jour à son geôlier. — « Ah vraiment ! répliqua durement celui-ci. Si je vous traitais comme on me l'a ordonné, vous auriez encore bien plus sujet de vous plaindre » [Note : Buvat — Journal de la Régence]. — Pendant ce temps, Louis-Vincent de Goezbriand, mauvais fils, mais vaillant homme de guerre et lieutenant-général des armées à 40 ans, se couvrait de gloire aux sièges de Toulon (1707) en forçant à la retraite le duc de Savoie et le prince Eugène, et d'Aire (1710) où il tint l'ennemi en échec, pendant deux mois de tranchée ouverte, fondit son argenterie pour payer les Suisses qui refusaient de combattre et ne capitula que sur l'ordre exprès de Louis XIV, lequel le récompensa par l'octroi du cordon-bleu et la charge de grand-bailli de Verdun. Au sacre de Louis XV, en 1722, le marquis de Goezbriand fut l'un des quatre gentilhornmes admis à porter le dais au-dessus du monarque. Alors âgé de 63 ans, il résidait à Paris, et ne dut faire à Lanoverte que de brefs et rares séjours, car les registres paroissiaux ne contiennent pas une seule fois sa signature. Pourtant, c'est en Bretagne qu'il mourut, à son château du Guermorvan en 1744. Son fils unique Louis-Vincent, marquis de Goezbriand et de Lanoverte, maréchal de camp en 1737, ne laissa de son mariage avec Marie-Rosalie de Châtillon que trois filles dont la dernière, Louise-Pulchérie Gabrielle, héritière de ses sœurs décédèes sans postérité, épousa en 1744 Joseph-Jean-Baptiste de Suffren, marquis de Saint-Tropez, frère ainé du célèbre bailli de Suffren.

M. Gabriel Michel, de la ville de Nantes, l'un des directeurs de la Compagnie des Indes et trésorier-général de l'artillerie et du génie, acquit vers 1766 le fief de Coatcoazer, comprenant la terre de Lanoverte et ses dépendances, qui passa à l'une de ses filles, Gabrielle Michel, mariée au marquis de Lévis, et fut saisie nationalement pendant la Révolution. Les démarches du citoyen Beaumont, homme d'affaires à Morlaix, firent lever, en ventôse an VIII, le séquestre mis sur les biens de « la citoyenne Lévis », à laquelle on rendit « les maisons de Lanoverte et du Passage ». Le vieux château des Goezbriand n'est plus aujourd'hui qu'une ferme sombre et triste, dans son enceinte de murailles croulantes.

De l'autre côté de la route s'élevait le manoir de Bren, possédé en 1427 par les Ploësquellec, et plus tard par les Trogoff, Quénechcan, Tromelin et Goezbriand ; il avait une moyenne justice annexée à la juridiction de Coatcoazer. Quelques pans de murs enlierrés et des amas de décombres en indiquent, seuls l'emplacement. Au-dessous, dans la verte coulée de Pont-Cornou, on aperçoit parmi les arbres l'ancien moulin féodal de Lanoverte, et plus à l'Est, sur la pente dénudée qui domine à droite le vallon, un autre vieux manoir en ruine, le Roslan, jadis résidence d'une branche cadette de la famille de Goezbriand, issue d'Hervé, second fils d'Hervé, seigneur de Goezbriand et de Plézou de Kerbouric, mariés vers 1336. Bien que situé en Plougasnou, ce manoir avait dans l'église de Plouézoch droit de banc, tombe et enfeu, placés entre le premier et le second pilier du chœur, du côté de l'épître. Le dernier des Goezbriand-Roslan, Messire Yves de Goezbriand, chevalier, seigneur de Roslan, Kervéguen, Cosquérou, fils de Christophe et de Marie de Kersaintgily, dame du Cosquérou, morte au Roslan le 21 août 1670 et enterrée au couvent des Carmes de Saint-Pol épousa en 1649 Louis Budes. Il décéda sans enfants le 5 février 1672, âgé de 55 ans. « dans sa maison de Roslan et son corps fust inhumé dans l'église de Plouézoch sous la tumbe enlevée dépendant de ladite maison de Roslan le dimanche 7, environ les 5 heures du soir » (Reg. par.). Sa sœur aînée Anne hérita de lui et apporta le Roslan dans la famille de Kermenguy, où elle était entrée par alliance en 1651.

L'édifice principal est en partie rasé. Ses portes et ses cheminées ornées de moulures Renaissace attestent qu'il avait été reconstruit au début du dix-septième siècle ; sur l'écusson du petit portail se distingue un mi-parti d'une fasce surmontée d'un lambel, qui est Goezbriand-Roslan, et de six trèfles posés 3. 2. 1., qui est Kersaintgily. Sous la Révolution, M. Postic, prêtre insermenté, ayant sollicité l'autorisation d'exercer le culte dans la chapelle du manoir, l'administration du canton de Plouézoch, « considérant que des rassemblements considérables de fanatiques y ont lieu les jours ci-devant fêtes et dimanches considérant que ces rassemblements sont des attentats à la loi, qu'on y allume les torches du fanatisme, on y aiguise les poignards de la guerre civile, on y dénature les événements de la Révolution, on y calomnie les intentions du corps législatif, que l'horrible chimère de la contre-révolution est l'objet de leurs plus folles prédictions comme de leurs plus coupables espérances » (Registres des délibérations, arch. de Plouézoch) interdit, par son arrêté du 2 messidor an 6, d'ouvrir cette chapelle et d'y célébrer la messe.

Près du hameau de Lansalut, nous trouvons,. au bord du chemin, la petite chapelle de Saint-Gonven, dédiée à un thaumaturge breton peu connu, patron primitif de Plougonven. Sa statue le représente vêtu en abbé, la tête nue, tenant une crosse et un livre fermé. Le tabernacle de l'autel, orné d'une Pitié en bas-relief, est surmonté d'une Vierge-Mère ; à droite et à gauche sont les images de Saint-Pierre et de Saint-Paul ; on voit aussi dans la chapelle une autre Vierge-Mère, une sainte religieuse et un Christ contre la balustrade du chœur. L'édifice et le mobilier ne doivent pas remonter au delà des dernières années du dix-septième siècle ; la cloche avait été bénite le 13 août 1684 sous l'invocation de Saint-François, et nommée « par très dévot et modeste enfent François Le Borgne, filz aisné d'escuyer Maurice Le Borgne et de dame Gylonne du Louet, sa compagne, Seigneur et dame de Villeguien, et Catherine Le Diouguel, fille des Sieur et dame, du Poulfanc et Keriestin » (Reg. par. cahier de 1684). Une petite fontaine consacrée coule au sud de la chapelle. Saint-Gonven est invoqué pour le soulagement des maux de tête, et par surcroît remet sur pied les pourceaux malades.

Au nom de Lansalut, que porte encore actuellement l'une des plus honorables et vieilles familles morlaisiennes, se rattache une légende assez curieuse. Lorsque la duchesse Anne fit, en 1505, le pèlerinage de Saint-Jean-du-Doigt pour demander la guérison de son œil endolori, il lui prit fantaisie de revenir à Morlaix en longeant la côte, pour admirer tout à loisir ce beau golfe si étonnamment découpé par les flots, et le grand Kreisker projetant sur la mer son ombre protectrice. Mais comme le cortège, après avoir franchi le ruisseau de Pont-Cornou, s'apprêtait à gravir la longue montée de Plouézoch, tout-à-coup surgit des taillis une bande de brigands, pirates anglais ou routiers des dernières guerres, qui se jeta sur l'escorte de la reine. Malgré leur résistance, les quelques hommes d'armes et soldats qui la formaient furent vite débordés et allaient succomber sous le nombre... Heureusement, non loin de là, plusieurs paysans travaillaient à défricher une lande, et accoururent au bruit. Devant ce renfort inattendu, les détrousseurs jugèrent prudent de lâcher pied, pas si vite cependant que plusieurs ne fussent atteints et occis. En interrogeant ses sauveurs, la reine Anne apprit d'eux qu'ils s'appelaient Le Gac et étaient, quoique pauvres, d'authentique noblesse, le duc Jean V ayant, en 1438, anobli leur aïeul. Alors elle ordonna qu'on leur bâtit, à l'endroit même de la rencontre, un confortable manoir auquel elle imposa le nom de Lansalut (la lande du salut), et leur fit donaison de tout ce canton de la paroisse.

A la fin du seizième siècle, la branche aîsée des Le Gac s'est fondue dans Concer, par le mariage de Guillaume Concer, sieur de Runfellic, et de Barbe Le Gac, dame de Lansalut ; leur second fils François Concer et sa femme Jeanne de la Boulaye, sieur et dame de Lansalut, résidaient à Plouézoch en 1626. En 1674, cette terre avait fait retour à écuyer Yves Le Gac, sieur de Kerhervé, père de François Le Gac de Lansalut, sieur de Kerhervé, maire de Morlaix en 1691.

Nous-voici sur la grève, tout au fond de la profonde et jolie anse de Térénez, si bien encadrée de collines fleuries d'ajoncs, si bien séparée de la mer par un étroit goulet obstrué de roches rousses, qu'elle semble un vrai lac, verdâtre et silencieux. En traversant à Kernéléhen l'isthme qui rattache au continent le sauvage promontoire de Barnénez, on découvre soudain toute la rade de Morlaix et la côte du Léon, depuis Locquénoté jusqu'à Roscoff. Le coup d'œil est très beau à marée haute, surtout quand un navire pénétrant dans la baie, évolue à travers les passes, toutes voiles déployées. D'ailleurs, cette pointe de Barnénez mérite en elle-même d'être explorée. Ses entrailles recèlent, paraît il, du minerai de plomb et d'étain ; sur sa croupe escarpée et nue s'arrondissent deux énormes tumulus ou cairns formés de pierres amoncelées, dont l'un exploité comme une carrière, a fourni les matériaux de tous les talus en maçonnerie sèche qui couvrent la presqu'île d'un inextricable lacis Les restes d'un dolmen se voient plus au Nord, et enfin, à l'extrême rebord de la falaise, en face de l'île Stérec, existent de nombreux vestiges de murailles et d'enclos. Au sommet du cap se dressait autrefois le château de Barnénez (Bar-ar-ménez, le haut de la montagne) transmis par les Ponthou aux Goezbriand en 1277. La ferme actuelle a conservé une grange voûtée en ogive très aiguë.

A l'entrée de la rade surgit la masse jaunâtre du château du Taureau, comparable, lorsque la marée en immerge le piédestal rocheux, à quelque monstrueux ponton prêt à voguer et tournant déjà vers le large sa proue trouée de menaçantes embrasures. Sur cet écueil qui devait son nom aux mugissements de ses brisants aux jours de tempête, les bourgeois morlaisiens du seizième siècle assirent une lourde construction, ramassée et trapue, cramponnée au roc, épousant ses contours et faisant bloc avec lui. Vers le Nord, elle se termine en hémicycle, de manière à n'offrir aucune arête saillante où puisse s'acharner la tourmente ; l'autre face, tournée vers l'asile calme de la baie, s'achève à angles droits, abritant le pont-levis et sa culée. Elevé contre les Anglais, le Taureau a rarement subi leurs attaques, mais celles qu'il endura des éléments, qui pourrait les dénombrer ? il faut avoir vu pendant l'un de ces terribles coups de vent de « norouat » qui font rage chaque hiver sur nos côtes, les vagues éclater en tonnant contre les remparts, l'écume bondir sur les plates-formes en longues fusées neigeuses, la mer et la rafale se ruer ensemble à l'assaut du vieux castel, pour se figurer les péripéties parfois émouvantes de cette lutte séculaire. En 1609, la grosse tour ronde de l'ouest, battue en brèche, s'écroula et il fallut la rétablir à grands frais.

Il serait bien inutile de refaire ici une fois de plus l'historique de la fameuse forteresse jadis élevée et gardée par les Morlaisiens elle a fourni matière à bien des travaux, et entre autres à une étude parue dans le présent Bulletin, en juin 1873, sous la signature de M. de Blois. On sait comment le Taureau fut fondé, après la surprise de Morlaix par une flotte anglaise, en 1522, pour arrêter de nouvelles incursions ; comment les maires de la ville y régnaient tour à tour en maîtres, l'épée au côté, et y tranchaient du châtelain ; comment, sous la Ligue, Guillaume du Plessis, sieur de Kererangoff, le transforma en repaire de pirates ; comment Louis XIVème s, s'en empara, en 1660, en arguant des troubles intérieurs de la cité et de la négligence apportée par ses officiers à la répression de la fraude. Nous nous bornerons donc à donner quelques renseignements inédits (extraits des archives de Plouézoch et d'un fort intéressant dossier que M. Alain Raison du Cleuziou a aimablement mis à notre disposition) sur la période moins connue qui s'étend depuis l'époque de la mainmise royale jusqu'à la Révolution.

Le premier gouverneur du Taureau fut Messire François de Gouyon de Beaucorps, chevalier seigneur de Saint-Jean, officier des gardes du Roi, auquel Louis XIV, par commission datée de Toulouse, des 7 et 8 décembre 1659, en accorda le commandement. En 1662, le marquis de Goezbriand, enseigne des gardes, lui succéda dans cette charge, ayant sans doute fait valoir en cour la situation du fort, aux dépendances de la paroisse de Plouézoch, et à proximité de Lanoverte, sa résidence habituelle. Le détachement de la milice morlaisienne qui tenait garnison au Taureau avait cédé la place à une compagnie du régiment de Picardie, sous les ordres de M. de Molleville. Plus tard, celle-ci fut remplacée par une compagnie franche de 50 hommes, entretenue aux frais du marquis de Goezbriand, qui n'exerçait pas lui-même son commandement, mais déléguait ses pouvoirs à deux ou trois anciens officiers. Nous trouvons vers 1700 écuyer Gabriel de Mesnoallet, capitaine de la compagnie franche, mort le 4 novembre 1713 et inhumé le lendemain à Lanmeur, en présence de l'état-major et de la moitié de la garnison du Taureau : puis, vers 1710, MM. François de Cavaléry et Georges de Leigh, qui s’intitulent tous deux commandants au château du Taureau : écuyer Simon de Brisebarre, sieur de Saint-Simon, enseigne ; noble homme Jean Cotton, sieur de la Pontonie, lieutenant de la compagnie franche. M. de Cavaléry décéda au château le 17 juin 1732, âgé de 78 ans et fut enterré dans l'église de Plouézoch en présence d'écuyer Jean Guyot., sieur de Maupinart, commandant au Taureau. Il y avait aussi un aumônier à demeure, pour desservir la chapelle, où Missire Marc Pastol, prêtre et aumônier du Taureau, célébra le 13 février 1694, le mariage d'écuyer Corentin Jourin, sieur de Kerasquer, garde-magasin, et de demoiselle
Isabeau de Bruilliac, dame de Kérillis.

On relève, dans registres paroissiaux, la mention de trois sinistres maritimes dans lesquels périrent plusieurs habitants du Taureau, en traversant, les dangereuses passes de la rade. Le 12 juin 1686, Hervé Tilly dit la Grève, soldat et sa jeune femme Marie Jégaden furent, « au commencement de la tourmente » balayés par une lame de la chaloupe du fort et se noyèrent. Le 4 août 1699, la chaloupe elle-même chavira sous voiles, et tous les passagers périrent ; on recueillit six cadavres sur le rivage. Enfin, le 8 septembre 1743, nouveau naufrage de la barque de service du fort ; il y eut sept victimes, dont cinq seulement purent être inhumées à la paroisse.

Quatre ans après, un drame bien plus terrible se déroulait au large du château. Le corsaire de Saint-Malo l'Alcide, armé par M. Bideau de Juttigny et commandé par Etienne Ribard, portant 20 canons, 10 pierriers et 193 hommes d'équipage, avait rencontré le 21 décembre 1747, aux abords des Sorlingues, un vaisseau de la Compagnie des Indes et se disposait à l'amariner, lorsqu'une frégate anglaise, attirée par la canonnade, vint prendre part au combat. Après une lutte acharnée, le vaisseau de la Compagnie sombra, la frégate se retira fort maltraitée, et l’Alcide, très avarié aussi, ayant, perdu la moitié de son équipage, tenta de rallier la côte de France. Dans la nuit du 23, il arriva à l'entrée de la baie ; mais toucha sur une roche et coula en peu d'instants. 47 naufragés purent cependant être recueillis par une gabarre avant la disparition de l’Alcide ; 29 autres atteignirent à la nage le château du Taureau. Le lieutenant, M. de Juttigny fils, atterrit à Carantec. Vingt-deux cadavres jonchèrent les grèves de cette paroisse. A Plouézoch, on trouva le 26 décembre « deux corps morts, lesquels on croit estre du corsaire de Saint-Malo, qui périt à une lieue du château du Torreau le 23 dudit mois » et le 1er janvier 1748, un troisième noyé. L'épave de l’Alcide a été découverte en 1880 par les scaphandriers du Plongeur, qui en retirèrent seize pièces d'artillerie, des armes diverses, des bouteilles, de la vaisselle d'étain, des ancres. Quelques-uns de ces objets, entre autres un canon, sont conservés au musée de Morlaix [Note : Bulletin de la Soc. d’Etudes scientif. du Finistère, 1880, 2ème fascicule, p. 90. M. Bourde de la Rogerie, archiviste départemental, nous a très obligeamment communiqué, d'après un registre (B-4193) de l'Amirauté de Morlaix, les détails de la perte de l’Alcide].

Le marquis de Goezbriand s'était démis en 1691 du gouvernement du Taureau, en faveur de son fils aîné Louis-Vincent, qui le transmit lui-même à son fils, mestre de camp, mort en 1752. Ce dernier obtint du roi la suppression de la Compagnie franche, et son remplacement par une compagnie d'invalides soldée par l'Etat, ce qui lui permit de jouir sans aucune charge des 10.000 livres d'appointements annuels que versait la communauté morlaisienne au commandant du fort. Après son décès, Louis XV accorda ce poste au comte de Saulx de Tavannes, à condition qu'il reformât la compagnie franche et assumât les frais de son entretien, mais les sollicitations du nouveau titulaire, soucieux surtout de tirer de son gouvernement le plus gros revenu possible, firent maintenir le statu quo. C'est également la ville qui paya les réparations opérées au fort, en 1695, lorsque, sous la direction de Vauban, on refit les plates-formes, on rasa le couronnement du donjon, et on pratiqua dans le rempart qui domine le Grand Chenal, des casemates voûtées avec embrasures garnies de dix pièces de canon de fort calibre.

Un mémoire manuscrit sur l'état des côtes de Bretagne, composé en 1759 par ordre du duc d'Aiguillon, décrit ainsi le château à cette époque « Sur le rocher du Toreau est un fort dit le Château du Toreau, inattaquable par sa situation ; les vaisseaux sont obligés de passer absolument sous son feu ; pour lui n'a rien à craindre de leur part. Il est à double batterie armée de 21 canons dont 6 de 24, 6 de 18, 2 de 12, 1 de 8, 5 de 6 et 1 de 4, et sur la plate-forme en haut est un mât de pavillon pour la correspondance des signaux. Ce château a au surplus chapelle, corps de garde, poudrière et du logement pour 120 hommes ; il est actuellement occupé par une compagnie d'invalides. Il y a en outre dans ce château beaucoup de logement où l'on renferme assez ordinairement des prisonniers d'Etat ». De ce nombre furent, en 1765, le procureur général la Chalotais et son fils, que l'on détint, durant un mois « dans ce repaire du Taureau où on ne reléguoir que gens de sac et de corde ». Leurs geôliers ne les traitaient pourtant pas trop durement, puisqu'ils pouvaient, paraît-il, sortir sur parole pour visiter leurs parents, les du Parc, à Keranroux. D'ailleurs, la surveillance exercée autour des captifs semble n'avoir pas été trop rigoureuse, comme l'atteste une note d'un état de 1778, portant que « huit prisonniers se sont évadés et sont prêts à recommencer », et surtout l'anecdote narrée par notre illustre ancien président, M. le vicomte de la Villemarqué, dans la séance de la Société de mai 1873, et qu'il tenait de son aïeul, dernier commandant du fort. Quelques personnes de Morlaix ayant visité le Taureau, voulurent emmener avec elles, sur parole, pour assister aux fêtes du Carnaval, un jeune homme charmant et distingué qui leur avait fait de la meilleure grâce du monde les honneurs de sa prison. M. de la Villemarqué refusa, et pour couper court à leurs instances, finit par exhiber la lettre de cachet concernant le jeune homme ; elles y lurent avec horreur que leur aimable et intéressant protégé avait assassiné son père...

D'après l'état de 1778, la garnison du Taureau se composait de M. Toussaint-Jean Hersart de la Villemarqué, lieutenant de Roy et commandant du château du Thoreau et des Sept Isles, de MM. de Landanet, lieutenant de la compagnie d'invalides, Pic de la Mirandole, capitainé surnuméraire et du Chayla, garde d'artillerie, d'un sergent, deux caporaux, un tambaur, quinze « presque tous infirmes par âge et blessures », et deux détenus par lettres de cachet, les nommés Pinot et la Terreur. Le surplus de la compagnie d'invalides, soit un lieutenant, M. des Naquais, un sergent, deux caporaux et treize fusiliers, était cantonné aux Sept-Isles. Il y avait aussi au fort un aumônier et un « concierge, fournisseur et cantinier », le sr Charles Pidancet, dit St-Charles ; ce brave homme nourrissait et soignait de son mieux les hôtes de passage qui venaient, à leur corps défendant, faire un séjour plus ou moins prolongé sous les voûtes humides de la vieille forteresse ; nous n'en voulons d'autres preuves que les élogieux certificats à lui délivrés par quatre officiers, le chevalier de Patry, MM. du Penquer, de Courson et de Lesgarde de Maisonneuve, capitaine de chevau-légers, détenus au Taureau en 1780 et 1781 par les ordres du comte de Langeron. « Je certifie, écrit le premier, que pendant le temps que j'ai été aux arrêts au château du Taureau, je suis été satisfait de la pension que m'a donnée M. Pidancet, gardien de laditte place, et je lui suis infiniment obligé des bontés qu'il a eues pour moi ».

Un inventaire dressé en 1778 par M. du Chayla nous apprend que le château était armé de six canons en fonte, dix-sept en fer dont deux défectueux et hors d'usage, et quatre couleuvrines : une de celles-ci, qui offrait les armes de Bretagne entourées de la Cordelière, se voyait naguère encore sur le rempart. Les magasins contenaient 15 milliers de poudre, 1200 boulets, 2500 grenades et 3.000 livres de plomb en balles de 12 à la livre.

Lors de la Révolution, les bons invalides aux pittoresques surnoms, Joli Cœur, l'Eveillé, la Fleur qui achevaient doucement leur carrière en fumant leur pipe, assis au soleil, à l'abri du vent, entre deux créneaux, furent licenciés et remplacés par des soldats d'artillerie et du génie détachés de Brest, et le Taureau commença à mériter l'appellation de « séjour de larmes et de désespoir » que lui infligeait Cambry en 1794.

A défaut des lettres de cachet supprimées, les arrêtés des districts et des comités suffirent amplement à remplir ses prisons, et l'on sortit pour marcher à l'échafaud ou s'en aller vers l'exil. Les administrateurs du Finistère y firent enfermer, en 1792, Royou-Guermetir, émissaire des Montagnards et ami personnel de Marat, acte d'énergie qui devait leur coûter cher ; il y occupa ses loisirs forcés à versifier des poésies d'une honnête platitude, comme celle que lui inspira sa visite à la chambre jadis occupée par la Chalotais :

« Voici donc le sépulchre où fut jeté cet homme,
Digne des plus beaux jours d'Athènes et de Rome,
Qui, libre ou dans les fers, allia constamment
Le plus grand caractère au plus rare talent...
… Avec un saint respect je porte ici mes pas ;
Ah ! ce temple est sacré, ne le profanez pas !
Vous, d'un prêtre inhumain malheureux satellites,
De vos affreux pouvoirs observez les limites.
Laissez-moy contempler, d'un œil religieux,
La prison d'Aristide opprimé par les Dieux.
Combien, Ô ciel ! combien ces voûtes redoutables,
Ces murs accoutumés à l'aspect du coupable,
Pour la première fois ont frémi de se voir
Le séjour des vertus, l'azile du savoir...
... C'est ici qu'un barbare a longtemps insulté
Aux droits de la nature et de l'humanité ;
Que tout près de son fils, au père le plus tendre,
On ravit la douceur de le voir, de l'entendre ;
Qu'unis dans un tombeau, par des remparts épais,
Ils semblaient cependant séparés pour jamais... »

(Arch. de M Raison du Cleuziou).

Rayou recouvra bientôt sa liberté, mais des centaines de détenus, prêtres insermentés, nobles suspects, bourgeois et paysans accusés d'incivisme s'entassèrent jusqu'à thermidor dans les casemates du château ; plusieurs administrateurs du Finistère, proscrits pour cause de fédéralisme, y attendirent la mort. Plus tard, des terroristes fameux, entre autres Le Carpentier, le bourreau des Malouins, qui raccommodait lui- même sa culotte sur la plate-forme, et Donzé-Verteuil, l'exécrable accusateur public de Brest, qui répétait sans cesse à son gardien : « Tu me vois bien bas, citoyen, mais sois tranquille, je redeviendrai quelque chose », furent à leur tour incarcérés au Taureau [Note : Histoire de Morlaix, par M. Gouin, 1839]. Puis vinrent les mauvais jours du Directoire, la reprise des persécutions et des déportations. Les prisons du fort se peuplèrent de nouveau ; le 14 ventôse An V (4 mars 1797) son commandant réclame à Plouézoch trente lits « pour coucher soixante détenus qu'il attend ». Enfin le Concordat de 1802 et l'avènement de l'Empire en ouvrirent définitivement les portes.

Les rapports qui existaient entre les autorités de Plouézoch et la garnison paraissent avoir été plutôt tendus. Le 29 septembre 1793, le district de Morlaix réquisitionne dans la commune « vingt lits garnis de paillasses, coettes, draps, traversins et couvertures, à livrer le lendemain 30 au Dourdu pour être transportés au château du Taureau ». On ne les rendit que quatre ou cinq mais après, dans un si piteux état que le conseil général crut devoir protester en ces termes, le 29 avril 1794.

« Considérant dans le dégât qu'on fait dans l'accoutrement des lits qu'on fournit, ... considérant aussy que plusieurs paresseux de ceux qu'ils dormé dessus les lits, par méprisance ou par négligence p..... dans leur lit et font pourrir les coettes, paillasses ainsi que les draps, ce qui est préjudiciable aux propriétaires.

Considérant que plusieurs coettes, paillasses, ainsy que les draps ont été rayez et percez par la bayonnette en les mettant dans le point profond de leur lit pour leur servir de chandeliers.

En conséquence, arrête que l'officier commandant, le château du Taureau sera désormais responsable du dégât commis aux accoutrements et que les individus convaincus d'avoir usurpé lesdits accoutrements, soit en drap, ballins, traversins, seront déclarés usurpeurs ».

Malgré cet arrêté, il fallut continuer à fournir de la literie aux malpropres hôtes du fort ; entre temps, le citoyen commandant réclame des chaussures, des réparations à la chaloupe, une marmite, ainsi que le remboursement de la paie en assignats qu'il délivre à ses hommes. Plusieurs jeunes paysans de la commune furent réquisitionnés pour renforcer la garnison, et durent laisser leurs familles aux prises avec une noire misère. Un dernier incident déchaîna la guerre. Le 1 pluviôse an 5, on vint prévenir le citoyen Guénolé Mérer, président de l'administration cantonale, que l'agent national de Carantec, Yves le Mescam, aidé de 25 autres personnes, enlevait, le goëmon qui couvrait les rochers autour du fort. Le citoyen Mérer se rendit aussitôt sur les lieux, escortés de ses deux collègues Thomas et Gourmelon, donna aux ravisseurs lecture de l'arrêté du département du 1er mars 1792 qui accordait aux habitants de Plouézoch la jouissance exclusive de ce goëmon, et les somma de se retirer. Mais le commandant, le citoyen Collin, déclara qu'il était le seul maître au Taureau, qu'il ne connaissait ni municipalité, ni département et avait le droit de disposer du varech en faveur de qui bon lui semblait. Il accabla les agents de Plouézoch d'insultes et de menaces, jurant qu'il les allait faire arrêter et que les gens de la commune seraient mis au cachot s'ils s'avisaient de débarquer sur le rocher. Mérer et ses acolythes protestant avec énergie, on les traîna jusqu'à la chambre de discipline ; toutefois, craignant peut-être d'aller trop loin, le citoyen Collin se contenta de leur en montrer la porte. Pendant cette scène, les marins de Carantec regagnaient la côte avec leur récolte ; à six heures du soir seulement, les agents cantonaux, auxquels on n'avait, de la journée, donné aucune nourriture, furent relâchés et jetés dans la chaloupe, qui les débarqua à Barnénez, affamés et furieux.

Aussi, le lendemain, portèrent-ils plainte contre Collin au citoyen Jacquinot, chef de bataillon, à l'administration départementale, au général de brigade Arti et en réclamèrent-ils la destitution. Nous ignorons s'ils obtinrent gain de cause, mais en l'an 7, leur ennemi avait été remplacé par le citoyen Rousseau qui comptait 54 hommes sous ses ordres ; un peu plus tard, la garnison est dite se composer « de près de quatre-vingt soldats ». Ces soldats, qui traversaient journellement le bourg pour affaires de service, étaient, ainsi que ceux des forts de Saint-Samson, Sainte-Barbe et Primel, la terreur du canton ; il s'y comportaient comme en pays conquis, volant ce qui leur tombait sous la main, maltraitant les paysans, insultant les femmes. Plusieurs des scènes scandaleuses qu'ils provoquèrent sont racontées tout au long dans les registres. Malgré les plaintes des autorités, leurs chefs ne sévissaient que peu ou point contre les coupables ; en l'an 11, un soldat ayant dérobé divers objets dans l'église, la femme du maire courut le dénoncer au sergent, mais ce peu galant militaire s'en prit à la pauvre dame. « Le sergent se mit alors en colère, écrit le maire, il traita mon épouse de g... et de carogne, en lui donnant plusieurs bourrades dans l'estomac, et lui serra si fort les bras qu’lis en sont meurtris » ……

Le château du Taureau a été déclassé en 1889 ; depuis on y a replacé un gardien et quelques pièces légères d'artillerie. Militairement parlant, sa valeur est devenue nulle ; cependant, c'est un monument curieux que l'on visite avec intérêt, et à ce titre, il mérite de subsister. On y pénètre par un portail cintré, à pont-levis retombant, sur une culée ou avancé auquel donne accès un escalier taillé dans le roc. Au-dessus du portail se distingue encore l'écusson en bannière que chargeaient avant la Révolution, les hermines de Bretagne. A droite de l'entrée se trouve le corps de garde, aux épaisses murailles voûtées percées de meurtrières ; à gauche, la chambre de l'aumônier et la chapelle, toutes deux désaffectées. Au milieu du château s'allonge une étroite et sombre cour pavée sur laquelle s'ouvrent les portes et les fenêtres des appartements et magasins intérieurs ; on y montre l'ancien dépôt de vivres, la cantine, la chambre du chirurgien, avoisinant un affreux cachot sans jour, la citerne, la prison, retrait obscur creusé dans le robuste éperon arrondi qui termine et protège au nord la forteresse, et onze casemates jadis garnies de canons de 24 et de 18. A l'angle du sud-ouest s'élève le donjon, grosse tour cylindrique également percée d'embrasures. Sur tous ces divers locaux règne une plate-forme bordée d’un parapet crénelé et pavée de grandes dalles. Il y a lieu de déplorer que lors des récents travaux d'aménagement, on ait détruit les élégantes échauguettes accrochées çà et là aux remparts, et qui allégeaient de leurs fines silhouettes la pesante masse du fort. Malgré les siècles, les flots elle vandalisme, le vieux château morlaisien est encore là, endormi sur sa roche, « beau à voir dans les tempêtes d'hiver, sous un ciel orageux, quand la mer se brise et couvre ses remparts comme la proue d'un navire, ou lorsque dans la splendeur des jours d'été, les vagues bleues moutonnant dans la baie lavent en mourant le pied des tours dorées par le soleil, qu'une blanche ceinture d'écume ondule le long des pierres, souvenir de granit perpétuant l'acte glorieux de notre bourgeoisie, son élan héroïque » [Note : Charles Alexandre, Morlaix et ses historiens, 1842].

De Barnénez au Dourdu, on compte cinq kilomètres du plus pittoresque des chemins, un capricieux sentier de douaniers suspendu au rebord de la falaise, frayé sous des haies d'aubépines et de ronces, escaladant des pointes rocheuses, longeant parfois des champs de trèfle, de blé noir, d’immenses landes, mais toujours dominant à droite le golfe resplendissant, pailleté d'étincélles, animé çà et là par un vol de courlis écrêtant les lames ou quelque barque penchée sous sa voile rouge. Les marées sapent peu à peu cette côte à pic, formée de terres argileuses, et chaque année, des éboulements se produisent. Ce travail de destruction remonte à loin ; le cahier paroissial de 1684 contient mention du décès de deux pauvres marins qui « passant pour s'en aller chez eux au long de la rive, furent accablés vis-à-vis de Rochendour par une quantité de terre qui s'écroula sur eux ». On dut travailler deux jours pour retrouver leurs corps (Archives de Plouézoch).

La grève s'élargit en « palue » devant le beau château moderne de Trodibon, bâti au pied de la colline, adossé à un bois touffu qui s'étage sur les pentes. Cette terre doit son origine à une chapelle dédiée à Saint-Dyboan ou Saint-Dibon, d'où est venu le nom de Trodibon (vallon de Saint-Dibon). Elle appartenait en 1674 à noble homme Bertrand de la Motte, bourgeois morlaisien, et en 1698 à noble homme Pierre-Poilpré, sieur du Marchaix, époux de demoiselle Renée Salaün, lesquels firent faire et bénir une cloche pour la chapelle, le 7 mai 1698. Nobles personnes François Cuillerot, sieur de la Pignonnière, et demoiselle Augustine-Périne Denis imposèrent à cette cloche le nom de François-Augustin [Note : Archives de Plouézoch. Cahier de 1698].

Pendant la Révolution, la propriété de Trodibon, comprenant le manoir et les métairies de la Porte, Kerarprince, Kerfenefas et Runverret, était possédée par M. Pierre-Joseph de la Moussaye. Le 11 février 1793, le conseil général de la commune le dénonçait comme aristocrate dangereux et réclamait sa mise en surveillance, ce qui ne l'empêcha pas de protester plus tard contre son arrestation et d'appuyer chaleureusement la pétition que les citoyens de la section de Lanoverte adressèrent au Comité du Salut Public, le 26 floréal an 2, pour obtenir sa mise en liberté. Libéré après thermidor, M. de la Moussaye revint à Trodibon et y vécut sans être désormais inquiété. Ce domaine fut ensuite acquis par la famille de Kersauson, et le château est actuellement la résidence de M. le comte Louis-Joseph de Kersauson-Vieux-Châtel, ancien député, maire de Plouézoch.

Au sud du parc se cache, dans un étroit vallon ombragé qui vient brusquement déboucher sur la grève, le vieux manoir, converti en ferme, de Traonévez, berceau de la famille du même nom, portant, d'après Guy Le Borgne, de gueules semé de fleurs de lys d'argent. La réformation de 1445 cite « le métayer au sire de Lescoloarn au Tuobrenez », et la montre de 1481 un Ponthus Tuonévez, archer en brigandine parmi les nobles de Plouézoc'h. En 1543, Messire Maurice de Ploësquellec, seigneur de Bruillac, était propriétaire de Traonévez, qui avait passé, vers la fin du même siècle, à Jean Coail, mari de Jeanne Cazin. Leur fils, Auffray Coail, baptisé à Saint-Mathieu de Morlaix le 20 avril 1579 (Reg. par. de Saint-Mathieu de Morlaix), sieur de Traonévez, conseiller du Roi et son baillif au siège de Lanmeur en 1620, épousa Constance de Lescorre, dont Marie Coail, héritière de Traonévez, mariée 1° à Yves de Kerret, sieur de Kerdoret, sans enfants ; 2° le 25 novembre 1642, à écuyer Claude de Gratz, sieur de Beauregard et du Bois de la Rive. (Reg. par. de Saint-Mathieu de Morlaix). Ce dernier, bien qu'issu d'une antique et puissante maison du Dauphiné, ne put produire à la réformation de 1670 des titres constatant son ascendance ; aussi se vit-il débouté et frappé d'une amende comme usurpateur [Note : Arrêts de la Chambre de la réformation 1663-1671, mss. de la bibliothèque de Morlaix]. Il décéda le 24 juillet 1675 au manoir de Traonévez, et fut inhumé dans son enfeu de l'église de Lanmeur. Son fils aîné, Yves-Gabriel du Gratz, sieur de Neufval (traduction française de Traonévez), né en 1644, épousa Françoise-Clotilde de Jauréguy, mais leurs enfants moururent en bas- âge, et la sœur d'Yves, Marie-Marthe du Gratz, dame de Villesaint, apporta Traonévez aux Le Gac de Lansalut par son mariage, célébré à Plouézoch le 25 juin 1669, avec Claude Le Gac, sieur de la Villeneuve, plus tard sénéchal de Guingamp.

Yves-Gabriel Le Gac, sieur de Lansalut, capitaine de la paroisse de Piouézoch, et sa femme Jeanne-Judith de Kerleau résidaient en 1720 à leur manoir de Traonévez, où mourut le 25 mars 1712 messire Jean-Claude Le Gac de Lansalut, sieur recteur de Louargat. On le trouve possédé, en 1750, par Pierre Le Gac de Lansalut, mari de Franoise-Céleste Cœuru, dame de Coatilès, et père de Louis-Gabriel-Claude Le Gac de Lansalut, capitaine au régiment de Nice Infanterie et chevalier de Saint-Louis, qui épousa en 1757, à Locquénolé, Marthe-Françoise du Chesny.

Aujourd'hui, Traonévez dépend de la propriété de Trodibon, ainsi qu'un autre vieux manoir, Kérfénéfas, et les fermes de la Villeneuve et Kerarprince, anciens lieux nobles cités dans la réformation de 1445 : « le métayer à la dame de Tuogoff à Keranpris. — Le métayer à Messire Pierre de Tuogoff en son hostel de la Villeneuffve ». Kerarprince, qui porte gravé sur sa lucarne, en caractères gothiques, le nom de son constructeur : Y. Jégaden, vivant en 1550 d'après les registres paroissiaux, reste un type caractéristique d'habitation rurale au seizième siècle. Quant à Kerfénéfas, mentionné dans la même réformation, « le métayer à Jehan Pezron en son hostel de Kermeface », c'est une grande maison grise entre une cour à portail et un jardin clos de murailles ébréchées ; elle appartenait en 1543 aux Forget [Note : Une vieille croix voisine porte toujours le nom de Croaz-Forget], par acquêt des Le Barbu, puis vers 1580 aux Quintin, aux Coail en 1630, à Guénolé Kerboul, sieur de Mesgouez, Le Casquer, en 1674. Les héritiers de ce dernier la transmirent aux Bernard de Basseville. Madame veuve Bernard de Basseville, née Marzin, y résidait sous la Révolution et y recueillit pendant la Terreur, dans une cachette qu'on montre encore, deux prêtres insermentés, MM. Le Corre, ex-vicaire de la paroisse, et Pen, qu'elle sut soustraire à toutes les perquisitions. Cette excellente dame ne fut d'ailleurs aucunement molestée, et entretenait de forts bans rapports avec les officiers municipaux, qui lui délivrèrent, « l'octody du 2ème décade de frimaire 1793 », un certificat, de civisme agrémenté d'un signalement des plus réjouissants. Le 11 frimaire an 5, les autorités de Morlaix font réquisitionner chez elle huit cents livres de froment. Bien d'autres nobles n'en furent pas quitte à aussi bon compte...

Non loin de Kerfénéfas existe dans une lande un monticule de vastes dimensions, qui semble être un tumulus ; la ferme voisine porte en effet le nom très significatif de Runverret (le tertre du cimetière). A quelque distance vers le nord, une élévation de terrain offre à son sommet plusieurs mégalithes paraissant avoir fait partie d'un cromlec'h.

Un quart d'heure de marche mène de Trodibon au village de Dourdu, à l'embouchure de la rivière du même nom. C'est l'un des plus riants coins de la côte morlaisienne que ce petit estuaire s'ouvrant entre les hautes futaies de Suciniou et une colline couverte de blanches maisons escaladant dans un joyeux désordre la montée abrupte de Brignonic. Au pied du hameau, une palue caillouteuse, veloutée par places d'un gazon ras, s'allonge en formant une sorte de port d'échouage naturel où s'abrite toute une flottille de yacks élancés, hauts sur quille, bariolés d'éclatantes couleurs, de rustiques gabarres luisant dans .leur cuirasse de goudron, d'humbles barques dansant sur les lames courtes du chenal C'est là que Nicolas Coëtanlem, riche négociant et armateur morlaisien, seigneur de Triévin et de Keraudy en Plouézoch, fit construire en 1503, sur l'ordre d'Anne de Bretagne, la célèbre caraque de guerre la Cordelière, dont la fin glorieuse et tragique au combat de Saint-Mathieu, le 9 août 1513, a immortalisé son capitaine Hervé de Porsmoguer. Pendant la Ligue, la Sainte-Union morlaisienne, dans sa séance du 29 septembre 1589, « advise que l'on esquipera quelques basteaux pour aller prendre les passaiges de Saint-Julien [Note : C'est le passage du Dourdu, en face duquel, près Locquénolé, se trouvait la chapelle de Saint-Julien], des moynes et Keranroux et les rendre en ceste ville (sic) atandant faire une pataige (patache) armée pour les personages et la libertté du havre. — Advisé que les bastelliers de Plouézoch seront contrainctz par serment au Capitaine du chateau (du Taureau) quilz ne presteront ne bailleront, leurs basteaux pour passer ou repasser les enemys de ceste ville, promectre luy tenyr bon et promectront d'avertir ledit, capitaine et ladite ville silz entendent quy se brasse rien contre ladite ville » [Note : Reg. de la Sainte-Union f° 4 recto. — Arch. de la mairie de Morlaix].

Le mouvement commercial du Dourdu, aujourd'bui insignifiant, eut jadis une importance relative ; on y exportait surtout des toiles tissées dans le pays. Ecuyer Pierre-Marié Robichon, sieur de Kerhars, époux de dame Marie-Aime Lagadec, se qualifie en 1775 de sous-brigadier des fermes du Roi au poste de Dourdu ; ce modeste fonctionnaire avait sans doute quelque lien de parenté avec un autre Robichon-Kerhars de Plougasnou, encore bien plus déchu, qui, d'après M. Alfred de Courcy, cherchait vers 1840 à battre monnaie avec sa noblesse en la vendant au plus offrant, y compris le privilège de guérir les maladies de peau par l'imposition des mains [Note : Esquisses. — Le Breton (1840)].

En 1772, M. Piganiol de la Force, ingénieur, publia un mémoire dans lequel il proposait l'établissement d'un bassin à flot au Dourdu, bassin qui, selon lui, eût été « d'une grande beauté et plus étendu qu'aucun autre fait de main d'homme dont on ait connaissance dans l'Europe » [Note : V. Ogé. art. Morlaix]. Ce projet ne s'est point réalisé, bien que Cornic l'ait repris à son tour dans une série de mémoires adressés aux consuls, puis à Napoléon 1er, où il attribuait les revers de notre marine au tort unique de n'avoir pas créé au Dourdu un port de refuge et de radoubage pour les navires de guerre. C'est à Morlaix même qu'a été établi le bassin à flot depuis si longtemps réclamé par les commerçants et les marins, et l'anse du Dourdu est demeurée telle que la nature l'avait faite, sans que les simples touristes comme nous, aient aucune raison de le regretter.

Trois kilomètres environ séparent le Dourdu, ou plutôt le Treiz, le Passage, du bourg de Plouézoch. On rencontre en chemin le hameau de Kerivalen, autrefois terre noble de la famille Le Borgne. Jean Le Borgne, sieur de Kervidou, mentionné parmi les nobles de Plouézoch en 1445, vendit en 1485 le lieu de Kerivalen à Tanguy de Keranguen, duquel le retira par retrait lignager sa fille Catherine Le Borgne, qui le revendit peu après à Nicolas Coëtanlem, sieur de Keraudy. Cet autre manoir, voisin de Kerivalen, n'est plus qu'un groupe de masures. La fille aînée de Nicolas Coëtanlem, Marguerite, héritière de sa grande fortune, fit entrer Keraudy et plusieurs autres terres dans le Patrimoine des Goezbriand, en épousant le 4 novembre 1500 Guillaume de Goezbriand, seigneur dudit lieu. Plus près du village, vers la droite, existait aussi le manoir de Coatquif, possédé au dix-septième siècle par les Coatanscour, qui l'affermaient aux recteurs de Plouézoch pour en faire leur résidence. En 1686, il avait passé à noble homme François Dorigny, de Morlaix, et vers 1780, à Jean-Eléonore Le Roy de Durdan, officier volontaire sur les vaisseaux du Roi. Saisi pendant la Révolution sur l'émigré de Kerouartz, ce manoir fut vendu comme bien national et a été depuis remplacé par une maison moderne.

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Nous avons parcouru l’Arvor de la commune ; il nous reste maintenant à en explorer le Gourré, qui offre à notre curiosité maintes autres résidences seigneuriales et vieilles chapelles. La plus intéressante de celles-ci se trouve à un kilomètre du bourg, au carrefour des routes de Morlaix. Lanmeur et Plougasnou. C'est un édifice de 1574, dédié à Saint-Antoine et bâti sur un tertre ombragé de frênes, d'où le regard embrasse, au sud, un immense horizon. Sur la façade fait saillie un porche en auvent fermé par une grille de bois à balustres très élégamment tournés, avec bagues, fleurons et chapiteaux corinthiens, reposant sur une base de panneaux sculptés. Le chœur, terminé en hémicycle, est flanqué de deux chapelles latérales et séparé de la nef par une arcade que surmonte un clocheton gothique mutilé. Au maître-autel se voient la statue de Saint-Antoine armé d'une clochette et suivi de son cochon, en souvenir des cochons de l'hôpital des religieux Antonins, autorisés à vaguer dans les rues de Paris pour y chercher leur nourriture de porte en porte, celle d'une Vierge-Mère dite Notre-Dame-de-Grâce et un groupe de Saint-Yves entre le riche et le pauvre. Beaucoup plus grand que ses deux interlocuteurs, le bon Sant-Erwan repousse du geste la bourse du riche, gentilhomme à perruque, en bel habit Louis XIV, pour saisir les papiers que lui tendait, d'une main malheureusement absente, le paysan à la veste frangée et aux chausses minables.

Sur l'autel de gauche sont les images de Saint-Yvy et Saint-Maudez, tous deux crossés, mitrés, et bénissant ; ce bas-côté renferme un caveau où reposent divers membres de familles du pays, Trogoff de Kerlessy, Coroller de Kervescontou, Miorcec de Kerdanet, Pitot du Hellès, etc., qu'énumère une longue inscription moderne. L'autel de droite est orné des statues de Saint-Jacques, avec son chapeau garni de coquilles et son bourdon, et de Saint-Philippe, qui sont également peints sur le coffre de l'autel. On remarque sur les piliers du chœur les armoiries des Kergournadech — échiqueté d'or et de gueules — et des Goezbriand — d’azur à la fasce d'or. Au milieu de la nef. sur le tref ou poutre triomphale, est posé un Christ en croix, accompagné de la Sainte-Vierge et de Saint-Jean, tous trois de taille naturelle et abrités par une sorte de dais couvert de peintures figurant le Père Eternel et les quatre Evangélistes. Près de la chaire, il y a sur une console une statue de saint tenant un livre fermé. Les poutres et les frises du lambris offrent quelques sculptures et statuettes. A droite du portail gît dans un coin un fragment de l'ancienne croix gothique du cimetière, remplacée en 1757 par une autre bien inférieure ; on y reconnait quatre personnages, le Christ ; une Vierge-Mère ; Saint-Antoine et son cochon, ayant au cou une cloche, dressé contre son genou ; Saint-Yves, en robe longue et camail, argumentant sur ses doigts. Au sud de la chapelle, à Kerbridou, coule la fontaine consacrée sous un petit édicule ; le jour du pardon, le dernier dimanche d'avril, on y jette des clous pour obtenir la guérison des furoncles.

En 1679, les vitraux contenaient les armoiries des Goezbriand, des Pastour de Kerjan, des Rosmadec mi-parti de Kergournadech, et des Kerscau. Pendant la Révolution, Saint-Antoine devint le lieu de réunion des assemblées électorales primaires de la commune, et dut à cette circonstance de conserver sa cloche, qui servait à convoquer les citoyens. Le 21 thermidor an 9, les abbés Henry et Carn déclaraient vouloir exercer leur culte dans les chapelles de Saint-Antoine et de Trodibon, en même temps que le curé constitutionnel Morvan faisait la même déclaration pour l'église paroissiale.

La seigneurie de Saint-Antoine, formée de deux métairies nobles, a appartenu à la famille de Kerc'hoent de Kergournadech, éteinte en 1616 dans Rosmadec par le mariage de Renée de Kerc'hoent « le plus considérable parti qui fust alors dans la Bretagne », avec Sébastien de Rosmadec, marquis de Molac, gouverneur de Nantes et.de Quimper. En 1674, elle avait passé aux Kerscau, puis aux Kersaintgily-Traonjulien par alliance en 1686. Les fermes voisines de Kerbridou et de Tréoguer sont aussi d'anciennes terres nobles. Guy de Quélen, sieur de Kerbridou, épouse en 1499 Catherine le Borgne, dont Isabelle de Quélen, héritière, mariée vers 1527 à Guy de Kerscau, sieur de Kerenec. Tréoguer a été aux Goezbriand vers le milieu du seizième siècle ; en 1674, Jean Crouézé, sieur de la Maillardière, sénéchal de Morlaix, en était le possesseur.

De Saint-Antoine, le chemin dévale brusquement pour aller rejoindre, à mi-pente, la route de Plougasnou à Morlaix. Du carrefour se détache un sentier de traverse, abrupt et raviné, qui plonge dans la vallée On y rencontre une vieille fontaine de granit, à édicule, piscine et niches de saints, nommée Feunteun-Jésus. De l'inscription gravée sur son fronton, les premiers mots seuls restent lisibles : BIBE : AQVAM : VIATOR : …

Au plus creux de la combe, le village de Dourdu-en-Terre abrite ses quelques maisons blanches entourées de verdure, autour du pont que franchit la route de Morlaix. En aval, après un ancien moulin féodal reflétant dans son calme petit étang ses pignons à crochets et sa chaussée presque cyclopéenne, s'élargit un sinueux estuaire, vaseux et désolé à mer basse, mais que la marée vient remplir en berçant sur l'eau verdâtre la voile pourpre des gabarres. De hautes collines désertes, vêtues d’un fauve-manteau de taillis et de landes, cernent cette mystérieuse coulée où, selon un dicton qui a cours à Plouézoch, serait enfoui, dans quelque recoin ignoré, un trésor d'une fabuleuse richesse.

Etre C'roaz ar Rest hag ar C’hras an Treiz.
E man eur parkik besquellek a dal Breiz.

(Entre la croix du Rest et la montée du Passage.
Existe un petit champ irrégulier qui vaut toute la Bretagne).

Sur une sorte d'éperon rocheux, triangulaire formant terrasse au-dessus de la rivière se voient les vestiges du château de Kerantour, autrefois possédé par les Goezbriand. A ses pieds passait la route de Plougasnou et de Saint-Jean-du-Doigt, aujourd'hui rectifiée en cette partie, et dont il faut suivre le tronçon abandonné vers Kerjan et les Roc'hou, pour retrouver quelques traces du pavage, disparu ailleurs, que la duchesse Anne y fit poser pour faciliter aux pèlerins l'accès de la chapelle miraculeuse du Précurseur.

Etre Montroulez ha Sant-Yann.
Zo gret eur pavé nevez-flamm.
Zo gret eur pavé e mein griz.
Da zarempret Sant-Yann-ar-Biz.

(Entre Morlaix et Saint-Jean.
Est fait un pavé tout neuf.
Est fait un pavé en pierres grises.
Pour fréquenter Saint-Jean-du-Doigt).

Une suite de sévères côteaux, portant chacun un vieux manoir, dominent la rivière en amont du village. Un sentier longeant d'abord le gai cours d'eau et ses moulins virant à l'ombre des peupliers, puis gravissant un versant dénudé nous mène en quelques minutes au manoir ruiné de Triévin, ancienne châtellenie incorporée au fief de Coatcoazer, et antérieurement possédée par les Menguen. Raoul le Menguen, sieur de Triévin, vivant vers 1400, épousa Amice de Coatcongar, dont une fille, mariée à Richard Etienne. Ce dernier, cité parmi les nobles de Plouézoch à la réfm. de 1445 laissa trois fils : Philippe Estienne, sieur de Triévin, décédé sans enfants de son mariage avec Marie Le Meur, déguerpie (veuve) en 1481 ; Nicolas, sieur de Triévin, archer en brigandine à la montre de 1481, mort sans hoirs, et Charles, époux de Constance de Kerouzéré, qui vendit en 1488 la terre de Triévin à Nicolas de Coëtanlem, sieur de Keraudy, père de Marguerite de Coëtanlem, dame de Goezbriand. C'est à Triévin que naquit, en 1638, le marquis de Goezbriand, maréchal de camp et gouverneur du Taureau. Après sa mort, cette terre échut en partage à son troisième fils Charles-Jean, chevalier de Goezbriand, page du Roi en 1680 et auteur de la branche encore existante de cette famille.

Triévin appartient actuellement à Mme Huon de Kermadec. On y voyait naguère l'ancien portail, défendu par une tour carrée mi-croulée, et les restes délabrés de l'habitation. A l'extrémité du jardin existe le pignon de la chapelle domestique, dont le vocable est oublié. La ferme du Petit-Triévin a également été une terre noble, d'après la réformation de 1445, qui cite « le métayer à Messre Allain de Ploësquellec en son hostel de Trieffevin ».

On rencontre ensuite le hameau de Kerseach, où se trouve une vieille et solide maison gothique avec d'originales ouvertures, un escalier extérieur et un puits monumental dans la cour. Jean de Leau, sieur de Kerseach, et sa femme Catherine an Quenquis (du Plessis) y résidaient en 1568 ; leur fille Catherine épousa le 8 juillet 1604 Nicolas Nuz, sieur de Kerhunan, fils d'autre Nicolas, maire de Morlaix en 1578, dont Catherine Nuz, héritière de Kerseach par le décès sans hoirs de son oncle Jean de Leau, inhumé dans l'église de Cuburien le 16 août 1645 [Note : L'une des dalles tumulaires de cette chapelle, chargée d'un écusson aux armes des de Leau, d’azur au chevron d’or accompagné de 3 molettes de même, doit recouvrir la sépulture de Jean de Leau], et mariée le 19 juillet 1643 à écuyer Claude-Marie Jarnage, sieur de la Planche.

En suivant toujours le même sentier, nous passons à Kervec, ferme de laquelle dépend un champ contenant un tumulus d'une centaine de mètres de pourtour et encore assez saillant, malgré d'évidentes tentatives d'assolement. Cette pièce de terre porte le nom singulier de Parc ar criminalou (le champ des criminels). De Kervec, un chemin très accidenté mène à l'ancien manoir de Kernoter, autrefois possédé par la famille de Quenquizou. Jean de Quenquizou, miseur à Morlaix en 1452, fut père d'Alain de Quenquizou sieur de Kernoter et de Mezanrun, sénéchal de Morlaix et Lanmeur en 1484, puis conseiller aux Grands jours du parlement ducal en 1495. Il eut de sa femme, Perrine de Goezbriand, Raoul de Quenquizou, gentilhomme et échanson du duc François II en 1488, père de François, sieur de Kernoter, parrain à Plouézoch le 28 avril 1524. Le fils de ce dernier, Raoul de Quenquizou, vendit vers 1567 la terre de Kernoter à Vincent du Parc, sieur de Mesquéault, époux de Jeannette le Rouge, dont autre Vincent du Parc, sieur du Mesquéault, marié à Anne Thorel, dame de Rosgustou, et résidant en 1588 au manoir de Launay en Saint-Melaine de Morlaix. Leur fils aîné Pierre du Parc, sieur de Kernoter est, le 2 mars 1590 « reczeu a jurer l'union a la charge daler trouver Monseign. le duc de Mercœur dans le moys et de cze bailer cauption de mil escus suilvant quoy led. Sr de Kernoter a baillé a cauption le Sr du Parc son père et Me Yves Marec » et prêta serment de servir le parti ligueur entre les mains de l'archidiacre de Plougastel [Note : Reg. de la Ste Union 1589-1590 f° 88 verso (Arch. de la mairie de Morlaix)]. Il dut mourir sans hoirs, car sa sœur Françoise du Parc apporta Kernoter aux Toulbodou en épousant Yvon Toulbodou, sieur de Coatquéau, dont une seule fille, Renée, née à Kernoter, baptisée à Plouézoch le 16 novembre 1598 et mariée vers 1625 à Jean de Guicaznou, écuyer, sieur de Kerandulven en Lanmeur. René de Guicaznou leur fils, marié à Elisabeth de Kerpoisson, dame de la Villesavary, vendit vers 1660 le manoir de Kernoter à un marchand morlaisien, Yves Ferrière, sieur de Bussé. Il fut saisi pendant la Révolution sur l'émigré Jacques-Joseph de Kerouartz et vendu comme bien national.

Ce manoir converti en ferme, mais à peu près intact, est demeuré un vrai type de gentilhommière d'autrefois, avec son grand portail cintré, sa cour close et pavée, abritant le puits, sa porte à arcature gothique et écussons mutilés, ses fenêtres aux nombreux petits carreaux, ses lucarnes de pierre, ses hautes cheminées, sa tourelle d'escalier aux larges dalles de granit. Dans l'une des salles du rez-de-chaussée, on voit sur le manteau de la cheminée le blason des Quenquizou, de sable fretté d'or. Derrière la maison s'étend un vaste jardin entouré d'une muraille élevée que flanquent du côté du chemin deux grosses tourelles rondes percées de meurtrières. Lorsque debout sur le couronnement d'une de ces tours, on contemple la calme et souriante vallée du Dourdu, les vieux moulins cachés dans le feuillage, le souple ruban de la rivière argentant les prairies, au pied des menez escarpés de Triévin et de Kerseach, tout ce paysage d'une quiétude si douce, on se prend à envier le sort de ceux qui ont vécu là, au temps jadis, en l'heureuse monotonie d'une existence aussi tranquille que le cours du ruisseau qui serpente au-dessous du vieux manoir.

De Kernoter dépendait une « arcade et enfeu eslevé de terre de deux piedz et de long six piedz et demy » situé du côté de l'évangile du maître-autel de l'église de Plouézoch, avec un banc et une petite vitre armoriée, comme l'arcade, de deux écussons, le premier de sable à la fasce d'or accompagnée de 3 coquilles de même, qui est Périou du Mesquéault, l'autre parti de même et d'or à six feuilles de sinople, qui est Toulbodou de Kernoter.

A deux cents mètres du manoir s'élève la chapelle de Saint-André ; elle existait déjà en 1518, puisque Nicolas de Coëtanlem léguait cette année ung escu porté à Monsieur Sainct André, ainsi qu'à Messieurs Sainct Antoine et Sainct Conven de Ploezoch [Note : V. son testament, publié par M. Luzel dans le Bulletin de la Société d'Etudes Scientifiques du Finistère de 1885]. L'édifice actuel, très simple, semble dater de la fin du seizième siècle ; on y voit les statues de Saint André, attaché à sa croix, Saint Jean, une Vierge-Mère, un Christ et un groupe de Saint Yves entre le riche et le pauvre, reposant sur une console formée de trois gracieux angelots qu'entoure une guirlande de roses ; le saint, en robe et toque d'avocat, tient de la main gauche un sac de procès et saisit de la droite les papiers que lui remet le pauvre, très caractéristique avec son bissac, ses culottes dépenaillées et on vieux chapeau ; le riche coiffé d'un tricorne et richement costumé, a perdu son bras droit, qui tendait la bourse. Au-dessous du tertre que surmonte le léger clocheton de Saint Andre, au bord d'un sentier dégringolant vers le rustique Pont de l'Official, coule la fontaine consacrée. Le pardon se célèbre au premier dimanche de l'Avent, mais le clergé n'y prend aucune part. Saint André est invoqué pour la guérison de la coqueluche, à cause sans doute de l'identité du nom breton de cette maladie, an dréo, avec le sien, Sant Andréo ; on apporte à l'offrande des tranches de pain.

Au Sud-Est de Kernoter, tout à l'extrémité de la commune, était le manoir de Rosangavet, possédé en 1445 par Guyomarc´h Cazin, père de Jean Cazin, qui se fit représenter à la montre de 1481 par Bertrand Le Floch, archer en brigandine o page, et eût pour fils autre Jean, époux de Marguerite Le Marant, dont Jean Cazin, sieur de Rosangavet, mentionné dans la réformation de 1543. Son arrière petite-fille Louise Cazin, béritière du lieu, se maria vers 1616 à Jacques Carion, sieur de la Noë, d'une famille espagnole. Leurs héritiers ont vendu la terre de Rosangavet à Jacques Boudin, sieur de Launay, secrétaire du Roi en 1701, et la dernière des Carion épousa en 1759 le chevalier de Tréanna, dont elle ne laissa pas d'enfants. La ferme actuelle n'a rien conservé de l'ancienne demeure. Les seigneurs de Rosangavet avaient un banc dans le chœur de l'église de Plouézoch, du côté de l'épître.

Cette région du Gourré, infiniment moins accidentée que les abords du rivage et la vallée du Dourdu, se compose de hautes terres, de mezou, selon le terme trégorirois, d'où la vue s'étend au Sud jusqu'aux brumeuses montagnes d'Arrée. Des landes, des bruyères aux teintes dorées ou mauves entourent quelques champs cultivés, et d'anciennes fermes encapuchonnées de lierre, affaissées sous leurs toits moussus, se cachent çà et là dans un maigre bouquet d'ormes écotés ou de chênes tordus. Au point culminant du plateau apparaît la chapelle du Mouster, dédiée au prince breton Saint Mélar, assassiné vers 538 au château voisin de la Boissière en Lanmeur ; c'est une petite construction sans style ni date contenant un autel orné de quatre statues, Saint Mélar, une Vierge-Mère, Saint Pierre et Sailli, Joseph (?). Celle de Saint Mélar, copie moderne d'une ancienne statue de grandeur naturelle, figure le martyr présentant sur sa main gauche sa tête décapitée, ayant sa main droite coupée et pendant au moignon et son pied gauche gisant devant lui. On sait que le malheureux Mélar subit ces diverses mutilations par l'ordre de son oncle, le barbare Rivod. Le pardon de cette chapelle a lieu le dernier dimanche de septembre ; on s'y rend pour obtenir que les petits enfants marchent de bonne heure et que leur dentition soit heureuse.

Au prochain carrefour, une vieille avenue mène aux ruines du manoir de la Villeneuve-Polart, qui conserve encore le nom de ses primitifs possesseurs, les Polart, éteints cependant depuis trois siècles, et dont la généalogie remontait jusqu'à Guyomarc'h Polart, sieur de la Villeneuve, époux de Péronnelle de Kersaliou, vivant en 1374. Son petit-fils Jean Polart, mentionné à la reforme de 1445, fut père d'Olivier, bailli de Bodister en 1475, qui obtint en 1478 des lettres de sauvegarde du duc francois pour lui, sa femme Marguerite de Quélen, et leurs domaines, et fut représenté à la montre de 1481 par Bertrand le Comte, en corselet o pertuisane. Il eut pour fils Jean Polart, marié à Catherine de Pluscoat, dont Olivier, archer en brigandine à la montre de 1534, époux de Madeleine Rivault, duquel issut Pierre Polart, sieur de la Villeneuve, allié à Marguerite de Kermellec, dame de Kergus.

Leur fils aîné Pierre se maria vers 1572 à Louise de Kerbuzic ; il en eut, de 1573 à 1585, trois fils, François, Pierre et Jean, et six filles dont l’aînée, Marie Polart, héritière de la Villeneuve et Kergus, épousa vers 1610 François du Louet, sieur du Plessis-Coatjunval, gouverneur de Landerneau en 1636. Nous ignorons malheureusement lequel de ses trois frères fut le bienheureux Polart, l'admirable « Frère Louis de Morlaix », mais il est possible que ce soit Pierre Polart, qualifié de sieur de Lodemeur dans un acte de 1594, et le seul dont nous ayons trouvé une mention postérieure à celle de son baptême, le 23 janvier 1578. Nous avons du moins découvert l'acte de décès de Frère Louis, mort victime de son dévouement lors de la peste de 1631 à Morlaix. L'humble religieux n'avait pas failli à son sang ; sous sa grossière bure battait un noble et chevaleresque cœur, et en lui, la vieille race dont il descendait s'éteignit glorieusement sur un champ de bataille qui vaut bien tous les autres.

Frater Ludovicus ordine Sti Francisci de conventu Patrum capucinorum E vita migravit pestilentia dominica die sexta mensis Julii anno dni millio sexclentessimo trigessimo primo, nunc corpus sepultum est in ecclesia Sancta Margareta juxta, cimiterium divi Mathei [Note : V. 2° Reg. des décès de Saint-Mathieu de Morlaix, f° 7 recto].

L'épidémie de 1631, relativement peu meurtrière, paraît s’être localisée en la seule paroisse de Saint-Mathieu, alors comme aujourd'hui la moins saine de Morlaix ; les registres de Saint-Martin n'accusent en effet que deux victimes de la « contagion » et ceux de Saint-Melaine, pas une seule. Elle commença le 8 avril 1631 par le décès de Marguerite Cren et emporta 118 personnes jusqu'au 1er janvier 1632. Dom Lobineau dit, dans la Vie du bienheureux Polart, que le fléau diminua dès après son trépas pour disparaître bientôt, ce qui fit croire au peuple que le saint moine s'était offert en holocauste afin d'apaiser la colère de Dieu. La vérité est qu'il mourut au début de l'épidémie, puisque trente décès seulement précèdent le sien, et que la peste fit de cruels retours offensifs en 1638 et 1640, décimant cette fois la ville entière et surtout le clergé, fidèle à suivre l'exemple si héroïquement donné par Frère Louis de Morlaix. La chapelle de Sainte-Marguerite, où l'on vénérait son tombeau, n'existe plus depuis la Révolution.

Claude du Louet, sieur de la Villeneuve, Trevey, Kergus, Lesplougoulm, fils de François et de Marie Polart, baptisé à Plouézoch le 19 mars 1613 épousa vers 1640 Françoise de Ploësquellec, héritière du Boisriou : il mourut le 17 août 1670 et fut inhumé « sous la tombe enlevée de la maison de la Villeneuffve » située, ainsi que trois bancs dépendant de la même seigneurie, sous la seconde arcade du côté de l'évangile dans le chœur de l'église de Plouézoch. Sa fille aînée Gylonne du Louet apporta la Villeneuve et le Boisriou aux Le Borgne par son mariage, en 1677, avec Maurice le Borgne, sieur de Villeguien, et ces deux terres appartiennent depuis à cette famille.

On eût aimé retrouver, à la Villeneuve le logis qui vit naître et grandir le bienheureux Frère Louis, la salle où il s'assit avec son hôte le mendiant au banquet offert par sa sœur, la dame du Louet, les murailles encore imprégnées de l'arome de ses vertus, mais l'édifice actuel n'est pas celui qu'habitaient les Polart. Son portail monumental, formé de deux pilastres cannelés et d'un fronton classique, est surmonté d'un écusson armorié timbré d'un heaume à volets et lambrequins, et éntouré du collier de Saint-Michel. Il offre un mi-parti au 1 : coupé au 1 d'un fascé et vairé, qui est du Louet, au 2 d'un chevron accompagné de trois coquilles, qui est Polars ; au 2 d'un chevronné de six pièces, qui est Ploësquellec. Cette pierre, enfouie dans un coin de la cour sous la Révolution, a été récemment découverte et remise en place. Le portail, encore garni de ses vantaux sculptés, donne accès dans une grande pièce éclairée par deux fenêtres bouchées en partie ; l'étage supérieur renferme plusieurs anciens meubles datant de l'époque, depuis longtemps révolue, de la prospérité de manoir. La chapelle a été détruite.

En revenant à Plouézoch par la route de Lanmeur, précédemment rejointe, on trouve sur la gauche le village du Rest, ancienne terre de la famille de Quélen. Jean de Quélen, sieur du Rest, mentionné dans la réformation de 1445, épousa Marie du Dresnay, dame dudit lieu, héritière de la branche aînée de cette illustre maison. Leur petit-fils Henri de Quélen, sieur du Dresnay et du Rest, nommé dans une transaction de 1504, fut père d'Olivier, marié en 1491 à Jeanne de Troguindy, dont Julien de Quélen, sieur du Rest, entre les nobles de Plouézoch, réformation 1535. Son fils Olivier abandonna le séjour du Rest pour aller résider au manoir de Kerlan, en Sibiril, dont il avait épousé l'héritière, Françoise de Lambezre, en 1552. Cette branche des Quélen, après avoir été maintenue, lors de la réformation de 1670, en qualité d'écuyers et chevaliers d'ancienne extraction, s'est fondue avant 1700 dans Montigny ; elle avait depuis longtemps aliéné la terre du Rest, qui appartenait en 1669, à noble homme Jacques Allain, sieur de la Marre, la Villeneuve, Montafilant, Kervasdoué, riche négociant et banquier de Morlaix. De son mariage avec Françoise Coroller, en 1655, il laissa de nombreux enfants, mais ses fils moururent sans alliance, et leurs sœurs, toutes mariées dans de grandes familles, les Tinténiac, de Plœuc, d'Oilliamson de Saint-Germain, des Nos des Fossés, Berthou de Kerverzio, le Merdy de Catuélan et Roger de Campagnolles, se partagèrent sa fortune.

Du manoir, il ne subsiste plus qu'un bâtiment percé d'une porte dans le style du quinzième siècle, et une cour pavée. C'est au Rest que naquit, selon Courcy, l'évêque de Rennes François Lachiver, en 1566.

Plus près du bourg, sur les pentes verdoyantes que couronne le bois des Roc'hou, on rencontre le vieux manoir de Kerjan, possédé pendant trois siècles et demi par la famille Pastour, depuis le mariage, célébré en 1470, de Jean Pastour, sieur de Morant, présumé cadet de la maison de Ploesquellec, et de Jeanne Gourmelon, dame de Kerjan et du Launay, petite-fille d'Alain Gourmelon, sieur de Kerjan, vivant en 1445. Leur fils Jean Pastour et sa femme Jeannette de Quélen, qu'il avait épousée en 1494, eurent l'honneur de recevoir à Kerjan la visite de la duchesse Anne, reine de France, lorsqu'elle se rendit en pèlerinage à Saint-Jean-du-Doigt, en 1505. Elle apprécia fort, assure-t-on, de savoureuses galettes confectionnées par la châtelaine elle-même, et l'en complimenta. Pour commémorer cette royale collation, les Pastour érigèrent une croix au carrefour voisin, sur la vieille chaussée qui menait les fidèles à Traon-Mériadec. Cette croix, renversée en 1793, a été relevée depuis et conserve son nom breton de Croaz kouign- amann (croix des gâteaux beurrés).

Au dix-septième siècle, les Pastour délaissèrent Kerjan pour habiter d'abord le manoir de Pontplancoët, en Plougasnou, que leur avait apporté l'alliance de Valentin Pastour, sieur de Kerjan, avec Jeanne de Quélen, fille de Guillaume de Quélen, sieur de Pontplancoët, et d'Olive Le Bozec, en 1606, puis celui de Kerambellec en Guimaëc, et le château de Mesgouez en Plougasnou, après le mariage en 1707, de François-Louis Pastour et de Catherine de Kerc'hoent, dame de Mesgouez. Leur fils aîné, Jean-Joseph Pastour, seigneur de Kerjan, le Mesgouez, Pontplancoët, épousa en 1740 Marie-Josèphe de Kerouartz, dont François-Toussaint Pastour, chevalier, comte de Kerjan, enseigne des vaisseaux du Roi, marié en 1770 à Marie-Madeleine de Coezbriand. M. Alfred de Courcy nous a dépeint dans son étude sur Le Breton (Esquisses — le Breton, 1840, p. 89-90), les touchantes funérailles du dernier des Pastour, M. Yves-Guy-Marie Pastour de Kerjan, décédé en 1839, que deux mille paysans de Plougasnou et de Plouézoch vinrent escorter d'une distance de trois ou quatre lieues, et que quatre cents jeunes gens des deux paroisses portèrent à bras depuis Morlaix jusqu'au tombeau de ses ancêtres, ultime témoignage de la reconnaissance et de l'affection du peuple envers cet homme de bien. Ses deux filles Urbane et Louise épousèrent, l'une M. Charles de Launay de Pontgirault en 1818, l'autre M. Henri Salaün, baron de Kertanguy.

La famille Huon de Kermadec, par alliance avec les Launay, possède aujourd'hui le manoir de Kerjan, édifice du début du seizième siècle, à portes gothiques et fenêtres à meneaux. Un écusson aux armes alliées des Pastour et des Quélen, sculpté sur un manteau de cheminée, fixe approximativement l'époque de sa construction, Jean Pastour ayant épousé en 1494 Jeanne de Quélen. La chapelle se voit au bord de l'avenue, mais elle est transformée en grange. Les seigneurs de Kerjan avaient aussi leur chapelle particulière dans l'église de Plouézoch, du côté de l'épitre, éclairée par une vitre à leurs armoiries : d'or au lion de gueules accompagné de cinq billettes d'azur pleines et mi-parti de Quélen et de Parcevaux, et contenant une arcade et enfeu avec deux bancs et des tombs plates, ornés des mêmes écussons. (A. 19). Cet enfeu existe encore.

Depuis la Croas-kouign-amann jusqu'à la chapelle de Saint-Antoine, où se terminera notre excursion, le chemin longe les futaies des Roc'hou, belle propriété entourant un manoir possédé en 1558 par Nicolas de la Haye, sieur des Roc'hou et de Trégatgoualen, et que Marie-Anne de la Haye, fille et héritière de Yves de la Haye, sieur de Kerlaudy, les Roches, Luzec, apporta aux du Dresnay en épousant en 1670 Jean du Dresnay, chevalier, seigneur de Kerbaul, Lohennec. Leur petit-fils François Julien du Dresnay, chevalier des Roches, frère cadet, de Joseph-Michel, comte du Dresnay, gouverneur de Saint-Pol-de-Léon et du Minihy, fut chef d'escadres et gouverneur des îles de France et Bourbon en 1768. La terre des Roc'hou, acquise par les Mazurié de Pennanech, a été vendue vers 1815 aux Pastour de Kerjan, d'où elle a passé aux familles de Launay de Pontgirault et Huon de Kermadec. La partie la plus ancienne du manoir se compose d'un pavillon carré flanqué d'une tourelle à cul-de-lampe ; le reste remonte au dix-huitième siècle.

(Louis Le Guennec).

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