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LE CHATEAU OU MANOIR DE LANOVERTE A PLOUEZOCH

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A deux kilomètres environ du bourg de Plouézoch, en face d'un groupe de rochers bizarrement superposés sur la lande, se montre à gauche du chemin le château ruiné de Lanoverte, construit au seizième siècle. François de Goezbriand, seigneur dudit lieu, l'Armorique Lanoverte, l'entoura sous la Ligue, d'ouvrages défensifs et en fit, non une forteresse, mais une place à l'abri d'un coup de main. Une poterne pratiquée dans le mur d'enceinte extérieur, que flanquent sur la façade trois tourelles percées de meurtrières, donne accès dans une vaste cour close au fond de laquelle s'ouvre un grand portail à portes cavalière et piétonne surmonté des coulisses d'un double pont-levis et des armoiries des Goezbriand encadrées du collier de l'Ordre et supportées par deux lions. Ce portail était défendu par une galerie à mâchicoulis et deux tourelles rondes, dont l'une a été démolie : dans la courtine adjacente se voient aussi quelques embrasures. Lorsqu'on l'a franchie, on se trouve devant le château, gris et vétuste édifice, aux toits moussus, aux pignons vêtus lierre, qui n'a conservé de son ancienne splendeur qu'une salle aux poutres ornées de moulures grossières. La chapelle, dédiée à saints Simon et Jude, n'existe plus ; elle avait été consacrée le 19 avril 1607 par Révérend Père en Dieu Monseigneur Adrien d'Amboise, docteur en théologie et évêque de Tréguier [Note : Registres paroissiaux. Un article du testament de Nicolas Coëtanlem, sieur de Keraudy, père de Marguerite Coëtalem, dame de Goezbriand, ordonnait en 1518 de « faire faire à Ploézoch la chapelle de Messrs Saincts Symon et Juda ». Cette clause ne fut donc exécutée qu'un siècle plus tard]. Sous la tourelle détruite existait, paraît-il, l'entrée d'un souterrain qui se prolongeait, d'après la tradition, jusqu'au rivage.

La seigneurie de Lanoverte (en breton Goasglas) était possédée en 1445 par la dame de Tuogoff, Marie de Kerouzéré, mariée à Yvon de Tuogoff ou Trogoff, seigneur de Kerprigent et citée parmi les nobles de Plouézoch, ainsi que son fils Pierre, à la réformation de 1445 ; elle passa ensuite aux Quenechcan par alliance, aux Tromelin et enfin aux Goezbriand par le mariage de François de Goezbriand, seigneur dudit lieu, et de Marie de Tromelin, dame du Bren et Goasglas, vers 1540.

Cette antique lignée des Goezbriand, dont le nom historique est inséparable de celui de Plouézoch, apparaît dès le douzième siècle dans les annales de notre province en la personne d'Auffroy, sire de Goezbriand en Plouigneau, homme d'armes de l’ost de la duchesse Constance, en 1200, et augmenta rapidement par de belles alliances sa richesse territoriale. Un autre Auffroy de Goezbriand, gouverneur de Nontron et Saint-Macaire en 1389, eut pour petit fils François de Goezbriand, seigneur dudit lieu, Kerantour, Barnénez, qui combattit à Saint-Aubin du Cormier comme lieutenant de la compagnie de cavalerie du baron de Pont-l'Abbé, tué à cette rencontre ; il y fut fait prisonnier, et ses vassaux durent doubler leurs redevances pour payer sa rançon. Il laissa de sa femme Margilie de Boiséon, qu'il avait épousée en 1461, Guillaume de Goezbriand, gentilhomme de la chambre de François Ier, marié en 1500 à une opulente héritière morlaisienne, Marguerite Coëtanlem, daine de Keraudy et de Triévin en Plouézoch, de Penanru et du Launay en Ploujean. Leur fils aîné, François de Goezbriant, seigneur dudit lieu, Kerantour, Barnénez, Keraudy, Triévin, Kerivalen, Tréauguer, Coatcoazer, Rodalvez, le Cosquer, etc., épousa Marie de Tromelin, dame du Bren et de Goasglas, et compléta ainsi les vastes possessions de sa famille dans la paroisse de Plouézoch.

Le roi le nomma en 1539 capitaine de Morlaix, puis chevalier de Saint-Michel, distinctions dont hérita son fils Yves, lieutenant d'une compagnie de gens de pied en 1557, tué en duel à Nantes vers 1567 par Troïlus de Mesgouez, marquis de la Roche. Il avait épousé Marguerite de Kergrech. dame dudit lieu et de Boiséon, et en eut François, né au manoir de Kerdéouzer, trêve de Pouldouran, paroisse de Hengoat, le 5 septembre 1557, baptisé à Hengoat, avec, pour parrains, Rolland de Quoittredrez, seigneur dudit lieu, et Pierre de Quoittredrez, seigneur de Trogriffon et de Kerdéouzer, et pour marraine Louise de Goezbriand, dame de Kermarquer (Reg, par. de Plouézoch). Ce François de Goezbriand prit une part active aux évènements de la Ligue en Basse-Bretagne, et fut l'une des plus curieuses figures de cette époque troublée où chacun changeait tour à tour de camp et d'étendard au mieux de ses intérêts. Nous n'avons rien à ajouter à l'esquisse biographique que lui a consacrée M. le Men [Note : Etudes Historiques sur le Finistère, 1873], d'après un factum conservé aux archives départementales. La guerre civile terminée, il s'en revint à Plouézoch vivre paisiblement dans son château de Lanoverte entre sa femme Renée de la Marzelière et ses huit enfants, s'estimant heureux de goûter le calme et la paix au sortir de toutes les tribulations et les vicissitudes qu'il subissait depuis 1589, jouissant davantage de sa liberté, de son repos, en songeant, aux cachots de Nantes et de Blavet, à l'affreuse tragédie de Kerouzéré, et s'efforçant aussi sans doute de réparer par une sage économie les brèches qu'avait ouverte dans son patrimoine la rançon ruineuse payée à Mercœur. Créé chevalier de l'Ordre et gentilhomme de la reine Marie de Médicis, il mourut en 1628.

Son fils aîné François de Goezbriand, chevalier, seigneur, dudit lieu, Kerantour, Coatcoazer, l'Armorique, Lanoverte, Bren, la Tour, etc., gentilhomme de la chambre du roi, épousa en 1628 Claude Gazet, dame de la Tour, dont un seul enfant, René, né le 21 mars 1634 à Lanoverte et baptisé le 1er avril à Plouézoch, décédé au collège de la Flèche en 1644. Le frère cadet de François, Yves de Goezbriand, seigneur de Triévin, Kergrech, Crénarz, le Cosquer, sénéchal de Lesneven en 1628 ne laissa non plus de son mariage avec Marie Simon de Penanguer qu'un seul fils, Yves, né à Triévin et baptisé à Plouézoch le 30 août 1637, qui recueillit l'héritage de son cousin René.

Yves de Goezbriand, dit le marquis de Goezbriand, suivit la carrière des armes ; il était en 1662 mestre de camp du régiment du Roi, enseigne des gardes du corps et gouverneur du Taureau, puis devint maréchal de camp, et colonel général du ban et arrière-ban de l'évêché de Saint-Brieuc. Sa femme, Françoise-Gabrielle de Kerguésay, dame de Guermorvan, Kergomar, Belle-Isle, les Sept-Saints, qu'il avait épousée en 1657, lui donna quinze enfants ; leurs baptêmes, presque tous célébrés à Plouézoch de 1661 à 1674, groupent sur les registres paroissiaux une brillante collection de beaux noms de Bretagne, compères et commères, parents et amis, venus parfois des extrémités de la province pour tenir les nouveaux-nés sur les fonts sacrés, et prendre part — complément indispensable de la cérémonie — aux plantureux festins servis dans la salle d'honneur de Lanoverte par le digne maistre d’hostel Jean le Muet, sieur de Dupont. D'après la tradition, le marquis de Goezbriand pouvait se rendre de Plouézoch à Guingamp sans sortir de ses domaines ; il y a là exagération évidente, mais cependant on doit reconnaitre que ses propriétés étaient situées dans cette direction et se succédaient sans de trop grandes lacunes. En condensant les pompeux protocoles qui accompagnent son nom dans les actes, on constate qu'il se qualifiait, de son chef et de celui de sa femme, de seigneur marquis de Goezbriand et de Belle-Isle, comte de Lanoverte et du Guermorvan, vicomte de Trobodec et de Gurunhuel, baron des baronnies de l'Armorique, Kerantour, Crénarz et Bren, « ancien banneret » de Coatcoazer, seigneur châtelain de Triévin, Kergrech, Boiséon, le Bois de la Roche, Kergomar, Rodalvez, les Sept-Saints, etc., fastueuse énumération qui prouve bien sa puissance.

René-Vincent-Corentin de Goezbriand, mestre de camp et colonel général des Cravattes du Roy, fils aîné du marquis, mourut le 3 juin 1685 au château de Lanoverte, âgé de 28 ans, « d'une fievbre continue après une fievbre quarte nonobstant laquelle il avoit suivy toute la campagne en Cataloigne. Il avoit reçeu, dit son acte de décès (Reg. par., cahier de 1685), le Saint Viatique avec une dévotion non pareille le jour de l'Assansion et demanda avec instance ensuite l'extrême-onction qui ne lui fust administrée par le soubsignant recteur que le vendredy au soir (1er juin) en présance de Monsieur le Compte son frère, Collonel du régiment de Berry, de Monsieur le baron de Trésiguidy leur oncle, de Messieurs de Kergrist et du Plessis-Goasmap. Après sa mort, son corps fut rendu en la chapelle dudit château de Lanoverte ou se fist un service solennel et de là le Convoy en l'église paroissiale où il fust enterré au Cour dans les enfeus de ses encestres ».

La disparition de ce malheureux jeune homme frappé en pleine carrière fit de son frère cadet Louis-Vincent l'héritier principal de la maison de Goezbriand. Ce dernier, né au Guermorvan, paroisse de Louargat, le 14 février 1659, et baptisé à Plouézoch le 20 juin 1662, avait eu pour parrain haut et puissant Messire Vincent du Parc, chevalier, conseiller du Roi en ses conseils, maréchal des camps et armées de sa Majesté, capitaine du ban, arrière-ban et garde-côte de l'évêché de Tréguier, marquis de Locmaria et du Guerrand, baron de Coatredrez, Coatfrec, Saint-Michel-en-Grève, châtelain de Bodister, Plougasnou, Guerlesquin, le Ponthou, Keradennec, Beffou, Trogore, Coatsauf, Guernauf, le Méné, et pour marraine haute et puissante dame Louise-Gabrielle de Plœuc, dame de Mezléan et Lanuzouarn. (Registres paroissiaux). Parmi les autres enfants du marquis, il faut citer. encore Charles-Jean, né à Lanoverte le 9 août 1661, page du Roi en 1680, auteur de la branche actuellement existante des Goezbriand ; Julien-Joseph, page de la Dauphine en 1682 ; Marie-Anne, née à Lanoverte le 1er septembre 1671, abbesse de Kerlot en 1715 ; Corentin-Louis, baptisé le 13 novembre 1674, dont la marraine fut Louise-Renée de Penancoët de Kerouazle, plus tard duchesse de Porsmouth et favorite du roi d'Angleterre Charles II. (Registres paroissiaux).

Le marquis de Goezbriand est mort à Paris, en 1718, dans son hôtel de la rue des Rosiers. En 1705, son fils Louis-Vincent, gendre du contrôleur général Desmarets, l'avait fait enfermer par lettre de cachet, sous prétexte de débauches et de prodigalités, au château de Pierre-Encise, près Lyon ; il y resta dix ans, jusqu'à la mort de Louis-XIV. Exténué de fatigues et de privations, l'infortuné vieillard se plaignait un jour à son geôlier. — « Ah vraiment ! répliqua durement celui-ci. Si je vous traitais comme on me l'a ordonné, vous auriez encore bien plus sujet de vous plaindre » [Note : Buvat — Journal de la Régence]. — Pendant ce temps, Louis-Vincent de Goezbriand, mauvais fils, mais vaillant homme de guerre et lieutenant-général des armées à 40 ans, se couvrait de gloire aux sièges de Toulon (1707) en forçant à la retraite le duc de Savoie et le prince Eugène, et d'Aire (1710) où il tint l'ennemi en échec, pendant deux mois de tranchée ouverte, fondit son argenterie pour payer les Suisses qui refusaient de combattre et ne capitula que sur l'ordre exprès de Louis XIV, lequel le récompensa par l'octroi du cordon-bleu et la charge de grand-bailli de Verdun. Au sacre de Louis XV, en 1722, le marquis de Goezbriand fut l'un des quatre gentilhornmes admis à porter le dais au-dessus du monarque. Alors âgé de 63 ans, il résidait à Paris, et ne dut faire à Lanoverte que de brefs et rares séjours, car les registres paroissiaux ne contiennent pas une seule fois sa signature. Pourtant, c'est en Bretagne qu'il mourut, à son château du Guermorvan en 1744. Son fils unique Louis-Vincent, marquis de Goezbriand et de Lanoverte, maréchal de camp en 1737, ne laissa de son mariage avec Marie-Rosalie de Châtillon que trois filles dont la dernière, Louise-Pulchérie Gabrielle, héritière de ses sœurs décédées sans postérité, épousa en 1744 Joseph-Jean-Baptiste de Suffren, marquis de Saint-Tropez, frère aîné du célèbre bailli de Suffren.

M. Gabriel Michel, de la ville de Nantes, l'un des directeurs de la Compagnie des Indes et trésorier-général de l'artillerie et du génie, acquit vers 1766 le fief de Coatcoazer, comprenant la terre de Lanoverte et ses dépendances, qui passa à l'une de ses filles, Gabrielle Michel, mariée au marquis de Lévis, et fut saisie nationalement pendant la Révolution. Les démarches du citoyen Beaumont, homme d'affaires à Morlaix, firent lever, en ventôse an VIII, le séquestre mis sur les biens de « la citoyenne Lévis », à laquelle on rendit « les maisons de Lanoverte et du Passage ». Le vieux château des Goezbriand n'est plus aujourd'hui qu'une ferme sombre et triste, dans son enceinte de murailles croulantes.

(Louis Le Guennec).

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