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La paroisse de Plouër-sur-Rance durant la Révolution.

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Renseignements Ecclésiastiques. — Plouër, cure du diocèse de Saint-Malo, sous le patronage de Saint Pierre et Saint Paul, relevait autrefois de l’archidiaconé de Dinan, auquel avaient été annexés l'an 1280 les revenus de l'église de Plouër. Cette union, effectuée par l'évêque Simon de Cliçon (cf. G. de Corson : Pouillé, etc., t. I, p. 660), durait encore l'an 1330 (Longnon : Pouillés de Tours). Au XVIIIème siècle et longtemps auparavant, Plouër dépendait du doyenné de Poudouvre, dont le siège était fixé à Saint-Enogat depuis 1386.

Le recteur de Plouër était, lors de la Révolution, réduit à la portion congrue. D'après sa déclaration du 26 février 1791, son revenu consistait en une pension de 700 livres, « plus la jouissance d'une maison presbytérale nouvellement acquise et encore incomplète, une petite cour et un jardin qui s'y trouvaient joints ; un autre petit jardin potager situé au lieu de l'ancien presbytère, et un petit verger proche le jardin de la Souhaitié ».

Le seigneur de Plouër, en l'espèce, lors de la Révolution, M. le comte de la Haye, était, à quelques dimereaux près, le décimateur de la paroisse. A ce personnage, appartenaient aussi les honneurs et prééminences dans l'église.

« L'église, nous apprend le Pouillé de Mgr. de la Bastie, possède un chœur fort beau. La sacristie est fournie d'ornements. L'on voit encore présentement dans cet édifice, entre autres statues de bois, celles de Saint Laurent, de Sainte Ursule et de Sainte Marguerite ». Quant au presbytère, il était avant la Révolution « passable, mais fort éloigné de l'église ».

En 1791, les travaux de reconstruction de la tour de l'église de Plouër se trouvaient commencés depuis quelque temps, et la municipalité de cette paroisse demandait alors l'autorisation de contracter pour leur achèvement un emprunt de 3.760 livres, mais l'ingénieur des Ponts et Chaussées, Lemaistre-Beaugrand, envoyé par le district de Dinan expertiser les travaux restant à faire, dressa un devis se montant à 4.787 livres (Cf. Archives des Côtes-d'Armor, série Q, liasses non cotées, églises et chapelles).

Toujours d'après le Pouillé que nous utilisons, la fabrique de Plouër possédait vers 1760, environ 100 livres de rentes que lui rapportaient des fondations, plus 20 livres de revenu que lui valait « un fief, lequel, paraît-il, n'était pas trop en règle », plus 9 mines de blé, payables par le seigneur de la terre de Plouër, pour un autre fief qu'on lui avait cédé. Cette cession remontait au 21 juin 1587, date à laquelle la fabrique de Plouër avait consenti à la suppression d'une dîme qui se levait à son profit sur les terres du seigneur de Plouër, en échange de 72 boisseaux de grains, tiers blé, tiers avoine et tiers seigle que lui faisaient remettre chaque année les seigneurs de Plouër. Notons aussi qu'en 1806 les héritiers de feu Mathurin Le Monnier étaient poursuivis en justice à fin de paiement d'une rente de 17 décalitres de grains, assise sur diverses pièces de terre comprises dans la champagne de l'Isle, et qui avaient été argentées au profit de l'église de Plouër en vertu d'un testament du 18 septembre 1734.

Rien d'étonnant après cela si le total des recettes de la fabrique de cette paroisse s'élevait en 1742 à 485 livres 18 sols et ses dépenses à 409 livres seulement. Il faut aussi noter que plusieurs prestimonies d'une certaine importance se desservaient alors en l'église de Plouër, entre autres celle de Bertrand Sauvage, dont les messes se célébraient à l'autel de la Sainte Vierge, et pour laquelle l'abbé Louis Fouace avait obtenu le visa le 2 août 1777.

Le Pouillé de la Bastie mentionne aussi à Plouër deux chapelles frairiennes, dont l’une bâtie sur la terre de Montp!aisir et l'autre dont il tait le nom. Il signale en outre trois chapelles domestiques fondées en messes : celle du château de Plouër, placée sous l'invocation de la Sainte Vierge, avait un chapelain attitré. La chapelle de Saint-Lunaire des Vœux était dans le même cas ; elle servait encore en 1806 de chapelle domestique à M. Louis de Séré. D'après la déclaration de 1728, elle pouvait valoir alors 56 livres de revenu. Le chanoine Mathurin, dans sa Vie de Saint Lunaire, précitée, a consacré les pages 53-54 de ce volume au culte dont ce vieux saint breton était autrefois l'objet dans ce sanctuaire vénérable. Les Anciens Registres d'Etat-Civil de Plouër publiés par M. du Guerny nous apprennent aussi, à propos d'un mariage, l'existence en 1656 de la, chapelle des Illeaux, et, en 1742, l'existence de celle du Ponthail. En 1808, Mgr. Cafarelli sollicitait du gouvernement impérial l'autorisation de rendre au culte cette dernière, ainsi que Saint-Lunaire des Vaux et Notre-Dame de la Souhaitié, laquelle est encore aujourd'hui un lieu bien connu de pèlerinage. Voici, d'après le Répertoire Archéologique des Côtes-du-Nord, de G. du Mottay, une inscription relevée sur les murs de ce sanctuaire, qui nous renseigne sur la date de construction de cet édifice « L'an 1670 fut bâtie — par Mre Pierre Thoreau — sieur recteur de Plouër ». Lors de la vente de cette chapelle comme bien national le 20 août 1810, on la dit longue de 13 m. 90 et large de 6 mètres. Elle possédait un autel entouré de balustrades, un confessionnal, deux petites armoires et quelques petits bancs. En raison de son mauvais état d'entretien, elle ne fut prisée qu'à 200 francs. Le notaire Gaudrion, son acquéreur, en fit don en 1817 à la fabrique de Plouër.

A la même date que Notre-Dame de la Souhaitié fut vendue la chapelle du Port-Saint-Hubert. Elle mesurait, écrit-on, 7 mètres sur 6 m. 20, mais elle était alors totalement ruinée, si bien qu'elle ne fut prisée que 50 frs. au moment de son adjudication.

Quatre religieuses, dont nous n'avons pas retrouvé la désignation plus exacte que celle de Filles de la Charité ou Sœurs grises, et qui étaient peut-être des Filles de Saint-Vincent de Paul, avaient été installées à Plouër par M. le comte Pierre de la Haye-Plouër, en vue de l'instruction des enfants et du soin des malades, par contrat passé à Paris devant les notaires du Châtelet le 4 avril 1707. M. de la Haye constitua à cet effet un capital de 10.000 livres. Son frère, le chanoine Vincent de la Haye, y ajouta le 16 novembre 1709 une rente de 240 livres, laquelle devait être consacrée à fournir gratuitement des médicaments aux malades pauvres. (Cf. Abbé Manet : Biographie des Malouins célèbres, in-8, Saint-Malo, 1824, p. 275-276).

D'après le Pouillé de la Bastie, ces religieuses disposaient vers 1760 d'environ 300 livres de rentes, « sans compter ce qui revenait à la sœur trésorière pour la marmite des pauvres ». Leur supérieure s'appelait en 1792 soeur Jeanne-Marie Devienne ou Derienne, ou, selon d'autres documents, Jeanne-Marie Dorgueil.

Leur maison d'habitation, sise au bourg de Plouër, se composait d'une cuisine et de deux salles au rez-de-chaussée, deux chambres au-dessus avec grenier, cave, caveau, jardin clos de murs vers midi, cour close vers le nord avec puits, pressoir, cellier et « volaillerie », plus un bâtiment appelé l'école et un cabinet à pansements, l’ensemble pouvant contenir 18 cordes. Expertisés le 7 septembre 1793, ces immeubles furent achetés le 10 mai 1794 par Mathurin Collichet, greffier de la justice de paix de Plouër, et payés par lui en réalité 1.432 frs. (Cf Dubreuil : La Vente des biens nationaux, etc., p. 115).

Auparavant, l'inventaire du mobilier de ces religieuses avait eu lieu le 30 janvier 1793. Il s'éleva à 1.480 l., mais la vente qui suivit le 20 janvier 1794 ne produisit que 1.238 l. 2 s. seulement.

Voici quelles étaient les autres propriétés ecclésiastiques qui furent alors liquidées à Plouër en exécution des lois révolutionnaires : Une maison, jardin, courtil et verger sis au village de la Geôlais, ainsi que deux pièces de terre, l'une dans le champ Rebillard, l'autre dans le champ de l'Isle, furent achetées par Jean Caharel le 29 juillet 1791. La totalité de ces biens provenait de la prestimonie de la Geôlais. — Le Clostel, mesurant 46 cordes, situé près du village de la Gesvais, fut estimé 330 l. et vendu 400 à Joseph Roger le 12 décembre 1791, — Une pièce de terre située dans la champagne de l'Isle, fut acquise par Alain Beaudouard le 13 avril 1791. Un terrain dans la champagne des Champs-Lauche, un autre dans les champs de la Gourhannière et un clos derrière la Croix-Gicquel furent adjugés à Gilles Guérin le 20 juillet 1791. Ces cinq pièces provenaient de la prestimonie Bertrand Sauvage. — Le même Gilles Guérin acquit encore à cette même date le clos de la Soitié et le clos et la prée de la Planche-Launois.

Enfin, un terrain clos de murs, situé derrière le presbytère, fut acheté par Joseph Coupeaux pour 2.550 l. le 13 février 1793. Cependant, toutes les propriétés ecclésiastiques de l'église de Plouër ne furent pas aliénées à cette époque, et nous lisons dans Dubreuil : La Vente, etc., p. 607, que 14 pièces de terre, d'un revenu cadastral de 134 frs. 65, qui n'avaient pas été vendues, furent restituées par le gouvernement de Napoléon à la fabrique de Plouër.

Le 24 août 1794, les vases sacrés et l'argenterie de l'église de cette paroisse furent expertisés à Dinan avant d'être envoyés aux ateliers de la Monnaie. Nous relevons sur l'inventaire qui fut rédigé à cette occasion : « une croix de procession, un encensoir et sa navette, un pied de ciboire et son couvercle, quatre pieds de calice et deux fausses coupes, le couvercle d'une petite custode, une boîte à saintes huiles garnie de deux petites ampoules, l'ensemble pesant 27 marcs, 3 onces, 3 gros d'argent blanc. Le marc d'argent égalant 244 grammes 72 centigr. et valant 8 onces ; l'once égalant 30 grammes et valant 8 gros ; le gros valant 3 grammes 82.

Une autre croix, un autre encensoir et sa navette, un plateau et deux burettes, pesant ensemble 16 marcs, 4 onces, 7 gros d'argent blanc. Un calice, quatre coupes de calice, cinq patènes, deux coupes de ciboire, une petite custode, la coupe d'une autre petite custode, un croissant, pesant ensemble 7 marcs, 5 onces, 6 gros et demi d'argent doré, auxquels il faut ajouter 4 marcs 5 gros de galon d'argent décousu des ornements et 9 marcs 6 onces de galon d'or ».

Le presbytère de Plouër fut loué à des particuliers le 19 août 1794.

Sous l'Ancien Régime, Plouër était rattaché pour la station des prédications avec Trigavou et Pleslin. Ses jours d'adoration avaient été fixés par Mgr. des Laurents du 5 au 7 février de chaque année.

Non seulement le projet de réorganisation paroissiale de 1792 conserva Plouër, mais encore il y annexa la localité voisine de Langrolay.

Le sous-préfet Gagon rendait compte le 3 février 1802 « que l'église de Plouër - était en assez bon état, moins quelques vitrages et la couverture du clocher à faire presque en entier. Il existe, ajoute-t-il, en cette commune, des chapelles appartenant à des particuliers qui les font desservir les jours de fête et de dimanche, tant pour eux que pour la commodité du public ».

 

CLERGÉ. — D'après nu projet de Pouillé conservé aux Archives de la Ville de Saint-Malo sous la cote GG 292, il existait à Plouër, vers 1730, huit prêtres, résidant et célébrant leurs messes dans cette paroisse. Leur nombre avait diminué en 1790. C'étaient MM. : JULIEN GUÉRIN, recteur, né à La Baussaine, dans le canton actuel de Tinténiac (l.-et-V.), le 13 avril 1739, du mariage de Mathurin et de Marie Longlé. Il obtint une bourse pour faire son Séminaire à Saint-Servan chez les Lazaristes, lesquels le jugèrent « grave et réservé, studieux, sachant passablement son chant, ayant du goût pour les cérémonies et passant de bons examens ». Ailleurs, nous voyons qu'ils le notent comme « doué de bon sens, donnant de bonnes espérances, mais caractère sombre et caché ».

Ordonné prêtre le 23 septembre 1764, M. Guérin devint quelque temps après vicaire à Plouër avec son compatriote M. Toussaint Vétier [Note : M. Vétier avait succédé à M. Henry Jamet, décédé le 4 mai de cette même année, âgé de 86 ans. On trouve celui-ci recteur dès 1741. Quant à M. Vétier, il devint recteur de Plélan-le-Grand l'année même de son départ de Plouër. Il y refusa le serment, et, raconte G. de Corson, il disparut au cours de la tourmente révolutionnaire]. Celui-ci, qui avait obtenu cette paroisse au concours le 11 août 1773, n'étant que simple chapelain à Tinténiac, lui résigna son rectorat en cour de Rome, et, le 3 septembre 1777, M. Guérin prit possession de sa cure à l'âge de 38 ans.

Comme tel, M. Guérin se dévoua de toutes ses forces au cours de la terrible épidémie de dysenterie qui, en 1780, emporta près de 300 personnes dans sa paroisse.

Après la promulgation de la Constitution Civile imposée à l'Eglise de France, M. Guérin, ainsi que tout le clergé de Plouër, se refusa à prêter le serment, et dès le 10 avril 1791, la municipalité de cette paroisse le dénonçait au district de Dinan pour avoir lu en chaire un bref du Pape au cardinal Loménie de Brienne et l'avoir ensuite commenté. Les autorités du district, après enquête, et sur l'aveu par l'abbé Guérin du fait incriminé, le dénoncèrent à leur tour au Tribunal de Dinan, dont les juges ouvrirent le 27 mai de cette année une procédure criminelle contre cet ecclésiastique et l'abbé Le Moinne, son vicaire, ainsi que M. Mettrye, prêtre de Plouër « tous les trois accusés d'infraction aux lois constitutionelles » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 13).

Mais les événements se précipitaient : aux termes de la loi, M. Guérin, sur son refus de s'assermenter, devait être remplacé dans sa cure de Plouër, et, les 21 et 25 mai 1791, les administrateurs des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) pressaient leurs collègues du district de Dinan de procéder au plus vite aux élections de MM. les Curés. En conséquence, le 13 juin suivant, l'ex-Père Hercouet, dont nous avons déjà parlé, fut élu curé de Plouër par 23 suffrages sur 35 exprimés, au lieu et place de M. Guérin.

L'installation de l'intrus devait avoir lieu le dimanche 3 juillet. Ce jour-là, « MM. Guérin et Le Moinne, après avoir célébré la messe aux 6 et 9 heures, se retirèrent, laissant ouverts les tabernacles, tant celui du grand autel que celui du Rosaire, ainsi que le saint ciboire et l'ostensoir sans hosties. Ils avaient aussi pris soin de dégarnir les autels et d'ôter les cierges des chandeliers. Les boîtes à saintes huiles se trouvaient vides et les bénitiers sans eau bénite ». Le pain à chant (indispensable pour célébrer la messe), avait disparu. Quant au sacristain, suivant les termes du rapport officiel, il avait cru lui aussi devoir « affecter de s'absenter ». (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 18).

L'ex-supérieur des Cordeliers dut sans doute se trouver désagréablement impressionné par l'aspect nu et désolé de sa nouvelle église dépouillée de ses ornements comme un jour de Vendredi-Saint, mais il se garda d'en laisser rien paraître et débita aux gardes nationaux convoqués pour lui faire escorte un pathétique discours sur le bonheur des élus. Cependant, le surlendemain, au milieu du silence de la solitude que l'on s'appliquait à créer autour de lui, Hercouet, se sentant incapable de lutter d'influence avec le clergé qu'il venait remplacer, prit peur et adressa aux administrateurs du district de Dinan une dénonciation en règle, à la fin de laquelle il réclamait l'envoi de garnisaires à Plouër pour amener à résipiscence les plus récalcitrantes de ses ouailles.

Il s'y plaignait en particulier « de la conduite des anciens recteur et curé, qui, disait-il, parcouraient sans cesse la paroisse du centre aux extrémités, portant avec eux la torche du fanatisme, de connivence avec la gens, dite bonnes soeurs, et les demoiselles Des Saudrais et... De plus, ajoutait-il encore, ces prêtres se rassemblent pour célébrer la messe à la chapelle du port (St- Hubert) où se reunissent autour d'eux la majeure partie des habitants du bourg » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 18).

Devant les doléances d'Hercouet, les administrateurs du district ne demeurèrent pas inactifs. Dès le 6 juillet 1791, ils avisaient la municipalité de Plouër de l'envoi d'un détachement de 30 hommes que celle-ci devra faire loger chez ceux des habitants les plus entêtés à ne pas vouloir reconnaître le nouveau curé. En outre, un commissaire civil, Pierre Le Masson, sieur du Vaubruaud, en Ploubalay, châtelain de la Brousse, en Saint-Pôtan, et l'un des membres du directoire du District de Dinan, accompagnait cette troupe avec la mission d'arrêter le recteur Guérin. Celui-ci se trouvait en effet à la fois sous le coup d'un ajournement personnel, à comparaître devant le Tribunal de Dinan pour infraction aux lois constitutionnelles, et d'autre part il n'avait pas obtempéré à l'arrêté du Département du 18 juin précédent, aux termes duquel il était tenu de s'éloigner de la paroisse de Plouër « à une distance d'au moins six lieues ».

En conséquence, l'abbé Guérin se vit appréhender au corps chez « les soeurs grises » où il s'était retiré, pour faire place à Hercouet, et emmené à Dinan. Mais de se voir traiter comme un criminel n'abattit point l'énergie du vaillant pasteur de Plouër, et, comme plusieurs de ses zélées paroissiennes lui témoignaient tout le regret qu'elles ressentaient de le voir traité de la sorte : « Ne vous affligez point, leur répondit-il, mais persister dans vos sentiments et faites toujours ce que je vous ai dit ».

Le soir du 6 juillet, jour de son arrestation, M. Guérin arriva à Dinan, où, sur l'ordre du District, on le conduisit au Château puis, réflexions faites, les autorités décidèrent de lui permettre de se loger pour la nuit dans une auberge à son choix. C'est là que le lendemain matin, deux gendarmes nationaux vinrent le prendre pour l'escorter jusqu'à Saint-Brieuc, où il dut payer, une fois rendu, 28 livres pour frais de conduite à ses deux compagnons de voyage. Au chef-lieu du département, M. Guérin dut, par ordre, habiter au Séminaire, alors presque désert, les élèves ayant abandonné en masse les cours des professeurs schismatiques installés par Jacob.

Durant ce temps, les autorités du District de Dinan adressaient le 11 juillet à la municipalité de Plouër l'injonction d'empêcher les habitants d'assister à la messe dans les chapelles particulières, ainsi que l'ordre d'obliger les nombreux prêtres habitués qui résidaient alors dans cette commune, à s'en éloignier au plus vite, afin que le curé Hercouet, débarrassé de tout obstacle, put enfin régir en paix son indiscipliné troupeau.

Mais imposer dans les âmes la confiance à coups de décrets a toujours été chose difficile. Le recteur Guérin se trouvait pour l'instant renfermé au Séminaire, le vicaire Le Moinne se tenait caché. Le reste du clergé de Plouër avait dû se disperser de tous côtés : cependant la situation d'Hercouet ne s'en trouvait pas raffermie davantage, et l'intrus n'en coulait pas dans son nouveau poste des jours plus heureux. La majorité de ses ouailles refusait obstinément de s'adresser à lui, aussi bien pour les sacrements de baptême et de mariage que pour les sépultures, préférant ne pas voir enregistrer ces actes qui constituaient alors tout l'état-civil des Français, plutôt que de communiquer in divinis avec un excommunié.

Du reste, quand ils en trouvaient l'occasion, les Plouërais ne manquaient pas d'exprimer avec véhémence à leur pseudo-pasteur la profonde mésestime où ils tenaient sa personne. Si nous en croyons la déposition du soldat Waledad, du 36ème régiment d'infanterie (ex-régiment d'Anjou), le 15 août 1791, à l'occasion de la procession traditionnelle au sanctuaire vénéré de Notre-Dame de la Souhaitié, bon nombre d'habitants de Plouër affichèrent en face du cortège une attitude nettement hostile. Non seulement les hommes refusèrent de se découvrir sur le parcours de la procession, mais ils joignirent leurs clameurs à celles des femmes, qui traitaient le malheureux Hercouet de « loup-garou, de vilain juroux, de serpent dévorant, de scélérat et de coquin ». Une des plus excitées à pousser des imprécations contre le curé s'appelait Catherine Roussel, et les « patriotes » présents durent l'arrêter pour lui imposer silence.

Cependant, les juges de Dinan instruisaient l'affaire de M. Guérin, et le 2 octobre 1791, cet ecclésiastique sollicitait du Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), l'autorisation de se rendre à la convocation de ce Tribunal, qu'on venait de lui signifier. (Archives des Côtes-d'Armor, Lm, 5, 20). Il est bien certain que l'abbé Guérin comparut devant ses juges, en même temps que M. Le Tulle, recteur de l'église Saint-Malo, cité lui aussi pour une semblable affaire ; mais nous ignorons quel en fut le résultat. Tout ce que nous savons, c'est que dès le 6 août, les autorités du District invitaient la municipalité dinannaise à faire repartir au plus vite pour Saint-Brieuc les deux prêtres en question, car, assurait-on, « un grand nombre d'habitants de Plouër et de Dinan sont déjà venus les visiter », preuve évidente que l'influence de l'abbé Guérin sur ses ouailles demeurait toujours aussi vive. Ainsi, pour faire cesser cette cause d'agitation dans les esprits, deux gendarmes, une fois de plus, reconduisirent dès le lendemain MM. Guérin et Le Tulle à Saint-Brieuc.

Jusqu’à quelle époque le recteur de Plouër dut-il demeurer par ordre pensionnaire au Séminaire briochin ? Jusqu'ici, nul document n'a pu nous l'apprendre. Nous croyons cependant que l'amnistie votée en septembre 1791, et dont nous avons déjà parlé, lui rendit sa liberté. M. Guérin s'en fut alors habiter à La Beaussaine, son pays natal, où il demeura jusqu'au 2 novembre de cette année, époque vers laquelle il revint à Plouër.

Hercouet n'y était alors pas plus accepté qu'auparavant. La paroisse avait dû loger, nourrir et payer un détachement de 42 hommes, tant gardes nationaux que soldats d'infanterie, qui y séjournèrent comme garnisaires du 18 juillet au 23 août 1791 ; mais cette sévère répression n'avait pas calmé les esprits, que le renouvellement de la municipalité surexcita encore étrangement au mois de novembre de cette année. (Cf. Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 23).

C'est du reste à Hercouet que s'en prenait toujours dans sa mauvaise humeur la population plouëraise, et le pauvre curé, incapable de comprendre la situation fausse où il s'était plongé dans un moment d'égarement, ne savait que raconter ses tribulations au District.

« S'il est vrai, lui répondait celui-ci le 18 novembre 1791, que l'on vous ait injurié et blasphémé lorsque vous alliez dimanche dernier administrer un malade, ainsi que vous nous l'annoncez dans votre lettre du 16, nul doute que vous ne soyez fondé à dénoncer à l'accusateur public les personnes qui ont eu la témérité de vous insulter ». Mais comme les administrateurs du District de Dinan prétendaient souvent que « pas une commune ne leur donnait plus de soucis que Plouër », ils achevaient leur réponse en exhortant Hercouet à la patience et en joignant à son adresse quelques paroles de réconfort.

De ces difficultés interminables, dont l'origine première était la loi néfaste qui instituait, pour le malheur de la France, la Constitution Civile du Clergé, le commandant révolutionnaire de la Garde Nationale de Plouër ne trouvait, le 28 novembre 1791, d'autre responsable à signaler « que le sieur Guérin, curé, son vicaire (Le Moinne), et les autres prêtres habitués qui, d'après lui, se répandent dans les villages, y sèment les divisions et se réunissent dans la maison des Soeurs de Charité pour y prendre des résolutions, de concert avec les deux Fouace, de Tréméreuc, qui viennent encore de se joindre aux autres prêtres .... » [Note : Le 26 mai de cette année, la municipalité de Plouër fit arrêter M. Hamon, de Landehen, ex-vicaire de Miniac, que l'on avait jugé suspect sur son costume et sur ses réponses].

Nous n'avons pas trouvé jusqu'ici de renseignements sur les faits et gestes de l'abbé Guérin au cours de 1792. Comme tous les ecclésiastiques à charge d'âmes, il fut atteint par la loi du 26 août de cette année, mais bien qu'inscrit le 14 juin 1793 sur la liste des Emigrés, il est certain cependant qu'il ne s'exila pas, et l'on possède au contraire la preuve qu'il se cachait à Plouër, au péril de ses jours, le 5 février précédent [Note : On fit en effet plusieurs fois à Plouër, au temps de la Terreur, des perquisitions fort sévères pour découvrir les malheureux proscrits. C'est ainsi que le 12 septembre 1793, le citoyen Lucas, ex-curé constitutionnel de Miniac-Morvan, mais alors commandant le 12ème bataillon de la Seine-Inférieure, en garnison au fort de Château-neuf, reçut des représentants du peuple Carrier et Pocholle, l'ordre de réunir une force armée de six cents hommes pour en diriger sans délai la marche sur Plouër et lieux environnants, « afin, disait l'arrêté, de mettre en arrestation tous les étrangers, et tous les prêtres réfractaires, qui s'y trouveront, les cy-devant nobles qui y résident et tous les gens suspects qui lui seront désignés ». En conséquence, dès le 18 septembre, l'ex-curé Lucas faisait conduire et incarcérer à Saint-Malo trente « fanatiques » arrêtés à Plouër, où des rassemblements suspects avaient été dénoncés par les Comités de surveillance de cette localité. (B. Robidou : Histoire et Panorama, IIème édit., page 378).].

Le 22 avril 1795, l'abbé Guérin écrivait pour obtenir « un passe » à Charles Beslay, agent national thermidorien près le District de Dinan, lequel lui répondit « en s'engageant à faire respecter la liberté des opinions et le plein exercice des cultes », pourvu que le recteur de Plouër « s'efforçât d'épargner à son pays les horreurs d'une guerre civile ». Lorsque la persécution se ralluma au mois de septembre de cette année, M. Guérin dut se cacher davantage, mais il ne quitta pas plus sa paroisse à cette époque que les années suivantes, car nous savons par un rapport officiel que « ce prêtre résidait à Plouër le 15 novembre 1797 depuis trois ans au moins. Après avoir obtenu un passe de l'agent national de Dinan, il s'en allait librement célébrer les offices depuis 1795. Il habitait alors chez Joseph Tranchemer, ainsi que chez Marie Le Gallais, au village des Guérets, et il exerçait le culte public dans la grange de Plouër » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 113).

Un autre rapport du mois de mai précédent, se bornait à constater que le recteur de Plouër habitait paisiblement une ancienne paroisse. (Archives Nationales, F 7, 7253, n° 8507). Dans une autre pièce un peu postérieure à fructidor an V, mais non datée, nous voyons que M. Guérin s'était fait délivrer un passeport le 20 septembre 1797 pour se réfugier en Espagne, et qu'il n'avait pas reparu depuis. « Il possède, ajoute-t-on, la confiance des femmes et des filles. On ne peut lui reprocher qu'un zèle trop exalté, mais on ne dit pas que cela l'ait porté à faire aucun mal » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 121).

Du reste, à cette époque, les autorités municipales de Plouër protégeaient leur recteur, ainsi que les autres prêtres réfractaires de leur commune. On le savait en haut lieu, et par différentes fois les administrateurs du Département le leur reprochèrent sévèrement, mais sans résultat. Les Plouërais tenaient à leur pasteur et surent jusqu'à la fin le mettre à l'abri de tout péril. (Archives des Côtes-d'Armor, L 290, f° 128, et Lm 5, 104).

Le 11 mai 1800, M. Guérin, afin de se disculper de l'accusation d'émigration, pria la municipalité de Plouër de lui délivrer un certificat de continuelle résidence en cette localité. Sur la pièce qu'on lui remit à cet effet, nous relevons le signalement de cet ecclésiastique, lequel devait avoir fort bon air, si nous en croyons la description ci-dessous : « taille 1m. 74, visage ovale, menton fourchu, front haut et découvert, yeux bruns, nez aquilin, cheveux blancs ».

L'enquête de Boullé est défavorable à ce prêtre et le note « brouillon, caractère dur et pécunieux, à renvoyer dans son diocèse ». Mais Mgr. Cafarelli, fixé par d'’autres voies sur le compte de M. Guérin, le rétablit officiellement à Plouër dans ses fonctions rectorales le 16 janvier 1804. Il mourut dans cette paroisse le 17 avril suivant, quelques jours avant la date fixée pour la cérémonie de la prestation du serment de fidélité à Bonaparte.

Voici l'épitaphe aujourd'hui disparue que l'on plaça sur sa tombe : Cy-git d'un vrai pasteur, le plus parfait modèle, - De la foi catholique, inébranlable appuy. - Tout atteste en ces lieux sa charité, son zèle. - Puisse ce monument étre digne de luy.

FRANCOIS–JOSEPH LE MOINNE, vicaire, était né à la Ville-Aubault, en Pleslin, le 28 juillet 1757, du mariage de Julien et de Françoise Bouvier. Ses parents, qui jouissaient d'une petite aisance, lui assurèrent son titre clérical le 2 octobre 1780, et, après d'assez médiocres études théologiques faites à Dinan, il reçut la prêtrise à Saint-Méen le 20 septembre 1783. Après avoir fait quelques campagnes à Terre-Neuve comme aumônier, M. Le Moinne fut nommé vicaire à Plouër le 14 janvier 1788. Il refusa comme tel de s'assermenter et fut remplacé dans ses fonctions par l'ex-bénédictin Bourreau de Chavigny, dont on trouvera plus loin la biographie.

Nos lecteurs ont pu voir dans les pages précédentes combien l'abbé Le Moinne fut mêlé aux luttes que soutint son recteur contre l'introduction du culte des constitutionnels à Plouër. Après la loi du 26 août 1792, ce prêtre prit à Pleslin, le 10 septembre suivant, un passeport pour s'expatrier.  Ce prêtre séjourna quelques mois à Jersey. (Cf. Manuel pour l'étude de la Persécution religieuse dans les C.-du-N., l, p. 144, op. cit., où nous reproduisons une lettre de cet ecclésiastique écrite de cette île).

On le cite aussi, sur un rapport de police en date du 15 novembre 1797, au nombre des « prêtres qui résident depuis longtemps à Plouër, mais cachés » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 113). Une autre pièce de la même époque parle de lui en ces termes : « On dit qu'il a fréquenté les chouans et perdu la confiance des gens de Plouër » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 121). Du reste, peu avant fructidor an V (septembre 1797), M. Le Moinne avait quitté Plouër sur l'ordre d'un des grands vicaires de Mgr. Cortois de Pressigny et s'en était allé travailler à Cancale (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 113), mais nous n'avons aucun renseignement sur le ministère de ce prêtre dans cette localité.

L'année 1800, M. Le Moinne s'en vint à Pleslin en qualité de curé d'office. L'enquête de Boullé le signale comme « résidant depuis deux ans dans cette paroisse, non déporté, ayant pris part aux troubles suscités dans son canton ». Ce prêtre fut proposé pour recteur de Mégrit en 1803, mais il décéda dans son pays natal le 26 juillet de cette même année, à l'âge de 46 ans. Chose à noter, les registres de l'état-civil de Pleslin ne mentionnent pas sa qualité de prêtre et, autre constatation curieuse à faire à son sujet : le père de l'abbé Le Moinne fut plusieurs fois molesté et pillé par les chouans, qui lui enlevèrent entre autres choses sa montre d'or, le 1er janvier 1796, l'accusant en la circonstance « d'avoir dénoncé son fils trois ou quatre fois au District » (Archives du Greffe du Tribunal de preinière instance à Saint-Brieuc).

En 1922, Plouër, avec ses dix prêtres originaires, présentait un chiffre à peu près équivalent de vocations sacerdotales à celui qu'il atteignait en 1790. Etaient en effet natifs de Plouër à cette époque, Messieurs :

ANDRÉ-JOSEPH JOURNEAUX, né dans cette paroisse le 2 novembre 1726 du mariage de Jean et de Perrine Guichard, étudia à Dinan, mais fit sa philosophie à Saint-Servan. On le note alors « de bonnes mœurs, bien doué quant au chant, mais médiocre à ses examens ». L'abbé Journeaux reçut la prêtrise le 17 mars 1755 et desservait lors de la Révolution la chapelle du château seigneurial de Plouër.

Malgré son refus de s'assermenter et les décrets du Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) en date du 10 septembre et du 1er décembre 1792, M. Journeaux ne s'exila pas à Jersey à la fin de cette année, et nous le trouvons à Plouër au mois de fructidor an V (septembre 1797), résidant au village de la Geôlais. On le note à cette époque : « homme simple, s'occupant de ses affaires domestiques et de son labour » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 121). Ces bons renseignements, du reste, n'avaient pas empêché le mobilier de ce prêtre d'avoir été vendu 169 livres au profit de la République, le 28 mai 1794, comme appartenant à un émigré.

Le 5 mai 1800, l'abbé Journeaux se présentait devant la municipalité de Plouër et déclarait vouloir élire domicile dans cette localité, « où, disait-il, il a toujours résidé et où il a toujours payé ses impôts ». Faut-il croire après cela que ce prêtre, en 1802, habitait la paroisse voisine de Saint-Samson, ainsi que le prétend le préfet Boullé dans son enquête ? Nous en doutons. Toujours est-il que ce document signale M. Journeaux comme « infirme ». Du reste, il était alors plus que septuagénaire et mourut dans son pays natal le 8 janvier 1811, âgé de 84 ans.

JEAN-BAPTISTE-PIERRE NICOLAS, né à Plouër le 3 décembre 1751, du mariage d'André et de Marie Penhouet [Note : L'abbé Julien Penhouet, prêtre, décéda au village du Bouillon, le 24 avril 1789, âgé de 62 ans], fit son cours au collège de Dinan, où nous le trouvons élève en 1769. Après des études théologiques plutôt faibles, il reçut la prêtrise à Saint-Malo le 23 septembre 1780, et, lors de la-Révolution, il desservait, dit Guillotin de Carson, l'une des chapellenies de la cathédrale de cette ville, ou plus vraisemblablement remplissait l'office de chantre dans cette église.

Son refus de s'assermenter contraignit l'abbé Nicolas à s'exiler. A la suite d'un arrêté du Département d'Ille-et-Vilaine obligeant tous les ecclésiastiques réfractaires de son ressort, à se retirer à Rennes, M. Nicolas obtint le 23 avril 1792 de la municipalité de Saint-Malo la permission de se réfugier à Jersey. Il figure comme résidant dans cette île en 1793 sur les listes de Gofvry et de Lefebvre d'Anneville. A la demi-pacification du printemps de 1795, M. Nicolas rentra en France et s'en vint demeurer au village du Bouillon, en Plouër. Un rapport de police l'indique comme ayant disparu après la publication de la loi du 19 fructidor an V. « On ignore, ajoute-t-on, où il est allé, ou si une terreur panique l'a fait se cacher. Il ne paraissait pas cependant sous le coup de la loi, la fonction de chantre (qu'il exerçait autrefois), n'étant pas considérée comme fonction publique » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 121).

Une colonne mobile qui reçut 50 livres pour cet exploit, arrêta l'abbé Nicolas à Plouër le 11 mai 1799, au domicile de Véronique Delaforge, qui lui donnait l'hospitalité. Dès le surlendemain, l'administration centrale des Côtes-du-Nord condamnait ce prêtre à la déportation comme insermenté. M. Nicolas arriva à l'île de Ré le 31 mai 1799, d'après Manseau ; mais cet auteur n'indique pas sa date de libération. Quant à Véronique Delaforge, on l'arrêta en même temps que l'abbé Nicolas. Conduite aussitôt à Saint-Brieuc, nous savons qu'une instruction était ouverte contre elle le 8 juin 1799 pour avoir donné asile à un prêtre réfractaire.

Dès avant la réorganisation officielle du culte, M. Nicolas, avec l'assentiment de ses supérieurs, s'était fixé au Plessis-Balisson, infime localité, riche surtout de souvenirs. L'enquête de Boullé l'y signale comme « un bon prêtre, ayant une belle voix ».

Après beaucoup de difficultés, car le gouvernement consulaire ne voulait pas conserver cette commune comme paroisse à cause de son exiguité, Mgr. Cafarelli désigna l'abbé Nicolas en qualité de recteur du Plessis, le 9 juin 1804. Quand, après de brûlants débats, le Plessis-Balisson cessa de compter comme centre religieux, et fut réuni à Languenan pour le culte, par ordonnance de Mgr. Cafarelli, adoptée par le Préfet des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) et approuvée par décret impérial daté du 28 juillet 1805, son recteur ne jugea pas devoir reprendre du ministère et se retira dans son pays natal. Il y mourut prêtre habitué dans sa maison, au village de la Guéraudais, le 1er février 1811. (Cf. Archives des Côtes-d'Armor, L, 166, f° 116 ; L 290, f ° 126 et 156).

JEAN-MATHURIN SAUVAGE, naquit à Plouër le 20 décembre 1751, du mariage de Mathurin et d'Angélique Coupeau. On le note durant son Séminaire comme possédant « peu de voix, mais sachant un peu son chant, assez bon à ses examens ». Il reçut la prêtrise le 19 septembre 1778. Dès le 10 novembre 1779, M. Sauvage obtint le visa pour la prestimonie de la Geôlais, naguère fondée par le prêtre Jacques Frémin, et il continua de la desservir jusqu'à ce que la Révolution vint, en 1790, faire table rase des pieuses volontés des fondateurs.

N'ayant pas voulu s'assermenter, et las des vexations qu'il lui fallait subir, M. Sauvage passa à Jersey par Saint-Malo le 11 juillet 1792. Il fut cependant, malgré son départ, décrété d'arrestation par le Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) le 30 août suivant, ainsi que MM. Rouault, Foucher et Journeaux, sur une pétition de 20 citoyens actifs de Plouër dont il est fâcheux qu'on ait perdu les noms. (Archives des Côtes-d'Armor, L 161, f° 87).

L'abbé Sauvage figure sur les listes du vicaire général Gofvry comme ayant séjourné à Jersey en 1793, et son mobilier fut vendu comme propriété d'un déporté le 1er juin 1794. Nous ignorons la date de sa rentrée en France, mais il ne figure pas, en tout cas, parmi les ecclésiastiques en résidence à Plouër au mois de septembre 1797.

Ce prêtre habitait sa paroisse natale en 1802 et fut envoyé comme curé d'office de Tréméreuc au mois de mai 1803. Il fut même un instant désigné comme recteur de cette paroisse, où il demeura jusqu'au mois de juin 1804. Il vécut ensuite à Plouër en qualité de second vicaire et y mourut au village de la Pommeraye, âgé de 66 ans, le 9 octobre 1817.

PIERRE-JOSEPH FOUCHER était né à Plouër le 22 mars 1752, du mariage de Jean et de Calixte Durand. Nous savons par ses notes de Séminaire, qu'il fit gratuitement celui-ci à Saint-Servan, passa d'assez bons examens et possédait alors « un peu de voix et de chant », en même temps qu'on le jugeait « très pieux et très appliqué ».

Ordonné prêtre à Saint-Méen le 20 septembre 1777, M. Foucher était vicaire à Cancale en 1790, lorsqu'il refusa de s'assermenter et fut, en conséquence, déclaré déchu de ses fonctions par le District de Saint-Malo, le 6 mai 1791. Nous n'avons pas trouvé son nom parmi les prêtres exilés à Jersey. Par contre, il figure en septembre 1797, sur une liste de prêtres alors signalés comme cachés à Plouër (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 111). C'est du reste devant la municipalité de cette commune que ce prêtre déclara, le 5 mai 1800, vouloir fixer son domicile au village de la Rusais, lieu habituel de sa résidence. Boullé, dans son enquête, note l'abbé Foucher comme « bon, doux et de bonnes moeurs ». Cet ecclésiastique mourut au village de la Rusais, en Plouër, le 17 mars 1805, âgé de 53 ans. Le nécrologe de l'évêché le qualifie « vicaire de Plouër ».

PIERRE-JOSEPH ROUAULT, du village de la Toize, naquit à Plouër le 19 décembre 1753 du mariage de Pierre et de Thérèse Motreuil. Ordonné prêtre le 20 septembre 1780, après d'assez faibles études théologiques, il desservait lors de la Révolution la chapelle de Saint-Lunaire des Vaux-Plumoison, dans sa paroisse natale. M. Rouault fut élu procureur de sa commune en 1790.

Bien qu'insermenté décrété d'arrestation le 30 août 1792, puis atteint par l'arrêté général de déportation rendu le 1er décembre suivant par le Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), M. Rouault ne figure sur aucune liste de prêtres exilés à l'étranger. La correspondance de l'agent national Charles Beslay mentionne au contraire sa présence à Plouër au printemps de 1795. Un rapport de police nous apprend aussi que lors des lois de fructidor an V, il continuait de résider au village de la Toize, en la localité précitée, « s'occupant de ses affaires domestiques ». Nous savons par ailleurs qu'il s'y trouvait encore le 5 mai 1800, ainsi qu'en 1803.

D'après un renseignement que nous a obligeamment fourni M. l'abbé Alfred Carré, vicaire à Plouër, M. Rouault mourut dans cette localité le 21 août 1828, âgé de 74 ans. On lui donne, sur son acte de sépulture, le titre de vicaire.

JEAN-BAPTISTE METTERYE, du village de Galienne, naquit à Plouër le 18 avril 1766, du mariage de Pierre et de Jeanne Josselin. On le note au Séminaire comme très pieux, très studieux et répondant bien. M. Metterye fut tonsuré le 26 septembre 1786 et reçut la prêtrise à Saint-Méen le 29 mai 1790.

Nous le trouvons décrété de poursuites en même temps que M. Guérin, son recteur, le 29 mai 1791, sous l'accusation d'infraction aux lois constitutionnelles (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 13).

Cet ecclésiastique figure sur la liste des prêtres signalés à Jersey en 1793 par l'abbé Lefebvre d'Anneville. Un rapport de police parle de l'abbé Metterye, en septembre 1797, comme vivant à cette époque en Portugal.

Là s'arrêtent nos renseignements sur son compte. Il est probable que ce prêtre décéda en terre étrangère au cours de la Révolution.

Etaient encore natifs de Plouër : MM. François Beaudouard, dont nous parlerons à l'article Trigavon ; Joseph-Louis Fouace, et Germain-Marie, son frère, recteur et vicaire de Tréméreuc, dont nous ferons les biographies à l'article de cette paroisse. M. Germain Fouace succéda à l'abbé Guérin comme recteur de Plouër le 9 juin 1804. Il trépassa en fonctions le 27 avril 1819, âgé de 52 ans.

Un rapport de police de septembre 1797, parle encore d'un « sieur DOUBLET, prêtre non assermenté, qui n'a pas paru au pays depuis la Révolution » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 121). Cet abbé Doublet, qui répondait aux prénoms de Jean-Alain, était né à Plouër le 29 novembre 1741, du mariage de Guillamne et de Germaine Le Loyat. Nous le trouvons noté au Séminaire comme « esprit médiocre, mais très appliqué, d'un bon caractère, sage, pieux, régulier ; grande, grosse et forte voix. ». On l'arrêta cependant lors de sa tonsure pour le punir « d'avoir montré trop de joye de sa réception ». Il reçut la prêtrise à Rennes par dimissoire, le 4 avril 1767. Cet ecclésiastique fut pourvu le 22 octobre 1784 de la cure de Saint-Briac, mais sa nomination fut ensuite rapportée. « Au commencement de la Révolution, il se retira à l'Hôtel-Dieu de Saint-Malo, où il remplit l'office de chapelain, mais un ordre de la municipalité de cette ville lui enjoignit le 21 mars 1793 de cesser toutes fonctions et de se rendre à Rennes. Doublet pour éviter d'être incarcéré, disparut à cette époque, demeura caché tout le temps de la Terreur et fut inscrit sur la liste des émigrés. Le 12 germinal an III (1er avril 1795), il se présenta devant l'agent national du District de Saint-Malo. Suivant la loi du 3 ventôse précédent et l'arrêté des représentants Guezno et Guermeur du 6 germinal, il déclara qu'il indiquait pour lieu de son domicile la commune de Saint-Malo. Le 28 messidor an III (16 juillet 1795) il signa avec les autres prêtres malouins la déclaration de soumission aux lois purement civiles de la République conformément à celles des prêtres rennais. (Arch. l.-et-V., L 441). Les ecclésiastiques ayant été à nouveau inquiétés, l'abbé Doublet fut encore obligé de se cacher. Il trouva alors asile rue Vicairie, chez la citoyenne Bonneville depuis le 13 ventôse an V (3 mars 1797) jusqu'au 16 floréal an VIII (6 mai 1800). Le 9 avril précédent, le général Bernadotte lui délivra une carte de sûreté. D'après les bons témoignages fournis sur sa personne, le préfet le fit rayer de la liste des émigrés le 16 septembre 1800 ». (Arch. Nat., F 7, 5153).

Vécut encore à Plouër au cours des mauvais jours, Joseph-Mathurin-Jean Coupeaux, né dans cette paroisse le 6 août 1775, au village de la Geôlais, de Jean et de Jeanne Journeaux. Ordonné prêtre le 22 septembre 1804, cet ecclésiastique devint recteur de Trigavou le 15 décembre 1814. Transféré à Pléneuf le 10 juillet 1817, il obtint dans cette paroisse un exeat pour sortir du diocèse. Le tableau du clergé conservé au presbytère de Plouër, l'indique comme décédé à Chambord, sans ajouter aucune autre indication à ce renseignement.

Parmi les prêtres étrangers à Plouër qui vinrent s'y cacher au cours de la Révolution, tout en y faisant du ministère, les auteurs du Diocèse de Saint-Brieuc, I, p. 242, mentionnent : Henri Le Bourgeois, que nous avons vu à l'article Saint-Hélen ; Jean-Marie Percevault, dont nous nous occuperons à propos de Langrolay ; René-Malo Sevin, recteur de Combourg, sur lequel on peut consulter les tomes V et VI du District de Dol de Delarue ; Joseph Gouillaud, natif de Bonnemain et vicaire de 1789 à 1792 à la Chapelle-aux-Filtzméens, lequel, d'après Guill. De Corson, passa une partie des mauvais jours caché dans sa paroisse, « où il rendit d'inappréciables services » (Voir Les Confesseurs de la Foi, p. 288). Cependant, un document classé F 7, 5167, aux Archives Nationales, mentionne que deux bateliers de Plouër transportèrent ce prêtre à Jersey le 16 septembre 1792, et L'Estourbeillon, déjà cité, signale à son tour sa présence dans cette île.

Guill. de Corson, aux pages 133 et 183 de ses Confesseurs de la Foi, précité, parle aussi de l'abbé René Simon, lequel était déjà chapelain de Sainte-Catherine, en Guitté, quand on lui conféra le 27 janvier 1789 le desservice de l'une des cinq chapellenies de la Costardais, en Médréac. Cet ecclésiastique, qui n'avait point prêté serment, s'exila en Angleterre, après le vote de la loi du 26 août 1792, mais il en revint trop tôt. Il trouva en effet « son bien vendu à son arrivée et fut bientôt obligé lui-même de se cacher. On le saisit dans la paroisse de Plouër, où il s'était réfugié, et il fut conduit à Rennes, incarcéré dans la prison de la Porte-Marat, il y tomba malade et décéda à l'infirmerie le matin du 12 nivôse an III » (1er janvier 1795). Si nous ne faisons erreur en l'identifiant, ce prêtre était né à La Chapelle-Chaussée le 3 juin 1743, du mariage de Julien et de Gillette Chantrel.

L'abbé Guillaume-Jacques Véron, recteur insermenté de Carfantain, près de Dol, éprouva aussi le même désagrément que M. Simon. Ce prêtre, déporté rentré, étant venu à Plouër le 22 août 1797, y fut arrêté le soir même de son arrivée et conduit à Saint-Servan. Heureusement pour lui que le vent était à l'apaisement à cette période, et le jury d'accusation de Saint-Servan le fit remettre en liberté. Un mois plus tard, on l'eut déporté à la Guyane. (Archives Nationales, F 7, 5289).

D'après le rapport de police conservé à la liasse Lm 5, 121, des Archives des Côtes-d'Armor, que nous avons déjà utilisée, résidait en septembre 1797, « par continuation au bourg de Plouër, chez le citoyen Eon », M. Yves-Charles Le Moigne, jeune prêtre nouvellement ordonné, originaire de Saint-Lunaire de Pontual, et fils d'Yves et de Guillemette Lefeuvre. Cet ecclésiastique, quoique simple acolyte du 18 septembre 1790 (Archives d'Ille-et-Vilaine, G 91), s'exila à Jersey avec les prêtres de sa paroisse, à la suite de l'arrêté pris le 15 avril 1792 par le Département d'Ille-et-Vilaine. Revenu en Bretagne, à une date que nous ne pouvons préciser, M. Le Moigne s'en fut à Paris se faire ordonner sous-diacre, diacre et prêtre du 10 au 18 juin 1797. Le 5 mai 1800, cet ecclésiastique, qui sans doute avait dû continuer d'habiter à Plouër, se présentait devant la municipalité de cette localité pour y faire sa déclaration de transporter désormais sa résidence à Saint-Lunaire.

Nommé recteur de cette paroisse en 1806, M. Le Moigne conserva ses fonctions jusqu'en 1821, date de son décès, lequel advint en la ville de Saint-Malo, nous fait savoir son compatriote M. le chanoine Bondon, du collège de Saint-Malo, que Dieu a rappelé à Lui le 14 octobre 1925.

 

CLERGÉ CONSTITUTIONNEL. JEAN-BAPTISTE-FRANÇOIS HERCOUET, curé, dont nous avons déjà dit quelques mots à l'article des Cordeliers de Dinan, était né dans cette ville le 13 novembre 1741. Son père, noble homme Louis-Jean, sieur de la Vigne, et capitaine garde-côtes, était d'origine lamballaise. Il s'était illustré en 1758, lors des descentes des Anglais à Saint-Cast et à Cancale, et refusa, dit-on, la croix de chevalier de Saint-Louis qu'on voulut lui décerner en récompense de sa bravoure, car il lui eut fallu renoncer à son commerce, qui lui procurait une grande aisance. Quant à sa mère, Suzanne Larcher, elle avait eu le mérite, assez commun autrefois, de donner le jour à neuf enfants.

Nous avons déjà vu, par ailleurs, que les idées du P. Hercouet se modifièrent au cours des événements, si bien qu'il accepta le 12 juin son élection comme curé de Plouër. Institué le 17 suivant par l'évêque Jacob, nous avons raconté les incidents qui marquèrent, le 3 juillet 1791, son installation dans sa nouvelle paroisse (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 18). Cependant, les nombreuses épreuves qu'il dut essuyer, ne lui firent pas perdre si complètement la réalité des choses qu'il ne trouva moyen de soumissionner au mois d'août de cette année les terres dépendant de la cure de Plouër, ainsi qu'en fait foi le premier registre des délibérations du Directoire du District de Dinan, et d'exiger pour 768 livres de réparations à son presbytère.

Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons déjà écrit des faits et gestes de l'ex-Père Hercouet, en faisant la biographie de M. Guérin, aussi ne nous reste-t-il qu'à indiquer brièvement les derniers incidents qui signalèrent la présence d'Hercouet dans cette paroisse, où il se heurta toujours à une résistance indomptable de la part d'une population alors fortement attachée aux bons principes.

Le 26 janvier 1792, les autorités du District de Dinan écrivaient à celles du Département « Plouër est moins tranquille que jamais ; les mauvais citoyens, enhardis par l'impunité, insultent journellement le curé et le vicaire constitutionnels. Le culte même est l'objet de leur mépris. Lors de la procession mensuelle en l'honneur de la Vierge autour du cimetière, différentes personnes ont crié « Quiou, Quiou », et un sieur Grand-Clos-Bourdet, en particulier, n'ôta pas son chapeau et fit la révérence avec le dos. Mais c'est en vain que nous avons voulu les faire poursuivre. Le juge de paix a renvoyé les prévenus hors d'assignation, se basant sur le vague des dépositions des témoins ».

Hercouet expiait cruellement la faute qu'il avait commise en s'assermentant, et ne devait trouver de repos que dans la mort. Elle s'avançait pour lui à grands pas. L'ancien gardien du couvent des Cordeliers de Dinan décéda prématurément à Plouër, à l'âge de 51 ans, le 15 mars 1792. « Il fut enterré hier, écrivaient le 17 les administrateurs du District de Dinan au député Urvoy. Quelques grenadiers de notre garde nationale se rendirent à Plouër pour assister à ses funérailles. Pendant cette triste cérémonie, les aristocrates triomphaient. Deux personnes attachèrent même un pavillon blanc à une masure. On les a conduites à la prison de Dinan. On dit aussi qu'il y a à Plouër un particulier qui baptise et enregistre les enfants. ... C'est bien la paroisse de tout notre district qui nous donne le plus de peine à gouverner ».

Si peu enviable que fût la succession d'Hercouet, il se trouva cependant quelqu'un qui consentit à l'accepter en la personne de GERVAL-TOUSSAINT BILLARD, originaire de Monteneuf, près de Guer, paroisse actuellement du Morbihan, mais autrefois de l'évêché de Saint-Malo. Ce prêtre était recteur légitime de Langrolay lorsqu'il s'assermenta sur place pour conserver son poste. Comme tel, il éprouva du fait de sa prestation de serment de grosses difficultés de la part de ses ouailles. Aussi sera-ce à l'article Langrolay que nous ferons la biographie de ce personnage, qui s'était spécialisé un moment dans son pays natal comme acquéreur de biens ecclésiastiques. [Note :  Cet assermenté qui parvenait à se faire des ennemis dans tous les partis, fut dénoncé le 30 vendémiaire an II (21 octobre 1791), par le comité de surveillance de Plouer, présidé par le fils Bigeon, le conseil général de Plouer et plusieurs habitants de Langrolay. En conséquence le tribunal criminel des C.-du-N. le déféra le 28 pluviôse an II (16 février 1794) au tribunal révolutionnaire de Paris comme prévenu « d'avoir tenu des propos contre-révolutionnaires, adopté les sentiments du député fédéraliste Lanjuinais, d'avoir à discréditer la représentation nationale, d'avoir empêché la création d'une société populaire à Plouer et d'avoir refusé d'accepter le projet de Constitution en Assemblée primaire ». Billard se crut perdu. Pour sauver sa tête, il n'est point de lâchetés auxquelles il ne se raccrocha. Voici la formule d'apostasie qu'il signa le 13 mars 1794 : « Moi, Marie Billard, curé de Ploüer-Langrolay, frappé des lumières de la raison, penétré de ses maximes indelebiles, renoncant aux follies de la supertition et reconnoissant les erreurs qu'on m'avoit prechées dans les seminaires ; voyant enfin que mon ministère n'est plus utile à la Nation, sous la protection de laquelle je l'exerçois, je l'abdique sans regret pour rentrer dans la classe ordinaire des citoyens, pour partager leurs dangers et leurs succès et enfin pour consommer les engagements de futur mariage que j'ai pris avec la républicaine Anne Hervé et dont l'acte est dument enregistré du 29 nivôse à Saint-Brieuc et dont pareille copie est ci attachée, pour être le tout transcrit sur le registre à ce destiné, demandant acte et récépissé de tout. Fait sous mon seingt, ce 3 ventôse, l'an second de la République française une et indivisible ». Signé : Billard, ex-curé de Ploüer. Le 9 juin suivant, Billard adressait encore une nouvelle supplique à fin de mariage aux juges du tribunal criminel des C.-du-N. dont le ton dépasse encore, s'il est possible, celui de la précédente. Les juges refusèrent cependant de lui permettre de contracter union avec Anne Hervé, pauvre fille, que nous croyons avoir été sa servante, qui savait à peine griffonner sa signature et qui acceptait par dévouement de lier son sort avec ce triste sire. Aux environs du 26 messidor an II (14 juillet 1794), Billard, inlassable, écrivit de nouveau une requête aux membres du tribunal briochin ; persuadé que son mariage lui rendrait la liberté, il voulait à toutes forces, consommer ainsi son apostasie. Mais le tribunal se montra intraitable. Dans l'intervalle, Billard s'était laissé aller à des propos insultants pour Besné, haut dignitaire franc-maçon et accusateur public. On répondit donc à l'ex-curé que son dossier était depuis trois mois expédié à la Convention Nationale, que par suite le tribunal criminel se trouvait dessaisi et que l'intéressé n'avait qu'à demeurer patiemment en prison, en attendant les décisions à intervenir. On trouvera ce que devint dans la suite le dénommé Billard à la p. 427 du t. 1er de l'Histoire du Pays de Dinan. Cf. aussi Archives C.-du-N., Lm 5, 79].

JOSEPH BOURREAU DE CHAVIGNY, ancien bénédictin de Saint-Jacut, devint vicaire intrus de Plouër le 1er octobre 1791 et s'assermenta comme tel le 4 décembre suivant. Après avoir partagé toutes les inimitiés auxquelles son curé Hercouet était en butte, vu toutes les calomnies ou médisances possibles s'amasser autour de sa personne, l'ex-moine remplit quelque temps les fonctions de curé d'office à la mort de celui-ci, le 15 mars 1792. A l'arrivée de Billard, il reprit son titre de vicaire jusqu'à son élection à la cure de Trévron, le 16 septembre de cette année. C'est à l'article de cette paroisse que nous compléterons le curriculum vitae de ce pauvre personnage.

FRANÇOIS JAMYOT, en religion frère Pascal, ex-recollet du couvent de Vitré, était né à Bréal-sous-Montfort de Jean et de Marguerite Duguerrou. Il reçut la prêtrise à Nevers le 19 décembre 1768. Nous le trouvons résidant à Bréal en mars 1791, puis il vint de là, en qualité de vicaire, à Saint-Pierre de Rennes, où il trouva comme confrère l'ex-bénédictin Hamart-La Chapelle. (Cf. Article sur Tréméreuc).

Aussi, quand celui-ci fut élu curé de Pleurtuit le 29 mai 1791, au lieu et place de Gilles-Servais Gallet, recteur légitime [Note : Né à Cancale le 3 septembre 1747, du mariage de Julien et de Jeanne Droguet, le jeune Gallet, après avoir été noté au Séminaire de Saint-Servan comme « ayant du chant, peu de voix, mais répondant suffisamment, pension gratuite », reçut la prêtrise à Saint-Méen le 19 septembre 1772. Pourvu de la cure d'Eréac le 2 mai 1778, il la permuta le 11 septembre suivant pour celle de Pleurtuit. Après s'être assermenté le 30 janvier 1791 et s'être fait le dénonciateur des prêtres fidèles, Gallet se rétracta le 22 mai suivant. S'étant d'abord exilé à Jersey, il passa de là en Angleterre, où nous le trouvons à Portsmouth le 1er avril 1793. Il séjourna ensuite à Rhedines et revint à Jersey le 2 juillet 1800. Il partit de là pour la Bretagne, le 20 octobre suivant. Rétabli en 1803 comme curé de Pleurtuit, il mourut démissionnaire dans cette paroisse en 1815. (Cf. Sur le ministère de M. Gallet à Pleurtuit, G. de Corson : Les Confesseurs de la Foi, p. 309)], Hamart, en quête de vicaires, emmena-t-il avec lui le tout dévoué Jamyot, le 8 du mois suivant. Par suite, l'ex-recollet fut installé quatre jours après vicaire de Pleurtuit, en même temps que son curé et deux autres ecclésiastiques qui répondaient aux appellations bizarres de Couarde et de Bigarré.

Jamyot, dont la facilité pour absorber des liquides est, paraît-il, demeurée proverbiale dans la région de Pleurtuit, voyant la disette de ministres dont souffrait l'église constitutionnelle, accepta le 1er janvier 1795, d'étendre son rayon d'action en unissant aux fonctions de vicaire de Pleurtuit celles de vicaire de Plouër. En conséquence, l'ex-Père Jamyot signait alors vaillamment « premier et unique vicaire de Pleurtuit, Langrolay et Plouër », et nous le voyons recevoir son traitement au titre de cette dernière paroisse pour le premier trimestre de 1793. (Archives des Côtes-d'Armor, série L/v, dist. De Dinan).

Jammyot succomba-t-il sous l'excès de ses titres, sinon de ses occupations ? Nous ne saurions le dire. Toujours est-il qu'il dut s'en démettre, car c'est comme vicaire de Miniac-Morvan que nous le retrouvons l'année suivante. Mais tout en s'en intitulant vicaire, il n'en remplissait cependant pas les charges, car l'ex-religieux résidait à Rennes lorsqu'il déclara devant le district de cette ville vouloir désormais « s'abstenir de ses fonctions », ce qui ne l'empêcha pas de prendre la qualité de vicaire de Miniac pour signer cette pièce.

Jamyot continuait d'habiter la capitale de la Bretagne quand il se soumit à la loi de prairial an III, le 19 juin 1795. En l'an IV, il était en traitement à l'hôpital général de Rennes, quand il prêta k serinent prescrit par la loi du 7 vendémiaire an IV. Dans l'enquête de l’an X publiée par l'abbé Sevestre (in-8, Paris, 1912), le Préfet d'Ille-et-Vilaine note Jamyot comme « presque imbécile ». Il décéda à Rennes, rue d'Antrain, le 17 décembre 1806, âgé de 71 ans. (A. Lemasson).

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