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LES DÉBOIRES DU RECTEUR MORVAN DE PLONÉOUR DURANT LA RÉVOLUTION

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MÉMOIRE pour FRANÇOIS-SÉBASTIEN MORVAN, prêtre, recteur de la paroisse de Plonéour, appelant de sentence rendue au tribunal de police correctionnelle du canton de Plonéour, le 4 Mars 1792, contre M. LE COMMISSAIRE DU ROI du tribunal de Pont-Croix, prenant fait et cause pour le Procureur de la commune de Plonéour, intimé. — M. Cudennec, avoué ; M. Flamant, défenseur officieux.

Le juge de paix du canton de Plonéour, et MM. ses assesseurs, dont l'un ne sait pas lire, m'ont condamné, par voie de police correctionnelle, en 500 livres d'amende et à un an de prison. Mes torts sont graves, sans doute, si on les mesure sur la rigueur du traitement qu'ils m'ont attiré. Cependant, je suis encore à les connaître, et plus je m’examine, moins je devine la cause d'un jugement aussi étrange, d'un jugement qui a mis le comble aux vexations de toute espèce dont je suis, depuis quelque temps,l'objet.

Le succès de l'appel que j'en ai relevé, ne saurait être incertain. Mais ce n'est pas assez pour moi d'en faire prononcer la réformation : la réputation d'un ministre des autels doit être sans tache. Je suis prêtre et pasteur ; je dois au caractère, dont j'ai l'honneur d'être revêtu, de rendre ma justification publique ; je le dois, pour l'édification du troupeau qui m'est confié. Puis-je lui laisser sur ma conduite l'ombre même du soupçon ? Qu'il me lise et me juge ; c'est de son suffrage que je suis spécialement jaloux.

Je me bornerai au simple récit des faits, que je raconterai avec sincérité. Un autre, plus exercé que moi dans les discussions juridiques, développera, en plaidant, mes moyens d'appel, et prouvera que, dans le jugement et tout ce qui l'a prédédé, on a violé à mon égard, sans aucune pudeur, même apparente, toutes les formes prescrites, les règles de la décence, les droits de l'homme et du citoyen. Je me repose de ce soin sur le défenseur que je me suis choisi, sur le courage et le zèle qu'on lui connaît. J'avoue qu'il en faut pour oser se charger de ma cause, quand on sait que ceux qui s'y montrent à découvert ne sont que les instruments de haines plus puissantes et plus actives; quand on connaît les vrais auteurs de l'infâme persécution dont je me plains.

La paroisse de Plonéour, que je gouverne depuis plusieurs années, contient environ deux mille habitants. Je m'étais généralement concilié leur affection et leur estime, en m'acquittant envers eux des devoirs de mon ministère, en leur prêchant l'obéissance à la loi, le respect dù à ses organes et aux autorités constituées ; respect et obéissance dont je leur donne à la fois le précepte et l'exemple. Mais j'ai eu le malheur, assurément involontaire, de déplaire au sieur le B... maire actuel de Plonéour ; c'est un crime qui ne pouvait rester impuni.

Le sieur B... est un ancien expert, un orateur breton, par excellence ; il sait même un peu de français ; il a éclairé le Gouvernement par des projets et des découvertes utiles ; il connaît les lois anciennes et nouvelles, et en parle comme s'il les avait faites. On sent tout ce que peut un personnage de cette importance, à la tête d'une municipalité champêtre, et quel doit être son ascendant sur l'esprit de ses collègues. Malheureusement j'éprouve qu'il ne lui est que trop facile de leur faire partager ses sentiments. J'ai donc pour ennemis dans la paroisse de Plonéour, et pour ennemis uniques, à peu près, les officiers municipaux, devenus mes délateurs et les agents de ceux qui ont juré ma perte.

J'appris, le 16 Janvier de cette année, que le corps municipal de Plonéour m'avait dénoncé au Directoire du département; j'eus peine à le croire. J'en parlai à quelques membres de la municipalité, qui en convinrent sans mystère. Quoique je n'eusse aucun reproche à me faire, j'en fus profondément affligé. Une dénonciation pouvait faire naître contre moi, dans ma paroisse, des préventions, des défiances toujours fâcheuses, et cette idée me tourmentait. Le 22 Janvier, je montai en chaire, à la post-communion ; après la lecture des décrets que j'avais à publier, et une courte instruction sur les sacrements de l'Eglise, je parlai de la dénonciation des officiers municipaux, sans nommer ni désigner personne en particulier. Si je m'en plaignis, ce fut avec douceur, avec la sensibilité d'un pasteur affecté de la crainte de perdre, sans l'avoir mérité, tout ce qui fait sa consolation, son bonheur : la confiance et l'amitié de ses ouailles. J'observai que j'étais peut-être le seul recteur dénoncé par la municipalité de sa paroisse, et puisqu'il faut tout dire, j'ajoutai que mes dénonciateurs ne me feraient pas plus de mal que n'en pourraient faire à la tour de Plonéour six ou sept mouches qui essayeraient de la renverser. En m'exprimant ainsi, je voulais faire sentir à mes paroissiens combien je me trouvais fort de mon innocence.

Le sieur B... m'interrompit, et, du ton le plus impérieux, il m'ordonna de me taire et de descendre. Je vis, au même instant, qu'il y avait quelques propos entre les sieurs B... et C... , sans que je pusse entendre ce qu'ils se disaient. J'imposai silence, et je remarquai qu'il fut observé par le sieur C... Je repris la parole ; le sieur B... quitta sa place, et en passant auprès de la chaire, il me menaça du geste et de la voix. Je lui demandai s'il se sentait coupable. C'est tout ce que je me permis. Je continuai de parler, j'achevai la messe ; ensuite je chantai les vêpres, et je ne fus plus interrompu.

Voilà ce qui se passa le 22 Janvier dans l'église de Plonéour, où il n'y eut d'autre bruit, d'autre trouble que celui auquel le sieur B... donna lieu si mal à-propos, et qui d'ailleurs ne dura qu'un instant. Douze cents personnes attesteraient l'exactitude et la vérité de ces faits ; leur témoignage vaudrait bien, peut-être, celui du sieur B... et de quelques officiers municipaux qui ne pensent et ne parlent que par le sieur B..., qui lui-même n'agit que par des impulsions étrangères.

Douze cents témoins déposeraient encore que je n'ai jamais parlé de la Constitution ni en public, ni dans les conversations particulières, comme pasteur ou comme citoyen privé, que pour porter mes paroissiens à s'y soumettre comme à la loi de l'Etat. Quel est donc le motif qui anime les persécuteurs ? Seraient-ce mes opinions religieuses ? Mais on ne saurait m'en faire un crime, puisque jamais leur manifestation n'a troublé l'ordre public établi par la loi.

Le lendemain 23, les officiers municipaux de Plonéour, le sieur B…. à leur tête, allèrent à Pont-Croix, et me dénoncèrent, en cérémonie, au Directoire du district.

Quatre gendarmes nationaux arrivèrent chez moi, le 24, à six heures et demie du soir. Ils parurent étrangement surpris de me trouver dans ma chambre, disant mon bréviaire, et de ne voir dans ma maison que mes curés, aussi tranquilles que je l'étais moi-même. On leur avait dit que les esprits étaient fort échauffés à Plonéour, que ma maison serait vigoureusement défendue, qu'ils n'y pourraient pénétrer qu'avec des forces imposantes. On leur avait donné le conseil de se déguiser, pour ne pas s'exposer au danger qui les menaçait ; mais les esprits échauffés de Plonéour étaient alors à Pont-Croix. Les gendarmes, rassurés, me permirent de coucher chez moi et y couchèrent eux-mêmes, attendu qu'il faisait nuit et que le temp était affreux. Ils peuvent dire si j'en impose ; si le lendemain, lorsque je sortis de mon presbytère pour les suivre à Pont-Croix, au lieu des mouvements qu'on leur avait fait craindre, ils ne furent pas témoins des marques de l'intérêt touchant que me donnèrent les habitants du bourg de Plonéour, et des larmes qu'ils répandirent, en me voyant escorté de même. Je dois ce témoignage de ma reconnaissance à ces sensibles habitants ; j'en conserverai toujours pour les braves gendarmes chargés de me conduire à Pont-Croix. Leurs procédés et leur conduite envers moi sont la preuve qu'il est possible de concilier les devoirs d'un ministère de rigueur, avec les égards que l'humanité commande pour un citoyen, déjà assez malheureux par la privation de sa liberté.

Je fus traduit, à Pont-Croix, devant le lieutenant de la gendarmerie nationale.

Le lieutenant de la gendarmerie me renvoya, d'après mes interrogatoires, au juge de paix de Plonéour, pour être par lui statué par la voie de police correctionnelle. Il me mit en liberté, à la charge de me présenter sur la citation de ce juge.

Le 7 Février, je fus cité à comparaître pour le 13, au bureau de paix de Plonéour. Je déclarai à Allain Le B.... juge de paix, que j'entendais le récuser, parce qu'il était le beau-frère de Jean Le C...... officier municipal et l'un de mes dénonciateurs, dans l'affaire même qui m'appellait devant lui. Je récusai également Michel Q..... greffier du juge de paix, frère de François Q..... autre officier municipal, et mon dénonciateur, comme Jean Le C… Q…. me répondit que, malgré mes récusations, le juge et lui iraient leur train. Je protestai que j'allais faire mander les sieurs Moullec et Le Hars, notaires, pour me donner tels actes qu'il appartiendrait.

Ces notaires se rendirent au lieu de Brémillec, où se tenait l'audience. Je renouvelai, par leur ministère, mes récusations contre le juge et le greffier; je les déposai, et me fis donner un récépissé de ce dépôt.

Le 17, je fus de nouveau cité pour le 20, et pour la même cause ; toujours soumis aux ordres de la justice, je me rendis à l'audience. Elle se tenait ce jour-là au bourg de Plonéour. Je trouvai Le B... décidé à rester mon juge, et Q... à faire les fonctions de greffier. Je réitérai mes récusations, je les déposai; je me fis encore donner une reconnaissance du dépôt. Mais tout fut inutile : Le B... et Q.... récusés l'un et l'autre procédèrent à l'information des faits dénoncés par le sieur Le B... et ses collègues. Je me retirai, en déclarant que, dès le lendemain, je me rendrais à Pont-Croix pour faire statuer par le tribunal sur les récusations que j'avais proposées.

Jamais la loi fût-elle plus manifestement violée ? Est-cè ignorance, est-ce une infraction audacieuse et volontaire des formes établies par les décrets ? Dans l'un et l'autre cas, Le B... et Q... sont inexcusables et méritent l'animadversion des magistrats préposés pour réprimer leurs écarts. Le Code de la justice de paix doit-il donc leur être étranger ? Voici ce Code auquel je me suis conformé ; il était leur règle, il sera leur condamnation.

« La partie, qui voudra récuser un juge de paix, sera tenue de former sa récusation et d'en exposer les motifs par un acte qu'elle déposera au greffe du juge de paix, dont il lui sera donné par le greffier une reconnaissance faisant mention de l'acte de dépôt.

Le juge de paix sera tenu de passer au bas de cet acte, dans le délai de deux jours, sa déclaration par écrit, portant ou son consentement à la réquisition, ou son refus de s'abstenir, avec ses réponses aux moyens de récusation allégués contre lui.

Les deux jours étant expirés, l'acte de récusation sera remis par le greffier à la partie récusante, soit que le juge de paix ait passé sa déclaration au bas de cet acte, ou non ; il en sera donné décharge au greffier par la partie, si elle sait signer.

Lorsque le juge de paix aura déclaré acquiescer à la récusation, ou n'aura passé aucune déclaration, il ne pourra rester juge et sera remplacé par l'un des assesseurs.

Si le juge de paix conteste l'acte de récusation et déclare qu'il entend rester juge, le jugement de la récusation sera déféré au tribunal du District, qui fera droit sur les simples mémoires des parties.

Le B… n'avait pas, dans le délai prescrit de deux jours, fait sa déclaration au bas de l'acte par lequel je l'avais récusé dès le 13, puisqu'elle ne me fut pas remise, le 20, lorsque je reparus devant lui. Il était donc censé avoir acquiescé à la récusation, et ne pouvait plus, le 20, être mon juge, aux termes des  décrets : et quand il eût passé sa déclaration et son refus de s'abstenir, encore fallait-il attendre que la récusation eût été jugée par le tribunal du District, avant de continuer ses fonctions de juge dans ma cause, et d'entendre les témoins indiqués par mes dénonciateurs.

Je me rendis à Pont-Croix, le 21, uniquement pour faire juger mes moyens de récusation. Je n'arrivai qu'à six heures, et aussitôt je comparus au greffe pour y constater ma présence et l'objet de mon voyage.

Le lendemain 22, environ huit heures et demie du matin, je me disposais à sortir pour visiter mes juges, lorsque je vis entrer le sieur C…. maire de Pont-Croix, qui me dit que j'eusse à me tenir en état d'arrestation. Je lui demandai pourquoi, de quel droit, de quel ordre et où était le mandat d'arrêt. Laissez-m'en copie, lui dis-je, pour que je puisse me pourvoir. Le maire étonné de mes demandes, ou interdit peut-être du coup d'autorité qu'il se permettait, me répondit en balbutiant: Quoi !.... L'ordre ?... C'est moi... je n'en sais rien… Mais il y a là deux hommes chargés de vous garder.

Cette scène se passa dans une maison particulière où j'avais couché. Le sieur C… me fit transférer ensuite à l'auberge du nommé F--mont, qu'on me dit être une maison d'arrêt.

Il faut se croire bien au-dessus des lois, bien sûr de l'impunité, pour oser commettre un pareil attentat contre la liberté d'un citoyen ! Six années de gêne font la peine prononcée contre celui qui, sans sans tenir de la loi le droit d'arrestation, se rend coupable de ce délit. La même peine a lieu contre tout geôlier et gardien de maison d'arrêt, de justice, de correction ou de prison pénale, qui recevra ou retiendra quelqu'un, sinon en vertu de mandat, ordonnance, jugement, ou autre acte légal.

Le 22, au matin, j'écrivis à M. le Président du tribunal, et lui demandai audience pour faire juger mes moyens de récusation. Accompagné du lieutenant de la gendarmerie, j'allai le 23, à onze heures, à la chambre du conseil, où on me dit qu'il fallait que je servisse un mémoire sur le bureau. Je me retirai pour le rédiger. A deux heures, je retournai au tribunal, escorté du concierge de la maison d'arrêt. Mais j'y étais à peine, que le sieur C…. fils, président du directoire, me fit dire que j'eusse à me rendre au lieu de mon arrestation. Je lui écrivis ce billet. « J'ai l'honneur de saluer M. C.. . et de lui certifier que je suis, en ce moment, dans la salle d'audience du tribunal ». Un instant après, le sieur C... me fit intimer un nouvel ordre. Tout le monde en resta stupéfait. M. le commissaire du Roi en demanda la représentation. On lui répondit qu'il fallait que je marchasse, et j'obéis.

Je n'avais remis, sur le bureau, que le mémoire relatif à la récusation de le B… n'ayant point eu le temps de finir celui qui concernait son grenier. M. le Président m'invita à achever ce second mémoire, et eut la bonté de me dire qu'il l'enverrait prendre, dès qu'on aurait statué sur le premier.

En effet, à trois heures et demie, le greffier du Tribunal, ou son commis, vint à la maison d'arrêt pour devoir prendre ce mémoire, mais on lui dit qu'il ne me verrait pas. Il insista, en alléguant l'ordre qu'il avait reçu du tribunal. On lui répondit que, quand le tribunal se présenterait, en corps, il essuyerait le même refus. Dès ce moment, on fit fermer les fenêtres de ma chambre, et je demeurai deux jours, au secret.

Ma position, il faut l'avouer, était bien étrange. Forcé de quitter mes fonctions et mon asile, pour aller chercher à Pont-Croix une justice qu'on me refusait au bureau de paix de Plonéour, je suis au mépris d'une loi pénale, arrêté par l'ordre arbitraire du sieur C..., père, chef de la municipalité, je suis tenu au secret par l'ordre encore arbitraire et suprême du sieur C..., fils, président de l'administration, après qu'il m'a fait arracher du sanctuaire des lois, où j'implorais leur puissance contre la persécution qui me poursuivait. Que d'autorités conjurées contre moi !

Mais quelle inspection le sieur C..., fils, surtout, pouvait-il avoir sur ma personne ? J'ouvre le code de la police, et je n'y vois nulle part que la constitution en ait, sous aucun rapport, dans aucun cas, délégué l'exercice aux corps administratifs. J'étais d'ailleurs détenu, privé de ma liberté, et un citoyen en état d'arrestation est sous la main de la justice ; il appartient à elle seule, et son sort ne dépend plus que de ses ministres. Si mon arrestation avait été légale, et que je l'eusse enfreinte, eux seuls auraient pu m'en punir. Mais l'audience à laquelle j'assistai, à laquelle je ne me rendis que sous l'escorte de mon geôlier, elle m'avait été accordée par le tribunal, je n'y étais que de l'aveu, que de l'ordre des magistrats, et la Constitution, art. III de la section de l'administration intérieure, détend expressément aux administrateurs de rien entreprendre sur l'ordre judiciaire.

Certes, il ne serait pas facile de citer d'exemple d'un abus d'autorité, d'un acte de despotisme et de violence plus révoltant que ceux que je reproche à l'un et à l'autre C..... Enlever un accusé à ses juges, et rompre entre eux toute communication ! Que deviendrait cette sauvegarde de la liberté française, la distinction des pouvoirs si on en tolérait l'effrayante usurpation et le monstrueux assemblage, dans des hommes assez ambitieux, assez hardis pour les envahir tous ? J'espère que les sieurs C...... pour être président du Directoire et maire de Pont-Croix, n'ont pas la prétention de se croire inviolables, et que leur responsabilité solidaire me fera raison de leur attentat contre ma liberté. Mais reprenons la série des faits.

Le 23 Février, tandis que jetais au secret, le tribunal m'admit à prouver la parenté d'entre le B.... . et Jean le C.. Je suis saisi d'extraits, en bonne forme, qui constatent qu'ils sont beaux-frères. Ilne fut rien statué relativement à Q..., mon mémoire n'ayant pu parvenir à mes juges.

Ce même jour 23, dans l'après-midi, deux gendarmes de Quimper me notifièrent un mandat d'arrêt décerné par le juge de paix de Plonéour. On a vu que le sieur C.... les avait gagnés de vitesse, et que, de sa pleine puissance, j'étais en état d'arrestation dès la la veille, huit heures et demi du matin.

Ai-je oublié de dire que la loi permet, en certains cas, aux officiers de gendarmerie, comme aux juges de paix, de donner des mandats d'amener, mais qu'elle n'a investi que les juges de paix du droit d'arrestation, et que l'exécution des mandats n'est attribuée qu'aux huissiers et gendarmes ?

Le 25, je fus traduit, par deux huissiers, devant le directeur du juré, qui eut dû m'entendre dans les 24 heures de mon arrestation. Je subis interrogatoire, et le 29, le tribunal, jugeant qu'il n'y avait pas lieu à assembler le juré contre moi, ordonna que j'eusse été relâché, sauf la reprise des suites en tribunal de police correctionnelle.

Le juge de paix du canton de Plonéour s'est autorisé de cette dernière disposition pour statuer sur l'information qu'il avait faite le 20 Janvier, et pour me condamner, par sa sentence du 4 Mars, à 500 livres d'amende et à un an de prison.

Pourquoi ne dirais-je pas qu'il est notaire, dans le canton ; que cette sentence fut faite et rédigée, la veille, chez le juge de paix, au lieu de Brémillec, en Peumeurit, par un comité composé du juge, du sieur B… mon dénonciateur, du greffier du bureau de paix, du frère de ce greffier, officier municipal et mon dénonciateur ; que le comité fût présidé par un personnage officieux, que la nation salariait pour rester à Pont-Croix, et qui s'était fait conduire à Brémillec par le héraut du directoire ; que la fameuse sentence qui me condamne fut principalement son ouvrage, le B… étant incapable d'en rédiger une quelconque, ne dût-elle être que de deux lignes ?

Qu'il est fâcheux que ce chef-d'œuvre de tant d’excellentes têtes réunies ne soit cependant qu'un tissu d'inepties et d'absurdités ! Si le B… quoique dûment et légalement récusé, entendait reprendre les suites de la procédure commencée contre moi, il devait du moins me citer devant lui pour me faire donner lecture de l'information du 20 Janvier ; me demander si j'avais des reproches à fournir contre les témoins entendus ; si j'en voulais faire entendre moi-même ; si j'avais des moyens de défense à déduire ; si mon intention était de me choisir un conseil. L'article 58 de la loi relative à la police correctionnelle, lui prescrivait rigoureusement l'observation de ces formalités. Il était tellement obligé de m'entendre que, suivant l'article 50 de cette même loi, mes conclusions et celles du procureur de la commune doivent être fixées par écrit.

Si quelque chose pouvait m'étonner dans cette bizarre affaire, ce serait de voir la présence et la signature de ce prétendu concluant, relatées dans le jugement du 4 Mars. Guillaume G..., qui est à la fois procureur de la commune de Plonéour, et fournier du bourg, n'assista pas, le 3, au comité de Brémillec. Il fut ce jour là, du matin au soir, occupé de ses fournées, et plus embarrassé de sa cuisson que de sa magistrature, et de l'application du code de police correctionnelle, dont il ignore probablement l'existence. Le 4, date du jugement, il ne quitta pas davantage le bourg de Plonéour, et le jugement a été rendu sur les conclusions de Guillaume G..., qui n'a pas conclu, de Guillaume G..., que je compte encore parmi les membres de la municipalité qui, le 23 Janvier, m'avaient dénoncé à Pont-Croix, sur les mêmes faits qu'on a donnés pour base au mémorable jugement du dimanche 4 Mars.

C'est à mon défenseur qu'il appartient de montrer, dans tout leur jour, les vices, l'illégalité, la nullité, l'incompétence d'un pareil jugement. Pour moi, ainsi que je l'ai annoncé, je m'en tiens au récit des faits. La publicité que je leur donne dissipera, je l'espère, les impressions qu'auraient pu laisser, dans l'esprit de mes paroissiens, les insinuations perfides de mes ennemis ; elle rassurera ma famille et mes amis inquiets ; elle calmera les trop vives alarmes d'un père octogénaire, dont la tendresse pour moi s'est accrue par l'acharnement de mes persécuteurs ; et s'il arrivait que cette publicité eût l'effet de contenir et de rappeler à l'ordre ceux qui, pour m'accabler, ont franchi toutes les bornes, le service que j'aurai par là rendu à mes concitoyens, me consolerait bientôt de tant de chagrins qu'on m'a fait éprouver.

Je prendrai mes conclusions en plaidant, sous l'expresse réservation d'intimer qui il appartiendra, conformément aux lois relatives à la responsabilité.

F. S. MORVAN, Recteur de Plonéour.

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