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PLOEZAL, SES VESTIGES ET LEURS HISTOIRES DU PASSÉ. |
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La commune de Ploëzal, anciennement Pleuzal, dans le canton de Pontrieux, est bordée sur toute sa lisière est, par la rivière du Trieux, à l'endroit où précisément elle reçoit son affluent, Le Leff.
Perpendiculairement, la paroisse est traversée par l'ancienne voie romaine reliant Pontrieux à La Roche-Derrien, et sillonnée par de très anciens chemins.
Ces deux voies de pénétration ont sans conteste favorisé un peuplement important si l'on en juge par la multitude des vestiges archéologiques qui parsèment son territoire depuis l'époque préhistorique et, sans discontinuer, jusqu'au moyen âge, et dont une grande partie est encore visible.
Ploëzal (ou Ploézal) est une paroisse primitive formée lors de l'émigration bretonne au VIème siècle et qui englobait alors Pommerit-Jaudy, La Roche-Derrien, et une partie de Pontrieux, Saint-Yves de Pontrieux (R. Couffon. — Recherches sur les églises primitives, S.E., tome 75).
On sait en effet que la fondation de La Roche-Derrien eut lieu seulement en 1160, et que Pontrieux s'agrandit à la Révolution de la réunion de deux trèves l'une appartenant à Quemper-Guézennec, l'autre à Ploézal, et jouait sous l'ancien régime le rôle de cité administrative pour les trois grandes seigneuries voisines : Châteaulin-sur-Trieux, Frynaudour, et La Roche-Jagu.
D'où vient le nom de Ploézal, qui n'est pas naturellement l'éponyme de quelque saint breton ? Au bourg se trouvait « le lieu noble du Cossal » mentionné par les anciens aveux comme une maison à deux étages, grange, écurie, cour, portail, four, aire, séparé seulement de l'église et du cimetière de Ploézal par un grand courtil appelé « Garden an Tour ».
Il existe encore juste à côté du cimetière une maison au linteau armorié et dont les murs, avant leur transformation, mesuraient à leur base 1,30 in d'épaisseur et allait en s'amenuisant jusqu'à 40 cm au faîte.
Ce « Cossal » ne serait-il pas plutôt un « Coz zal », très ancienne résidence noble qui, ayant groupé autour d'elle des habitations, aurait donné naissance à la paroisse de Pleu-ar-zal, village né à 200 mètres à peine d'un tumulus aujourd'hui disparu. Le territoire bénéficiait d'un élément favorable à l'implantation d'une paroisse car l'eau est partout, l'eau pour vivre et l'eau pour se défendre. Cette abondance ne comportait pas on le verra, que des avantages.
Ce qui est le plus caractéristique dans la commune c'est la variété et le nombre des monuments de terre que nous allons passer en revue sans aucune prétention à une classification chronologique.
TOSSEN-RIBOURDEL : un tumulus déjà fouillé.
Sur le C.D. qui, venant du bourg de Ploézal, se dirige vers La Roche-Jagu, on croise à 1,5 km du bourg, la route qui venant de Runan, se dirige au Nord vers Keriel.
C'est ce dernier chemin qu'il faut alors emprunter et, à 500 mètres environ du carrefour, on aperçoit à gauche une élévation de terrain qui signale l'emplacement du tumulus de Tossen-Ribourdel (Pontrieux 1-2 194,5/129) que décrivait, en 1906, M. Berthelot du Chesnay (l'année préhistorique dans les Côtes-du-Nord, S. E., tome 44), description reprise en 1910 par M. Harmois dans son inventaire archéologique : « Age du bronze : tumulus de Tossen-Ribourdel ; au sommet d'une colline couverte d'ajoncs et de genêts avec un grand cratère au milieu ; c'est là que l'abbé Le Foll fouilla en 1867 et trouva un poignard de bronze brisé en trois morceaux. Cette lame reposait sur le sol naturel et était placée entre deux lignes de petits cailloux placés intentionnellement. Cette lame fut perdue... ».
Actuellement le tumulus ne présente plus un aspect aussi caractéristique, car il y a quelques années le cultivateur arasa partiellement la colline qui garde cependant une ondulation suffisante pour permettre d'en repérer exactement l'emplacement.
De plus, si dans le pays et dans les anciens aveux où cette butte de terre est souvent utilisée comme point de repère, l'ensemble de ces pièces de terre porte le nom de « Ribourdel » et est qualifié de « terre », l'une d'elles porte le nom de « Run-Bourdel » et est qualifiée de « friche », dans l'ancien état des sections de 1935.
M. Harmois signale aussi le tumulus qui aurait existé à 200 mètres de l'église (la parcelle 638, section A, porte le nom de Parc-an-Tossen).
On peut signaler dans la commune d'autres lieux qui portent le nom de « Tossen ».
Si l'on reprend le C.D. 37 en direction de La Roche-Jagu, on remarque à droite de la route (coordonnées Lambert 195,4-128,6) au sommet d'une butte cultivée, une couronne d'arbustes, caractéristique des vestiges archéologiques que la charrue a contourné pendant des siècles, mais, hélas, en arrivant au sommet de la colline, on s'aperçoit qu'une énorme excavation a depuis longtemps violé le site.
Ce point, le plus élevé de la commune, s'appelle « Tossen Run » (signal géodésique 85).
A Placen-Crenn, les parcelles qui dans l'état des sections de 1936 portent les nos 410, 411 et 412, section D, portent le nom de « Log-ar-Tossen » et à proximité : Parc Pelven et Parc min guen.
TOSSEN PONT AR MOUDEN.
Ce nom évocateur indique sur la voie romaine de Pontrieux à La Roche, une parcelle hexagonale entourée d'un ruisseau, affluent du Bizien qui semble y prendre sa source (coordonnées Lambert 193,3/127,5).
Pour y accéder, il faut passer derrière un groupe de maisonnettes. A côté de la parcelle qui nous intéresse se trouve un hangar, ce qui permet de la repérer aisément.
M. de la Messelière la classe parmi les mottes à enceinte ronde auxquelles un tumulus a pu éventuellement servir de base. C'est en effet un terrain en forme de calotte sphérique où subsistaient, il n'y a pas si longtemps, les fondations d'une construction carrée de 30 mètres de côté, qui paraît encore sur le cadastre de 1834.
A 1 km du bourg, sur la route de Croix-Monfort, un autre lieu présente une similitude de nom et de relief avec Tossen-Pont-ar-Mouden.
Il s'agit de Ker-Vouden, champ arrondi entouré d'un talus assez haut et surplombant par un à-pic un petit ruisseau.
Sur cette butte subsistait encore il y a cinquante ans une construction. Mais sur l'importance de cette construction les témoignages ne concordent pas, les uns la traitant de « maison », les autres de « château ».
LE GUERN.
Sur la route de Runan à Keriel dans la partie qui se trouve entre la voie romaine et la D.37 se trouve l'enceinte du « Guern » (coordonnées Lambert 194-128).
Cette enceinte arrondie, protégée par un marécage (le sol alentour est toujours détrempé même par période de grande sécheresse) est encore aujourd'hui telle que l'a représentée M. de La Messelière dans son étude sur les châteaux de terre.
Il s'agit de retranchements rudimentaires ceinturant une douve circulaire au centre de laquelle se trouve un plateau sans surélévation et couvert d'arbustes. Cette petite enceinte très accessible est située juste à côté d'une exploitation agricole et ne doit sa survie qu'à l'humidité du terrain.
LEZLEC'H.
Le toponyme a de quoi retenir l'attention et soulève l'espoir d'y trouver quelque retranchement défensif ou au moins quelque vestige d'un antique manoir, siège d'une cour de justice.
Un coup d'œil superficiel sur ce hameau formé de quelques maisons au milieu des champs risquerait fort de décevoir et de mettre en doute la valeur de la toponymie, ce fil d'Ariane de l'archéologie locale. Coup d'œil d'autant plus décevant que la chapelle qui était dit-on fort jolie, finissait juste de mourir sous les coups de pioche.
Seul subsiste le très joli calvaire du XVIème siècle à socle rond.
Le champ au coin duquel il est planté était autrefois une place entourée d'arbres sur laquelle se trouvait un puits commun à tous les habitants.
La place de Lezlec'h disparut un jour où la loi stipula que toutes les terres non closes deviendraient propriété de l'état. Aussi le propriétaire s'empressa-t-il de l'entourer d'un talus jusqu'à réduire l'espace environnant à l'état de chemin.
Derrière la chapelle de Lezlec'h se trouve une maison dans un jardin clos. A première vue cette construction n'offre rien de particulier sinon des traces de reprise sur la façade attestant son antiquité. La façade arrière, par contre, est flanquée des débris d'une tour qui en atteste l'origine. Le manoir de Lezlec'h a aussi perdu un étage. Le domaine, de la superficie d'un grand champ, est limité par une enceinte quadrangulaire très régulière formée de hauts talus de terre gazonnée (si l'on tient compte du fait que la terre a été rapportée dans le champ comme le prouve une porte à moitié enterrée sur la façade arrière du manoir, on peut évaluer la hauteur de ces talus à 2 mètres). Sur le cadastre cette limite est indiquée en pointillé.
PRAT-LAN.
A la frontière de Ploézal et de Pommerit-Jaudy, dans le
petit bois qui s'étend derrière l'ancien manoir de Prat-Lan, aujourd'hui une
vaste ferme, l'on trouve (ou plutôt on ne trouverait jamais sans l'aide du
propriétaire) une motte féodale très caractéristique de celles qui portèrent les
premiers donjons de bois.
Quelques talus rudimentaires la précèdent, un important ruisseau, le ruisseau de Pen-Bizien épaule sa défense et tout le terrain qui l'entoure est très humide.
C'est une motte dont la structure est assez comparable à celle de Croas-Husto, à Camiez, quoique de dimensions plus modestes.
Entourée de fourrés inextricables, elle a quelque chance d'échapper au remembrement.
COZ-LAN.
Le plus important des monuments de terre de la commune se
trouve sur la rive gauche du Trieux, qu'il surplombe à mi-chemin entre La
Roche-Jagu et Frynaudour.
Coz-Lan ou le château de terre, comme on l'appelle aussi dans le pays, est une vaste enceinte de 80 à 100 mètres de diamètre environ dont les douves profondes sont parfaitement conservées.
La position de ce retranchement éloigné de toutes les voies de passage terrestres et, au demeurant, assez difficile à trouver (coordonnées Lambert 197,5/129,5, Pontrieux 1-2) est si bien situé pour surveiller la rivière que certains y ont vu l'ancêtre direct du premier château de La Roche-Jagu.
Fut-il abandonné pour la position encore plus avantageuse de l'actuel château ou l'était-il déjà depuis longtemps lorsqu'au XIème siècle Jagu posa la première pierre de sa nouvelle demeure ?
Si l'on veut partir à la recherche de Coz-Lan, il faut le faire à partir de la ferme de Kerprigent (et jamais en été car ce lieu est infesté de vipères) en se dirigeant vers le nord et en laissant sur sa gauche l'emplacement de l'ancienne chapelle Saint-Maudez.
LE BOIS DE LA ROCHE-JAGU.
L'enceinte de Coz-Lan fait déjà partie du bois de La Roche-Jagu dont il est séparé par une profonde vallée qui constitue une des défenses du château vers le Sud.
La belle allée rectiligne qui relie la route nationale au château n'est pas l'entrée d'origine. L'accès se faisait autrefois par un chemin parallèle à la route de Pontrieux à Pleudaniel et qui, venant lui aussi de Pontrieux, passait par la chapelle Saint-Quay, La Roche-Jagu, Porz-abbat, Boloï, Le Rû, Le Vossec, Le Piladen, Coz Arhant, Castel Corn et l'anse de Camarel à proximité de laquelle on a découvert, il y a quelques années, les vestiges d'une villa romaine et qui fut fouillée en 1970 par l'A.R.S.S.A.T. sous la direction du Professeur Garlan.
Les plans, dressés au moment de la restauration du château de La Roche-Jagu, en ont révélé les murs crénelés de cabinets obscurs et de passages mystérieux.
L'étude faite par M. René Couffon en 1967 dans les mémoires de la Société d'Emulation (tome 96) en a étudié avec minutie l'architecture et la succession des propriétaires.
Aussi que pourrions-nous encore apprendre sur ce domaine si ce n'est ce que peut nous apprendre la tradition orale recueillie avec ferveur par deux familiers de La Roche-Jagu où ils passèrent leur enfance ; Louis Le Goff et Augustine Le Gac.
Si l'on se trouve à l'entrée de la cour du château et face à lui, se trouvait, autrefois dit-on, à notre gauche, hors les murs et derrière la maison du gardien, une ancienne chapelle dont il ne reste rien sinon l'enclos.
A l'appui de cette tradition, je n'ai pu jusqu'à présent recueillir encore beaucoup d'arguments.
La visite épiscopale de 1781 mentionne que les chapelles domestiques dont on ignore l'état actuel sont la chapelle de Launay (Monteville) et la chapelle ou oratoire de La Roche-Jagu. L'évêque avait-il à se préoccuper de l'état d'une chapelle intérieure ? ou s'agit-il effectivement d'une chapelle séparée du château ? La chapelle de Launay, Sainte-Marguerite, aujourd'hui disparue, était quant à elle tout à fait séparée du manoir.
Si l'on se dirige maintenant vers le château afin de se rendre dans les bois qui descendent de son pignon sud vers la rivière et la vallée, nous passons à l'endroit que clôturait autrefois le porche représenté par Félix Benoist sur le dessin paru dans la « Bretagne Contemporaine ».
A partir de là, le bois descend vers le ruisseau en deux larges terrasses consolidées par des murs, le plus imposant qui est le plus extérieur est un beau mur bien construit de quatre mètres de hauteur au moins.
Ce mur est encore appelé « le rempart ».
Le petit plateau qu'il limite a la réputation d'avoir été un cimetière. Il y avait même là, dit la tradition, un calvaire.
Il est toutefois étonnant, que cimetière et chapelle, si l'un et l'autre ont existé, n'aient pas été contigus, à moins qu'on les envisage d'âge fort différent.
Reprenons la promenade dans le bois, non en descendant vers le ruisseau, mais en longeant la clôture sud du jardin. A peu de distance de l'ancien chemin d'accès, se trouvent les vestiges d'une voûte de la largeur d'une porte piétonne. Il ne s'agit pas cette fois de suppositions car les familiers du bois l'ont encore connue debout dans leur enfance, et, de plus, il en reste les deux parois jusqu'à un mètre de hauteur sur une largeur de 1,20 m environ.
A l'occasion de travaux de défrichements et de plantations sont apparues à proximité de ce passage, des auges, et M. Le Goff a découvert également des tuyaux poteries cylindriques qui en formaient le système d'adduction d'eau.
Peut-être s'agissait-il là des écuries ou plus vraisemblablement des chenils, les bruits d'une meute n'étant pas recommandés aux abords du logis on préférait la tenir à distance.
LES MOULINS ET LA RIVIERE.
Loin d'être comme aujourd'hui une frontière entre les deux rives, le Trieux était autrefois un passage que l'on n'hésitait pas à franchir en bac ou à gué et qui ne nuisait pas aux relations des trois paroisses de Quemper-Guézennec, de Plourivo et de Ploézal.
Les échanges étaient nombreux non seulement au moment des foires et des pardons, mais simplement pour aller invoquer Saint-Ambroise dans sa chapelle de Plourivo, réputé pour rendre la santé aux enfants chétifs.
Le gué qui se trouvait au niveau du confluent du Leff est aujourd'hui rendu impraticable par la vase et inutile par la motorisation.
Les seigneurs de La Roche-Jagu possédaient sur la rivière au pied de la montagne et « presqu'à vue de la chapelle de M. Saint-Thomas, un moulin auquel les vassaux étaient tenus de venir moudre leur blé ».
En plus du moulin se trouvaient « deux pêcheries sur les écluses dudit moulin, un pont pour la fréquentation desdites pêcheries, un réservoir à saumon » (aveu de 1672). Le moulin de La Roche-Jagu se trouvait à l'emplacement de l'actuel marché au cadran à l'entrée de Pontrieux en venant de Pleudaniel. Il a été très récemment détruit. L'on a aussi malencontreusement comblé une partie du lit du Trieux. Celui-ci contrarié dans sa course a submergé les anciennes écluses.
En 1733, le roi voulut faire détruire les pêcheries dont l'existence n'aurait pas été prouvée avant 1544 [Note : AD - E 148]. Celles de la Roche-Jagu et de Frinaudour échappaient de toute façon à la destruction car « la mer monte au-dessus des endroits où elles sont placées », et en 1769 une nouvelle pêcherie fut construite.
En 1684, la Comtesse d'Acigné signalait qu'elle possédait aussi, dépendant de La Roche-Jagu, le moulin de Bizien dont l'étang sépare la paroisse de Ploézal de celle de Hengoat. On retrouve déjà mention de ce moulin en 1572. Aujourd'hui restauré et en état de marche, il ne porte plus le nom de moulin de Bizien, mais de « moulin Trézéon » ce qui est en réalité une déformation de « Tressan », nom dont il fut baptisé depuis que la famille Le Gonidec de Tressan acquit tout le domaine de La Roche-Jagu.
Il est intéressant de savoir quelles étaient les implications de la puissance féodale sur les habitants de la paroisse. « La seigneurie de La Roche-Jagu jouissait des droits et privilèges suivants : la dîme qui se lève dans les quatre dîmeries de la paroisse de Ploézal appelées : Botloï, Le Gouray, Lisquilly et Lissinen et qui se partage avec la cathédrale de Tréguier ; trois courses pour rompre les quintaines au bourg de Ploézal le dimanche après la fête de Saint-Pierre et Saint-Paul, le guet au château de La Roche-Jagu en temps de trouble, la création de quatre gardes forestiers, la première menée aux généraux plaids de Châteaulin-sur-Trieux, la haute juridiction avec patibulaires à quatre piliers dans le champ de Crec'Guen, au-dessus de la ville de Pontrieux, les prééminences dans l'église de Ploézal et les chapelles de Saint-Quay, Kerliviou, Saint-Maudez et Saint-Paul où le droit de supériorité appartient au Comte de Vertus, une foire annuelle le jour de la Saint-Barnabé au bourg de Runan avec connaissances des crimes et délits qui pourraient y être commis... ».
Le champ où se dressaient les fourches patibulaires qui porte le nom de Crec'h Guen est plus communément appelé « Crec'h an justice ».
A cet endroit se trouvait la chapelle Saint-Thomas aujourd'hui détruite et dont seule la ferme voisine a gardé le nom.
Au pied de cette colline se trouvait non seulement le moulin de La Roche-Jagu mais, au début du XXème siècle, on y trouvait encore un four à chaux auquel la matière première était apportée par bateau.
Il est aujourd'hui détruit mais figure encore sur le plan d'assemblage.
UNE MULTITUDE DE CHAPELLES.
Le sort de la chapelle Saint-Thomas, gommée du sol de la paroisse sans y laisser une pierre ni un souvenir, est celui de la plupart d'entre elles dans cette paroisse qui en fut si pourvue.
Dans son « Répertoire des Eglises et chapelles » (S.E., tome 71, 1939) René Couffon en a dénombré quinze pour la commune de Ploézal. Ce chiffre est le plus élevé du département après Saint-Brieuc, Dinan, Plouaret et Plestin-les-Grèves.
A ces quinze chapelles s'ajoutent la chapelle Saint-Thomas et la chapelle extérieure de La Roche-Jagu si elle a existé réellement, et une autre encore dont l'emplacement reste problématique, nommée seulement dans un aveu rendu par la Comtesse d'Acigné à la seigneurie de Châteaulin-sur-Trieux en 1684 (A.D. 2656).
… « autre pièce nommée le cloître de Saint-Voy, contenante en fonds 92 cordes, joignant au droit chemin et à terre d'Yves Josse et Yves Gouriou, au bout de laquelle pièce de terre il y a vestige et aplacement de chapelle... sur le chemin du village de Kerascouet à la rive de mer ».
A Kerascouet il n'y a plus de village, car là comme ailleurs les maisons n'ont cessé de disparaître.
Lors de la visite épiscopale de 1781, on établit la liste des chapelles paroissiales en bon état : Saint-Paul, Saint-Roch, Saint-Gonéry, Notre-Dame de Lezlec'h et son oratoire, Notre-Dame de Kerliviou, Saint-Quav, Saint-Modez, Notre-Dame de Briantel, Saint-Yves de Pontrieux.
Les chapelles domestiques en bon état étaient Saint-Louis de Kericuff et Saint-Jean de Kermarquer.
Les chapelles domestiques dont on ignore l'état : les chapelles de Launay et de la Roche-Jagu, et enfin les chapelles domestiques interdites : Quilliamon et de Saint-Thudy pourtant récemment bénite (1746).
Il n'est déjà plus question de la chapelle Saint-Thomas. Quant à la chapelle Saint-Thudy, bien que classée parmi les chapelles domestiques, elle ne se trouve à proximité d'aucun manoir connu.
Aujourd'hui restent seules debout la chapelle Saint-Quay et le petit oratoire Saint-Roch.
La chapelle de Lezlec'h a été détruite au début de 1979. Elle était flanquée d'un petit oratoire, Saint-Blaise, qui se trouvait au midi de la chapelle et ouvrait au couchant (plus anciennement disparu).
Ce sont les guerres de la Ligue qui firent subir à tous ces monuments une première mutilation, suivant la déposition de Jean de Kercabin (R. Couffon, « Un catalogue des évêques de Tréguier », S.E., 1929, p. 106) ... « l'armée anglaise après avoir dévasté les cantons de Lanvollon et de Paimpol vint cantonner à Ploézal et à La Roche-Derrien, vivant sur le pays environnant en toute licence et discrétion et exigeant en plus des bestiaux, l'argent des habitants des paroisses, lesquels dit un témoin, n'ayant plus de deniers sont contrainctz de vendre les calices, croix et ornements de leurs églises et meurent enfin misérables entre les mains des gens de guerre »...
Au moment de la Révolution, peu de bien civils furent vendus dans la paroisse, par contre les commissaires chargés de la vente des biens nationaux semblent s'être acharnés à la vente et la destruction des chapelles.
Pour les huit chapelles
vendues (N.-D. de Brientel, Saint-Quay, Kerliviou, Saint-Maudez, Saint-Roch,
Saint-Pierre et Saint-Paul, Saint-Gonéry, Notre-Dame de Lezlec'h et son oratoire
Saint-Blaise, l'acte de vente stipulait que :
« L'adjudicataire démolira dans
l'espace de trois décades du jour de l'adjudication définitive le dit édifice et
le convertira en maison ou magasin et fera disparaître absolument dans les mêmes
délais tous les vestiges de la destination primitive ».
Il ne semble pas que cette injonction ait été respectée car un certain nombre d'entre elles ont subsisté jusqu'au début de notre siècle comme Saint-Maudez et sa fontaine, Saint-Gonéry aux confins de la paroisse à la limite de Hengoat, Kerliviou qui possédait un petit campanile à un seul service, quant à Notre-Dame de Brientel elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Lorsqu'elle dépendait de la seigneurie de Losquilly-Briantel, elle possédait au-levant « un cul-de-lampe ayant quatre encoignures ».
LE CHATEAU DE KERMARQUER.
A la fin du XVIIIème siècle, le maréchal de Richelieu ayant recueilli l'héritage des d'Acigné s'empressa de l'éparpiller et c'est ainsi qu'en 1783 le domaine de La Roche-Jagu fut acquis par la famille Le Gonidec de Tressan qui possédait déjà dans la commune le château de Kermarquer.
Ils avaient hérité de ce domaine en 1697 par une alliance avec la famille de Kercabin qui en était propriétaire dès le XVIème siècle.
L'on connaît les familles qui s'y sont succédées depuis 1363 (arch. I.-et-Vi) : Derrien Hingant, Chrétien de Pommoriou en 1484 puis Henri de Kercabin en 1532.
Il va sans dire que le château de ces premiers propriétaires n'était pas la grande et belle demeure que nous admirons aujourd'hui et dont tous les détails architecturaux signalent une construction de la fin du XVIème ou début du XVIIème siècle.
Ce premier château là fut lui aussi une des innombrables victimes de la Ligue. C'est ce que nous laisse présumer un document conservé aux archives d'Ille-et-Vilaine.
…« Monsieur de Kercabin ayant appris vers la fin de l'année 1589 que les ligueurs se proposaient d'incendier ses deux maisons de Kermarquer et de Kerbezrou, fit transporter à Tréguier la majeure partie du mobilier des deux habitations. Mais une troupe de partisans pénètre à Tréguier et tout ce que Monsieur de Kercabin avait cru mettre à l'abri tombe entre leurs mains ».
M. de Kercabin fait alors dresser l'inventaire de ses biens par des témoins afin de demander une indemnité.
Le témoin, Olivier de Toumelin dit « avoir souvent hanté et fréquenté lesdites maisons de Kermarquer et Kerbezrou, lesquelles étaient aussi bien meublées que maisons des deux évêchés et a toujours ouy réputer le dit sieur de Kercabin estre le plus riche homme en meubles et joiaux que gentilhomme qui fut en son quartier, tant en vaisselle d'argent, lingerie, habiets et joiaux... ».
Le sire de Toumelin énumère les pièces du mobilier comme ung « ciel de lit à quatre pentes de velours cramouesy-brun, enrichi de passments d'or large de trois doigts avec la crépine de fin or de ducat... ».
... Puis passe en revue la garde-robe, etc...
« La robe neufe de ras de Milan a de grandes manches de taffetas noir, aultre de sarge dascot, fourrée de fourrure de rousserel d'espaigne enrichi de deux hors de vellours, puis la robe de la dame de Kercabin en vellour noir garnie de passment de soye de mesure couleur et les manches de satin rayé d'or... ».
... Puis il cite toutes les pièces de la vaisselle d'argent... et l'inventaire se poursuit par une telle énumération de merveilles que Charles Perrault lui-même semble avoir pris la plume pour nous narrer un des contes de fées de notre enfance.
Hélas ! tout ceci fut bel et bien anéanti et la date de reconstruction de Kermarquer semble confirmer que les Ligueurs mirent à exécution leurs sombres desseins.
L'actuel manoir fut-il reconstruit à l'emplacement exact de son prédécesseur ?
Dans un aveu rendu en 1684, la comtesse d'Acigné signale qu'elle possède fief et juridiction sur une pièce de terre nommée Loguel Bras « es motte » dudit manoir de Kermarquer et donnant d'un bout sur l'entrée des bois et rabines, d'un côté sur le chemin conduisant de la ville de Pontrieux à celle de Tréguier et d'autre côté menant au convenant de Kereven.
La motte signalée par cet aveu désigne-t-elle le château lui-même ou une motte plus ancienne à proximité du château reconstruit ?
Lorsqu'on suit le chemin qui, venant de la route de Pontrieux à Tréguier se dirige vers le convenant de Kereven, on traverse un petit ruisseau, le Biez Roux ; à gauche du chemin le champ porte le nom de « Parc Porz » ou champ de la cour (cour de ferme) à droite la parcelle s'appelle « ti devett » « les maisons brûlées ».
KERICUFF.
Kericuff est un autre château important de la commune de Ploézal mais sur lequel on possède peu d'archives. Bien entouré de ses douves encore représentées remplies d'eau sur l'ancien cadastre, Kericuff possédait une chapelle dédiée à Saint-Louis en dehors de l'enceinte, et aujourd'hui démolie. La façade du château trop remaniée n'a plus aucun style mais la façade arrière conserve une grande tour d'escalier quadrangulaire flanquée elle-même d'une tourelle.
Longtemps propriété de la famille de Kerguézec, du XVIème au XIXème, il appartenait à cette famille lorsqu'un de ses membres s'illustra à la bataille de Saint-Cast en 1758.
En dehors de ces trois importants châteaux, les petites seigneuries de Ploézal furent innombrables et il serait présomptueux de vouloir les nommer toutes, d'autant plus que bien souvent elles ont perdu les détails caractéristiques de leur architecture.
On glane sur les unes et les autres quelques descriptions au hasard des archives.
— Ker-Hello : appartenait en 1684 au sieur de la Hussaudière. Ce petit manoir conserve une haute tour carrée sur la façade postérieure et une porte d'entrée surmontée d'une archivolte avec chou frisé et dans la clé de laquelle on remarque une petite tête.
— Belle-Fontaine, qui possédait un moulin a conservé sa tourelle.
— La Villeneuve, en la dixmerie de Lissinen, consistant en une maison principale avec sa cour close.
— Kerhouarn avec sa maison principale de 20 pieds de long et 14 de large. La présence de minerai de fer à la recherche duquel il y eut quelques prospections dans la commune est peut-être à l'origine du nom de ce domaine.
— Quillihamon et Kerliviou possédaient toutes deux une chapelle ainsi que Lesquilly Briantel. Celle-ci possédait de plus un important moulin qui existe encore. En 1728 Joseph Poilou, sieur du Goelzic, est nommé sénéchal de la juridiction de Lesquilly.
— Corlegan, récemment détruit, dont la porte d'entrée était surmontée d'un écusson d'hermines encadrée de deux lévriers et couronne ducale, et semblable écusson sur une cheminée monumentale. Dans la tour un escalier de pierre. La maison comptait onze portes intérieures en pierre.
— Coat-Guialen dont on cite le colombier et qui avait droit de justice (description complète dans la liasse E 2656).
— Launay-Monteville possédait de vieilles douves, un bois de haute futaye rabines et dépendances, des écuries, un étang aujourd'hui planté de saules la chapelle Sainte-Marguerite aujourd'hui détruite, un colombier, un moulin disparu mais que le grand-père du propriétaire a encore utilisé comme teillage de lin.
Il y a quelques années existait encore un très grand bâtiment qu'on appelait la salle d'armes.
0llivier de Launay-Monteville a participé au combat des Trente.
La famille possédait des prééminences dans la chapelle de Runan qui est toute proche.
ETAT DE LA PAROISSE AU XVIIIème SIÈCLE.
En 1727, le recteur de Ploézal, M. Le Coniat, las d'être réduit à la portion congrue au profit du chapitre cathédral qui bénéficiait des gros fruits (3.000 livres pour le chapitre, 300 seulement pour le recteur) profite d'une visite épiscopale de l'évêque dans sa paroisse pour lui faire part de ses doléances.
Il a recensé, dit-il, « le nombre exact des habitants de la paroisse qui sont 3.400 [Note : Actuellement la commune de Ploézal augmentée de celle de Runan qu'elle a englobée, mais amputée de la trève de St-Yves de Pontrieux compte 1666 habitants soit à peine la moitié de la population du 18ème siècle. Un recensement établi en l'an VI en dénombre 2427 et Jollivet en 1856 en cite 3116 h] dont 2.900 communian et 180 enfans au-dessus de 8 ans et pour cela il a pris les noms surnoms et adresses des demeures, marqué les lieux principaux et distances du bourg et même tracé une carte au plan de Pleuzal, de ses limites ou circuit ».
« Il y a quatre dîmeries : Le Gourré, Botloï, Lissinen et Lesquilly avec la moitié de la ville de Pontrieux ».
« Il y a 40 grands hameaux ou villages, loin l'un de l'autre, ce qui forme une incommodité considérable eu égards aux chemins affreux de cette paroisse, terrain gras et marécageux par toute l'étendue de la paroisse surtout dans le Botloï, le Gourré et Lesquilly ; pendant neuf mois de l'année les routes sont impraticables, tant à pié qu'à cheval, n'y ayant que les mois de Juillet, Août et Septembre que les piétons puissent se dispenser de grimper les fossés et échaliers pour chercher quelques sentiers par les clos voisins, lesquels mêmes pendant l'hyver deviennent aussy incommodes que les chemins qui les environnent, qu'à l'égard des chevaux il leur serait presqu'impossible de passer par la plupart des chemins depuis le mois d'octobre jusqu'à may, tant à cause des mares d'eau et des crevasses, qu'à cause des glaçons quand il y en a et qui dans un fonds aquatique sont très pernicieux ».
Tous ces inconvénients justifient, d'après le recteur, qu'on lui adjoigne un autre prêtre afin de se rendre d'un village à l'autre, car dit-il, « certains enfants sont si éloignés du bourg que certains de 11 à 12 ans n'ont jamais vu le bourg ni leur recteur ».
Et enfin, afin d'obtenir une plus grande part dans les revenus de la paroisse, le recteur ajoute que « le malheur des temps a fait dans sa paroisse quantité de pauvres tant mendians que honteux au nombre de plus de 600, que les uns et les autres ne pourraient ni prétendraient avoir de plus grand recours qu'à lui, surtout les honteux qui se trouvent sans ressource, s'ils ne sont soulagés par leur recteur à qui seul ils osent découvrir leur misère ».
LA MAISON DU LEPREUX.
Plus émouvant que le souvenir de ces maisons de pierre est le souvenir de cette maison de terre que l'on construisit un jour pour un lépreux.
On le conduisit un jour en procession comme s'il s'agissait d'un véritable enterrement dans cette maison qu'il ne devait plus quitter.
Si le vent soufflait ce jour là dans le sens de la marche il marchait en tête du cortège, s'il soufflait en sens inverse, le lépreux marchait en arrière.
Lorsqu'il fut entré on boucha la porte, laissant seulement une ouverture par laquelle on lui passait ses aliments.
Lorsqu'il mourut, cette cabane lui servit de tombe. On se contenta de boucher la seule ouverture qui existait.
La maison fut détruite il y a une centaine d'années.
(Nicole Chouteau).
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