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LES GUEMADEUC, GOUVERNEURS DE PLOERMEL |
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Les Guémadeuc, gouverneurs de Ploërmel.
Le 26 mai 1637, dès l'aube, un événement important se préparait à Ploërmel ; un va-et-vient inaccoutumé animait les rues de la ville, les bourgeois étalaient leurs plus riches habits, et des hommes en armes marchaient avec empressement, prenant tous le même point de direction. C'est qu'en effet on se disposait à recevoir ce jour-là, avec toute la solennité que comportait son rang, Claude de Guémadeuc, marquis de Guémadeuc, sgr de Trévécar, baron de Callac et a. l., le Nouveau gouverneur de la ville récemment nommé par le roi.
Le seigneur de Trévécar, comme on se plaisait à qualifier Claude de Guémadeuc, fit son entrée par la porte de Rennes, escorté des seigneurs nobles de la juridiction, et de la délégation communale qui s'était portée à sa rencontre. Les habitants groupés en foule près de la porte, autour de leur syndic, porteur des clefs de la ville, firent une respectueuse ovation au représentant de la souveraineté royale ; des coups de feu répétés donnèrent en même temps aux échos d'alentour le signal de la fête. Le lendemain, un grand repas fut servi au gouverneur et aux gentilshommes de sa suite en l'hôtellerie du Croissant. Rien ne manqua pour son honneur, l'écusson de ses armes figurait en bonne place, les mets furent copieux et les vins de Bretagne et d'Anjou se montrèrent généreux aux convives, et même, pour cimenter sans doute l'amitié qui devait désormais unir ceux-ci aux habitants, le syndic fit hommage à l'hôte du jour de « plusieurs bouteilles d'hypocras et de vin claret » [Note : L'hypocras était un vin mélangé d'épices très estimé au moyen-âge. On le préparait en ajoutant à un vin français ou étranger du sucre, de la cannelle, du girolle et du gingembre. Les auteurs anciens en donnent plusieurs formules. On employait encore ce vin à la fin du XVIIème siècle, mais assez rarement].
La prise de possession du gouvernement eut lieu le 28 mai, en une réunion solennelle de la communauté, à laquelle assistèrent la noblesse, le sénéchal, tous les officiers en charge et ce qui composait alors la saine partie des habitants. Le sgr de Trévécar donna lecture de la lettre royale qui l'établissait à Ploërmel, et en quelques paroles vibrantes rappela a tous le service, dû au roi et la soumission à ses ordres. Sans plus tarder du reste, il voulut, en parcourant la liste des personnes susceptibles de porter le mousquet, se rendre compte de la force armée que pouvait fournir la ville.
Dans les détails de cette réception, détails que nous tirons des registres de la communauté [Note : Les archives de Ploërmel ne conservent malheureusement que deux registres du XVIIème siècle. Le premier va de 1637 à 1645 ; le second, de 1667 à 1672. Ils n'embrassent donc que 13 années pour un siècle], nous percevons aisément la part du cérémonial habituel, et celle spontanément offerte par la sympathie des habitants de Ploërmel à celui qu'ils étaient en droit de considérer comme un héritage traditionnel.
Le nom de Guémadeuc, en effet, domina la ville de Ploërmel durant plusieurs générations. Cette famille, puissante autant par les possessions territoriales, que par le crédit dont elle jouit de tous temps aux Etats et à l'armée, eut à cœur de conserver pendant plus de deux siècles, de père en fils, le gouvernement de Ploërmel, qui resta entre ses mains bien plus comme un fief héréditaire que comme une charge personnelle.
Nous ne pouvons entreprendre l'histoire de la noble et belle lignée des Guémadeuc qui ont étendu
leur rayon d'action à toute la Bretagne, le cadre auquel nous nous sommes
assujetti est trop étroit ; qu'il nous suffise de citer ici ceux dont le
souvenir doit être marqué à Ploërmel [Note : Les renseignements qui suivent sont
tirés du fonds des Blancs Manteaux, B. N. mss fr. 22.322.
(Archives de Saint-Malo). La généalogie que nous produisons est inédite] .
1489-1492
: Bertrand Madeuc sgr
du Guémadeuc, (fils de Roland Madeuc, chambellan et grand écuyers héréditaire de
Bretagne), nommé en 1489 gouverneur de Ploërmel, obtint en même temps
l'hérédité de la charge qu'il conserva jusqu'en 1492. N'ayant eu qu'une fille
(Hélène, femme de Jean Rogier de Callac), le gouvernement de Ploërmel fut
recueilli par son frère aîné.
1492-1523 : Roland, époux de Peronnelle de
Coëtquen. Faute de postérité, à la mort de celui-ici (1523), un autre frère,
nommé Jacques, devint gouverneur. Remarquons, en passant, qu'ici le vieux nom
patronymique de Madeuc s'efface devant le nom seigneurial de Guémadeuc [Note :
Le Guémadeuc, terre d'origine, était située paroisse de Pléneuf, dans le duché
de Penthièvre. On donne comme auteur commun aux seigneurs de ce nom, Roland
Madeuc sgr du Gué, qui épousa en 1300 Alix de Bricquebec.
Les armes des
Guémadeuc sont : de sable au léopard d'argent, accompagné de six coquilles
de même, 3 en chef et 3 en pointe].
1523-1539 : Jacques du Guémadeuc, sgr du Guémadeuc, de Crenolles, chevalier banneret, grand écuyer héréditaire de Bretagne, avait épousé en 1490 une riche héréditaire, Françoise de Trévécar, qui apporta des terres importantes (Trévécar, le Rezay, Beaulieu, le Vergér, la Roche Ballue) et lui laissa plusieurs enfants.
1539-1568 : François hérita du patrimoine et des charges. Différents titres le qualifient capitaine de 50 hommes d'armes de Sa Majesté et chevalier des ordres du roi. Il gouverna Ploërmel de 1539 à 1568, et après lui, Thomas et Georges, ses fils, nés de Marguerite de Guebriac, se succédèrent dans cette place [Note : François de Guémadeuc épousa en secondes noces Hélène de la Chapelle].
1568-1592 : Thomas, sire de Guémadeuc, de Guebriac, baron de Bélozac, vicomte de Rézay, sgr de Saint-Père et de Brece, grand écuyer héréditaire de Bretagne, gouverneur de Ploërmel, prit part activement aux guerres de la Ligue dans les armées du prince de Dombes. Il mourut à Rennes, en juillet 1592, des suites de ses blessures. Par testament, il confia la tutelle des six enfants qu'il eut de Jacqueline de Beaumanoir, à Georges, son frère, qualifié sgr de Trévécar, Beaulieu en Guérande, Beaulieu en Mesquer, la Ville-Maupetit. Henri de Bourbon fit valoir la « valeur et bonne connaissance des armes » [Note : Archives du château de Callac] de ce dernier en lui confiant le commandément de Ploërmel.
1592-1619 : Georges de Guémadeuc voulant égaler les plus valeureux chevaliers de cette époque, Molac, Montsoreau, la Hunaudaye, ne marchanda pas ses services au roi. Il épargna à Ploërmel le pillage des ligueurs, délogea ceux-ci de Malestroit et les poursuivit bien au-delà. Donnant à pleines mains, quand il s'agissait de courage militaire, Henri IV le fit chevalier de ses ordres, lieutenant général de ses armées, gentilhomme ordinaire de sa chambre, gouverneur de Malestroit. Suzanne de Sévigné, dame des Chatelets et de Cadoudal (fille unique et héritière de Charles de Sévigné sr des Rochers et d'Anne de Trévégat dame de Cadoudal), qu'il épousa le 27 mai 1584, lui donna un fils nommé Thomas, lequel recueillit à son tour le gouvernement de Ploërmel, en 1619.
1619-1637 : Thomas de Guémadeuc, marquis dudit lieu, sgr Trévécar, Cadoudal, Callac, la Barboulaye, Beaurepaire, chevalier des ordres du roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre, prit comme femme le 12 décembre 1610, Gillette de la Fresnays elle de François de la Fresnays et de Claude de Béllouan), dont il eut Claude.
1637-1659 : Claude, à l'entrée solennelle duquel nous venons d'assister et qui conserva les gouvernements de Ploërmel et de Malestroit de 1637 jusqu'à sa mort, survenue en 1659 ; Sébastien, évêque de Saint-Malo ; Anne, épouse de Louis de Faramus ; et Suzanne, connue comme abbesse du Mt Cassin, près Josselin.
Claude hérita des seigneuries de son père (1637), et épousa la fille de François Ermar, sgr de Kervilly (ou Keruilly). Il laissa un fils, Amador Jean B., et trois filles.
1659-1701 : Amador, marquis de Guémadeuc, sgr de Trévécar, Cadoudal, CallaC, et a. l. se distingua dans la carrière des armes, particulièrement en Flandre, l'année 1669. Outre Ploërmel, il obtint du roi le gouvernement de Saint-Malo (1679), quatrième place royale en Bretagne. Plus tard, la charge héréditaire de lieutenant pour le roi des quatre évêchés de la Haute-Bretagne (Rennes, Dol, Saint-Malo, Vannes) étant devenue vacante par suite du décès du marquis de Coëtlogon, Amador de Guémadeuc s'en rendit acquéreur. Les lettres de provisions sont datées du 25 juin 1694. Il épouse en premières noces Marie de la Villéon, dont naquit un fils, nommé Armand-Jean-François, tué dans la fleur de l'âge à Neerwinden (1693). Cette mort, en privant la branche de Guémadeuc-Trévécar d'héritiers mâles, amena l'extinction des gouverneurs de Ploërmel [Note : Amador de Guémadeuc ayant perdu sa première femme, se remaria en 1689 avec Guyonne Briand, originaire de Saint-Malo. Les deux époux, en voyage dans la Haute-Bretagne, s'étaient arrêtés à Saint-Malo de Beignon, lorsque le 16 juin ils reçurent la visite du syndic de Ploërmel, du lieutenant et de onze bourgeois de cette ville, venus en délégation « les complimenter de leur heureux hymenée, leur offrir les services de la communauté, et leur demander leur bienveillante protection ». Nous pouvons supposer l'accueil très cordial de part et d'autre, car « Madame la gouvernante » promit de s'arrêter à Ploërmel en se rendant à Saint-Jean-des-Prés. Afin de fêter cette première entrée de la marquise, la communauté s'assembla pour délibérer et confia à Pierre Coué, le syndic d'alors, le soin de préparer « une collation, la plus honnête qu'il pourra, assortie d'une pyramide de confitures sèches, limonades, hypocras et autres liqueurs »]. Amador mourut en 1701.
Les Guémadeuc ne se contentèrent pas de leur somptueuse résidence, distante d'une vingtaine de kilomètres de Ploëmel, le château de Callac, paroisse de Plumelec ; ils voulurent jouir en leur bonne ville d'un hôtel confortable. Les bourgeois ayant fait difficulté pour continuer à Claude de Guémadeuc les avantages qu'ils avaient accordés à ses prédécesseurs relativément à ce logement, il dût s'adresser directement au roi qui lui donna satisfaction. « Guémadeuc, dit la lettre royale, ayant remontré que les gouverneurs des principales villes de Bretagne, comme Rennes, Nantes et autres, ont des logements aux frais des communautés, nous avons voulu qu'il ait son logement dans cette ville (de Ploërmel) comme y avaient ses prédécesseurs. Les habitants auront à lui fournir un lieu convenable, ou à lui délivrer deniers pour location ; il doit jouir des mêmes honneurs et droits que ses père, aïeul et bisaïeul » [Note : 6 septembre 1637. Registre de la communauté]. Une commission fut chargée par l'assemblée des notables d'étudier la question et l'on décida d'accorder au sr de Trévécar la somme de cent écus pour son logement.
Le logement était du reste le seul avantage qu'offrait la communauté de ville au représentant du roi ; nous ne trouvons trace dans les registres parvenus jusqu'à nous, d'aucun autre profit sous une forme quelconque. Mais le gouverneur, outre l'honneur du titre, recevait parfois du roi une pension annuelle. Le fonds des pièces originales de la Bibliothèque Nationale nous fournit un document très intéressant sur ce sujet ; c'est une décharge, datée de juillet 1592, donnée par Thomas de Guémadeuc, gouverneur pour Sa Majesté de la ville de Ploërmel, à Pierre le Charron, trésorier général du roi, de « deux cents écus sol » pour son appointement de gouverneur de Ploërmel durant six mois, commencés le 1er janvier, finissant le 6 août suivant, à raison de 33 livres par mois [Note : B. N. Pièces originales 1424].
Avant que Ploërmel fût pourvu d'un gouvernement héréditaire, la ville était occupée militairement pour le duc de Bretagne par des capitaines-gouverneurs. Anglais et Bretons commandèrent tour à tour pendant la guerre de succession : Thomais Pagworth était capitaine anglais, en 1342 ; Pierre Perret, capitaine breton, en 1343 ; Robert Bembro, capitaine anglais, de 1346 à 1351 ; Richard de Bentley, capitaine anglais, en 1351 ; Richard Grevacqua, capitaine anglais, en 1358.
Depuis cette période troublée jusqu'à la nomination de Bertrand Madeuc (1489), nous, connaissons comme capitaines gouverneurs : Renaud de Montauban, sgr du Bois de la Roche, de 1370 à 1379 ; Eustache de la Houssaye, de 1379 à 1387 ; Robert de Montauban, de 1387 à 1402 ; Guy de la Chapelle-Molac, de 1402 à 1406 ; Jean de Malestroit, en 1406 ; Jean de Tournemine, sgr de la Hunaudaye, en 1410 ; Olivier de Chamballac, en 1416 ; Pierre de Bellouan, sgr du Bois du Loup, en 1420 ; Guillaume de Bellouan, sgr de la Villefief, de 1425 à 1451 ; Olivier de Quelen, sgr du Broutay, de 1451 à 1455 ; Bertrand Milon, sgr de Couesbily, en 1455 ; Yvon de Beaulieu, sgr de Beaulieu, en 1457 ; Olivier de Quelen, sgr du Broutay, en 1458 ; Geffroy de Coudran, sgr de la Morandaye, en 1464 ; Jacques le Moyne, sgr de Saint-Julien, de 1472 à 1480 ; Arthur Gruel, sgr de Saint-Jean et de la Bodinaye, en 1487 ; Noël du Han, en 1488 [Note : Nous devons cette liste intéressante à M. le marquis de Bellevue qui a bien voulu nous communiquer plusieurs renseignements importants pour notre étude].
Le gouvernement héréditaire accordé aux Guémadeuc n'était pas purement honorifique, comme semble le penser Ropartz [Note : Notice sur Ploërmel]. Nous avons vu le titulaire, en 1592, recevoir une pension du roi, et par ailleurs, si le gouverneur était assisté d'un capitaine de place et d'un lieutenant, il ne conservait pas moins la direction supérieure dans toutes les affaires militaires.
A l'époque de la Ligue, Thomas et Georges de Guémadeuc organisèrent plus d'une fois la défense et firent des sorties à main armée. Dans une requête au prince de Dombes, relative à la démolition des Carmes, Thomas de Guémadeuc « Capitaine et Gouverneur de ladite ville de Ploërmel », informe qu'il a lui-même donné des ordres pour la fortification [Note : B. N. mss fr. 22.311]. Son frère Georges reçut du duc de Montpensier le titre de « Capitaine de Ploërmel », synonyme de gouverneur.
De 1489 à 1573 nous ne voyons du reste aucun capitaine exerçant sa charge sous l'autorité du gouverneur, l'époque troublée de la guerre d'indépendance nous fournit seulement quelques noms ; ce sont :
Jacques Picaud de Morfouace, capitaine, en 1573 ; Arthur du Guiny, sgr de Queheon, capitaine, en 1574 ; Sébastien de Gallin, capitaine, en 1583 ; Vincent de Coetlogon, capitaine, en 1584 ; Arthur de Cahideuc, capitaine, en 1587 ; François de Cahideuc, capitaine, en 1592 ; François James de la Villecarre, de 1593 à 1597 [Note : D'après les registres paroissiaux, François James aurait eu la charge de capitaine-gouverneur ; on le trouve effectivement qualifié de « dux et moderator urbis » (1593), de « Gouverneur de Ploërmel » (1594), de « moderator in urbe Ploermellensi » (1597)] ; Jean Gueuzille, écuyer, sgr de la Barre, en 1594 [Note : Il figure dans les registres paroissiaux avec le titre de « moderator ac prœfectus domorum hominum, bellatorum scutifero de Treffecar (sic) » (1594)].
Au XVIIème siècle nous trouvons comme lieutenants : Jean Perret, sr du Pas-aux-Bisches (1601) ; Charles Gault, sr du Tertre-Vallière (1635) ; Noël Labbé, sr de Brancelin (1648) ; François Charpentier, sr de Lenarvoy (1660).
(Marquis de Bellevüe, 1909).
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