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LES CARMES DE PLOERMEL ET LEUR COUVENT

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1. FONDATION.
Les Carmes tirent leur nom du mont Carmel en Palestine, où fut leur berceau. Après la croisade qui se termina à Tunis en 1270, « Jean de Bretagne, comte de Richemont, fils de Jean Ier duc de Bretagne, et son beau-frère Edouard, prince de Galles, s'en allèrent, en 1271, faire le voyage de Terre-Sainte, et donnèrent jusques au mont Carmel. De là le comte de Richemont amena deux religieux, qu'il mit dans le faubourg de l'Hospital à Ploërmel, et leur bailla la chapelle de Sainte-Anne, pour y faire leur office divin et exercices spirituels » (Rennes. Histoires des Carmes).

En y arrivant, les religieux plantèrent trois croix de pierre, qui en 1759 furent transportées au cimetière de Ploërmel. Ils construisirent près de la chapelle six cellules, que ont été longtemps conservées comme souvenir. La chapelle elle-même finit par disparaître, pour faire place à une caserne.

L'asile de Sainte-Anne n'était que transitoire : le comte de Richemont fit construire, dans le même faubourg, près de la porte d'En-Bas, un couvent définitif, qui ne fut habité qu'en 1296. Le tout, d'une grande magnificence, était en style ogival de la fin du XIIIème siècle. Le cloître, de forme carrée, soutenu par d'élégantes colonnettes, avait 18 arcades de chaque côté ; au milieu était un puits, surmonté d'un joli colombier ; autour du cloître étaient rangés les bâtiments réguliers, renfermant le chapitre, le réfectoire, la cuisine, les dortoirs, etc...

Plan du couvent des Carmes de Ploërmel (Bretagne).

L'église occupait le côté sud du cloître et était régulièrement orientée de l'ouest à l'est ; elle avait environ 102 pieds de longueur sur 28 pieds de largeur, à l'intérieur. La nef, partagée en trois allées par des colonnes et des arcades, présentait cinq chapelles de chaque côté (Voir le plan). Le maître-autel, surmonté d'un baldaquin, était orné d'une crosse épiscopale, à laquelle était suspendue l'Eucharistie.

A la porte de cette église, on a vu, pendant des siècles, une statue du prophète Élie, revêtu d'une robe barrée de blanc et de brun : c'était l'habit que portaient les premiers Carmes venus en France, et qui les fit appeler les Pères Barrés. Ce singulier costume leur avait été imposé, dit-on, par les musulmans en Terre-Sainte. Mais le pape Honorius II, en 1285, leur permit de le modifier ; pour ne rien perdre de leurs anciennes couleurs, les religieux prirent une robe brune et un manteau blanc : ce qui fut approuvé par le Saint-Siège en 1287 et 1295.

Jean II, le fondateur des Carmes de Ploërmel, devenu duc de Bretagne en 1286, fit en 1302 un testament, où il rappelle son oeuvre dans les termes suivants :

« … Item, comme je ay fondé la méson de Nostre-Dame des Carmes de Ploermel en l'onneur de Dieu et de sa sainte Mère, et pour le salut des ames de moy, de mes antécesseurs et mes successeurs, as Frères de laquelle méson je ay donné et donne à perpétuité le lieu et la place où l’église, les hostiez et les édifices de la d, méson siéent, o tout le clos et le pourpris, dont les d. frères sont en possession, sans que je né que mes hers y puissent jamais mettre nul débat né nul empeschement as diz frèreg né à leurs successeurs ;

Sé il avient que l'église, les hostiez, les édifices et les nécessitez de la d. méson ne soient bien parfaites avant ma mort, je lez mil livres de tournois à parfaire é affénir les d. choses, par les mains de mes exécuteurs, et si les mil libres ne suffisaient à ce faire, je veuil et ordonne que mes exécuteurs mettent ce que mestier sera, oultre les mil livres, à accomplir et affénir les d. choses, bien et parfaitement le plus tôt que ce pourra estre.

Et sé il avient que je meure au réaume de France, ou en celuy d'Angleterre, ou ailleurs par deça les monz, je eslis ma sépoultoure en l'église de la d. méson, à laquelle église je laiz les dous meillours paires d'aournernens à prestre, à diacre et à sous-diacre de ma chapelle, que je porte o moy, et une croiz d'argent doré, o tout le fust de la sainte croiz que y est, é le pié, le calice et un des messiez, qui sont en m. d. chapelle.

Item.... pour prier pour l’ame de moy, en messes et en autres oraisons,..... à noz frères de Nostre Dame dou Carme de Ploarmel doux cent livres ... Donné et fait au mois de septembre, en l'an de grace M. CCC. II. » (Pr. I. 1186).

La dotation du couvent fut fixée par la charte suivante :

« A touz ceux qui ces présentes lettres verront et oront, Jehan duc de Bretaigne, comte de Richemont, salut en Nostre Seigneur. Nous faisons scavoir à touz que nous, en l'onnour de Dieu et de sa saincte Mère, et pour le salut et remède des ames de nos antécessours, de nous et de nos successours, et de touz nos amis, avons fondé et faict une yglèse de l'ordre de Nostre Dame du Carme, en nostre ville de Plouarmel, en la diocèse de Sainct-Malo, et avons donné et donnons en pure et perpétuelle aumosne as Frères qui là sont et seront à faire le servige de Nostre Seigneur en la d. yglèse, et desqueulx frères y doibt avoir jusques à vingt et cinq demouranz d'icy en avant, le lieu et la place où la d. yglèse, les mésons et les édifices que nous y avons faict faire, o touz les édifices et tout le pourprins d'environ, dont les d. frères sont en droit, possession et saisinne.

Après nous donnons et octroyons aus d. frères, de nostre aumosne, pour la d. yglèse et les d. édifices maintenir, et pour le vivre et soustenance d'iceux pauvres frères cent libres de monnoys courant en Bretaigne, lesquelz ilz auront et prendront à tousjours mais, chacun an, à la feste de la Nativité de Nostre-Dame, sur toutes nos rantes et levées de nostre d. ville de Plouarmel ; ... et faute aux recepveurs de poyer au jour assigné, y estant deubtment appelez, ils doibvent poyer de leur propre cinq soulz d'intérêt pour chasque jour de retard. — Donné le jeudy devant Pasques fleuries, l'an de grace. M. CCC. III. » (N S. 19 mars 1304. — Rennes : Carmes).

Au premier abord, cette rente de cent livres parait dérisoire pour l'entretien des édifices et la nourriture de vingt-cinq personnes. Mais tout est relatif dans la valeur extrinsèque de l'argent. En 1304 et longtemps après, la perrée de froment valait en moyenne 5 sous : pour une livre on avait donc 4 perrées, et pour 100 livres 400 perrées. Or, aujourd'hui la perrée vaut environ 25 francs, les 400 perrées vaudraient donc 10.000 francs. C'est, comme on le voit, un joli denier.

Il est vrai qu'avec le temps, et principalement après la découverte de l'Amérique, l'argent devint plus commun et perdit sa valeur ancienne ; mais Jean II n'avait pas pu prévoir cette modification. Les religieux néanmoins en furent les victimes : leur dotation resta toujours fixée à 100 livres monnaie ou 120 livres tournois, ce qui au XVIIIème siècle était loin de représenter la valeur du chiffre du XIIIème siècle. Une ordonnance du roi Louis XIV, en 1688, fixa le paiement de cette rente, moitié au 30 juin et moitié au 31 décembre, mais le chiffre de 100 ou 120 livres ne fut pas changé.

Sans doute les religieux vivaient de peu : ils faisaient maigre tous les jours de l'année, et jeûnaient pendant six mois, c'est-à-dire depuis le 14 septembre jusqu'à Pâques ; leur temps était partagé entre le chant de l'office et une méditation presque continuelle. Ce genre de vie extrêmement sévère ne pouvait convenir à tous les tempéraments, et au commencement du XVème siècle, les vocations étaient moins nombreuses. Pour soulager ses sujets et en acquérir de nouveaux, le prieur général obtint du pape Eugène IV, le 15 février 1432 (N.-S.), l'exemption du jeûne pour les lundis, mardis et jeudis en dehors de l'avent et du carême, de plus la permission de faire gras les jours où il n'y aurait pas de jeûne, et enfin la faculté de se promener dans le cloître et les jardins.

Ces adoucissements permirent de recevoir de nombreux sujets, mais ils n'empêchèrent point quelques réformateurs pleins de zèle, comme le P. Jean Soreth et le P. Philippe Thibaut, de reprendre la règle ancienne sans mitigations, et de rétablir la stricte observance dans diverses provinces.

II. TOMBEAUX.

La vie mortifiée des Carmes et la beauté de leurs cérémonies attiraient chez eux les fidèles. Les bourgeois de Ploërmel choisissaient volontiers leur sépulture dans la nef de leur église, pendant que les seigneurs du voisinage se partageaient les chapelles latérales. A défaut de titres suffisants, il est impossible de faire ici l'énumération complète de ces sépultures, et il faut se borner à la description de quatre tombeaux, les seuls dont il reste des vestiges.

Le premier tombeau est celui du duc Jean II, le fondateur de la maison. Ce prince, en assistant à Lyon au couronnement du pape Clément V, le dimanche 14 novembre 1305, fut écrasé par la chute d'un mur, et mourut le mardi suivant, âgé d'environ 67 ans. Son corps embaumé fut mis dans un sac de cuir et enfermé dans un cercueil de plomb. Le convoi funèbre, après un premier service célébré dans l'église de Saint-Just, quitta Lyon le samedi 20 novembre, passa par l'Arbresle, Tarare, Saint-Symphorien et Roanne, descendit la Loire jusqu'à Châteauceaux, remonta par Châteaubriant et Lohéac, et arriva à Ploërmel le mercredi 15 décembre 1305.

Le lendemain 16, le corps fut conduit en grande pompe à l'église des Carmes, pour y recevoir la sépulture. Devant le char funèbre s'avançaient deux chevaliers montés et armés de toutes pièces, Lancelot d'Andigné et Jehan de Chalonge ; sur le cercueil étaient placés un heaume doré et une épée de parade. Outre la famille du duc et presque toute sa maison, on voyait aux premiers rangs le sire de Rochefort, Jehan de Maure, Olivier de la Forest, Renaud du Chastel, Robin Raguenel, Maurice d'Aradon, etc... A la suite des évêques de Bretagne se trouvaient l'abbé de Prières, l'abbesse de Fontevrault, et tout le clergé du pays.

En luminaire et en aumônes, il fut dépensé, à la cérémonie des funérailles, plus de 600 livres, et à celle du service du septième jour, plus de 350 livres. (La Borderie. 1880).

Le corps fut inhumé au milieu du chœur. On y éleva quelque temps après un riche tombeau de marbre noir, orné d'arcatures, sur la table duquel on plaça la statue du prince en marbre blanc. Le duc est représenté la tête nue, les mains jointes, le corps revêtue d'un cotte de mailles sous une cotte d'armes : au côté il porte une épée et un bouclier, sur lequel figure l'échiqueté de Dreux avec le franc quartier de Bretagne ; les jambes sont garnies de grèves et les pieds reposent sur un lion. (Hist. l. 224).

Sur le bord de la table on mit l'inscription suivante :

Cy gist Jean, jadis duc de Bretagne, qui trespassa à Lyon sur le Rhosne, le jeudi (?) ès octaves de la feste de  saint-Martin d'hyver, l'an M. CCC. V. — Priez Dieu pour son âme.
— On verra plus loin les vicissitudes de ce monument.

Le second tombeau est celui des seigneurs et dames du Crévy, dans la seconde chapelle du côté de l'évangile, appelée chapelle de Sainte-Catherine, puis de Saint-Yves. En 1333, Jean de Derval, seigneur du Crévy, donna une rente perpétuelle de 40 mines de seigle aux Carmes de Ploërmel, pour avoir, tous les jours, deux messes basses, pour son père et sa mère défunts, et aussi pour lui, sa femme et ses descendants.

Son père s'appelait Bonabes ; sa mère était Aliénor de Châteaubriant ; la statue tombale de celle-ci existe encore : elle est en Kersanton et représente une femme vêtue d'une longue robe, les mains jointes, les manches étroites, un manteau derrière les épaules, un voile sur la tête, avec une mentonnière et une guimpe au cou.

La femme de Jean de Derval était Jeanne de Léon, sœur de Hervé VII et veuve d'Olivier II, vicomte de Rohan. Elle mourut vers 1337, car dès 1338 son mari donna 500 livres aux Carmes, pour décorer la chapelle où elle avait son tombeau, en déclarant qu'il voulait être inhumé prés d'elle, Ce seigneur embrassa le parti de Charles de Blois en 1341 et périt à la Roche-Derrien le 18 juin 1347, avec son fils Jean. Il est possible que son corps ait été ramené à Ploërmel pour y recevoir la sépulture. Toutefois il ne reste aujourd'hui que la statue tombale de sa femme, dont le costume est le même que celui d'Aliénor, avec un peu plus d'élégance dans la coiffure et une mince couronne sur la tête, pour rappeler sans doute son ancien titre de vicomtesse de Rohan. Cette statue et la précédente sont conservées dans la maison des Carmes.

Le troisième tombeau est celui du duc Jean III, petit-fils de Jean II. Ce prince, surnommé le Bon, à cause de la douceur de son gouvernement, revenait d'une expédition en Flandre, quand il mourut à Caen, le 30 avril 1341, à l'âge de 55 ans. Son corps fut transporté à Ploërmel et inhumé dans le chœur de l'église des Carmes.

Comme il ne laissa pas d'enfant, sa succession fut disputée entre Jean de Montfort, son frère, et Charles de Blois, son neveu. La lutte dura 23 ans, et empêcha de lui élever un monument. Enfin Jean de Montfort, fils du prétendant, ayant triomphé à la bataille d'Auray en 1364, fit ériger à son oncle Jean III un tombeau en marbre noir, orné d'arcatures. Sur la table il fit mettre la statue en marbre blanc du défunt ; elle le représente la tête ornée d'une légère couronne et appuyée sur un coussin, les mains jointes, le corps revêtu d'une chemise de mailles sous une cotte d'armes semée d'hermines, portant au côté une épée et un écu d'hermines, les jambes garnies de grèves et les pieds appuyés sur un lion. (Hist. I p. 244).

Sur le bord de la table on grava l'inscription suivante :

Cy gist Jehan (III), jadis duc de Bretagne, vicomte de Limoges, qui décéda à Caen en Normandie, l'an M. CCC. XLl, le dernier jour d'avril. — Priez Dieu pour lui. — On verra plus loin le sort réservé à ce tombeau, et les dangers qu'il a courus pour parvenir jusqu'à nous.

Le quatrième tombeau est celui de Philippe de Montauban, seigneur du Bois-de-la-Roche, de Grenonville, de Sens et autres lieux, conseiller de la duchesse Anne et chancelier de Bretagne. Ce seigneur mourut à Rennes, le 1er juillet 1514, et suivant sa demande il fut inhumé chez les Carmes de Ploërmel, dans la chapelle de Notre-Dame, la première du côté de l’épitre. Sa veuve, Anne du Chastelier, lui fit ériger un mausolée en pierre de Kersanton, et elle fut plus tard déposée à côté de lui.

Ce monument existe encore ; retiré de l'église démolie, il est aujourd'hui placé au milieu du préau du cloître : il serait à désirer qu'il eût un abri léger contre la pluie et les intempéries des saisons. Malgré quelques légères mutilations, il mérite d'être soigneusement conservé.

Ploërmel (Bretagne) : tombeau de Philippe de Montauban et Anne du Chastellier, son épouse

Il se compose d'un sarcophage orné de 12 statuettes séparées par de petits contreforts ; sur la table supérieure sont couchées les statues de Philippe de Montauban et de sa femme, les mains jointes, la tête sur des coussins, les pieds sur des lions., lui en armes et elle en costume du temps. On y lit l'inscription suivante en caractères gothiques :

Cy gist haull et puissant seigneur Phls de Montauban, chevalier, baron de Grenonville, de Basoges et de Sens, vicomte du Bois de la Roche, chancelier de Bretaigne, fondeur de ceste chapelle, ql décebda à Rennes, le premier jour de juillet, l'an M. Vcc. XIIII — Dieu luy face pardon, A (men).

Plusieurs autres seigneurs du Bois-de-la-Roche furent inhumés dans la même chapelle de Notre-Dame, à côté de leur aïeul. On peut citer notamment Henri de Volvire, mort le 8 octobre 1645 ; Charles de Volvire, mort le 26 février 1692 ; Joseph de Volvire, inhumé le 18 février 1715 ; Joseph-Philippe de Volvire, inhumé le 21 juin 1731.

III. DESTRUCTION.

Le monastère des Carmes de Ploërmel continuait sa tranquille existence, lorsque survinrent les troubles de la Ligue.

En 1589, la ville de Ploërmel, qui tenait pour le roi Henri IV, fut attaquée et pillée par le sieur de Saint-Laurent, partisan du duc de Mercœur. Quelque temps après, le baron du Pont l'occupa de nouveau pour le roi, et y laissa pour capitaine François James, sieur de Villecarre.

Voici maintenant la suite des événements, telle que la donne Ogée, dans son Dictionnaire, II. p. 307. En 1591, « François James, sieur de Villecarre, capitaine de Ploërmel, avait pour lieutenant le sieur de Cahideuc. Villecarre, que avait juré la ruine du couvent des Carmes, fit approuver ses coupables desseins à Cahideuc et à Pierre Rogier, seigneur du Crévey, Ce Rogier, calviniste, désirait plus que personne la ruine de ce couvent, d'autant plus qu'il était obligé de payer, par chaque année, quarante mines de blé de rente, qui avaient été donnés aux religieux, en 1333, par Jean de Derval, seigneur du Crévey.

Ces trois officiers, abusant de l'autorité qu'ils avaient à Ploërmel, firent mettre le feu à l'un des dortoirs de ce monastère, situé du côté de la ville. Ils espéraient que, dans le tumulte occasionné par l'incendie, il leur serait facile d'enlever les titres des moines, si toutefois ils pouvaient échapper aux flammes. Cette première entreprise ne réussit pas : les habitans, qui aperçurent le feu au bout du dortoir, accoururent promptement au secours et éteignirent l'incendie.

Le mauvais succès de cette entreprise ne les rebuta point ; quelques jours après, ils envoyèrent une partie de la garnison, composée d'Anglais et de calvinistes, mettre pour la seconde fois le feu à ce dortoir, et achever de consumer ce qui était resté du premier incendie. Les soldats exécutèrent les ordres de leur chef, et déjà le feu menaçait l'église et le corps du logis de la grande salle, lorsque le peuple vint au secours et sauva ces deux édifices...

Ils eurent alors recours à l'autorité légitime, et cachèrent leurs noirs projets sous le prétexte spécieux du bien public. Ils présentèrent au prince de Dombes une requête dans laquelle ils s'efforcaient de prouver que, pour mettre la ville de Ploërmel en état de résister au seigneur de (Saint-Laurent) qui avait formé le dessein de la soumettte au duc de Mercœur, il était nécessaire de la faire fortifier, et surtout de faire démolir le couvent des Carmes qui, se trouvant près des murs et hors de la ville, était très mal situé pour la conservation de la place.

Le 3 janvier 1592, le prince de Dombes étant à Rennes ordonna que les juges de Ploërmel et leurs officiers aviseraient avec les capitaines à ce qu'il y aurait à faire pour la défense de la ville et que s'il était expédient de démolir le couvent, on dressât procès-verbal de son état actuel, pour que le roi pût le faire rebâtir à ses frais après la guerre, et prescrivit de mettre en lieu de sûreté les matériaux et merrains qui en sortiraient.

En conséquence, les religieux firent descendre la grande vitre du grand autel, qui était située à l'orient, et tirent mettre les panneaux dans leur chapitre, puis abattre ce qui paraissait plus préjudiciable à la ville... Au mois de juin, le gouverneur, craignant une attaque du duc de Mercœur, envoya, pour hâter la démolition, 300 Anglais, qui otèrent la charpente de l'église et en abattirent le pignon et les autres murs, de manière qu'en peu de jours tout fut démoli.

Les autels, qui étaient au nombre de 17, furent détruits et mis au pillage par ces étrangers, qui brisèrent les vitrages et les tuyaux de l'orgue ; ils entrèrent même, pendant la nuit, dans l'endroit où avait été mise la charpente tant de l'église que du bâtiment, et y mirent le feu, de sorte que tout fut réduit en cendre. Heureusement que les images des saints et les chaires du chœur, avec les ornements et les vases sacrés, avaient été transportées à Saint-Armel. Le dommage le plus considérable fut la ruine des deux riches tombeaux en marbre des ducs Jean II et Jean III : les Anglais, en démolissant l'église, prenaient plaisir à jeter sur eux les plus grosses pièces de bois et les plus grosses pierres. (Les statues néanmoins restèrent presque intactes). Le gouverneur et les autres officiers des troupes firent couper par les soldats tous les arbres fruitiers des jardins et vergers des Pères Carmes, pour en faire du bois de chauffage.

Sur la supplique des Carmes, la communauté de ville s'assembla, le dimanche 18 octobre 1592, et résolut de présenter une requête au roi pour le supplier d'assigner un logement commode à ces religieux. Le prince de Dombes, qui avait pris le titre de duc de Montpensier depuis la mort de son père, ordonna aux habitants et capitaines de Ploërmel de leur préparer un logement dans le prieuré de Saint-Nicolas ou dans celui de Taupont. Il fut décidé de leur donner celui de Saint-Nicolas ; en conséquence, les capitaines et les habitants les y conduisirent le 22 novembre.

Les corps des ducs Jean II et Jean III étaient restés dans leurs tombeaux. En 1593, les Carmes, ayant eu avis que quelques soldats avaient commencé à creuser pour parvenir à ouvrir leurs châsses, dans lesquelles ils s'imaginaient trouver quelques joyaux d'un grand prix, présentèrent une requête aux juges de la ville pour s'opposer à l'insolence des soldats, et obtenir la permission de faire tirer les corps de ces deux princes et de les transporter solennellement et processionnellement au prieuré de Saint-Nicolas : ce qui leur fut accordé ».

Voici un résumé du procès-verbal dressé à cette occasion.

« Le 20 juin 1593, sur la requête du P. Julien Pléard, prieur des Carmes ; MM. Pierre Marcadé, sieur de Beaumont, conseiller du roy, alloué et lieutenant général à Ploërmel ; François James, sieur de Villecarre, capitaine de la ville ; Gilles de Lézonnet, sieur de la Porte, conseiller du roy et lieutenant à Ploërmel ; François Tayart, sieur de la Touche-au-Roux, procureur du roy, se rendirent à l'ancienne église des Carmes, et là, en présence des religieux du couvent et des notables de la ville, ils firent faire l'ouverture des tombes suivantes :

1° Tombeau de Jean II ; on y trouva une châsse en plomb, en forme de bière, renfermant des ossements ;

2° Tombeau de Jean III ; une châsse en plomb, renfermant des ossements et des cheveux de couleur jaune ;

Les restes des deux ducs furent mis dans la même chasse, pour faciliter leur transport ;

3° Une petite châsse, renfermant de petits ossements, comme ceux d'un enfant, marquée d'une hermine ;

4° Tombeau des Derval, dans la chapelle de Saint-Yves : deux châsses en bois, recouvertes de cuir bouilli.

Le lendemain, 21 juin, suite de l'opération.

5° Tombeau de Philippe de Montauban et de sa femme, dans la chapelle de Notre-Dame : deux châsses, l'une en plomb, renfermant des ossements ; l'autre en bois, à bandes de fer, renfermant aussi des ossements et une longue chevelure tressée et enroulée ».

Les religieux déclarèrent qu'il y avait en outre dans l'église, sans tombeaux élevés, les enfeux de nombreux seigneurs et notamment des sires de Lézonnet, de Brécilien-Laval, de Molac, de Clos-Havart, de Morfouace, de la Ville-Desné, de Beulieu, de Clos-Hazay, de Cambrigo, Villenard, et autres, sans compter de nobles bourgeois.

Toutes les reliques, retirées des tombeaux, furent solennellement transportées au prieuré de Saint-Nicolas, en attendant leur retour dans la nouvelle église.

Ploërmel (Bretagne) : tombeaux de Jean II et Jean III, ducs de Bretagne

IV. RECONSTRUCTION.

Les troubles de la Ligue ayant définitivement cessé en 1598, on songea sérieusement à reconstruire le couvent des Carmes de Ploërmel. Le provincial des Carmes étant arrivé à Ploërmel le 8 juillet 1600, pour y faire la visite du couvent de son ordre, se mit en rapport avec les habitants de la ville, pour la reconstruction du monastère. Il trouva tout le monde disposé à y contribuer ; mais on était en doute du lieu où l'on devait le rebâtir. Après bien des discussions, il fut arrêté qu'on le placerait dans le même endroit, et sur les fondements du premier, qui étaient restés dans leur entier.

Un éperon ou boulevard avait été construit sur l'emplacement du monastère et un chemin public passait sous les arcades ruinées de l'église. Le 15 janvier 1601, en l'auditoire de la sénéchaussée, il fut décidé de commencer par le déblaiement du terrain ; tout le monde voulut contribuer personnellement à la bonne œuvre ; les habitants de la ville et ceux de la campagne y travaillèrent gratuitement par séries de cinquante personnes ; les juges eux-mêmes y vinrent travailler en robe, pour animer le peuple.

Pendant ce temps on réunissait l'argent nécessaire pour une entreprise aussi considérable. Les États de la province accordèrent 200 écus ; la noblesse du pays et les habitants de Ploërmel donnèrent 4000 écus, restés sans emploi, à la condition d'avoir tous les ans, au 21 avril, une messe pour les bienfaiteurs ; de nombreux particuliers y ajoutèrent des sommes plus ou moins considérables. Presque tout le bois de la charpente de l'église fut donné par la noblesse des environs et transporté sur les lieux par les laboureurs, sans salaire. Il fut aussi décidé que les familles qui avaient droit d'enfeu et de chapelle dans l'église, seraient appelées à les rebâtir à leurs frais, faute de quoi elles perdraient leurs droits et privilèges, et les religieux pourraient les transférer à d'autres qui accepteraient de les faire rebâtir.

Le lundi des rogations, 28 mai 1601, la procession de l'église paroissiale de Saint-Armel vint au convent, pour la pose des premières pierres du chœur de l'église. « Escuyer Charles du Plessis, sénéchal, mit la première ; Dom Armel Nicolas, recteur, mit la seconde ; la troisième fut mise par noble homme François Tayart, sieur de la Touche-au-Roux ; la quatrième, par noble homme Jean Perret, sieur du Pas-aux-Biches, lieutenant ; la cinquième fut posée par le P. Pierre Béhourt, prieur ; la sixième, par noble homme Alexandre Fabroni, procureur du roy, et les autres par les habitantz, selon leurs estatz et mérites » (Rennes. — Carmes).

Les bâtiments du nouveau monastère, élevés sur les anciens fondements, formèrent un carré régulier autour du cloître. Ce cloitre, qui subsiste encore aujourd'hui, fut construit en belles pierres de granit, et eut dix arcades en plein cintre sur chaque côté. Il desservait tous les appartements du rez-de-chaussée, et s'arrêtait au premier étage, ou il était remplacé par un corridor intérieur.

L'église, rebâtie sur le côté méridional du cloître, à la place de l'ancienne, eut les mêmes dimensions qu'auparavant. Dix chapelles latérales y furent également ménagées, et les familles intéressées y rétablirent leurs enfeux et leurs armes. Ces chapelles étaient, du côté de l'évangile, les suivantes :

1° Celle de Lézonnet, dédiée à sainte Barbe puis à sainte Anne, dotée en 1474 de 15 livres de rente par Guillaume de Coëtlogon ;

2° Celle de Derval ou du Crévy, dédiée à sainte Catherine, puis à saint Yves, renfermant le tombeau des dames du Crévy ;

3° Celle du Chesne-Oran, ou des Douarin, à la suite de la précédente, avec une porte sur le cloître ;

4° Celle de Rohallaire, à la suite, fondée par les Parcheminier, et placée sous le vocable de Saint-Fiacre ;

5° Enfin celle du Bois-Hélio, située au bas de l'église, près de la grande porte.

Du côté de l'épître, les chapelles étaient :

1° Celle de Notre-Dame, ou du Bois-de-la-Roche, avec sépultures des Montauban et des Volvire ;

2° Celle du Clos-Havart, dédiée à saint Gildas, puis à saint Julien et à saint Antoine de Padoue, faisant suite à la precédente ;

3° Celle de Molac, dédiée à saint Sébastien et saint Martin, dotée en 1458, par Guy de Molac, ayant porte sur la cour ;

4° Celle de Boyac, à la suite, appartenant aux Thébaud, puis aux Luxembourg et enfin Le Goaesbe ;

5° Celle de la Ville-Déné, au bas de l'église sous le vocable de Saint-Aventin, passée aux Rogier du Crévy.

Le chœur avait 33 pieds de longueur, sur 28 de largeur, et était garni de 64 stalles, tant hautes que basses. Au maître-autel étaient quatre colonnes de cuivre, soutenant un baldaquin, avec de petits anges. Au fond, au-dessous du grand vitrail, étaient les statues des trois Maries.

Pendant qu'on travaillait à la reconstruction de l'église et du monastère, le R. P. Philippe Thibaut, provincial des Carmes, inaugurait une réforme partielle de l'ordre, en reprenant la règle primitive, sans mitigation. On sait que les Carmes de Ploërmel avaient depuis longtemps accepté les adoucissements accordés par le Saint-Siège. Les habitants de la ville, informés de la vie pénitente des nouveaux religieux, désirèrent les introduire chez eux, à la place des anciens. Le procureur-syndic, M. François Perret, sieur des Crolais, au nom de la ville, en demanda l'autorisation au parlement.

La supplique ayant été acceptée, le P. Thibaut vint de Rennes à Ploërmel, le 3 mars 1618, pour régler tous les détails d'exécution, et huit jours après, cinq religieux prêtres arrivèrent à Ploërmel, pour y établir la réforme. Le P. Mathurin Aubron fut nommé prieur de la maison et sa nomination fut confirmée peu après au chapitre de Pont-l'Abbé.

Deux ans après l'arrivée des religieux de l'observance, le nouveau monastère était enfin terminé. Les Carmes quittèrent donc le prieuré de Saint-Nicolas en 1620 et prirent possession de leur maison, ou ils firent transporter leurs meubles ; ils firent également ramener et remettre en place les cercueils des ducs et des autres défunts, et l'évêque de Saint-Malo vint faire la dédicace solennelle de l'église le 24 avril 1622. Le tombeau des ducs, rétabli en 1620 au milieu du chœur, fut placé en 1646 auprès du maître-autel, du côté de l'évangile. Un religieux de la maison lui consacra les vers suivants :

« Passant, tu vois ici les tombeaux magnifiques - De deux souverains ducs des peuples armoriques, - Princes, lorsqu'ils vivaient, puissants et valeureux, - Issus du sang royal des vieux comtes de Dreux,
I. — Le premier assista saint roy de France, - Aux guerres d'outre-mer contre la mécréance - De la race ottomane, et fut au mont Carmel, - D'où les Carmes premiers vindrent à Ploërmel... - Et après qu'il les eut logés commodement, - En ce couvent par lui bati superbement, - Au voyage qu'il fit à Lyon sur le Rhône, - Où Clément cinq reçut la papale couronne, -Là par un grand malheur ce bon duc trépassa, - Par la chute d'un mur, qui tout son corps froissa. - Sa dépouille mortelle est sous ce marbre enclose : - Plaise à Dieu qu'à jamais son âme au ciel repose !
II — L'autre, de qui tu vois l'effigie marberine, - Portant un écusson semé de mainte hermine, - C'est Jean, tiers de ce nom, et fils du duc Artus, - Et qui sage, unissant les royales vertus - Et la dévotion de son aïeul et père, - Fut plein d'un saint amour pour ce monastère. - En revenant de Flanche, ou contre les Anglais - L'avoit mené le roy Philippe de Valois, - Il se vit investi d'une âpre maladie, - Qui le fit trépasser à Caen en Normandie. - Ici, près de son aïeul, sont inhumés ses os. - Son âme vive au ciel en éternel repos ! »
.

V. DONATIONS.

Les titres primitifs des donations sont perdus ; il n'en reste de traces que dans un registre sommaire de 1717. Il sellait assurément fastidieux de les énumérer ici, à cause de leur nombre considérable et du peu d'importance de la plupart. Il suffira de citer les plus intéressantes, en suivant l'ordre chronologique.

En 1309, Guillaume de Beaumont, en Taupont, et Jeanne sa femme donnèrent aux Carmes de Ploërmel la dîme sur tout leur fief, à condition d'avoir une messe tous les jours à l’autel de Sainte-Catherine. Cette dîme, levée dans les villages de Bodiel, de la Villebuo et de la Moraie, rapportait 13 mines de seigle et deux demés en 1717, et était estimée 300 livres en 1790.

En 1346, Agathe de Tinténiac, femme de Messire Robert de Beaumanoir, vicomte de Loyat et maréchal de Bretagne pour Charles de Blois, donna une rente nnuelle de 6 livres, 6 sols, 6 deniers, pour une fondation de messes à dire dans la chapelle de Saint-Fiacre, au-dessous de la porte du cloître.

En 1402, M. Jean Guérin donna un grand pré, situé près du Pontneuf, en Taupont et un autre dit Brisset, près le cours de l'Yvel, pur avoir une messe basse tous les lundis. Ces prés étaient affermés 37 livres 16 sols tournois en 1717, et 88 livres en 1790, en y ajoutant le clos de Coesby.

En 1430, Mahault, dame de Montfort, légua une rente de 5 livres monnaie, pour être inhumée dans l'église des Carmes de Ploërmel, et avoir quelques messes.

Le 18 juillet 1440, mourut Yolande d'Anjou, femme de François de Bretagne, comte de Montfort. On donna pour elle aux Carmes de Ploërmel un capital de mille livres monnaie, à placer en rentes, pour avoir un service solennel à l'anniversaire de son décès, et une messe chantée les dimanches et fêtes. Le capital fut enfin employé à acheter un grand pré, situé auprès de la petite chapelle de Saint-Armel ; ce pré, dit de la Chapellente, fut accensé en 1673 aux Ursulines pour 400 livres tournois par an.

En 1443, mourut Isabeau de Bretagne, fille de Jean V et femme de Guy XIV, comte de Laval, léguant aux Carmes de Ploërmel une rente de 18 livres tournois, sur la terre et forêt de Brécilien, à charge de services religieux.

En 1474, Guillaume de Coëtlogon, seigneur de Lézonnet et de Gomené, et Constance du Guémadeuc, sa femme donnèrent une rente de 15 livres et d'autres biens, pour avoir deux messes par semaine à l'autel de Sainte-Barbe ou de Sainte-Anne la chapelle conserva le nom de Lézonnet.

En 1512, Philippe de Montauban, seigneur du Bois-de-la-Roche et autres lieux, donna une rente de 25 livres monnaie ou 30 livres tournois, sur les revenus de la terre du Binio en Augan, et une part de la dîme de Trégadou, pour avoir tous les vendredis une grand'messe en l'honneur de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

En 1514, Olivier de Lanvaux, seigneur de Beaulieu près de Locminé, exécutant les dernières volontés de son père Pierre, donna une rente de 7 livres 4 sols sur sa terre, pour avoir 12 messes basses par an et le droit d'enfeu dans la chapelle des SS. Sébastien et Martin, située au milieu de la nef, du côté de l'épître.

En 1552, accord fait entre Jeanne Mouraud, veuve de Jean Picaud, seigneur du Clos-Havart, et Fr. Jean de la Houlle, prieur, pour le paiement d'une rente de 5 livres monnaie ou 6 livres tournois, due précédemment, en retour d'une messe par mois et la jouissance de la chapelle des SS. Julien et Antoine de Padoue.

En 1618 mourut Anne de Daillon du Lude, veuve de Philippe de Volvire, vicomtesse du Bois-de-la-Roche ; elle laissa aux Carmes de Ploërmel une rente de 30 livres, pour avoir sa sépulture dans la chapelle de Notre-Dame, et une messe basse tous les jours au même lieu.

L'année suivante, Susanne Labbé donna la moitié du pré Planté, savoir une journée et un quart, pour avoir un service et une messe anniversaire au jour de sa mort. Les religieux achetèrent l'autre moitié du pré en 1644, pour asseoir la fondation de Perrine Audran, dame du Bois-du-Loup. Cet immeuble était affermé 50 livres en 1744.

En 1621, M. Jean de l'Espine, sieur de la Brousse, et sa femme donnèrent une rente de 10 livres, sur le pré Guibourg, près des Ursulines, pour avoir urne messe le 1er novembre et une part aux prières de la communauté. Plus tard, les Carmes acquirent le pré tout entier, pour placer des capitaux reçus et assurer diverses fondations. Le pré Guibourg, dit aussi le Pré-aux-Moines, était affermé 83 livres en 1790.

En 1623, Jean Bérard, sieur de la Haute-Touche, en Monterrein, donna une rente de 100 livres, réduite ensuite à 50 livres, pour la fondation de la grand'messe et de la procession du Saint-Sacrement, le premier jeudi de chaque mois : on voit que l'argent devenait déjà plus abondant.

En 1624, le 30 mai, M. François de Kerveno, baron dudit lieu, légua un capital de 1600 livres, pour constituer une rente de 100 livres, afin d'avoir son anniversaire et une messe, à onze heures, tous les dimanches : ce qui fut réglé en 1631.

En 1634, Jeanne Le Provost, femme de Guy Le Neveu, donna, sur la métairie de la Vilie-au-Pilon, près de Quintin, une rente de 30 livres, franchissable pour 500 livres, afin d'avoir une messe basse tous les vendredis de l'année.

En 1643 Yvonne Jouan, femme de Pierre Perret, sieur des Crolais et sénéchal de Ploërmel donna une rente de 100 livres, franchissable à 1600 livres, pour avoir un service anniversaire le 22 avril et une messe basse tous les jours de l'année.

En 16.., François Labbé et Barbe Loison cédèrent aux Carmes les deux boutiques de la porte donnant sur la rue de l'Hôpital, pour avoir deux anniversaires, seize messes basses diverses prières à leur intention.

En 16., M. Houeix, sieur du Paty, donna une rente de 27 livres sur ses terres du Thabor, pour avoir une messe base tous les lundis, à l'autel privilégié. Cette propriété du Thabor finit par appartenir aux Carmes et leur rapportait 40 livres en 1790.

Le 10 mai 1680, les Carmes acquirent la métairié de l'Abbaye-aux-Oies, en Guillac, pour la somme de 3.042 livres; ils y employèrent les capitaux versés par Julienne du Chesne, Jeanne Minier, Anne Sébille, Jacquette des Marcheix, Henri Charpentier, Yvonne du Bouexic et Jeanne Morice : c'était un moyen efficace d'assurer le service des fondations faites par ces personnes.

En 1717, la fermière de l'Abbaye-aux-Oies payait 35 livres par an, et 20 mines de froment, qu'elle devait conduire à Ploërmel. En 1790, le prix de ferme était évalué à 475 livres.

En 1707, Jeanne Oger donna une somme de 200 livres, à placer en constitut pour employer la rente à servir sa fondation.

Le 21 décembre 1728, Armelle Crusson, veuve de Pierre Fily, légua une rente de 40 livres, franchissable à 800 livres, pour avoir 60 messes basses par an.

Enfin, le 3 avril 1742, Françoise Le Cadre, veuve Haugoumar, légua une rente de 12 livres, non franchissable, sur sa métairie de Planté, pour un anniversaire et un salut au 4 octobre.

On peut remarquer qu'au XVIIIème siècle les fondations de services religieux furent moins nombreuses que dans les siècles précédents : la foi, battue en brèche par l'impiété philosophique, diminuait graduellement. D'un autre côté, la réduction des vocations monastiques, produite par les tracasseries gouvernementales, ne permettait pas d'accepter de nouvelles charges dans les communautés.

On peut aussi remarquer que les prétendues richesses des moines provenaient des fondations faites chez eux, et que les revenus des biens étaient absorbés par les charges imposées à la communauté.

VI. FAITS DIVERS.

Il s'agit de recueillir ici quelques faits divers qui n'ont pu trouver place dans les articles précédents.

Le duc fondateur s'était réservé un logement dans la maison, et ses successeurs en ont profité pour y tenir parfois les États de Bretagne. C'est ainsi qu'Arthur Ier y tint ses assises en 1309, et Jean III les siennes en 1315.

En 1565, le roi Charles IX, visitant ses États, vint en Bretagne, avec Catherine de Médicis, sa mère, et Marguerite de Valois, sa sœur, et les seigneurs de sa cour. Il passa par Ploërmel et logea au couvent des Carmes, auxquels il laissa un don considérable.

En 1580, le 15 octobre, les États de Bretagne s'assemblèrent à Ploërmel au couvent des Carmes, et s'occupèrent de la réforme de la coutume de la province.

C'est dans le même lieu que se réunirent, le 20 mars 1587, les États extraordinaires du pays.

En 1620, le R. P. Philippe Thibaut établit à Ploërmel le cours de théologie pour les jeunes religieux de sa réforme. C'est là que se tint aussi, en 1622, le chapitre provincial des Carmes ou la réforme fut décidée pour le couvent d'Hennebont.

Quant aux religieux du monastère, il y en a fort peu de connus, par suite de la perte presque complète des archives de la maison. On rencontre comme prieurs.

En 1377, Jean Bouexel, — en 1481, Geoffroi Quatreville, — en 1552, Jean de la Houlle, — en 1555, Charles Chefdemail, — en 1577, Philippe Ragot, — en 1685, Victor de Saint-Henri, — en 1718, Benjamin de la Vierge.

En 1720, les religieux ayant voix au chapitre étaient les Frères : Saturnin de Saint-Jean, prieur ; Augustin de Sainte-Monique, sous-prieur ; Gillaume de Sainte-Françoise ; Fortunat de Saint-François, procureur ; Thomas de Saint-Dominique ; Raymond de Saint-Jean-Baptise ; Édouard de Saint-Ambroise. En y ajoutant les novices, on était ençore loin du chiffre de 25 religieux prévu dans l'acte de dotation.

On trouve ensuite comme prieurs les Frères : Agathane en 1728, Colomban de Saint-Pierre en 1761, Isaac de Saint-Michel en 1767, Élysée Le Bigot en 1770, Éloi de la Bellangerie en 1773, le Fr. Rabault en 1776, le Fr. Germain en 1779, le Fr. Benoist Biard en 1783, le Fr. Maurice Rousseau en 1786 et le Fr. Bernardin Le Maigre en 1789. Chacun d'eux était en fonctions pour trois ans. Le nombre des religieux se maintint à six jusqu'à la fin.

Quelques cérémonies funèbres venaient de temps en temps interrompre la vie monotone du couvent. Ainsi, à l'enterrement d'Anne de Daillon, en 1618, ses enfants, Henri de Volvire, vicomte du Bois-de-la-Roche, et Jacques, baron de Saint-Brice, conduisirent le convoi, à la tête de tous les gentils-hommes voisins et d'un grand concours de peuple. Guillaume Le Gouverneur, évêque de Saint-Malo, fit la cérémonie des funérailles et prononça l'oraison funèbre. Les ornements de velours noir façonnés pour la circonstance aux frais des héritiers, furent généreusement abandonnés aux Carmes (Ogée II, 240).

En 1645, pareille solennité pour l'enterrement de Henri de Volvire. Ce seigneur mourut « le dimanche, 8 d'octobre, à 4 heures du matin, dans son château du Bois-de-la-Roche. Son corps fut embaumé et demeura huit jours dans la chapelle du dit lieu. Le service, jour et nuit, fut fait, le lundy, 9 par le recteur de Néant et ses prestres, le mardi 10 par le recteur de Guillier et ses prestres, le mercredi 11 par le recteur de Mauron et ses prestres, le jeudy par les recteurs d'Augan et de Réminiac, le vendredy par le recteur de Campénéac et ses prestres, le samedy par le recteur de Saint-Brieuc et ses prestres, le dimanche, par le recteur de Néant et ses prestres...

Le lundy, 16 jour d'octobre 1645, à six heures du matin, le corps fut mis en un carosse, tiré par six chevaux, et fut conduit à Ploërmel. Précédoient le corps les recteurs, prestres et croix des paroisses de Néant, Guillier, Campénéac, Augan, Réminiac, Saint-Brieuc, Mauron, Loyat et Trohanteuc, chantant l'office ... Le corps était suivi de si grand nombre de seigneurs et gents du tiers état, qu'on ne pouvoit les compter, à cause de l'affluence du peuple, qui abordoit de toutes parts, fors qu'on était 200 prestres ; les officiers de la cour du Bouays de la Roche suivant au proche de la noblesse.

Estant arrivé à la chapelle de la Trinité, proche le faubourg du dit Ploërmel, le corps fut arrêté : là intervint le prieur des Carmes, avecque ses religieux au nombre de 35 : plus loin intervint le recteur de Taupont avec ses prestres et la croix, et aussi le recteur de Ploërmel avecque ses prestres au nombre de 35 ; ils avoient 120 béguins, munis de torches ardentes ... Le corps, descendu du carosse, fut porté par le milieu de la ville, entrant par la porte de Haut et sortant par la porte de la Basse-Ville, et fut porté par six prestres, et assisté au drap mortuel, d'un bout de M. le lieutenant et M. le procureur du roy du d. Ploërmel, et de l'autre bout de M. de Trévagat et de M. N. ..

Le tout marchant en bon ordre, le corps fut posé dans la chapelle ardente, qui estoit préparée dans le chœur de l'église des Carmes, où tous les procureurs, advocats et autres officiers de Ploërmel assistèrent. La dite église estoit toute tendue de draps noirs et de lisses de velours chamarré par dessus ; il n'y avait qu'un pied entre les lisses de velours ; il y avoit 200 pillets (cierges) en des candeliers au hault des tentures, et 600 pillets sur la chapelle ardente ; les escussons estoient en si grand nombre, qu'il n'estoit presque pas posible de les compter.

Le prieur des Carmes chanta la messe de Requiem pour les funérailles ; à la post-tommunion, un Carme fist l'oraison funèbre, au contentement de tous pour la biendisance ; à la fin de la messe, le prieur des Carmes fist l'office pour la sépulture du corps, qui fut porté par les susdits dans la chapelle et tombeau du Bouays de la Roche, où il repose. Dieu veille que son ame repose en son paradis, et si elle est détenue dans le purgatoire, qu'il abrège son temps de pénitence : Requiescat in pace.

Prévost, prieur curé de Guilliers » (Registre de Guilliers).

Il est à croire que les autres seigneurs du Bois-de-la-Roche, inhumés chez les Carmes, reçurent des honneurs pareils.

Quant à la situation pécuniaire de la communauté, elle n'était pas brillante à la fin du règne de Louis XV. La maison avait été obligée de faire des emprunts, et elle payait, en intérêts, 280 livres aux Augustins de Lamballe, 335 livres à M. Champion de Rennes, 160 livres aux Carmes d'Hennebont et 100 livres aux Carmes de Quintin.

Le Fr. Benoist Biard (1783-1786) remboursa plusieurs emprunts et fit travailler au bâtiment neuf situé à l'ouest. Son successeur mit la charpente et la couverture de l'édifice. En 1790, les religieux étaient les FF. Bernardin Le Maigre, prieur, Gatien Mesnager, Joseph Pélé, Maurice Rousseau et Pierre Grando, qui furent bientôt expulsés.

Les ventes nationales commencèrent aussitôt :

Le 23 décembre 1790, une maison avec un jardin et la buanderie furent adjugés à la veuve Méat, pour 3.250 livres : la maison et la terre du Thabor au sieur Cartron pour 1.430 livres.

Le 24 décembre, la maison près le portail fut vendue au sieur Voirdy pour 2.425 livres, et la métairie de l'Abbaye-aux-Oies à M. Gayet pour 12.100 livres.

Le 24 janvier 1791, trois pièces de terre furent cédées pour 644 livres, puis la clôture de Coesby pour 151 livres, et le pré de Perdrillon en Réminiac, pour 520 livres.

Le 18 avril 1791, le pré du Planté fut adjugé à M. Dubreton, pour 1826 livres et le 27 avril, le pré du Pontneuf à J. Peruchot pour 1.530 livres.

Le 19 novembre 1792, le pré des Moines à Guibourg fut vendu au sieur Le Breton pour 1.100 livres.

Le 5 février 1794, le petit jardin muré fut cédé à la veuve Lamotte pour 2.000 livres.

Enfin l'église, le couvent et l'enclos furent adjugés, le 23 août 1798, à R. Robert, pour 210.529 livres en assignats dépréciés.

Le nouveau propriétaire démolit l'église.

En 1870, l'ancien couvent des Carmes a été racheté (par le diocèse) au prix de 104.000 francs, pour y établir un collège ecclésiastique, qui est devenu un petit séminaire en 1881.

Note : Les Révolutionnaires de 1792 prendront possession du couvent pour en faire un hôpital militaire. Durant la guerre 1914-1918, le couvent des Carmes servira de casernement pour le 102ème régiment d'artillerie lourde. Ensuite, la gendarmerie de Ploërmel prendra possession des lieux à partir de 1921 et jusqu'en 1988.

Jh.-M. Le Mené.

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