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LES TRIBULATIONS DU PROPRIETAIRE DE LA MOTTE, SOUS LA LIGUE

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L'érudit briochin M. Raison du Cleuziou a déniché au Val, en Planguenoual, chez M. Bouan de Chef du Bos, un journal d'un ancêtre de ce dernier, François Grignart de Champsavoy (Saint-Judoce), propriétaire de la Motte, en Pleudihen, et royaliste en ces temps où les catholiques ligueurs luttaient pour empêcher les protestants de donner à la France un roi hérétique.

L'arrière-grand-père maternel de Grignart était Jacques de Cramou, qui tirait son nom d'une seigneurie de Mordelles, en Ille-et-Vilaine, et qui avait pour frère le seigneur du Pont-de-Cier et pour mère la dame Bois-Jean de la Motte, issue de Thomine la Bégasse, de la famille de la Touche-aux-Bégasses.

Grignart avait hérité la Motte de sa mère Mathurine de Cramou, décédée à Pleudihen, en octobre 1573 et inhumée dans l'église paroissiale, chapelle Saint-Nicolas, en l'enfeu de la Motte-Cramou.

A ladite Mathurine, fille de Guy de Cramou, la Motte avait été laissée en décembre 1570, par la descendante de son frère, écuyer Jean de Cramou, décédé en 1556, et de Jeanne La Feillée, dame de la Villegiquel, c'est-à-dire par sa nièce Françoise de Cramou, morte à Plouer sans enfants, remettant ses biens meubles à sa mère survivante et à son mari Lambert de Rigourdaine.

Possédée jusqu'en 1547, et avant les Lambert, par leurs alliés, les sires de Rochefort, dont la branche cadette hérita de Châteauneuf-la-Noë, la seigneurie de Rigourdaine se trouve au nord de Plouer. Elle est célèbre par ses ânes, qui, à mer basse, jadis traversèrent le filet d'eau de la Rance, bien plus mince qu'aujourd'hui, pour aller sur l'autre rive dévaster les champs, où saint Suliac, avec ses moines, commençait à cultiver le blé et la vigne. Le saint, les ayant un jour surpris dans ses terres et leur ayant commandé de rentrer chez eux, les quadrupèdes pillards furent, selon la légende, subitement retournés bout pour bout, la tête et non plus la queue vers Rigourdaine, qu'ils regagnèrent, pour ne plus revenir jamais marauder à Saint-Suliac.

Disons maintemant les tribulations du propriétaire de la Motte, rapportées par lui-même, à peu près en ces termes.

En 1576, brouillé avec son père, François Grignart va, avec M. de Châteauneuf à Dol, dévaliser M. de Bouillé, puis il se retire à la Motte, sans toutefois entrer en jouissance que de la chambre sur la dépense, car le tout avait été affermé par son père à M. Alain Maingart, bourgeois de Saint-Malo, qui avait payé par avance.

Après être resté en 1577 à la suite de M. de Châteauneuf, le sieur de la Motte se vit en 1578 intenter un procès par le sieur de Landegruel, en demande d'un droit naturel, qu'il disait appartenir à Marie de Cramou, sa mère, sur la maison de la Motte, du nombre de 22 livres, 10 sous de rente, promise dès l'an 1519 et les arrérages d'empuis le dit temps.

A la Saint-Michel, les soeurs du dit Grignart se vinrent tenir avec lui à la Motte et il entra alors en jouissance dudit lieu de la Motte, sans toucher rien, jusqu'à un an après. Le fermier de La Motte, voulant émonder les rabines et les lisières de cette propriété, comme il devait par sa ferme, Grignart les acheta de lui, afin qu'elles ne fussent émondées. Dès ce temps, on tenait à garder autour des manoirs un rideau de beaux arbres.

Et cette même année se intenta le procès de la Touche-aux-Bégasses, avec ledit sieur de la Motte, pour les enfeux de l'église, qui coûta cher au sieur de la Motte, qui avait affaire au sieur de Grand'champ, garde du mineur de la Touche-aux-Bégasses et grand chicaneur.

En 1580, fut fait accord entre François Grignart, son frère et ses soeurs, pour la succession de leur mère, attendant celle du père, par l'avis de leur dit père et autres plus proches parents. Cet accord fut rapporté en la court de Châteauneuf par de Bonne et Brulé, notaires. Cette même année, ledit sieur de la Motte alla en court avec M. de Châteauneuf.

En 1583, étant retourné en court avec M. de Châteauneuf, le sieur de Champsavoy, ou de la Motte, fut fort plaidé en son absence par le sieur de Rigourdaine, qui lui réclamait indemnité de beaucoup de demandes, que lui faisait la dame de la Ville-Giquel, jusques à plus de 600 à 700 écus, et dont il obtint sentence de provision contre le sieur de Champsavoy. Cela toutefois se termina par un accord au retour de la court.

Fut aussi ledit sieur de Champsavoy plaidé par le marquis de Coetquen, qui obtint arrêt contre ledit sieur, pour cent sous de rente sur la Motte et aux arrérages d'empuis les trente ans et aux dépens. Cela cousta plus de 400 écus au dit sieur.

En 1584, eut lieu le mariage de sa soeur aînée, Catherine, avec Charles de Saint-Meleuc, sieur de Vauclérisse, mariage fait contre l'avis des gens de bien, parents de ladite Catherine, pour connaître ledit Saint-Meleuc, homme méchant et litigieux. Dès le même temps, il mit en procès ledit sieur de Champsavoy.

En 1587, le procès commencé dès 1584 par Vauclérisse, pour le partage de sa femme contre le sieur de Champsavoy, fut fort poursuivi, dont s'ensuivit à la fin sentence au siège de Rennes, où le partage fut jugé, en noble comme en noble, (quant au droit d'aînesse non partageable), et en partable comme en partable, qui était l'offre que avait faite ledit Champ­savoy, dès le premier terme, et qui avait été refusée par sa partie.

Le même an 1587, M. de la Bordière s'en alla se tenir à la maison de la Motte-Cramou, pour prêt que lui en fit le sieur de Champsavoy, où il fut fort longtemps.

En 1589, après avoir vu à Saint-Judoce le manoir de Champsavoy pillé par les Ligueurs, Grignart s'était, de sa personne seulement, retiré à Châteauneuf, où il fut quelque temps, puis à Saint-Malo, où il fit se réfugier aussi sa famille et sa seconde femme, Rollande du Buat en Bécherel.

Les soeurs dudit Champsavoy et Vauclérisse, son beau-frère, font saisir son bien à Dinan, pour être royal (iste), et se font donner par Mercœur, en entretenement et jouissance, tout ce qu'il y avait de gens et de meubles et tout ce qu'il pouvait y avoir dans ses maisons.

En 1590, après la prise de Saint-Malo par les Ligueurs, Grignart fut obligé d'en sortir pour être royal, avec sa femme, et de fuir vers Rennes. Arrêté à la Fosse-aux-Loups, il fut mené prisonnier à Dinan.

En 1592, le nommé La Touraine, pour la somme de huit mille écus, met Châteauneuf entre les mains des habitants de Saint-Malo, qui rasent et ruinent entièrement le château.

Continuation des voleries, faites sur ledit Champsavoy, par Vauclérisse, sa femme et les soeurs de celle-ci, qui jouissent en entier de la Motte-Cramou et de ses dépendances, d'empuis les guerres et à la fin se mangent et plaident sur le butin.

Le procès de Landegruel, mari de sa tante, est réveillé et repris, qui donna bien de l'ennui audit Champsavoy, pour être, par l'injure du temps, incommodé de tous ses moyens.

En 1593, Champsavoy va à Coetquen et y séjourne d'empuis la mi-mai jusqu'au commencement d'août.

En 1594, il se rendit, sans passeport, avec Mme de Châteauneuf, à Châteauneuf, et, au mois d'août, il alla à Granville quérir le corps de M. de Châteauneuf décédé et l'amener audit lieu de Châteauneuf, où il fut enterré ; et ayant résidé quelque temps avec la dame de Châteauneuf, il se rendit de là à Champsavoy et à Rennes.

En avril 1597, fut fait accord entre lui et les sieurs de la Mettrie-Landegruel pour un procès, qui était entre eux et leurs ancêtres, il y avait plus de 50 ans, et c'était pour un partage de la Motte-Cramou, qui avait été promise dès 1517 à la grand'mère des derniers, dame de la Motte ; et le lendemain fut garanti ledit accord, par-devant notaires royaux, à Rennes.

Le 15 juin, après le pillage de Champsavoy, par les gens de Saint-Laurent et Trémereuc, ledit Grignart tomba malade à Rennes, d'une fièvre continue, tellement malade qu'on le jugea à mourir. Sur ce bruit, Vauclérisse et ses soeurs se jetèrent encore sur le pillage à la Motte-Cramou.

Les royaux, sous la conduite du sieur de la Sigonnière en Saint-Juvat et autres, avec les Malouins de Coëtquen, reprennent Saint-Suliac sur Trémereuc. Ils échouent devant le Plessix-Bertrand en Saint-Coulomb, mais Sigonnière défait Saint-Laurent accouru au secours de la place.

Malgré une trève, Vauclérisse se loge à la Motte et se saisit de tous les revenus jusqu'au 19 décembre, où il est pris et mené prisonnier à Rennes.

En 1598, ayant connu la prise de Dinan par les royalistes malouins, Champsavoy répond à l'appel du maréchal de Brissac, qui, du 1er au 13 février, avec 400 chevaux et 3.000 hommes, assiège Trémereuc dans le château de cette ville, et permet à la garnison de se retirer à Lamballe, avec les honneurs de la guerre.

En 1603, un procès fut intenté à Grignart par Josselin Frotet-Landelle, de Saint-Malo, et Guillemette Brisart, sa femme, qui le mirent en crime pour avoir enlevé certaines gerbes de dîmes pour le petit trait et dimeau de la Motte.

Enfin le sieur Fournet de Saint-Judoce, se montrant trop ingrat des bons offices que Grignart dit lui avoir fait, tant à lui qu'à ses défunts père et mère, l'appela en demande de lui restituer dix-huit boisseaux de froment de rente dans la paroisse de Pleudihen, qui ne lui furent jamais dus. Mais l'alliance qu'il avait prise du sieur de la Rétardaye, juge présidial, dont il avait épousé la fille, lui fit plaider la plupart de ses voisins par l'appui qu'il espérait de l'avocat général Bunel, frère de sa dite femme. Ce procès ne dura guère, Du Fournet ayant en cela mal pris ses mesures.

En 1604, Grignart fit un accord avec le sieur de Rigourdaine, touchant beaucoup d'affaires, qu'ils avaient ensemble à démêler, commencées dès leurs ancêtres, et l'accord fut fait par M. Latouche Nicolas, alloué de Dinan, en son logis de ladite ville, à la somme de 1.500 livres, à payer par le sieur de Rigourdaine, ayant pour procureur Tranchemer.

François de Champsavoy mourut le 13 janvier 1607 et fut enterré à Evran. Ses mémoires nous offrent de précieux renseignements sur la Ligue, sur les relations de propriétaires, tels que ceux de la Motte et du Vauclérisse au XVIème siècle, et sur leurs nombreux procès de famille, qui ne se terminaient parfois qu'au bout de 30, de 80 ans.

Quant à la Motte, elle passa plus tard aux Lefer. En était devenue dame 1644 Marguerite Pépin, petite-fille de Guyonne Lefer, par son père Jean Pépin, sénéchal de Dinan, époux de Marguertie Frotet de Sainte–Agathe. Enfin sont dits sieurs de la Motte : 1° N. H. Bertrand Lefer, décédé en 1720, marié à Jeanne Bernard, 1693, l'année même où son père N. H. Bertrand Lefer, avocat au parlement, mourait à la Motte-Cramou, comme, d'ailleurs, sa femme ; 2° sans doute son petit-fils Charles-Louis Lefer, marié en 1778 à Josèphe Joliff (Registres paroissiaux de Pleudihen).

A Pleudihen se rattachaient donc les Le Fer de la Motte, ancêtres paternels de Mgr Eugène Le Fer de la Motte, évêque de Nantes, précédemment et pendant dix-huit ans Supérieur de l'École secondaire libre des Cordeliers, de Dinan. La vaillance, la maîtrise avec laquelle, dans des temps particulièrement difficiles, il a dirigé cette maison, berceau de son éducation, l'a fait appeler, jeune encore, à l'un des plus beaux sièges épiscopaux de Bretagne par le Souverain Pontife.

(abbé Eugène Brébel).

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