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LA GUERRE CONTRE L'EGLISE ET LES CONFISCATIONS RELIGIEUSES

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La Guerre contre l'Eglise.

 

§ 1. — NOMINATION ET INSTALLATION DU RECTEUR ET DES PRÊTRES INTRUS.

Le recteur de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), M. Georgelin de la Manfredaye ; les vicaires MM. Jean Marie et Jean Legaignoux ; le curé d'office M. Jacques Michel Briand de la Gravelle ; les chapelains MM. Julien Souquet des Villes-Morvues et Louis Noury, résidant comme les précédents au bourg ; enfin Jean Lemée, habitant la Coquenais, avaient tous refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé, décrétée le 12 juillet 1790, qui, soustrayant l'Église à l'autorité du pape, soumettait à l'élection des citoyens catholiques ou non le choix des pasteurs des paroisses et qu'il eût fallu accepter pour pouvoir continuer le saint ministère.

A la Pentecôte, les 12 et 13 juin 1791, les électeurs du district se réunirent à Dinan dans la chapelle de la Congrégation, pour remplacer le clergé dit réfractaire. A la majorité de 19 voix sur 36 votants, ils nommèrent recteur juroux ou assermenté de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) Fidèle Pâris, ancien jacobin ou dominicain de Dinan, ex-membre du Comité permanent de la ville, puis prieur de Guérande, retiré récemment à la Ville-Piron, avec sa mère, veuve.

Dès le 23 juin suivant, Pâris présente le procès-verbal de son élection et la lettre de nomination de l'évêque juroux de Saint-Brieuc au maire de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), qui, le 24, jour saint Jean-Baptiste, annonce aux fidèles l'installation du nouveau pasteur, pour le dimanche suivant, 26 juin. Elle eut lieu en effet ce jour-là, à 10 heures, avant la grand'messe, en présence de Tobie, Tudeau et Hercoët, curés intrus de Saint-Sauveur, de Saint-Malo de Dinan et de Plouer.

Sur l'invitation du procureur-syndic, Alain Michel, la population se rend au presbytère pour chercher processionnellement l'intrus, qui s'avance entre les rangs de 200 gardes nationaux, la municipalité en tête du cortège, au son des cloches et aux cris répétés de « Vive Pâris, notre curé constitutionnel ! ».

A l'arrivée à l'église, Alain Michel donne lecture du procès-verbal de l'élection, puis des lettres d'institution de l'évêque Jacob. L'assemblée des paroissiens, interrogée si elle accepte le nouveau curé, d'après le compte rendu, répond généralement et par acclamation : Oui.

Sur quoi, invité par la municipalité à prendre possession de sa stalle, Pâris fait un sermon sur l'amour de Dieu et prête le serment civique à haute voix, la main levée, aux applaudissements de l'assistance. Le maire l'ayant alors assuré de la sympathie de la population, il finit par célébrer la grand'messe, précédée du Veni Creator et suivie de la bénédiction du Saint-Sacrement.

Dans le mois après son installation, Pâris réclama de larges réparations au presbytère, que suivirent d'autres, évaluées à 3.000 livres, le 12 novembre 1791.

Il avait choisi aussitôt pour premier vicaire François Gouinguené, son ex-confrère de l'Ordre de Saint-Dominique, avec qui, au retour de Guérande, il avait, le 21 février, signalé au Directoire de Dinan des menées anti-révolutionnaires constatées contre eux, au cours de leur voyage dans la paroisse de Molac, favorable aux prêtres fidèles.

Plus tard, il prit un deuxième vicaire : Benoît Thivent de l'Aisne, clerc minoré résidant à Saint-Jouan-des-Guérets, qui reçut les ordres sacrés de l'évêque intrus Jacob et prêta, en juin 1792, le serment constitutionnel, lors de son installation. Le 16 septembre, il fut élu recteur assermenté de Saint-Hélen, à la place de M. Lemée, coupable d'avoir, avec M. Bourgeois, son vicaire, refusé le serment schismatique.

La guerre commença aussitôt contre les prêtres fidèles et fut sans merci, sans relâche, mais sans grand résultat, car les persécutés, pour la plupart originaires de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), eurent pour appui, outre les sentiments catholiques de la masse de la population, l'affection de leur famille.

 

§ 2. LES PERSÉCUTIONS CONTRE LES PRÊTRES FIDÈLES.

Dès le 29 juin 1791, MM. Marie, Briand et Souquet sont dénoncés à Dinan comme ayant célébré la grand'messe au Pont-de-Cieux et détourné les fidèles des offices et des sacrements de l'intrus. Le 7 juillet, l'administration du district de Dinan ordonne à la municipalité de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) de fermer les chapelles à ces prêtres réfractaires et de les faire arrêter au besoin par deux gendarmes ou de leur intimer l'ordre de se retirer à plusieurs lieues, sauf M. Georgelin, vieux et infirme.

Tout n'allait pas sans difficultés pour Pâris, qui, le 14 juillet, pour la fête de la Fédération, avait chanté la messe et renouvelé le serment civique, jurant d'accepter les décrets de la Constituante, même non sanctionnés par le roi, et de mourir plutôt que de ne pas vivre libre.

Le 5 septembre, Pâris se plaint à Dinan d'avoir été, au cours d'une promenade, insulté avec son vicaire, et le Directoire du district invite la municipalité de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) à infliger aux coupables deux jours d'emprisonnement à Dinan.

Le 1er octobre, la municipalité est de nouveau mise en demeure de surveiller les prêtres réfractaires, qui, dit-on, épuisent l'indulgence officielle. Pâris, qui a dénoncé Ferron-Sigonnière de la Ville-Giquel pour propos anti-révolutionnaires tenus au Val, se plaint aussi que MM. Marie, Briand et Le Mée ont célébré publiquement la messe dans les chapelles du Grand-Gué et de la Vicomté, par une infraction aux lois propre à engendrer, disait-il, la division, à troubler la tranquillité et l'ordre publics.

Après citation et audition des délinquants, la municipalité avertit le Directoire de Dinan, qui prescrit de ne plus laisser les prêtres fidèles célébrer dans les chapelles et enjoint de leur dresser au besoin procès-verbal, sous peine de voir imposer à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) une garnison. Des commissaires sont donc nommés pour fermer les chapelles de Mordreuc, la Vicomté, Livet, Saint-Piat, la Bellière, du Grand-Gué, du Pont-de-Cieux, de Saint-Magloire, la Tourniole et même du Bois-Frouger.

Le 11 octobre, de Dinan on signale à Saint-Brieuc l'ennui causé par les prêtres insermentés. Le 16, MM. Lemée, Souquet, Marie, Legaignoux, Briand et Noury, tous, sauf le premier, résidant au bourg, s'adressent à la municipalité. Ils expliquent qu'ils croyaient pouvoir dire la messe dans les chapelles. Après une sorte d'exil, vu des décrets plus doux, ils demandent à pouvoir la célébrer dans l'église, en la sonnant ou non. On en réfère à l'intrus Pâris, qui, reconnaissant les désirs pacifiques des réclamants, déclare leur accorder l'autorisation sollicitée, à la condition qu'ils respectent son autorité, ce qui était impossible.

Le 17 décembre 1791, le Directoire du district de Dinan invite les municipalités de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) et de Plouer à supprimer la messe de minuit, par crainte de troubles, et à frapper d'une modeste amende de 500 francs les prêtres qui commettent l'illégalité de dire la messe hors de l'église. On constate que les partisans des juroux et ceux des réfractaires se huent réciproquement. Sur une plainte de Pâris contre la municipalité, un détachement est envoyé de Dinan pour dissiper à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) les attroupements.

Le 18, MM. Briand et Marie, arrêtés par ce détachement, sur l'ordre de la municipalité, sont emmenés à Dinan, puis, sous la garde de trois gendarmes, sont envoyés à Saint-Brieuc, ensuite, le 21, ramenés à Dinan, enfermés à la prison de cette ville et déférés au tribunal.

Le lendemain 22, le Directoire du district signale au Directoire départemental leur retour, tout en déclarant ne pouvoir enjoindre à la justice de les condamner et en demandant où prendre les 40 francs de frais, dus aux gendarmes qui les ont conduits.

Le 8 janvier 1792, s'ingérant de plus en plus dans les affaires de l'Église, tout en prétendant s'en séparer, la municipalité décide l'uniformité dans les enterremems et fosses au cimetière, sauf, dans la même réunion, par une nouvelle inconséquence, à revenir sur cette décision, en fixant un tarif pour les ornements, cierges et sons de cloche extra. Il fallait bien couvrir les frais, en faisant payer les honneurs aux gens aisés.

Le 30 janvier, la municipalité décide aisément de faire supprimer les lisières des vitraux et les armoiries des bancs d'église. Or elle constate que les gardiens des chapelles en refusent les clefs.

Deux jours auparavant elle avait reçu de Dinan de nouveaux décrets du Directoire départemental, contre les prêtres réfractaires. Mais rien ne pouvait modifier, supprimer l'antipathie des catholiques pour les intrus.

Le 13 février 1792, Jean Hulaud, gabarier à la Coquenais, avait traité Pâris de voleur de bénéfices, en ajoutant : « Dieu en vain tu ne jureras ». Un voisin, qui l'avait entendu, voulant excuser l'intrus en disant que celui-ci n'avait accepté le rectorat de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) que sur le refus de l'ancien recteur, M. Georgelin, de rester en place, Hulaud riposta, en montrant le poing, que son interlocuteur était un s. coquin, pour soutenir pareil parti. Ce dernier, furieux, dénonça le gabarier, qui fut condamné à 30 livres d'amende et privé, pour six mois, de ses droits de citoyen actif pour les élections.

Le 27 février, la municipalité envoie à Dinan, avec des références, la liste des prêtres insermentés. Pour ceux-ci la situation devenait intenable. Aussi, le 5 mars, MM. Briand et Marie demandent et obtiennent un passeport, pour s'éloigner, en se défendant toutefois de l'intention d'émigrer, de passer à l'étranger. Le 19, MM. Souquet et Noury font de même. Le 4 avril, de Dinan, on enjoint à la municipalité de s'opposer au retour des réfractaires.

Débarrassé, suivant son désir, des prêtres fidèles, Pâris n'en fut pas plus respecté. Le 5 juin 1792, le Directoire du district de Dinan dut enjoindre au juge de paix de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) d'y réprimer des indécences à l'église, avec des menaces et injures lancées à son domicile contre le curé intrus, qui hésitait à demander des poursuites. L'accusateur public de Saint-Brieuc est invité à faire enquêter et instruire contre les auteurs de ces délits, qui, dit-on, sont des Messieurs en place.

Le 24 avril, M. Legaignoux obtient aussi un passeport, pour aller au Canada rejoindre des Acadiens, qu'il a connus à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) et qui sont retournés en Amérique, entre autres Landry, époux Flaud. En fait, il n'exécute pas le voyage d'outre-mer. En effet, le 30 juillet, Pâris ayant demandé l'application des décrets contre les prêtres réfractaires, la municipalité répond qu'ils ne peuvent causer aucun trouble, puisque MM. Georgelin, Souquet, Noury, Marie et Briand ont quitté la France et que M. Legaignoux habite Saint-Suliac.

L'ancien recteur, M. Louis Georgelin, le seul prêtre de l'ancien clergé local qui ne fût pas originaire de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), dut bientôt abandonner lui-même son poste. Le 22 floréal 1795, d'après les Archives des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), compulsées par M. l'abbé Lemasson, il écrit de Ploufragan à la municipalité de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), pour l'assurer de son dévouement à ses anciens paroissiens, et, dans cette lettre, il parle de l'emprisonnement qu'il vient de subir pour la foi.

Les intrus eux-mêmes allaient déserter le ministère paroissial. Le 16 octobre, le premier vicaire Gouinguené figure comme secrétaire au conseil municipal, prête le serment révolutionnaire et devient officier public, pour rédiger les registres de l'état civil, que tenait provisoirement Jacques Salmon des Clos, depuis le 6.

Le 25 octobre, Pâris est nommé avec Alain Michel membre du Conseil du district ou de l'arrondissement, par le même comité électoral de Dinan, qui élit Le Boullanger du Porche juge au tribunal civil.

Le 3 mars 1793 il devient membre d'une commission de la marine, encore plus étrangère à ses fonctions sacerdotales. Aussi ne gagne-t-il pas en respect auprès du peuple. Le 30 avril, Olivier Lepère de la Vicomté est en effet accusé d'avoir dit que « les officiers municipaux étaient des voleurs, surtout que le curé juroux était moins dans le cas d'administrer les sacrements que son chien ». La mère et la soeur dudit Lepère auraient, en plein bourg, ajouté que « elles auraient mieux aimé aller à la messe de je ne sais pas qui, qu'à celles des hors venus de cette paroisse, nullement en état de consacrer, que tous les sermons de l'intrus dans la chaire de vérité n'étaient que des bêtises ».

S'engageant de plus en plus dans la voie révolutionnaire, le 23 septembre, Pâris fonda à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), avec Gernigon, Bernard... une société de Sans-Culottes, ou révolutionnaires avancés, dont fut secrétaire son vicaire Gouinguené et président Le Clerc-Gervezais et avec laquelle il réclama, le 30, la formation d'une liste d'émigrés.

C'est là le comité de surveillance que le Directoire de Dinan, dans un compte-rendu décadaire, adressé au Comité de Sûreté générale de Paris, signalait comme existant, avec une Société populaire en plus, à Plouer et à Pleudihen, en rendant hommage à l'exaltation civique des membres, mais en constatant que les curés s'y étaient glissés, contrairement à la loi.

Les intrus finirent par quitter les fonctions ecclésiastiques. Imité par son digne vicaire Gouinguené qui, le 18 ventôse suivant, rentra dans le monde et y mourut le 29 frimaire 1797, Pâris fit enregistrer à la mairie, d'abord le 6 ventôse 1794, sa démission de recteur, donnée du 1er, puis, le 23 germinal suivant, le certificat du conventionnel Le Carpentier, constatant qu'il avait remis ses lettres de prêtrise et abandonné à la République 400 livres de traitement.

Après avoir en vain, le 7 germinal 1794, brigué le poste d'instituteur à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), il se retira en mai en Châteauneuf.

Pour en finir avec Pâris, rappelons que le 10 pluviôse 1795, Pierre Huet, fermier de Sainte-Agathe, au bourg de Pleudihen, dut réclamer à la mairie, en faveur de la mère de l'ex-curé intrus, abritée depuis plus d'un mois sous sa grange, quoique non originaire de la paroisse. Cette femme, appelée Guillemette Barthélemy, fut en effet trouvée par deux commissaires de la municipalité, malade, couchée sur la paille, sans couverture. Elle déclara que son fils, richement établi, l'avait éconduite, à force de mauvais traitements. Néanmoins, on la fit conduire à Châteauneuf, domicile de Pâris, et remettre aux soins de l'agent municipal de cette commune.

Et dire que Boullé, le premier préfet des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), dans une note de 1801, déclarait Pâris recommandable et digne d'un emploi !

Si les prêtres disparaissaient de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), on y voyait revenir, au sein de leurs familles, plusieurs religieuses, alors expulsées de leurs paisibles couvents, entre autres Anne Blondeau, le 1er floréal 1794, soeur de la Victoire de Saint-Malo, et Françoise Buisson, Ursuline de Dinan, le 20 floréal. La première, âgée de 46 ans, après s'être soustraite d'abord aux recherches, lors de l'incarcération générale des religieuses, finit par être elle-même arrêtée le 25 thermidor.

En terminant, disons un mot des recteurs intrus de Saint-Hélen et de Saint-Solen. Thivent, intrus de Saint-Hélen, un moment emprisonné à Saint-Brieuc, se fit, en 1797, le 21 prairial, délivrer un passeport pour Paris, puis, en octobre, un exeat de l'évêque Jacob pour l'île Saint-Domingue, après avoir, entre temps, juré à Dinan, le 21 fructidor, haine à la royauté et à l'anarchie, quêté dans sa paroisse et emprunté 24 livres de Leclerc, qui en réclama en vain le remboursement au Directoire du district de Dinan, en prairial 1798.

Quant à Saint-Solen, il avait été question, le 20 juillet 1792, d'y rattacher une partie de Lanvallay, l'autre partie devant être réunie à Dinan. Cela fut même décidé, le 1er août suivant, au Directoire du district ; mais on y craignit des difficultés de la part du curé fidèle de Saint-Solen, qui ne reconnaissait pas l'autorité de l'évêque constitutionnel Jacob.

Ce recteur réfractaire de Saint-Solen, M. Antoine Pihon, finit par être interné à la prison de Dinan et envoyé sur les Pontons de Rochefort. Il fut remplacé successivement par les juroux suivants : par Egault, vicaire à Sains, près de Dol, le 12 juillet 1791 ; puis par Brousse, bénédictin de Vannes, le 20 octobre 1791 ; ensuite par Legendre, vicaire près de Mortain, le 16 septembre 1792, qui, trouvant le poste peu avantageux, le refusèrent tous trois ; enfin par Cyr Cardon, curé près d'Avranches, qui accepta, le 25 novembre 1792.

Ce dernier rentra dans le monde, le 19 prairial 1794, faillit être instituteur à Saint-Solen, devint secrétaire du Directoire du district à Dinan et obtint un certificat de civisme le 15 messidor. Dénoncé néanmoins le 11 thermidor par la société populaire de Saint-Solen, qui incrimine ses propos, ses opinions, « son système antirépublicain », obligé de réclamer en justice, les 7 et 25 fructidor, une indemnité à la municipalité, qui a joui de son presbytère, il s'établit, avec son frère Marin, dans la paroisse d'Yvignac, où il finit par se rétracter et réparer le passé.

 

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Les Confiscations religieuses.

 

§ 1. LA CONFISCATION DE L'ARGENT ET DES TITRES DE L'ÉGLISE.

Sous la Révolution, pas plus que la personne des prêtres, ne furent respectés leurs biens, les biens d'église, à commencer par l'argent et les titres.

Le 27 novembre 1790, à Pleudihen, les prévôts ou trésoriers du Rosaire, Pacarin et Botrel, durent remettre leur reliquat, 63 livres, 6 sous, 3 deniers, au trésorier de la commune. Il en fut de même des autres prévôts et des deux trésoriers de la paroisse, pour chacune des années précédentes.

Le 14 janvier 1791, M. l'abbé Marie, obitier, fut obligé de verser au trésorier de la mairie un reliquat montant à 866 livres, 1 sol et 5 deniers. Le 28 juillet, il est amené à faire remettre encore à la mairie, par sa soeur Françoise, les clefs de la sacristie, où se trouvaient renfermés une liasse de parchemins et, dans cinq petits sacs de toile, les titres de l'obiterie, dont il se fait donner décharge.

Enfin, le 11 décembre, il transmet au trésorier municipal le reliquat de l'obiterie, 86 livres, et divers remboursements d'emprunt sur la fondation de Marie Poit et Guillemette Plésée, sur celle de l'abbé Jacques Briand de la Gravelle, sur celle de Jean Duhal et de sa femme, tous ces remboursements montant à 300 livres.

Enfin le 27 février 1792, au sujet des obits, Pâris fait citer devant la municipalité les abbés Lemée, Marie, Souquet, Legaignoux, Noury et Briand, dont le dernier déclare disposer seulement de trois ou quatre pièces, les autres ayant été laissées dans l'armoire de la sacristie, dont la clef a été portée au maire, en juillet précédent.

Le 5 mars 1792, Renée Collet, blanchisseuse du linge de l'église, doit remettre tout ce qu'elle détient, en cédant la place à Françoise Debien, et l'abbé Marie se dessaisit encore de dix pièces concernant les obits et le bureau de charité.

Le 5 novembre, la municipalité se fait remettre les vieux registres de naissances, de mariages et de décès, qui jusque-là avaient été rédigés et gardés par le clergé.

Plus tard, le 23 thermidor 1794, sur un avis du Directoire du district de Dinan, on prend à la sacristie dans un grand sac de toile, cacheté du sceau municipal, les titres et papiers de la fabrique, avec les comptes jusques et y compris l'an 1784. Les comptes des années suivantes sont aussi réclamés.

Le 17 vendémiaire 1794, avec un officier municipal et un notable, le maire ira, en présence du trésorier de la paroisse, prendre le reliquat de la caisse de la fabrique, 182 livres, 13 sols, en argent, liards et assignats, qui sont remis au trésorier municipal.

Enfin le 20 ventôse 1795, François Graffard et Julien Botrel, prévôts du Rosaire pour l'an 1787, versent à la mairie 84 livres, reliquat de leur compte qui est encore confisqué.

 

§ 2. — LA CONFISCATION DES IMMEUBLES DE L'ÉGLISE.

Avec la spoliation des registres, titres et écus, marche de pair celle des immeubles de l'église.

Dès 1791, dans des délibérations du conseil municipal de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), le 23 février, et du Directoire du district de Dinan, le 28 février, il était question de vendre la chapellenie de Saint-Piat, en réservant, près et au nord de la grande route de Dinan, la chapelle pour assurer l'assistance aux offices aux gens du quartier qui réclamaient. Cette vente eut lieu le 29 avril, au profit d'une femme, l'une des rares ayant acquis des biens d'église.

Le 1er mars suivant, furent ainsi adjugés, pour 1.518 livres, à un habitant du hameau les biens de la chapelle de la Ganterie, en Saint-Hélen, alors desservie par l'abbé Prioul.

Le 3 septembre 1791, à Dinan, on charge le notaire Restif d'évaluer l'ensemble des immeubles ecclésiastiques de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), en vue de l'aliénation prochaine.

Le 22 septembre, on envoie à Saint-Brieuc les soumissions ou offres d'achat de deux Pleudihennais ; et, le 25, celles de deux autres.

Le 20 novembre, la municipalité nomme deux de ses membres commissaires pour la vente des biens ecclésiastiques ou nationaux.

Le 3 décembre, un médecin de Dinan put acheter 4.552 livres le prieuré Saint-Nicolas de l'Hôtellerie, estimé 5.425 livres. Le 29 novembre, on avait expédié à Saint-Brieuc, pour divers biens d'église, une nouvelle soumission de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), suivie le 17 janvier 1792 de deux autres.

En 1792, furent ainsi adjugés sans retard :

1° le 11 avril, le reste de la fondation ou chapellenie Dom Pierre Ménard, dont une partie avait été aliénée dès le 9 décembre 1791, puis l'obiterie de Châteauneuf, le vieux presbytère de la Gravelle et la vicairie ;

2° le 16 mai, la deuxième portion de la fondation ou chapellenie Dom Michel de Launay, dont la première portion avait été, le 12 octobre 1791, acquise par un médecin de la localité ;

3° le 14 décembre, la fondation-chapellenie des Orhans, et le 27, la chapelle du Pont-de-Cieux, dont les biens estimés 45 livres de revenu, furent seulement aliénés, le 28 messidor 1794.

Toutes ces soumissions et acquisitions furent surtout faites au nom et en faveur des Pleudihennais en place : juge de paix et son greffier, percepteur, suppléant du syndic, commandant de la garde nationale et divers officiers municipaux. Les fonctionnaires se partageaient ainsi le butin.

 

§ 3. — CONFISCATION DU MOBILIER D'ÉGLISE ET DES CLOCHES.

Le 26 octobre 1792, on songea à porter la main sur le mobilier d'église. Pour l'inventorier, deux commissaires furent nommés par la municipalité.

Sauf les soleils ou ostensoirs, les ciboires et les calices laissés à la disposition de l'intrus, on envoya tout le reste à Dinan, et de là, à l'atelier des monnaies de Paris, entre autres une croix de procession en argent, pesant 18 marcs sans le pied, deux burettes et leur plateau, du poids de deux marcs et trois onces, une croix d'autel du même poids, un encensoir et sa navette pesant cinq marcs et six onces.

Quant aux cloches, déjà le 8 mars 1792, celles des couvents du district avaient été embarquées à Dinan, par ordre du Directoire du district, sur des gabares de Pleudihen, qui les portèrent à Plouer à bord du navire d'un armateur de Saint-Malo, sous la direction d'un administrateur du département originaire de la région dinannaise. La paroisse de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) devait aussi perdre les siennes.

Le 16 ventôse 1794, sur l'ordre de Le Gouverneur, commissaire du Comité du Salut Public de Paris, on ne laissa qu'une cloche à l'église. On porta à Dinan les deux autres, avec une de chacune des chapelles Saint-Magloire, du Bois-Frouger, de la Touche-Baude, Saint-Piat, la Vicomté et Mordreuc.

Le 20, la municipalité sollicite et obtient du conventionnel de Saint-Malo, Le Carpentier, la permission de ne pas se dessaisir de la cloche, gardée pour le timbre de l'horloge.

 

§ 4. — CONFISCATION DES ORNEMENTS ET VASES SACRÉS.

Le 3 germinal 1794, deux commissaires de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) portent à Dinan les derniers vases sacrés. Le 10, la municipalité se préoccupe de faire enlever de la sacristie, avec le reste du linge, les ornements et statues que le Directoire du district réclame le 15, ainsi que les matières métalliques de la fabrique.

Le 22 fructidor, l'agent municipal, en insistant pour faire accepter sa démission, écrit à Dinan, sous la rubrique « égalité, fraternité ou la mort », qu'il a remis l'argenterie de l'église et des chapelles de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), que, sur l'ordre du Comité de Salut Public, à diverses fois, il a transmis un poids de 65 marcs, 6 gros et demi, 31 marcs en galons d'or et d'argent et 21 livres 9 sols en argent. Il ajoute qu'on va apurer les comptes de la fabrique depuis 1784.

Enfin le 14 vendémiaire, un habitant de Saint-Piat remet aux autorités ce qui reste des objets de la chapelle : un calice et sa patène, deux chandeliers et une tasse, le tout en cuivre, deux aubes, trois chasubles, deux nappes, trois cordons, des essuie-mains et un missel.

 

§ 5. — CONFISCATION DU PRESBYTÈRE ET DE L'ÉGLISE.

Privés de leurs prêtres et dégarnis de tout, le presbytère et l'église de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) ne pouvaient échapper à la désaffectation. Le 21 ventôse 1794, la municipalité demanda à louer le presbytère, en vue de l'utiliser comme école primaire, justice de paix, et surtout comme mairie. On voudrait ne plus tenir à l'auberge les séances du Conseil municipal.

Le 12 thermidor, comme la veille à Saint-Hélen, on est obligé de donner l'immeuble à bail pour trois années, à raison de 185 livres par an. Le 2 fructidor, le maire lui-même en sous-loue le jardin pour 40 livres.

Le 3 thermidor 1795, la municipalité loua aussi 30 livres pour trois ans au bourg à une Pleudihennaise la Maison des Pauvres ou mairie actuelle, appartenant à la fabrique, et le 10 vendémiaire suivant, pour 10 livres, le jardin y attenant.

Quant à l'église, le 14 germinal 1794, deux commissaires y distribuèrent les 8.140 livres de secours accordés par l'État aux familles des Défenseurs de la Patrie. A partir du 30 vendémiaire, on s'y réunit, non plus pour prier, mais pour lire les lois, les jours de décadi, qu'on essayait de substituer aux dimanches, comme jours de fête et de repos.

 

§ 6. — CONFISCATION DU PATRIMOINE DES PRÊTRES.

Après les biens de l'Église, on saisit le patrimoine propre et personnel de ses ministres fidèles.

Le 5 pluviôse 1794, deux commissaires furent chargés de séquestrer les biens de l'abbé Henry Ameline, prêtre déporté, ayant des intérêts à Saint-Samson, avec ceux de Perrine Desvaux, mère de l'abbé Michel Briand, qu'on disait émigré.

Parfois les biens séquestrés appartenaient en commun aux prêtres et à leurs parents. Ceux-ci devaient alors en demander le partage judiciaire, pour pouvoir disposer de leur part. Ainsi, le 11 prairial 1794, à la requête de Françoise Marie, soeur de l'abbé Marie émigré, leur mobilier commun fut divisé en lots, et un commissaire municipal choisit le lot revenant au prêtre et destiné à être vendu comme bien national.

Le deuxième jour sans-culotide ou complémentaire de cette même année, on vendit la récolte de l'abbé Jacques Leroy, prêtre déporté de Saint-Hélen.

Enfin le 4 vendémiaire 1795, un ancien membre du Directoire du district de Dinan, par des additions frauduleuses, qui l'amènent ensuite devant le tribunal, fait louer pour trois années au lieu d'une, et avec deux pièces en trop, au fond, à son propre fils, et en apparence au maire de Saint-Samson, des terres, que l'abbé Henry Ameline ci-dessus possédait dans cette commune.

Alors, comme aujourd'hui, la confiscation et la vente des biens d'Église profitaient moins à l'État qu'à des particuliers peu scrupuleux.

(abbé Eugène Brébel).

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