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LE CAHIER DES DOLEANCES DE PLEUDIHEN EN 1789

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Le Cahier des Réclamations ou Doléances de Pleudihen en 1789.

Nous empruntons ce qui suit à l'ouvrage de MM. Lesort et Sée, intitulé : Cahier des Doléances de la Sénéchaussée de Rennes, T. III.

Une pièce des archives du presbytère nous révèle déjà des réclamations formulées à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), un peu après 1719. Ces réclamations redoublèrent à l'occasion des derniers Etats de Bretagne, convoqués à Rennes, pour le 27 décembre 1788, et suspendus le 8 janvier 1789, convoqués à nouveau, après une décision royale accordant, le 20 janvier, au Tiers un nombre double de représentants, ce qui valut à M. François Michel de la Morvonnais d'être élu à Saint-Malo. Les États furent définitivement dissous le 21 février 1789, après les troubles de Rennes, qui coûtèrent la vie à M. de Boishue, fils.

Le 20 décembre 1788, et bientôt, le 2 février suivant, après avoir pris connaissance des arrêtés des villes de Saint-Malo, Dol et Dinan, puis de celui de Rennes, le général, ou assemblée paroissiale de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), adhère à ces délibérations et demande en particulier que les représentants du Tiers aux États de Bretagne soient désormais en nombre égal à ceux réunis du Clergé et de la Noblesse ; — qu'à cet effet la noblesse n'y assiste plus en masse, mais par députés, en nombre fixe et déterminé, comme les deux autres ordres ; — que la moitié des députés de Messieurs du Clergé soit prise parmi les recteurs et curés ; — que les paroisses de campagne soient autorisées à envoyer des députés aux États, notamment celle de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), alors composée de plus de cinq mille habitants.

« Et a le général, chargé MM. les trésoriers de faire imprimer la présente, pour en être envoyés les exemplaires aux communautés des villes de Dol, Saint-Malo et Dinan, et partout où besoin sera ».

Sur le registre, pour la double délibération ci-dessus figurent les mêmes 17 signatures, dont celles de M. Georgelin de la Manfredaye recteur, de Michel Villeblanche, procureur fiscal, Blondeau-Delaunay, Pierre Ameline ...

Les réclamations ci-dessus furent accentuées et précisées à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), le 2 avril 1789, par l'assemblée paroissiale, bien plus nombreuse, qui nomma les huit délégués, chargés de contribuer à l'élection des députés définitifs aux États généraux. L'assemblée comptait 141 membres signataires, entre autres les huit délégués choisis : Michel Villeblanche, procureur fiscal, Blondeau de Launay, Pierre Hiard, Nicolas Mousson, Joseph Roger, Pierre Ameline, François Béziel et Nicolas Rucay ; et en outre Jacques Michel, sieur de la Morvonnais, ancien avocat au parlement, juge de la paroisse et président de la réunion ; adjoint Julien De Bien, greffier ; deux Delatouche Basse-Lande et Desaulnay (?), Jacques Littré, Cloutier des Noës, 10 Ameline, 6 Briand, 5 Hulaud et Mousson, 4 Desvaux et Ferrard, 3 Botrel, Hiard, Lepère, Souquet, Furet et Gruénais ... Cette fois le recteur ne figure plus.

La délibération, votée par acclamation, était intitulée : « Cahier des doléances ou réclamations du général et des habitants de la paroisse de Pleudihen, diocèse de Dol, subdélégation de Saint-Malo (pour les finances), ressort (pour la justice) de la sénéchaussée et siège présidial de Rennes, dressé par l'assemblée de ce jour, pour être porté par ses électeurs délégués à l'assemblée générale de ladite sénéchaussée de Rennes fixée au 7 avril 1789 ».

Les préambules indiquent bien la résolution prise à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) et mise à exécution de faire, comme d'autres localités voisines, défaut à l'assemblée de la sénéchaussée de Dinan, à laquelle pourtant se rattachait en droit la paroisse et à laquelle elle était convoquée, pour la nomination des Constituants. On dit dans ce préambule : « Les députés de ladite paroisse de Pleudihen réclameront leur réunion aux délégués de la ville, paroisse et communauté de Châteauneuf, comme chef-lieu d'arrondissement, étant ladite paroisse de Pleudihen dans le territoire et ressort dudit Châteauneuf, comme dans la distribution de ladite sénéchaussée de Rennes, par la menée et obéissance de Châteauneuf ». En effet, par sa position à l'est de la Rance, Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) se rattachait naturellement à l'Ille-et-Vilaine.

Le reste de la délibération reproduit les cahiers de doléances de Châteauneuf, Saint-Suliac et Saint-Père, tous rédigés aussi sous la présidence et sans doute de la main de Jacques Michel de la Morvonnais, juge à Châteauneuf. Inspirées en général par l'Instruction du duc d'Orléans, les réclamations de Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) sont relativement modérées et accusent le souci de concilier le respect des droits acquis avec la réforme des abus. M. de la Morvonnais avait essayé de ménager à la fois ses concitoyens et son seigneur de Châteauneuf. Voici les articles les plus saillants de ces cahiers.

ART. 12. - « Si le respect pour les droits de propriété empêche de demander l'extinction des droits de chasse, de garenne, de colombier ou fuie à pigeons et des banalités (usage obligatoire et payant) des fours, pressoirs et moulins, — il est indispensable de remédier aux abus sans nombre qui résultent de ces droits et de les restreindre par des lois précises dans de justes bornes — fixant le temps et la manière d'user du droit de chasser sur les domaines d'autrui, pour que les levées n'en souffrent pas ; — et en permettant aux propriétaires du domaine d'y tuer le gibier, pour conserver et défendre ledit domaine ; — en ayant pour but de réduire toujours le nombre des fuies et colombiers aux seuls cas résultant de la coutume, sans qu'une possession abusive ou des titres non connus et non suivis d'une possession publique puissent y suppléer par aucune jurisprudence ....

Au surplus une loi serait nécessaire pour obliger tous les propriétaires des fuies et colombiers de les tenir fermés et d'y nourrir leurs pigeons pendant le temps des semailles et récoltes et permettre au laboureur de les tuer alors sur son terrain — en permettant de détruire les garennes à lapins qui se trouveront voisines des terres cultivées et non fermées de murs ....

En abolissant les corvées pour les moulins, qui n'ont aucun principe légal et n'ont été établies que par un usage abusif, consacré par une jurisprudence, qui ne peut subsister ; — en donnant la faculté de se racheter à un prix modéré des banalités, si contraires à la liberté, qu'on doit regarder cette faculté comme raison suffisante du bien public ».

ART. 13. « Que la coupe des goëmons ou du varech soit libre, pour tout citoyen indifféremment, de la paroisse voisine, ou d'une autre, ainsi que la disposition de la pétrolle et de la marne, partout où ces engrais peuvent se trouver aux côtes, rivages, anses, bras de mer ou rivières, faisant partie du lit de la mer ; — et comme les terres des côtes n'ont d'autres moyens de fertilité que ces engrais, qu'il en résulte, par le produit, un avantage pour la société et pour les revenus publics bien supérieur à toute autre considération ; — que la conservation des pétrolles, marnières et verdières, que la mer couvre, soit assurée pour le public, sans être ni données ni accordées à aucun seigneur et particulier ».

Se conformant à l'article ci-dessus et conséquent avec lui-même, M. Jacques Michel de la Morvonnais concéda aux paroisses riveraines le droit de prendre de la marne et des engrais marins, dans les marais au nord et auprès de Saint-Piat, quand plus tard en 1799, il acquit de Mme de Baude-Talhouët les fermes de la Falaise, de la Bégassière et du Gasset en Saint-Hélen et celle des Terres à Saint-Piat même.

Contrairement à la loi récente de séparation de l'Église et de l'État, qui, en supprimant le traitement des prêtres, a obligé ceux-ci à demander une redevance, le denier du culte, à chaque famille, à chaque particulier ayant des ressources, — on exprime en 1789 ce désir dans les deux articles suivants :

ART. 14. « Que le sort des recteurs soit amélioré et que le revenu des rectories, qui ne sera pas de 1.200 livres pour les paroisses de 1.000 communiants et au-dessous, de 1.800 livres au-dessus — indépendamment des pensions des curés ou des vicaires, sur le pied de 500 livres ; — il y soit pourvu par la réunion d'autres biens ecclésiastiques, afin que, se trouvant pourvus d'un revenu suffisant ils n'exigent plus certaines rétributions bonnes à éteindre ».

ART. 16. « Les dîmes sont peut-être une des choses qui découragent le plus l'agriculture ; leur diversité dans chaque canton occasionne une infinité de procès ; leur excès ruine le cultivateur ; dans cette paroisse, il y en a beaucoup au dixième, au vingtième ; on y perçoit les dîmes d'agneau, les dîmes de filasse jusque dans les jardins. Les habitants demandent que, dans cette paroisse, l'uniformité de la dîme soit établie, déterminée généralement au trentième, comme proportion suffisante dans un pays où la culture est très dispendieuse et que chaque ménage ait l'exemption de dîme verte (ou de filasse) dans son courtil et jardin, jusqu'à un journal ».

C'était à l'Église même, non au pouvoir civil, qu'il appartenait de statuer, comme sur les autres biens ecclésiastiques, sur ces redevances religieuses, sur ces dîmes, grevant certains champs, tout à la fois assimilables et inférieures en général aux impôts modernes et aux fermages actuels qui atteignent bien, les premiers le dixième et les seconds la moitié du revenu, et d'ordinaire comportant pour le bénéficiaire la charge appréciable de contribuer aux réparations de l'église et du presbytère, au traitement du clergé et au soulagement des pauvres.

ART. 17. — Dans le nombre des droits seigneuriaux, dont la suppression ou la réforme intéresse le public, sont : « 1° les courses de quintaine, pour les nouveaux mariés ; les obligations encore plus singulières, pour ceux qui vendent du poisson salé, de sauter et plonger dans les étangs ; — aux deux cas, le mardi de Pâques à Châteauneuf, sous peine de 60 sols d'amende. Ces droits qu'on peut regarder comme un reste de l'abus du régime féodal, ne rapportent rien d'utile au seigneur et gênent la liberté des mariages et de l'industrie. On en demande l'extinction et celle de tous les droits semblables ;

2° L'obligation du vassal de cueillir à son tour et rang les rôles des fiefs, auxquels il doit des rentes. Souvent un vassal ne possède qu'un petit terrain dans un grand fief ; et quand le tour vient de les cueillir, il lui en coûte autant ou à peu près que la valeur de son fonds. Si, dans les cas où les titres de l'obligation sont précis, on ne peut, sans blesser le droit de propriété, obliger le seigneur de faire cueillir les rentes à ses frais, il faudrait du moins que la cueillette se fît aux frais du débiteur par proportion, et qu'il fût attribué, sur chaque rôle, six deniers par livre pour le droit de cueillette ou telle autre proportion raisonnable ».

ART. 18. « Depuis longtemps on discute s'il n'est pas convenable pour l'État de remettre les biens de mainmorte dans le commerce. Les habitants de la paroisse ont du moins le plus grand intérêt et le plus vif désir de voir passer en loi la faculté de franchir les rentes dues aux gens de mainmorte, sur le pied fixé par notre loi, suivant leur nature ».

Certaines de ces rentes ont survécu à la Révolution, notamment celle d'un boisseau et de dix godets de blé, établie sur la ferme de la Petite-Tourniole, pour la fondation d'un obit, par Pierre Brébel, sieur de la Ville-ès-Brulé, décédé en 1627, à 32 ans. Cette rente n'a été affranchie qu'en 1875.

« Enfin les habitants de Pleudihen se croient fondés à représenter que les terrains pris pour les grandes routes, notamment de Rennes à Saint-Malo, n'ont point été payés au propriétaire et que, s'il est contraire au droit de propriété de les avoir dépouillés sans dédommagement, il est encore plus injuste qu'ils n'aient aucune diminution sur les rentes seigneuriales et les impositions, en proportion de la perte de terrain, ainsi que pour les terres prises pour le fort de Châteauneuf en juillet 1777, pour lesquelles ils ont été obligés de continuer de payer ».

Dans un autre article, auquel nous avons déjà fait allusion, on demandait que les octrois de Dinan et de Saint-Malo fussent limités à ces villes et à leur banlieue, sans s'étendre sur les bords de la Rance navigable, au détriment de Châteauneuf et des paroisses voisines.

Plusieurs des réformes ci-dessus réclamées étaient incontestablement désirables et équitables.

Certaines institutions, utiles au début, avaient perdu leurs raisons d'être, étaient devenues plutôt onéreuses à l'ensemble des Français, avec le temps. Ainsi les seigneurs avaient d'abord rendu service au peuple, en lui procurant des fours, surtout des moulins, qu'il n'aurait pas été capable de créer lui-même, avec ses faibles et passagères ressources, et dont il pouvait au contraire payer modérément et successivement l'usage.

C'est ainsi qu'encore aujourd'hui l'État a établi et dirige l'office public des Postes, qu'il est plus à même de bien organiser, dont il fait rétribuer les services par les particuliers. De même l'État garde ou cède à des sociétés riches et puissantes d'autres monopoles, par exemple celui de la création et de l'exploitation des chemins de fer, qui sans cela ne pourraient guère fonctionner.

Mais tout monopole a l'inconvénient de limiter sur un point la liberté des citoyens. Aussi ne convient-il d'y recourir que lorsqu'il est nécessaire ou grandement utile. Sinon, mieux vaut laisser un libre champ à l'initiative privée.

D'autre part, tout monopole expose ceux qui le détiennent à faire payer trop cher leurs services à ceux qui ne peuvent s'en passer. Il devient positivement abusif et doit être supprimé, si le second inconvénient s'ajoute au premier d'une façon accentuée.

Or c'est ce qui était arrivé en 1789 pour le moulin banal. La richesse assez répandue dans le pays permettait aux particuliers de le remplacer par d'autres leur appartenant en propre, surtout pour le blé-noir, par ces petits moulins possédés à domicile, qu'on réclamait spécialement. On y avait intérêt, vu que les meuniers exagéraient alors la redevance pour la mouture, au point que leur nom devenait synonyme de voleur. Peut-être est-ce la raison qui a fait appeler « Semaine des meuniers » la dernière du temps pascal, où les chrétiens les moins fervents, les moins bien disposés, se présentent à la dernière heure, en rechignant, pour faire enfin leurs pâques.

Des réformes s'imposaient donc en 1789. Mais les esprits sages estiment qu'au lieu de les faire réclamer et réaliser en bloc, violemment, par une révolution sanglante, il eût été bien préférable pour tous que le gouvernement, animé à cet égard de bonnes intentions et désireux d'en venir à la réalisation, y procédât lui-même progressivement, sans permettre d'amonceler tant de récriminations, en partie chimériques, et sans laisser troubler aussi profondément la tranquillité publique, sans laisser bouleverser complètement toutes les institutions existantes.

(abbé Eugène Brébel).

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