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Bienvenue chez les Plestinais 

 La paroisse de Plestin-les-Grèves 

aux XVIème et XVIIème siècles

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Notre propos, dans les lignes qui vont suivre, est moins de brosser le tableau d'une paroisse bretonne sous l'ancien régime que de rappeler, en le soulignant, l'intérêt que présente, pour les chercheurs et amateurs d'histoire locale, la consultation des registres d'état-civil. La documentation que nous exploitons ci-après a été, en effet, — sauf en ce qui concerne les notes — puisée exclusivement dans les archives municipales de Plestin. Celles-ci remontent au milieu du XVIème siècle, très exactement à l'an 1551, ce qui n'est point un fait unique dans le département des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), où bon nombre de communes en possèdent de plus anciennes encore. Mais les premiers registres de décès nous permettent cependant de reporter nos déductions à une cinquantaine d'années plus tôt.

Ville de Plestin-les-Grèves (Bretagne). 

Ici comme ailleurs, les baptêmes, mariages et décès sont relatés sur des volumes particuliers, composés de folios de papier libre, puis de papier timbré à partir de 1674. Ils sont contrôlés par l'archidiacre du « Pou-Castel » (Pagus Castelli) improprement dénommé « Ploesgastel » (Note : L'archidiaconé du Plou-Castel s'étendait, d'est en ouest, du Leguer à la rivière de Morlaix et comptait 29 paroisses et 10 trêves), par l'évêque de Tréguier ou son vicaire général. Dans la seconde moitié du XVIIème siècle, ces mêmes registres, avant d'être ouverts par le recteur, doivent recevoir le paraphe du sénéchal de la cour royale de Tréguier au siège de Lannion, de son alloué ou de son lieutenant qui les cotent ou les millésiment. Etant donné la nature même des actes et le caractère de leurs rédacteurs, l'histoire religieuse y trouve le plus large compte. 

Nous apprenons ainsi que la paroisse est dirigée par un Recteur, en résidence constante, assisté d'un curé et de nombreux desservants : en 1674, le service de l'église et des diverses chapelles est assuré par quinze ecclésiastiques, non compris le clergé de la trêve de Trémel (Note : Cette succursale qui avait pour ressort les « treffs » de Trémel, de Trédillac et de Trespernen, possédait un état-civil particulier que nous n'avons pas exploité au cours de la présente étude). Placé sous le vocable de saint Efflam (« Ecclesia divi Efflami ») et non de saint Gestin, éponyme de la paroisse, le sanctuaire nous est décrit, au XVIème siècle, notamment à l'occasion des inhumations, avec un luxe infini de détails ; car il n'est point un pouce carré de la nef ou des chapelles latérales qui ne soit occupé par des tombes ; et celles-ci, lorsque la place manque, sont vidées de leurs occupants dont on transfère les restes à l'ossuaire (en breton « ar garnel »), dans le cimetière. Nos registres indiquent avec une précision d'expert-géomètre l'endroit exact des sépultures : Jacques de Trémel, « en une sienne tombe du côté de l'épître, joignant celle de Kermabusson (1638) » ; Catherine le Gonidec, dame de Locrénan, « sous l'escabeau de Locrénan, près le pilier devant l'autel privilégié de Notre-Dame » (1639) ; Pierre Lesparler, seigneur de Coatgaric, « en une tombe entre l'arcade du Plessix et l'escabeau de Guergué » (1649) ; Marie Thébault, dame du Pratlédan, « en une tombe au choeur de l'église paroissiale de Plestin, du costé de l'Epître, en la rangée la prochenne du banc de la seigneurie de Guergué, fors une rangée » (1669), etc. 

Ville de Plestin-les-Grèves (Bretagne).

Nous apprenons ainsi l'existence, à l'époque, non seulement du tombeau de saint Efflam, entouré, de sa « treille » et placé dans un lieu tout autre que celui d'aujourd'hui, mais encore celle des « voûtes », des « arcades », des tombes « enlevées et armoyées », des escabeaux, des bancs, des accoudoirs encastrés dans les chapelles particulières des familles de Lesmaez, de Lezormel, de Coatgaric, Kergadiou, Coatromarc'h, du Marc'hallac'h, du Rumen, etc. Puis, en descendant la nef, vers le clocher, les sépultures de la bourgeoisie locale s'alignent en rangs serrés, entre les coffres des confréries, sous les chambres des fabriques, devant la sacristie, installée au dessus du portail. Au bas du grand choeur, se dresse un jubé auquel fait pendant, à l'Ouest, le buffet des orgues. A l'extérieur, dans le cimetière qui entoure l'église, et où l'on enterre les gens du commun, se dresse un reliquaire ou ossuaire, un des plus beaux de toute la Bretagne. De tout ceci, hélas, à part le tombeau de saint Efflam, il ne demeure plus que le souvenir...  

Plestin-les-Grèves ou Plestin (Bretagne).

Hors du bourg, disséminées dans la campagne, l'on dénombre près de deux douzaines de chapelles publiques ou privées, où l'on baptise, où l'on épouse, où l'on enterre ; elles sont, pour la plupart, dotées d'une maisonnette qui sert au chapelain. Les plus fréquentées sont celles de Lancarré, de Saint-Maudez, de Saint-Jacut, de Saint-Sébastien et de Sainte-Barbe. Mais, par faveur spéciale de l'évêque de Tréguier, l'on baptise, l'on fiance, et l'on marie parfois dans les oratoires particuliers des châteaux et manoirs de Lesmaez, de Lezormel, du Leslec'h, du Marc'hallac'h, de Porzbozven, de Kermabusson, du Puill...  

Au XVIIème siècle, pendant plus de cinquante ans, et avant une remontrance de Monseigneur Balthazar Grangier de Liveri, évêque-comte de Tréguier, dont nous traiterons plus loin, tous les actes de nos registres abondent en aperçus sur la vie sociale et économique de la paroisse. Ce qui n'était point le cas, au siècle précédent où les relations se signalent par une décevante brièveté, sauf cas exceptionnels ; ainsi « Jacques le Crocq decebda le XXVIIe Jour de Mars en l'an que dessus » (1581), sans plus. Mais aussi « Ce jour uycte d'aoust l'an 1589 a pleu a nostre Seigneur Dieu prendre et recepvoir l'ame de Noble Parceval de Lesormel, Tourelles, Kercousguant, Kerranou, etc. et que Dieu aict l'ame... ».

Au XVIIème siècle donc, nos relations donnent du « Haut et Puissant Seigneur », « Haute et Puissante Dame » aux quelques hauts justiciers du lieu, aux barons et chevaliers ainsi qu'à leurs épouses, de passage à Plestin, à l'occasion de baptêmes on de mariages où ils figurent comme parrains ou marraines, ou comme témoins. Les écuyers qui forment le gros de la noblesse plestinaise, reçoivent du « Noble Homme » ou du « Seigneur temporel » (Dominus temporalis) de tel ou tel lieu (Note : Les renseignements fournis par nos registres d'état-civil sur les maisons nobles de Plestin sont d'autant plus précieux que les titres de la seigneurie furent en grande partie détruits, lors de l'incendie et du pillage du château de Kergoet en Saint-Hernin, le 11 juillet 1675, durant la révolte du Papier timbré). Les bourgeois sont qualifiés d' « Honorables Gens » ; les officiers seigneuriaux : sénéchaux, procureurs fiscaux, notaires, greffiers sergents ; les organistes, les armuriers, les artisans qualifiés, les domestiques des maisons nobles ont du « Maître ». Les gens du commun, paysans, ouvriers, sont dits du « tiers état ». 

Ville de Plestin-les-Grèves (Bretagne).

Les mariages de mineurs, décrétés de justice par les cours dont ils relèvent, nous permettent de préciser un point d'histoire de Bretagne. En effet, selon la plupart de nos auteurs, lors de la confiscation des biens de la maison de Penthièvre, le duc Jean V octroya à Jean de Penhoet, son amiral, les terres et seigneuries de Guerlesquin, Botsorhel, Plounérin, Plougras et Plestin ; puis par lettres du 8 juin 1425, il transféra les causes des vassaux résidant en ces paroisses de la châtellenie de Guingamp à celle de Morlaix. 0r nous constatons, aux XVIème et XVIIème siècles, que la seigneurie supérieure, pour la plus grande partie de Plestin, est celle de Guingamp, dont les appels venaient en Parlement. De Guingamp donc relevaient directement les juridictions de Lesmaez, de Lesormel, de Porzbozven, de la Haye, de Launay, de Kervidonné, Kervéguen et Leurven, etc. Mais bien d'autres seigneuries possédaient en Plestin un ressort juridictionnel de plus ou moins grande étendue : les Regaires de Tréguier, Keranrouz-Plufur, Kerhallon, la Haye-Keramborgne, Keryvon, le Plessix-Eon... (Note : Pendant tout l'ancien régime, la plus grande incertitude ne cessera de régner sur le ressort direct des sénéchaussées royales voisines. Ainsi, les différends à propos de la fabrique et des impositions diverses sont portés devant la cour de Lannion ; c'est de même le subdélégué dé l'intendant à Lannion qui fixe le taux des impositions ; mais c'est celui de Lanmeur, aussi sénéchal de la juridiction royale du dit lieu, qui veille à la perception des rentes foncières ; cependant que les mesures de grains sont jaugées et marquées par les officiers de la sénéchaussée royale de Morlaix...). 

Il y a généralement peu à tirer des actes de baptême dont la relation est fort concise : « X... filius (aut filia) naturalis et legitimus (-a) Y. et Z..., conjugum, baptizatus (-a) fuit per me infra scriptum, presbyterum ; et compater fuerunt..., commater vero fuit... die... mensis... anno... » (Note : Au XVIème siècle, les actes de baptême mentionnent la plupart du temps deux parrains qui sont, soit des ecclésiastiques, soit des notables, contre seulement une marraine. Constance Sparler, fille d'Yves et de Françoise Kerguezec, seigneur et dame de Coatgaric, baptisée le 11 décembre 1555, aura cependant deux marraines ; et Marguerite Menou en aura trois le 4 novembre 1602... ).

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Au XVIIème siècle, nous rencontrons cependant d'autres formules plus détaillées surtout lorsqu'il s'agit d'enfants « bien nés ». Ainsi, le 3 avril 1602, Pierre, fils de Jean de Kermoysan et de Marie du Dresnay, seigneur et dame de Goazmap, Kerroignant, le Leslec'h, Lanlelian, le Plessix,  etc. « fuit renatus ex aqua et spiritu sancto supra fontem baptismalis parochiae Sancti Teodori (?)... Pro quo fidem promiserunt nobiles ac devotae personnae Petrus de Coatredez, dominus temporalis de Kerdeozer, secundus filius domini de Coatredrez, et Margaretta de Lannyon, domina de Kerian »

Jusqu'au milieu du XVIème siècle, l'inscription des enfants nés hors mariage porte, en marge, la mention « Nothus » (sic) ou « Notha », sans plus. Puis celle-ci disparaît. Mais jamais à Plestin les bâtards n'ont été enregistrés à l'envers comme dans certaines autres paroisses. Le plus souvent ne figure que le nom de la mère ; rarement celui du père : « Maria filia illegitima Yvonis Trevidic et Hacinthae Mahé ». On constate de temps à autres des légitimations très, très tardives : Guillaume, fils de Marguerite Geffroy, baptisé le 10 juillet 1639, devra attendre le 26 novembre 1670, date du contrat de mariage de sa mère avec Yves Adam, écuyer, sieur de Kermalc'huezen, pour être reconnu. Autre Guillaume, fils de Pierre de Kersueguen et de Claude du Dresnay, baptisé le 20 avril 1642, sera légitimé le 16 février 1654...

Le nombre des enfants naturels, à Plestin comme partout ailleurs fut considérable au XVI-XVIIème siècle. Et pour échapper à la honte, bien des mères désemparées les abandonnèrent dans le cimetière ou sous le porche de l'église. Le 30 juin 1667, on découvrait, vers trois heures du matin, un petit garçon de père et mère inconnus, âgés d'environ trois jours, exposé au portail de Saint-Efflam, sur une botte de fougère et enveloppé dans de pauvres « drapeaux ». Il fut baptisé sous condition, à six heures, et eut pour parrain Michel Danjon, concierge de l'église et sonneur de cloches, pour marraine, Marie l'Hostis qui lui imposèrent le nom de Paul et le surnom de Portail, soit, en breton « Pol ar Porchet ». Après quoi, de l'avis du sieur Padel de Kerillis et autres notables habitants, l'enfant fut confié à une nourrice, laquelle se chargea de l'élever contre un salaire de 60 sous par mois, réglé d'avance, « dont le sieur de Pouillac, ecclésiastique de la paroisse, a répondu au nom des autres habitants, en attendant avoir connaissance de ses père et mère, et du lieu de la naissance du dit Paul du Portail pour le rendre à qui il appartiendra » (Note : D'autres seront appelés « ar Groaz », « ar Veunteun », « an Hent », soit : de la Croix, de la Fontaine, du Chemin, en commémoration du lieu où ils auront été recueillis. Or ces surnoms, pour certains, à la condition toutefois de quitter le pays, contribueront plus tard à leur procurer un établissement avantageux. Car « il est facile de concevoir comment ces sortes de dénominations, loin de leur être préjudiciables, devinrent, au contraire, entre les mains des plus hardis, à une époque où la particule était comme de nos jours fort recherchée, de merveilleux auxiliaires pour la conquête d'un rang, d'une position sociale que le vice de leur naissance paraissait devoir à tout jamais leur interdire » : Rosenweig, « Inventaires des archives du Morbihan », t. IV, Archives civiles, p. XLVI). Car pour suppléer en quelque sorte aux soins maternels, on entourait généralement les enfants trouvés ou exposés, d'attentions particulières. Les prêtres, les seigneurs et dames de la paroisse se disputaient l'honneur de les tenir sur les fonts baptismaux ou se chargeaient de leur entretien ; sinon il incombait au « général » de subvenir à leur nourriture et à leur habillement (Note : Rappelons que nos paroisses rurales, parfois des trèves, étaient administrées chacune par un « Général », formant le « corps politique » ou la fabrique de la paroisse sous la présidence du Recteur ou du Curé qu'assistaient, comme à Plestin, le sénéchal de la seigneurie, le procureur fiscal, le syndic des habitants, les deux « fabriciens » en charge et un représentant de chaque « treff ». Ce « Général » avait des attributions multiples : entretien de l'église et des chapelles, réparations des presbytères et des cimetières, administration des biens et revenus paroissiaux, levée des impôts, recrutement de la milice, réparation des routes et des ponts, etc... ).

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La vie économique est de caractère presque exclusivement agricole. Et nos actes énumèrent les traditionnels métiers du temps : valets journaliers ou valets à bras ou valets laboureurs ; colons des domaines convenanciers, lesquels occupent les trois quarts de la paroisse, laboureurs sans droits ni fonds, métayers des grandes fermes seigneuriales ; filandières, texiers ou tisserands ; marchands de fils et de toiles. A noter aussi, dans la première moitié du XVIIème siècle, la présence d'une importante colonie de Cornouaillais, originaires de la paroisse de Scrignac, pour la plupart, installés dans des huttes, en plein coeur de la forêt de Lesormel, où ils fabriquent du charbon de bois. Cependant, avec les fils de chanvre de lin, et quelques toiles, les éléments principaux du commerce local sont les grains (orge, avoine, froment) qui s'apportent aux marchés et foires de Plestin de toute la contrée voisine, plus particulièrement des paroisses et trêves d'au-delà du Douron, et qui s'exportent vers la Grande-Bretagne et la péninsule ibérique par le port de Toulanhéry (Note : Le registre des décès pour les années 1612 à 1661 nous informe que le 1er mai 1646 un des chalands assurant le passage entre les deux rives du Douron fut emporté par le courant, à la suite d'une forte tempête ; 48 personnes y perdirent la vie ; une dizaine d'autres furent sauvées par Yvon Cotty et par les marins anglais d'un navire qui chargeait de l'orge à Toulanhéry. Ce droit de passage appartenait au sieur de Kergadiou-Leingouez, en Locquirec, lequel était tenu d'entretenir 5 bacs : un grand et un petit pour les personnes ; trois autres pour les bestiaux. Ces bacs, constamment tenus en état de naviguer, rendaient de grands services aux habitants des paroisses voisines. Les droits de passages s'élevaient à six sous par personne ; à un sol par cheval ou toute autre bête. Mais les usagers des six paroisses les plus proches du Douron, au lieu d'acquitter ces droits, s'étaient arrangés avec le passeur pour lui remettre chaque année un boisseau de blé par maison ; ce qui se faisait très exactement. Archives nation., H 4, 2966-3. Rappelons que dès l'époque ducale le port de Plestin fut le siège d'une recettes des droits d'entrée et d'issue, puis, à la fin du XVIIème siècle, d'un bureau de l'Amirauté, et au XIXème, d'une brigade des Douanes). Ces mêmes grains fournissent à longueur d'années de la besogne aux vingt et quelques moulins seigneuriaux établis sur les petites rivières côtières. 

Quant à l'assistance publique, Plestin, station du Tro-Breiz, possédait, de toute antiquité, une « Hostellerie » destinée à héberger les pèlerins, établissement mentionné avec le Vieil Hospital, dans le quartier qui porte encore aujourd'hui ce nom. Un « Hôpital neuf » avait été construit, proche l'ancien, au début du XVIIème siècle. De même, une maladrerie, dotée d'un cimetière particulier, recevait les rares lépreux qui existaient sur le territoire de la paroisse. Nous n'en avons relevé que deux : Ameza le Jaouaff, « maladre », enterrée le 7 juin 1585 et Pierre Le Bihan, qui, après avoir été « séparé », le 25 avril 1636, fut inhumé hors la ladrerie le 27 août 1639. Le cimetière de la ladrerie servait aussi à ensevelir les gens morts de contagion, « à raison qu'on tachoit de n'infecter le bourg », comme en 1631 et 1640 ; en cette dernière année, on enregistra une cinquantaine de décès en quelques semaines (Note : Au milieu du convenant Guéguen, un édifice nommé « Lazare­Goz » aurait servi de léproserie ; il possédait en guise de fenêtres d'étroites ouvertures à travers lesquelles on donnait à manger aux malades). Notons enfin la présence de sages-femmes qui assistaient les parturientes et ondoyaient les nouveaux-nés en péril de mort.

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De temps à autre, à l'occasion de cérémonies publiques ou d'événements marquants, le Recteur en charge fait de ses registres de véritables bulletins paroissiaux. Ainsi, à la date du 14 janvier 1599, Jean-Efflam Pichic signale que l'église de Plouaret et la maison de Lesmaez ont été « brisées et rompues par les tonnerres de maligns esprits ». Le 9 décembre 1601, Bertrand Jouhan note que vers 10 heures du soir, il s'est produit un grand tremblement de terre ; sur quoi il a sollicité la pitié du Dieu Tout Puissant par l'intercession de la Sainte Vierge et de tous les Saints et Saintes du Paradis et s'en est remis à la volonté du Seigneur (Note : Cette secousse sismique fut ressentie dans toute la Bretagne comme l'atteste une autre note inscrite sur la page de garde d'un registre de Saint-Melaine de Morlaix par Messire Goulven Le Goff, vicaire perpétuel de la paroisse : « Le dix neuffiesme jour de décembre l'an mil six centz ung, environ unze heures en nuict se trova ung tramblement de terre si epoventable et estoit si terrible que les chandelliers, bacins sonoient, les chambres trembloient et fut un grand épouventement au peuple. Dieu nous donne sa grâce d'éviter toutz les perils et le paradis en fin ».

Le second jour de la fête de Notre-Dame, l'an 1609, Dom Jan Martin est tué au Clos, près du bourg, par de méchants hommes. Le jour de la vigile de Saint-Jean 1611, « Nobilis prudens ac studiosus Yvo de Perthevaulx, dominus de Mezanrun, Kermabusson, casu crudeli tranversus fuit gladio prope domum Toulanguery in litore et ibi decedit ». Le 23 juillet 1662, François Pourtois est trouvé tué d'un coup de mousquet sur le chemin, entre Kerlazion et Crec'hgouaff ; les officiers de la juridiction de la Haye-Keramborgne ordonnent son inhumation en la chapelle de Saint-Sébastien...  

Les inaugurations d'oratoires et de chapelles, les baptêmes et bénédictions de cloches ou de statues occupent, bien entendu, une place de choix dans nos registres et apportent un appréciable appoint à nos connaissances archéologiques :

— 17 mai 1607 : bénédiction par Adrien d'Amboise, docteur en théologie, évêque de Tréguier, à la prière de Jean de Kermoysan et de Marie du Dresnay, de la chapelle du manoir du Leslec'h (Note : Il s'agit de la chapelle de Sainte-Catherine dont la cloche porte les armes desdits Jean de Kermoysan et Marie du Dresnay, seigneur et dame du Leslec'h. La cloche du sanctuaire fut baptisée par le recteur B. Jouhan, le 23 mai 1608).

— 27 novembre 1607 : baptême des « tintinabula » nommées Guillaume, Marie, Anna, Louise et Marie ; « quae tintinabula », précise Bertrand Jouhan, « pertinent ad nos rectorem huius parrochiae Plestinensis ».

— 6 mai 1609 : bénédiction de l'oratoire du manoir de Lesmaez par Adrien d'Amboise.

— 15 mars 1614 : bénédiction de la cloche de la chapelle de Kermaria au manoir du Marc'hallac'h : « Campana capellae Urbis Mariae Manorii du Machelech ».

— 17 novembre 1617 : bénédiction de la cloche de la chapelle de Saint-Roch, dépendant du manoir de Coatgaric.

— 19 novembre 1673 : pose de la première pierre de la chapelle de Saint-Gestin, où la première messe ne sera célébrée que le 9 mai 1678, et la cloche, baptisée le 3 juin 1679. Il s'agit, l'on s'en doute, d'une reconstruction (Note : Il ne demeure de ce bien modeste édifice que trois pans de mur au coin d'un placître ; sa fontaine, totalement abandonnée, sert d'abreuvoir au bétail de Penanvern Huella ...).

— 21 octobre 1674 : bénédiction de la cloche de la chapelle de Saint-Efflam.

— 9 août 1689 : bénédiction de la chapelle de Saint-Jean, du manoir de Porzbozven.

— 25 juillet 1690 : baptême de la cloche de la chapelle de Saint-Maudez, dépendant du manoir de Kervidonné, en Trémel.

— 21 novembre 1690 : bénédiction de la chapelle de Saint-François, au manoir du Puill, à Toulanhéry (Note : Cette maison, de fort belle allure, porte le nom de son premier occupant qui la fit d'ailleurs construire).

— 29 mars 1691 : « Le vingt neufième mars mil six cent quatre vingt onze Je, soussigné Recteur de Plestin, assisté de Messire Yves Le Fournis, prêtre, et François Le Fournis, atteste avoir à la requête de Me Hervé Calvez, marchand, et de Françoise Le Fournis, son épouse, fait la bénédiction d'un navire appartenant au dit sieur Calvez sous le nom et invocation de la Très Sainte Vierge Marie comme la Véritable étoile de Mer. Toussaint et Marie Calvez firent l'office de parrain et marraine ; en témoin de quoy avons signé : M. Fournis ».

— 26 mai 1691 : « Eustache Le Sénéchal de Carcado, Conseiller du Roy en ses Conseils et nommé par Sa Majesté Evesque et Comte de Tréguier, Vicaire Général, Nous donnons pouvoir au Sieur Recteur de Plestin, ou à tel autre prêtre qu'il voudra commettre, de bénir la chapelle de St Maurice dans la Trève de la dite paroisse, qu'on a nouvellement relevée, et permettons d'y dire la messe jusque à notre 1ère Visite parceq. auparavant Ledt Sieur Rectr. aura soin de voir s'il y a des ornemts. et autres choses necessaires pour la decence de l'office divin, et qu'on y nommera un marguillier, lequel sera tenu de se trouver à nos visites, pour nous rendre compte des biens appartenans à ladite Chapelle. Donné à Tréguier en nre Palais Epal ce jour 9. 8bre 1690. Ainsi signé Eustache Le Seneschal de Carcado. En vertu de la commission rapportée cy devant et de l'autre part, Je soussigné Recteur atteste avoir béni lad. Chapelle de Sainct Maurice nouvellement levée des offrandes du peuple ; le tout suivant les cérémonies prescrites au rituel romain, et les conditions portées par la presente commission, le 26 mai 1691. M. Fournis, prêtre et recteur de Plestin ».

— 14 décembre 1697 : « Benediction de la grosse cloche de Plestin refondue par Me. Guillaume Hüet, maître fondeur de Morlaix l'an 1697, le 16. 9bre ».

« L'an de Grace, de benediction et de paix entre la France d'une part, l'Empire, l'Espagne, l'Angleterre, la Hollande, etc. de l'autre part. Le quatorzième decembre mil six cent quatre vingt dix sept par la permission de Monseigneur L'Illustrissime et Reverendissime Evêque et Comte de Tréguier, Messire Olivier Jégou de Kerlivio, a été par le soussigné Messire Michel Le Fournis Recteur, la grosse cloche de l'Eglise paroissiale de Plestin, bénie, nommée, et consacrée au service Divin avec les cérémonies et solemnités requises en pareil cas, et ce au nom du glorieux Prince Sainct Efflam notre Patron, en l'honneur de l'Archange Sainct Michel, et de l'Ange gardien ses protecteurs spéciaux, sous l'Invocation desquels nôtre cloche neuve a été à Dieu dès sa fonte pour être dorésenavant la Voix et le Messager de Dieu, le Signal et la Trompette de l'Eglise pour appeler, avertir, exciter et assembler ses enfants les fidèles chrétiens de la part du Souverain Seigneur. C'est pourquoi elle porte gravées les images de ses patrons et protecteurs avec cette devise : «      Christianum coetum Efflami Nomine cogo ». Comme si la cloche disoit : Je suis la trompette de Sainct Efflam vôtre patron, ô paroissiens pour vous assembler icy de la part de Dieu, d'où vient aussi qu'elle n'a pas eu besoin d'autre Parein pour l'imposition du nom de Celuy qui en a fait la bénédiction ; à laquelle ont assisté messieurs les Ecclesiastiques soussignés et plusieurs autres : M. Fournis, Ptre et Recteur de Plestin, M. Lucas, F. Fournis, Bernardin de Quenecunan ; Yves K/Night, Eufflam Le Bideau, Yves Ansquer ».

— 4 décembre 1698 : bénédiction des statues de saint Marc Evangéliste, et de saint Louis, roi de France, en la Chapelle Sainte-Barbe ...

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Cette rubrique de faits divers se hausse parfois à la relation objective d'événements historiques peu ou mal connus. Lors des guerres de la Ligue, où, dans les dix dernières années du XVIème siècle, tout le pays entre Morlaix et Lannion ne cessa d'être rançonné et pillé, brûlé, ensanglanté tant par les gens de Mercœur que par ceux du Roi, la paroisse de Plestin, pour son malheur, avait pris le parti du duc de Lorraine. A l'époque, les Ligueurs tenaient Guingamp, Morlaix et le château de Primel, en Plougasnou ; les Royaux, eux, occupaient Lannion et Tréguier ainsi que les forteresses de Tonquédec et de Coatfrec. Et voici, sous la plume du recteur J.-E. Pichic, le récit des heures folles que connurent ses ouailles : « Le douziesme jour de mai 1590 a pleu a nostre Seigneur Dieu faire separation entre les corps et ames des denommez cy appres tues et massacres en la greffve de Saint-Michel en Greffve par messtres souldards des chasteaux de Coatfriec et Toncqueddec sçavoir, Noble escuier Jan Adam, sgr. de Kermaluezen, Kerimec, etc. Jan 0llivier le Grand etc... filz Jan Richardic, Marc Cosson sr. de Loursse, Yvon en Joncourt, Briant Kerninon, et Jacques Le Joncquourt, Henry Le Boubennec, Yvon Cabon fiz, Yvon et Guillaume Gargan, Henry et Auffret, les Boubennec, » etc. En tout près de trente Plestinais. C'est pour ces ames cy dessus nommées Supplye Notre Seigneur Dieu par sa saincte miséricorde qu'il lui plaesse les recepvoir et collecquer en son paradis et moy aussi supplye Notre Seigneur Dieu qu'il lui plaesse donner paix aux peres et meres enffants parentz et amys et bienveillantz desd. decebdez a celle fin qu'ils puissent librement et dévotement prier Dieu pour lesd. decebdez et pardonner a ceulx qui ont fait la faute pour qu'ils puissent vériffier la parolle de Dieu disant
ainsi « Michi vindictam et Ego tribuam ». Et por avoir memoire desd. depbcests la presente signee par moy soubz signant Recteur de Plestin, J. E. Pichic »
.

Moins de deux mois plus tard, les Royaux reviennent à la charge : « Entre la lande de Trebes et le bourg de Plestin, furent tues et massacres par mestres et souldards de Coatfrec et Toncquedec ce mardy, 3e. jour de Juillet 1590 les denommés cy-après ... ». Suit une douzaine de noms. « Le samedy septième jour dud. mois de Juillet l'an que dessus furent brulles par lessus nommez les maisons cy après nommees : Sçavoir Allain et Gilles le Saoux, Guillaume Prat, Yvon le Boedou, le prespitoere et Sricgnaou, le tout au bourg de Trémel. Item la maison de Jan Scrignac, la maison de feu Even le Lay, Rolland Cillard et consorts Henanguer, François de la Haye Toulanroch ... ». soit une soixantaine de fermes et de manoirs. « Et pour avoir mémoire de ce que contient ce feillet de pappier tant de ce côtté que de l'aultre part a este la présente signee par moy soubzsignant Recteur de Plestin... ».

Dans Plestin ravagé la terreur règne à tel point, conclut J.E. Pichic « que les gens de bien sont contraincts d'aller quester l'aomosne et ne sçavent ou y aller par la povreté de telles guerres dont supplye a Dieu que luy plaesse nous donner une paix generale ». En fait, la réciproque fut rendue à Lannion, Plouaret et Ploubezre que les Ligueurs dévastèrent quinze jours plus tard, le 21 juillet. Entre temps, le 11 juillet, Messire Pichic avait enregistré le décès suivant : « Noble et puissant Guy de Quillidien, sgr. de Kerouchant, Saint-Lauga, la Boessière, le Porzou, Kerlean et autres lieux, rendit son âme à Dieu deffendant la Saincte Unyon Lesglise catholique et apostolique et romaine et que Dieu absolve et fut son corps inhumé en l'eglise de Jocelin diocese de Vannes, la presente a este mise en esprit par son grand amy et pere spirituel dud. sgr. Missire Efflam Pichic, pretre Recteur de Plestin » (Note : En septembre 1590, l'arrière-ban de Cornouaille était appelé en renfort au pays de Saint-Brieuc par le Duc de Mercœur. Le détachement, qui comptait au plus une trentaine d'hommes d'armes, après une courte halte à Carhaix, prit des chemins détournés pour atteindre sa destination : les villes de Rostrenen, Corlay, Quintin et Guingamp étaient en effet occupées par les Royaux. Il décida de passer la nuit à Plestin avant de poursuivre sa route. Mais la garnison alertée dépêcha sur les lieux une forte troupe (environ 200 soldats) qui surprit les Ligueurs et les massacra, à l'exception de Jean de Ploeuc, seigneur du Brignou, qui, grièvement blessé, fut libéré contre rançon. Jérôme du Louët, sieur de Kerhom, Jacques du Rusquec et Christophe de Carné, abbé du Relec, après s'être vaillamment battu furent mortellement blessés, et enterrés le lendemain, en l'église des Jacobins de Morlaix. — J. Moreau, « Les guerres de la Ligue en Bretagne », éd. H. Waquet, Quimper, 1960, p. 79-80).

Un siècle environ plus tard, c'est la révolte du Papier timbré à laquelle Plestin ne prit qu'une part modeste qui n'en fut pas moins sanctionnée par le bannissement de deux de ses habitants, Jacques et Yves Garions (Note : L'amnistie, accordée aux mutins le 5 février 1676, exceptait cent soixante-quatre individus répartis dans les paroisses où la révolte avait eu le plus de force.).

Et le Recteur du moment passe délibérément outre à la note comminatoire adressée le 22 mai 1658 à son prédécesseur par l'évêque de Tréguier, lui enjoignant « de prendre le modèle des relations dans quelque Manuel où elles soient plus courtes et plus nettes et non plus si historiques, n'estant pas necessaire d'escrire l'histoire du mort, mais seulement de dire qu'il est mort un tel jour, une telle année, qu'il reçut avant la mort les sacrements, les exprimant en particulier, etc. Enjoint aussy de Millesimer le present registre jusqu'à la fin ». En effet, le 23 juillet 1675, il relate le décès de Christophe Coatdalen, tué d'un coup de fusil, au lieu nommé le « Tachen » et inhumé le soir du même jour en présence de Toussaint de Tuomelin, seigneur de Kerbourdon et autres.

Puis, sur la dernière page du registre de 1675, Messire Jacques Boessy nous livre, en latin, ses réflexions sur l'état de la Bretagne, sur la mentalité de ses paroissiens et les excès auxquels ils se livrent : « les paysans », déclare-t-il, « se croient tout permis, considèrent tous les biens comme une propriété commune, et n'épargnent même pas les ministres de l'église, désirent égorger les uns et chasser les autres de leurs paroisses. Il a dû, quant à lui, fuir Plestin à plusieurs reprises et préfère... par prudence, se taire sur bien des choses » (Note : « Exorta est hoc anno 1675 in totâ fere Britanniâ aremoricâ et alibi multis in locis Seditio ; ob quam Parlamentum esse desiit Rhedonis translatumque Venetias Jussu Regis ; transmissi in hanc provinciam milites Duce et Gurbernante Dno Carolo d'Ailly duce de Chaulnes, totiusque Britanniae gubernatore ; Rustici rebantur omnia licita, communia bona nec ab Ecclesiae ministris abstinebant ; Partim volebant jugulare, Partim expellere a suis Parochiis ! O tempora ! O mores ! Quibus malis obviam Deus ibit et Rex ; nec fuit haec Parochia Plebis Gestini a talibus immunis Tumultibus ; ob quos multae mihi Peregrinationes fuerunt faciendae ; multa sigillatim dicerem quae taceo ; hac scripsi et subscripsi Januarii Idibus anno proxime sequenti. Jacobus Boessy Rector anno 1676 »).

Enfin, il n'est point jusqu'aux amateurs et spécialistes d'onomastique et de toponymie bretonnes qui ne puissent trouver matière à cogitation dans la consultation des vieux actes d'état-civil. Aux XVIème et XVIIème siècles, les noms de famille, en général des surnoms, se trouvent précédés de l'article défini « an », « ar », ou « al » : « Alan an Aour, Tugdoalus an Ageat, ar Sparler, ar Balc'h... » Cet emploi semble parfois abusif et même, apparemment, impropre : ainsi l'on écrit « an Dresnay » pour du Dresnay ». Au XVIIème siècle où règne une mode détestable de francisation à outrance, patronymes et toponymes se voient tantôt correctement traduits tantôt abominablement défigurés : « Ar Sparler » devient « Le Sparler » puis « Lesparler » ; « An Intanff » devient « L'intanff », en deux mots ou en un seul ; « Steff », traduit en latin par « Stephanus », devient « Estienne ». La seigneurie du Guern disparaît pour céder la place à celle du Launay, dite aussi du Launay-Guern ; celle de Coat-an-Sal, au Bois de la Salle ; celle de Kernevez, à la Villeneuve, etc. Mais il est des modifications plus fantaisistes : le vieux nom de Riwallen se transforme en « Riou-Alain »... Il y a pire ! Sous la plume d'un scribe frotté de latinisme, « Ar Rouz » devient logiquement « Le Rubeus », mais « An Denmat », ailleurs correctement traduit par « Le Bonhomme », est rendu à Plestin par l'accusatif de « bonus », ce qui nous donne « Le Bonum ». Les prénoms sont empruntés très normalement à l'hagiographie locale ; aussi trouve-t-on de nombreux Gestin, Efflam, Tugdual, Yves ; mais encore des Bizien, des Brandan, des Brioc, Hervé, Meven, Menou, Quirioc, Rioc. Pour les filles, ce sont des Anna, des Bleuzven, des Plésou, des Levenez ... Ce qui nous vaut la glose suivante, relevée à la date du 14 janvier 1606 : « Flora que est in nostra Lingua Vernacula loquendo Bleuzven filia Roberti Jauhaff et Annae Boubennec baptisata fuit.. ».

Il y a, de plus, les noms particulièrement suggestifs des « trevou » ou des « Treffs » (substantif masculin ; on dit « un treff » au XVIIème siècle) qui, sous forme de hameaux ou de villages furent les cellules initiales de la paroisse. Et contrairement à l'opinion commune, il ne s'agit point de trèves au sens ecclésiastique du mot, sauf pour Trémel. Jusqu'au XVIIème siècle, nos actes nous diront qu'un tel demeure en Tréardin, en Tréholen, en Tréoustat (qui comprend le bourg) ; puis on parlera de trèves ou de frairies de Tréardin, de Tréholen, etc. (Note : Les dix « treffs » cités dans nos registres sont les suivants : Tréoustat, Tréharan, Tréholen, Tréardin, L'Armorique, La Haye, Trémear ou Trémeur, Tremel, Trédillac et Trespernen ; ces trois derniers constituaient le ressort de la trève de Trémel. L'Armorique, ou l'Armor, se dénommait primitivement « Treff-Roz » puis « Trévroz » appellation que conserve un village du lieu. Ce terme d'Armor était généralement utilisé pour désigner les terroirs voisins de la mer : « ès fallaysses et costes de l'armor de Pordic », lit-on dans un aveu de 1551 ; « en l'armor de Pleubian » dit le terrier du fief de Troguérat-Lezandiny, en 1771).

Il est exact que, durant tout l'ancien régime, la paroisse de Plestin se trouva divisée en onze sections : dix prétendues trêves ou baillies, en réalités circonscriptions dîmières, et un Minihy s'étalant en bordure du Douron (Note :  Le Minihy de Plestin, comme ceux de Coatreven, de Plougrescrant, de Ploulec'h, de Rospez, de Servel, et de Tonquedec, était primitivement un domaine monastique ; il aurait ensuite relevé du domaine épiscopal de Tréguier. Il fut en tous cas le fief d'une seigneurie dont le siège se trouvait au manoir de Lanharan. Jusqu'à la fin de l'ancien régime le Minihy de Plestin bénéficia d'un traitement privilégié lors de la levée des diverses impositions).

Signalons encore le lieu-dit de Lancarré, siège d'une antique et célèbre chapelle dédiée à Notre-Dame dont seul l'imposant mur d'enceinte a survécu à la furie destructive des hommes. Au XIIIème siècle, le sanctuaire est dit « de Nantcarré », détail qui n'a point échappé au regretté René Largillière lequel a conclu à une erreur de scribe. Opinion que nous ne partageons pas : Nantcarré est devenu « Lant », puis « Lan-Carré », comme Nant-Treguer, le « Val Trégor » des textes du Moyen Age est devenu « Lantreguer ». Nous avons toutefois relevé les formes « Nantcarré » et « Nantcarez » en 1595 et 1643, ainsi que l'existence d'une famille de « Rancarré » à la fin du XVIème siècle. Signalons, enfin, le lieu de Rangaré, en Goudelin, et la chapelle de Saint-Carré, en Lanvellec ...  

Si nous avons limité aux XVIème et XVIIème siècles notre explo­ration des registres d'état-civil de Plestin, c'est que par la suite, une stabilisation générale a prévalu dans tous les domaines. Noms de lieux et de familles se sont figés dans une forme hybride, mi-française, mi-bretonne : « Coz-Jardin », « Croaz-an-Coq » ; « Le Hir, Lachiver, Lamezec », ont été totalement ou partiellement traduits : « Plessix-Coz », pour « Quenquiz-Coz », « La Boissière », pour « Ar Veuzit » ; « Le Long, Le Page, Parthevault », etc. pour « an Hir », « ar Floc'h », « Bertevas », lorsqu'ils n'ont pas subi de traitements ridicules : comme ceux de « Riwallen » et de « Denmat », cités plus haut (Note : Dans la seconde moitié du XVIIème siècle, apparaissent des noms irlandais, « irois », « hibernois », « ex provincia Hybernorum » ; des Donaglan, des Maclen, des Mochan, vraisemblablement réfugiés stuartistes ; puis des noms d'employés des Fermes du Roi, originaires des quatre coins de la France). D'autre part, les châteaux et manoirs, avec leurs domaines proches, sont passés entre les mains de paysans aisés. Toutes les familles nobles de quelque importance ont abandonné leurs terres ancestrales, et cet absentéisme ne sera pas étranger aux mouvements populaires qui mettront fin à l'ancien régime (Note : Lesmaez, siège de la Seigneurie de Plestin, sera occupé par des Donias ; Roscerf et Kerjean-Richard, par des Brigant ; le Rumen et Kerberiou, par des Prigent ; Kerjean-Dresnay, par des L'Hostis ; la Haye-Kaër, par des Moriou ; le Marc'hallac'h, par des Scrignac ; Langaran, par des Gueguen ; Mézospern, par des Le Page, etc. ). Le commerce des grains et des produits textiles, l'exportation des denrées alimentaires fournies par l'agriculture locale et l'importation des marchandises étrangères sont le monopole presque exclusif de riches bourgeois. Quant aux officiers seigneuriaux, en l'absence de leurs maîtres et privés de tout contrôle, ils prennent une importance politique et sociale qui ne cessera de croître pour en faire bientôt les fourriers du régime nouveau.

Quoi qu'il en soit, nous espérons avoir, après tant d'autres, souligné du mieux que nous avons pu, le parti qui se pouvait tirer de l'exploration d'archives paroissiales, si modestes fussent-elles, pour une meilleure connaissance du passé de notre vieux pays.

(publié avec l'aimable autorisation de la famille de Joachim Darsel)

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