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LA CREATION DE LA LEGENDE AU XIIIème SIECLE

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Le Xème siècle avait établi la tradition, mais dans la pierre et en monument durable. Il savait encore beaucoup de choses qu'ils oublièrent dans la nuit du moyen-âge.

Au XIIIème siècle, on se décida à écrire la légende en ramassant tous les fragments de traditions qui existaient encore dans le pays, dénaturées dans la forme, mais vrais dans le fond.

C'est l'oeuvre personnelle du clergé de Plestin qui écrivit sous forme d'office ecclésiastique la vie de Saint Efflam et celle de Saint Gestin et dont furent tirées par la suite les autres vies de ces saints au XVIIème et au XVIIIème siècles ; mais en écrivant cette légende il l'appliqua à un terrain entièrement bouleversé et déformé sur son littoral, il oublia certaines données et surtout il y mit sa grosse part de merveilleux chrétien et de fictions naïves qui plaisaient énormément à l'âme populaire de ce siècle.

C'est le clergé de Plestin qui écrivit le vieux cantique de Saint Efflam (que Monsieur Hersart de la Villemarqué a recueilli dans Barzas-Breiz), pour qu'il fut connu et chanté par tous, apprise et marmoté par les enfants presque au sortir du berceau, annoné par les vieilles fileuses en dévidant leurs quenouilles et en tournant le navet, constamment rappellé par les vieillards aux jeunes générations pour leur apprendre ce que furent et ce que firent leurs pères.

Cette légende, que l'on appelle la légende efflammienne fut connu dans tout le pays breton ; elle fut l'objet de diverses vies et légendes sur ce saint et en outre vers qui se chantait au XVIIIème siècle une vieille gwerz de près de 800 dans toute l’étendue de la Bretagne bretonnante.

Comment se forgea-t-elle ? Tout d'abord que savait-on sur Gestin ?

C'était un pasteur aimé de tous qui fut le fondateur du pays ; il céda son premier domaine à Saint Efflam pour venir à Lanscolva fondé l'agglomération de Plestin. Il y avait là un Bois que l'on considérait universellement comme sacré à cause des miracles et des vertus que l'on prêtait au saint. Personne n'y aurait coupé le moindre arbre ou brisé la plus petite branche vive ni même touché aux rameaux et aux souches de bois abattu par le vent et la tempête.

On en fit un prêtre en toute vraisemblance et se l'imagina en habits sacerdotaux tenant un calice à la main comme le représentera le statuaire du XVIème siècle au côté épître de l'église de Plestin.

Et puisqu'il avait été prêtre et qu'il avait, suivant la tradition, des attaches avec Rome et comme on ne pouvait pas l'imaginer qu'il put être d'un pays autre que celui qu'il fonda, on imagina le retour d'un pèlerinage au pied du Souverain Pontife, comme on commençait à en entreprendre au XIème siècle, mais comme on en faisait très peu, point du tout même, parmi les prêtres du VIème siècle.

On crut donc nécessaire d'imaginer Gestin revenant d'un voyage à la Ville sacrée et on fit coïncider ce retour avec l'arrivée d'Efflam.

Sur Efflam, la tradition était vive ; mais sur Honora, que savait-on ?

La tradition disait qu'elle avait été l'épouse d'Efflam, que celui-ci avait quitté l'Irlande et s'en était venu en Bretagne, abandonnant son épouse le soir de ses noces.

Et voila qu'à son tour, Honora se retrouve au pays de Plestin après avoir débarqué au Yaudet, décidée à retrouver son mari qu'elle vit résolu irrémédiablement à ne pas reprendre la vie commune ? Après avoir constaté l'irréductibilité de son mari, Honora s'en alla vivre au Pont-Blanc ; puis quitta le pays pour aller dans le Léon et en Cornouailles.

Comment expliquer tout cela ? La venue d'une personne seule au Yaudet et son abandon en Irlande ?

On parlait beaucoup au moyen âge de moyen de navigation en outres de cuir. Rien de plus simple que de supposer qu'elle s'était fait mettre dans une outre de cuir cousu, elle s'était laissée aller au gré du courant naturel marin, que l'outre de cuir était arrivée au Yaudet qu'elle avait été recueilli par un pêcheur dans ses filets l'Al-Losquet que celui-ci retira de l'outre une femme d'une beauté exquise que le pen tiern prit en adoration et qui resta stupéfait en apprenant l'évasion d'Hénora pour aller retrouver Efflam.

Comment raconter leur entrevue ? Conversation à travers la porte close d'un monastère, premières exhortations d'Efflam à Hénora pour l'inciter à embrasser une vie pareille à la sienne... Tout cela est encore du pur moyen-âge.

Et, comme il fallait en tout cela une mystérieuse histoire d'amour et aussi un miracle, on imagina l'arrivée au logement d'Efflam du Pentiern du Yaudet, courant après la belle Hénora échappée de sa geôle et voulant forcer la porte pour l'enlever ; on corsa l'anecdote en amenant à ce sujet un miracle d'Efflam, qui rend la vie à la main du Pentiern restée desséchée et paralysée lorsqu'il voulut la poser sur la porte d'Efflam pour la forcer ; on broda la scène du pardon et le renvoit du Pentiern, qu'à certains moments, Efflam appelle son cousin, guéri et décidé à ne plus rechercher la belle Hénora.

Celle-ci ne pouvant se résigner à la vie solitaire, gagna le Léon, puis les Cornouailles, où elle retrouva une autre vierge irlandaise émigrée qui fondait un couvent de filles à Plœmeur à la pointe de Penmarc'h. Hénora y mourut et tout le pays la canonisa.

Et comme la beauté d'Hénora était légendaire comme elle était pour tous un vrai régal des yeux, la tradition cornouaillaise, plus crue dans ses formes et ses pensées, en fit la patronne de nourice, celle dont Brizeux écrira, dans sa chanson de la Soupe au lait :

Saint Herbot, écoutez les appels de notre âme,
Et vous, Sainte Hénora, les vœux de notre cœur !
Oh ! ne laissez jamais sans la douce liqueur
Les pis de la génisse et les seins de la femme !

Le pays de Plestin lui, reconnut qu'il n'était pas facile de séparer la vie de ces trois personnages, Efflam, Hénora et Gestin, et préféra les réunir en une seule légende qui est devenu la légende efflammienne.

Elle est naïve et riche d'imagination.

1° - Le débarquement d'Efflam.

Seuls, quelques noms restaient dans la mémoire des anciens, Efflam, Quémeau, Harant, Mellec, Carré, Nérin et Versin et Kirio. On se représenta donc Efflam débarquant avec ces seules sept compagnons ; lesquels se répandirent dans le pays pour l'évangéliser. Tous, dans l'esprit du peuple du XIème siècle étaient des pasteurs et des prêtres qui vinrent dans le pays pour y faire connaître la voix du Christ.

2° - La personne d'Efflam.

La tradition locale était formelle : elle en faisait le fils d'un roi d'Hibernie.

Ce n'était pas à proprement parler un prêtre et l'esprit populaire se le représente comme un fils de seigneur, le sceptre à la main.

A la chapelle Sainte Barbe, où se trouve l'anciennne statue de ce saint qui existait dans la primitive chapelle de la grève, il est vêtu de la toge, coiffé d'une couronne et porte à la main un grand sceptre.

A l'église de Plestin il a de même les insignes du commandement ; et sur le tombeau qu'on lui fit au Xème siècle et qui fut retrouvé en 1819 une hache ou cognée, un signe des seigneurs, est gravé sur la pierre tombale.

3° - L'intervention d'Arthur.

Les histoires merveilleuses ramenées de Grande-Bretagne par les insulaires de la vague sainte circulait de bouche en bouche ; on voyait en lui un être immortel, un demi-Dieu symbole de bravoure et de force, un héros de conte de fée, comme il en faut à l'âme rêveuse et superstitieuse du breton.

Ne pas mêler cet être universel à la légende efflammienne était chose impossible et inconcevable, surtout qu'il était question dans la tradition sur Efflam d'un combat contre un dragon et qu'Arthur était précisément, (peut-être pour les mêmes raisons qu'Efflam) un grand abatteur de dragons.

Arthur était tout simplement un chef cambrien de Grande-Bretagne qui dut faire des prouesses dans ses combats contre les Saxons qui devint un être légendaire et qui fut peu à peu entouré d'une auréole de divinité. Petit chef, on en fit un puissant seigneur féodal et un héros de chevalerie ; et on y était d'autant plus porté qu'il avait le nom d'une divinité guerrière des anciens Bretons ?.

La tradition orale d'abord, la tradition écrite par la suite, firent donc intervenir Arthur dans la vie d'Efflam dans laquelle il n'a certainement jouer aucun rôle. Elles lui firent rencontrer Efflam sur la plage où il chassait le dragon, elles en firent même le cousin d'Efflam.

Pour une fois, Arthur ne réussit pas à terrasser le dragon et c'est naturellement Efflam qui s'en chargea et qui miraculeusement obligea cette bête fantastique à se précipiter dans la mer du haut du Rocher Rouge qui prit dès lors l'appellation de Roc'h-Ru en souvenir de la couleur du sang répandut dans la mer.

Tout cela, la légende l'inventa sans prendre garde que, si Efflam était près du Rocher Rouge, la mer commençait à monter sérieusement, qu'elle avait déjà envahi la vallée du coté de Toulinet, et qu'Efflam et ses compagnons étaient en danger.

L'intervention d’Arthur dans le combat contre le Dragon a été sculptée dans la pierre qui divise une des portes de l'église de Perros-Guirec.

4° - Combat avec le Dragon.

On avait bien recueilli de bouche en bouche que la vie d'Efflam comportait une lutte avec le Dragon, un être informe tenant de l'homme et du serpent, un monstre énorme tel que la terre et la mer n'en avait jamais porté un Aer-Den enun mot celte.

Mais cinq siècles s'étaient passés et les esprits du Moyen-Age étaient simplets, naïfs, peu aptes à contrôler leur tradition et tout disposés à accepter les légendes les plus merveilleuses, si invraisemblables qu'elles soient.

Ils ne se doutèrent pas, en imaginant la légende du Dragon que beaucoup d'entre eux étaient les descendants de ce Dragon, de ces Tud-Aer, de cet Aer-Den, de ces draconaires qui occupaient les régions de Tréduder, de Cozilis, de Saint Sébastien, qui avaient dû lutter pour interdire aux insulaires envahisseurs le terrain dont Rome leur avait commis la garde et donné la propriété.

Ils ne pensaient pas que, parmi ces draconaires, plusieurs avaient dû rester fidèles aux idées du paganisme et que, s'ils avaient pu s'acharner, contre le chrétien Efflam, ils avaient dû y mettre une forte pointe d'antagonisme religieux.

Ils oubliaient que ces draconaires avaient eut jadis comme étendard un labarum sur lequel était peint un immense dragon rouge ouvrant une gueule béante et menaçante et que, pour eux ce Dragon était l'emblème de Rome qu'ils avaient aimée et pour laquelle leurs ancêtres avaient consacré leur vie.

Oublieux de tout cela, le Moyen-Age imagina un Dragon sortant de son antre rocheux, s'avançant en reculant, être bizarre et anormal, et forgea de toutes pièces le combat avec le Dragon avec les détails locaux qu'il importe de préciser.

5°- Le lieu du combat.

Il ne restait plus sur les rochers de la côte, qu'une caverne, la Chapel-Cornic, d'un mêtre cinquante de profondeur sur un mètre à peine d'ouverture. C'était suffisant pour placer en cet endroit l'antre du Dragon, la caverne où il se retirait, et d'où Efflam le vit sortir.

Le légendaire donna donc à la caverne du Dragon les dimensions exactes de cette Chapel-Cornic.

Il y avait eu combat vers le rocher rouge d'après la tradition. Cela suffisait pour mettre en concordance ce que rapportait cette tradition avec ce que l'on voyait et retrouvait maintenant que la mer avait remis à nu le terrain d'autrefois, mais sans songer que les flots l'avaient totalement modifié et détruit.

6°- Découverte de la fontaine d'Efflam.

Sur les lieux témoins traditionels de la lutte d'Efflam, à l'endroit où la mer entamait la vieille route romaine, et non point où elle s'élève aujourd'hui depuis son déplacement en 1787 par les Ingénieurs des Grands Chemins, il existait une fontaine d'eau douce dont le thalweg venait de la Haye et dont les nappes suintaient de la direction de Kerallic : cette fontaine s'appelait la fontaine d'Efflam.

Pourquoi ne pas la faire découvrir par ce saint, à la façon dont Moïse frappa le rocher pour en faire jaillir le l'eau ? Ne serait-ce pas un trait de plus dans la vie de ce saint pour en faire un surhomme et lui conserver une plus grande vénération parmi le peuple ?

Il n'y avait qu'un pas à faire.

Le combat fatigue ; il faut refaire ses forces et étancher la soif horrible qui vous prend quand vous avez combattu. Or ces Bretons du Moyen-Age, qui combattaient si souvent, savaient bien que ce qui manque le plus aux soldats dans la bataille, c'est l'eau et que par tout moyen, il faut lui en procurer.

Le combat ayant assoiffé et affaibli les acteurs de la lutte contre le Dragon, Efflam fut donc imaginé avoir frappé le rocher de son bâton et en avoir par miracle fait jaillir l’eau.

7° - Arrivée au Donguel.

Tous savaient pertinemment qu'Efflam avait vécu en un lieu appelé Donguel où il avait été inhumé par ses religieux compagnons.

Mais où était donc ce Donguel ?

Nulle trace dans le pays, aux abords même de la grève, de ce lieu dont parlait la tradition ; nulle trace de la cellule caractérisé par la matière et la qualité anciennes de l'ouvrage.

A une centaine de mètres en avant de la vieille fontaine, on voyait sans doute une vieille masure du pays que l'on considérait comme une logette d'Efflam. L'auteur de la légende, le peuple lui-même en réalité, en arriva à conclure que c'était là que Saint Efflam avait vécu et qu'il était mort. La légende s'empara de ce point.

Elle ne pouvait songer à Cozilis qui était pourtant le véritable Donguel, mais qui n'était pas dans les abords immédiats de la Grève et qui d'ailleurs était entiérement en ruines et oubliée depuis sa destruction par les Saxons.

Monsieur de la Borderie, le grand historien de la Bretagne, a bien senti l'erreur de la légende latine de Saint Efflam ; mais, ne connaissant pas les lieux, il n'a pu redresser l'erreur de la tradition ; il s'est donc contenté de constater qu'Efflam vécut et mourut dans sa cellule du Donguel transformée en chapelle après sa mort, et où son corps a été retrouvé ; mais il avoue ignorer la situation du Donguel disant seulement que ce point ne peut être sur le rivage et qu'il ne saurait en aucune façon être identifié avec l'emplacement de la chapelle actuelle de Saint Efflam.

Un seul point cependant correspondait exactement avec les données de la tradition orale : c'était Cozilis.

Mais au XIIIème siècle, quand s'écrivit la légende, on l'ignora et on rapporta tout les faits de la tradition à la lieue de grève et à la vallée de Toul-Efflam, tout, jusqu'à la promenade faite après le combat en admirant le site merveilleux et en remontant une vallée rocailleuse, les compagnons d'Efflam devisant joyeusement, comme de jeunes clercs en vacances, et chantant des cantiques d'action de grâces aux seigneurs.

Mais la tradition orale avait dit " vallée rocailleuse ". La légende écrite se crut dans la voie de la vérité en appliquant cette définition à une vallée rocheuse dont le caractère topographique n'est pas celui d'une vallée mais d'un thalweg désormais très peu marqué.

8° - Séjour au Donguel, et arrivée de Gestin.

La tradition parlait d'une cellule où Efflam et ses compagnans furent très bien reçus.

Qui dit réception pour le légendaire, du Moyen-âge, breton sans nul doute, dont la qualité est d'être hospitalier et de placer plat de viande, pain et cidre à discrétion sur la table à l'hôte qui se présente chez lui, suppose repas et couvert bien mis. Ce n'est pas d'aujoud'hui que date cette réputation du breton et du celte, déja, au premier siècle av. J. C. Diodore de Sicile avait vanté cette particularité du celte tenant à ce que son hôte mange et boive et s’il n'avait pas le temps de rester longtemps, à ce qu'il accepte au moins de boire un coup.

Or d'après la tradition relative à Gestin, homme d'attaches romaines, celui-ci s'en était allé faire un pèlerinage à Rome : il était donc absent lorsque le débarquement irlandais se produisit. S'il était absent c'est que la maison était vide. Alors... comment concilier les deux exigences de la légendes ?. Un repas copieux et une maison vide ?

Le légendaire trouva une solution toute simple en imaginant l'intervention d'un ange du Seigneur qui vint servir un repas celeste ; idée ingénieuse qui venait ajouter à la légende mystique un nouveau trait de merveilleux naïf.

On savait enfin que Gestin avait cédé sa cellule à Efflam de bonne grâce, pour s'en aller plus loin étendre son domaine spirituel et fonder le pays de Plestin.

La tradition le disait nettement ; mais la légende, obligée de rattacher ce fait aux précédentes circonstances de la venue d'Efflam et de sa rencontre avec Gestin, imagina une discussion toute fraternelle entre les deux personnages et l'intervention d'un autre ange du Seigneur qui vint dicter à Gestin son offre de céder sa cellule à Efflam et sa décision de départ.

Caractère de plus pour le merveilleux de la légende que le naïf Moyen-Age aimait par dessus tout : c'était sa façon de créer l'épopée.

9° - Les compagnons d’Efflam.

Dans son ouvrage sur le pays de Plestin paru en 1922, monsieur Largillière a écrit que toute la tradition des compagnons d'Efflam était l'invention de l'abbé Joncour, curé de Plestin de 1892 à 1903. Cette assertion demande un démenti formel.

Monsieur Joncour, dans un cahier personnel qui fut communiqué à M. Largillière, n’a fait que transcrire une tradition bien vieille et bien ancrée qu'il recueillit de la bouche de maint ancien du pays lorsqu'il arriva comme curé-doyen à Plestin. M. Joncour était un érudit dont les procédés historiques sont empreints de la meilleure méthode : il recherchait tout d'abord les documents, et, s'il n'en trouvait pas, il attachait de l'importance à la tradition, laquelle, si elle n'a pas la valeur d'un document écrit, n’en a pas moins sa valeur relative.

Il existait à la cure, au temps de l'abbé Joncour et de son prédécesseur, M. Bivic, un très antique official local qui contenait la vie d'Efflam en forme d'office. Je l'ai maintes fois lue ; les feuillets en étaient déchirés : quelques uns tombaient. Mr Joncour eut la malencontreuse idée, au lieu de faire tout relier, de couper feuillet par feuillet et de les coller sur les feuilles d'un cahier.

Ce cahier a disparu ; tous mes efforts pour le retrouver sonts restés vains. Qu'est-il devenu ?

Est-ce dans cet official que Mr Joncour a puisé la preuve écrite d'une tradition sur les compagnons d' EFFLAM ? On ne peut rien avancer à ce sujet.

En tous les cas, la tradition orale existait bien avant lui ; elle n'est pas l'œuvre d'une conférence ecclésiastique et je l'ai bien des fois entendue, longtemps avant l'arrivée du curé Joncour. Plusieurs aveux de fabrique extérieurs à la révolution portent, en particulier et très souvent pour Haran, l'épithète de bienheureux compagnons d'EFFLAM.

Cette tradition des compagnons d'EFFLAM ne revêt pas d'ailleurs le caractère d'un récit énumératif.

Lorsqu'on demandait jadis à un vieux du pays ce qu'est tel ou tel saint local, il vous répendait : Enez evel a vije laret gwejal les deut gant sant EFFLAM.

Compter les compagnons d'EFFLAM est donc très difficile. 0n en a compté quatre. M. Largillière en a donné six. J'en trouve sept auxquels la tradition locale prête une affinité avec Efflam, mais en ne comptant que ceux d'entre eux qui ont fait figure de confesseurs et de saints ; car il y en avait bien d'autres et je soupçonne fort les Derrien, les Garien (ou Garion) et beaucoup d'autres, comme les Sparant, Biron qui ont disparu totalement du pays depuis fort longtemps, d'être arrivés en même temps que la vague d'Efflam.

Doivent être censidérés conne compagnons d'EFFLAM : NERIN, qui a fondé le pays de Plourin ; QUEMEAU, celui de Locquémeau ; HARANT, la région plestinaise de Tréharant ; MELLEC, le pays de Lanvellec ; CARRE, le haut pays de Lanvellec et le hameau de saint Carré ; KIRIO & EVERSIN, deux moines balladeurs qui semblent ne s'être ancrés nulle part, mais qui cependant sont spécialement dans la région entre Morlaix et Plounérin et vers Ploumilliau et dont il est rare de ne pas trouver le souvenir accolé à celui de Saint EFFLAM, partout où celui-ci est vénéré, comme à l'Eglise de PLESTIN avant 1859, comme actuellement encore, à la chapelle de saint Jagut en Trémeur.

Mais qu'on n'aille pas énumérer comme compagnons d'EFFLAM, comme l'a fait Louis Le Guennec, des saints comme saint Tuder, s. Engar, s. Egat ou s. Deven.

TUDER, c'est Théodore le patron de Tréduder ; c'est un saint romain. S. ENGAR, en Guimaëc à Lézingar est un saint qui n'a jamais existé. Hengar, c'est Henguer ouhent guer : la route de la ville ; et Lézingar est l'endroit où passait l'ancienne voie. Saint EGAT, mais c'est Agapit ; c'est un saint romain qui n'a rien de local ni de breton. Et st. DEVEN, c'est Deven que tout le monde à Plestin connait pour être st. Yves.

Cette tradition des compagnons d'EFFLAM, altérée en certains endroits, amplifiée dans d'autres, n'est pas l'invention du clergé, encore moins de l'abbé Joncour. Elle est de la plus vieille antiquité et remonte au Xème siècle qui l'a établie sous forme orale, réservant à la légende des XIIème siècle & XIIIème siècle, appelée la légende efflamienne, d'où tout son intérêt et toute son importance.

Le Xème siècle forgea donc la légende efflamienne, œuvre d'imagination sans doute, mais résumé aussi de toutes les traditions ancestrales avec application de celles-ci à un terrain entièrement remanié et déformé par le cataclysme marin et avec intervention de merveilleux en usage à cette période de l'histoire où la forme épique lui était adaptée.

Est-ce à dire pour cela qu' elle soit fausse ? non. Les éléments traditionnels qui en sont la base sont vrais ; leur transmission et leur forme seules sont erronées.

Quand on lit cette légende, en pleine connaissance des lieux, on est frappé par la vérité exprimée par un profond penseur et un merveilleux historien du premier siècle de l'Islam exprimant ainsi dans ses Prolégomènes de l'histoire l'opinion suivante sur la légende :

" Que l'on examine les faits de la légende en les confrontant avec les règles fournies par le bon sens et on parviendra à les apprécier de la manière la plus complète, ... " (Ibn Khaldoun).

Il a amplement raison.

Là où l'on sait pertinemment que l'on ne trouvera pas de documentation contemporaine, il ne s'agit pas d'étudier le document lointain trouvé dans la légende en faisant sur lui des thèses savantes ; il s’agit simplement de se demander ce qui a pu logiquement se passer et de confronter ses déductions et ses réponses aux éléments de la légendes, en n'oubliant pas de faire appel aux données des sciences annexes de l'histoire, à la numismatique, à l'archéologie, à l'architectonique, à la topographie, etc, etc... Qui toutes ont des documents à offrir à l'exploitation de l'historien.

C'est dans cet esprit que l'histoire de la vague sainte d'Efflam a été précédemment établie.

Les dernières remarques sur cette vie n'ont eu pour but que de montrer comment les faits ont été dénaturés au moyen-âge et comment la légende efflamienne s'est formée.

(M. S. J.).

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