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Un demi-siècle environ après la mort de Saint Efflam, au moment où règnait la grande activité des moines de Tugdual et de Jagut, un effroyable cataclysme vint désoler le pays.

Un violent raz-de-marée, inexplicable, subit, d'une violence inouïe, détruisit tout sur son passage de la pointe du Four à celle de Locquirec. Les maisons qui se trouvaient sur le littoral furent brusquement envahies, attaquées par les flots déferlant avec un bruit et un fracas d'enfer.

La mer monta, monta toujours, couvrant de ses eaux verdâtres une immense étendue de terrain, achevant son travail d'attaque sur tous les flancs des collines côtières avec une force de destruction inimaginable.

Lorsque le calme revint, on put se rendre compte du dommage causé et de l'immensité du désastre.

Dans la vallée du Douron, la mer couvrait à marée haute jusqu'au delà de Pont-Menou, coupant ainsi les communications qui existaient entre les deux rives ; elle venait baigner la logette de Harant et montait dans la vallée de La Blanche jusqu'au vieux Moulin. Si étroite jusque là, la vallée du Douron atteignait à Toul-an-Héry près de 400 mêtres de large et formait un estuaire de plus d'un kilomètre entre Locquirec et l'Armorique.

Les pieds des champs du Varcq et du Rugunay étaient atteints.

Sur la croupe de l'Arvor, la villa romaine du Hogolo dont les terres dépendantes s'avançaient jusqu'au mamelon des Rochers d'argent, était entièrement sapée par les flots. Les fondements de la villa furent en quelques jours, couverts de sable et, maintenant, chaque jour, chaque marée attaquait mur par mur et faisait écrouler l'édifice.

Aucune communication possible désormais entre le Varcq et l'Armorique.

L'anse de Porz-Mellec était entièrement recouverte d'eau et le chenal qui servait de jetée ne s'apercevait plus.

Dans la dépression, témoin du débarquement d'Efflam, l'œuvre de destruction était encore plus considérable.

La mer montait jusqu'à Pont-Conan, inondait le village du Launay désormais inhabitable, et s'avançait dans les ruisseaux de Lancarré, de Kervégant et de Kerdu, jusque là en toute sécurité.

Le bas-fond boisé qui s'étendait au pied de l'Hirglas ne formait plus désormais qu'un immense lac ; le monticule du Rocher Rouge avait disparu et ne montrait à marée basse qu'une faible partie de sa crête ; çà et là, quelques arbres montraient encore leurs têtes vertes ballotées par les flots ; puis disparaissaient peu à peu, déracinés par la violence des flots, emportés par eux ou coulés par leur poids au fond de la mer.

Nappe d'eau bleue et azurée jusque là, la mer chariait maintenant des eaux boueuses, des pierres énormes qui se frappaient les unes contre les autres avec un fracas terrible.

L'antique route de Morlaix à Lexobie avait disparu.

Attaqué lui aussi, de front et sur ses deux flancs, le Grand Rocher Hirglas apparaissait désormais comme une haute citadelle, comme un vaste dragon, au milieu de la grande nappe d'eau.

A marée basse, la mer ne laissait même plus voir la ligne où s'arrêtaient autrefois les eaux les plus hautes.

Le cataclysme était effroyable.

Tout n'eût pas été perdu, si le phénomène d'affaissement du sol avait cessé au bout de quelques jours ; mais il devait durer de longues années, près de trois siècles ; il acheva la destruction complète du terrain devenu domaine de la mer et la voie de Lexobie sur Lanmeur et Morlaix dut être détournée par Tréduder ; le Pont-Conan fut jeté sur le Yar et, de Saint-Sébastien, la route vint aboutir au Pont-Blanc ou au pont du Porteur (Pont-ar-Portéour).

La conséquence de cette déviation de la grande artère de communication fut de donner plus d'activité et d'importance à l'agglomération du bourg de Plestin.

(M. S. J.).

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