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Augustin-Marie CLEC'H ou LE CLEC'H, prêtre guillotiné à Brest
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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M. Augustin-Marie CLEC'H ou LE CLEC'H, Anne LE PRINCE et Anastasie LE BLANC, ses receleuses.

217. — Augustin CLEC'H ou LE CLEC'H, naquit au bourg de Plestin-les-Grèves le 15 février 1739, du légitime mariage de Guillaume et de Marie Le Marec. On le baptisa le surlendemain.

Le jeune Le Clec’h embrassa la carrière ecclésiastique. Si l'état de conservation déplorable des anciens registres de l’évêché de Tréguier nous empêche de suivre le détail de ses ordinations, on peut cependant y lire qu’il reçut la tonsure dans la chapelle du palais épiscopal de Tréguier, des mains de Mgr Le Borgne, un peu avant le 17 septembre 1760, date de l’insinuation de cet acte.

Le 3 février 1763, le père d’Augustin, Guillaume Clec’h, marchand, assura à son fils, alors clerc tonsuré au Séminaire à Tréguier, la somme de 60 livres de rente, en viager, pour lui tenir lieu de titre clérical. On ignore complètement par ailleurs les dates auxquelles l’abbé Clec’h reçut les ordres sacrés ; les registres d’insinuations de Tréguier sont muets à cet égard.

Le 28 septembre 1777, l’évêque de Tréguier proposa un poste à l’abbé Le Clec’h pour Plouégat-Guerrand. Celui-ci fit valoir ses raisons de ne pas accepter. Sur le désir exprimé par M. Le Clec’h, son évêque le laissa dans sa paroisse natale et deux ans plus tard il lui adressait pour cette localité des « lettres de confesseur par approbation annuelle à l’époque des retraites ecclésiastiques », dont nous le voyons user à compter du 15 février 1780.

Lorsque la Révolution éclata, M. Le Clec'h remplissait donc à Plestin les fonctions de vicaire auxiliaire. L’était, assure-t-on, « un prêtre très instruit » ; on va jusqu’à dire « docteur en droit canon ». Ce qui vaut mieux, la tradition rapporte qu'il était « très aimé et très vénéré pour ses vertus dans tout le pays ».

218. — Cependant, M. Le Clec'h fut obligé le 1er octobre 1791 d abandonner les fonctions du saint ministère qu’il accomplissait à Plestin, à la satisfaction de la majorité des habitants, à cause de son refus de prêter serment à la Constitution civile.

Dès le 6 février précédent, questionné sur son intention de prêter ou non le serment à cette Constitution, l’abbé Le Clec’h s’était en effet publiquement refusé à cet acte ainsi que plusieurs des autres prêtres habitués de Plestin : « Ils désiraient, répondirent-ils, remettre à un autre temps un serment qui demandait la maturité et des réflexions ». Le recteur de la paroisse n’avait point imité leur sage réserve ; aussi, lorsque la voix du Pape se fit entendre, condamnant toute communication in divinis avec les assermentés, M. Le Clec’h et deux de ses confrères de Plestin, malgré les graves dommages qui devaient en résulter pour eux, déclarèrent nettement, le 4 octobre 1791, « vouloir cesser désormais tout rapport cultuel avec le curé constitutionnel de la paroisse ». Ils s’offrirent cependant, pour l’utilité des fidèles, à desservir les chapelles rurales comme ils le faisaient auparavant ; mais le curé Rouat, furieux, s’y refusa avec véhémence, « ne voulant pas, dit-il, créer un schisme dans sa paroisse, alarmer les consciences et perdre la confiance de ses ouailles ».

A la suite de la scène que nous venons de mentionner, commença pour l’abbé Le Clec’h la vie pénible et misérable alors réservée aux prêtres réfractaires. Le curé Rouat réclama contre lui et ses collègues, dès le 17 janvier 1792, des mesures vexatoires, puis survint l’arrêté pris le 23 janvier suivant par le Directoire des Côtes-du-Nord, arrêté qui remplit de confesseurs de la Foi le donjon de Dinan. Six mois plus tard, une nouvelle décision prise par le Conseil général des Côtes-du-Nord vint renforcer encore la mesure précédente. Enfin la terrible loi du 26 août de cette année permit, grâce à son article VI, au Directoire des Côtes-du-Nord de prononcer le 1er décembre suivant la déportation de tous les prêtres insermentés de son département.

219. — Dès lors, l'abbé Le Clec'h fut réduit à errer un peu partout. Il vint chercher asile chez son neveu, M. Huon, notaire royal à Lannion. Ce refuge était des plus précaires. Déjà, M. Huon lui-même avait été incarcéré pour avoir recueilli des prêtres. Aussi fut-il bientôt dénoncé de nouveau, si bien que pour échapper au péril de plus en plus menaçant depuis la loi du 30 vendémiaire an II, dut-il promptement chercher une autre retraite pour le prêtre proscrit, en attendant qu’il fût loisible à l'abbé Le Clec’h de passer aux îles anglaises.

220. — Cette occasion ne tarda pas. M. Huon put louer un bateau qui devait partir de Trébeurden et conduire son oncle à un sloop, qui, à la veille de partir pour l’Angleterre, se trouvait mouillé en rade de Morlaix. L’appareillage eut lieu dans l’après-midi du 1er messidor an II (19 juin 1794). Mais assailli par le gros temps à la hauteur des Triagoz, par le travers de la baie de Saint-Michel-en-Grève, le frêle esquif fut forcé de gagner la côte et débarqua son compromettant passager non loin de Plougasnou. Ne connaissant personne en ce lieu auquel il pût demander asile et, par suite, sa situation pouvant devenir extrêmement périlleuse, l’abbé Le Clec’h se mit en route pour Morlaix où il arriva vers les dix heures du soir et s’en alla frapper à la porte portant le numéro 97 de la rue des Vignes, où demeuraient trois femmes dont il avait entendu parler. Ces personnes, originaires de l’Acadie ou Nouvelle-Ecosse, dont la conquête par les Anglais et les persécutions qu’elles avaient dû endurer de la part de ces protestants les avaient contraintes à se réfugier en France, étaient la veuve Sylvain Le Blanc, née Anne Le Prince, âgée de 80 ans, sa fille Anastasie, de moitié plus jeune qu’elle, et sa nièce, Marthe Levron, âgée de 26 ans seulement. Anne Le Prince [Note : Anne Le Prince, veuve de Sylvain Le Blanc, sans profession, était née en Acadie en 1721 et vint en France en 1763. Sa fille, Anastasie, née en Acadie en 1760, était venue en France avec elle, de même que Marie-Modeste, son autre fille, née en Acadie en 1761, laquelle fit profession en 1788 chez les Carmélites de Morlaix sous le nom de sœur Marie-Modeste de Sainte-Reine. Emprisonnée sous la Terreur, elle ne recouvra sa liberté que le 6 mars 1795. (Arch. du Finistère, papiers des Acadiens, lesquels ne contiennent aucun renseignement plus précis sur l’état civil de ces personnes)] avait encore une autre fille qui n’habitait pas avec elle, mais avait été autrefois Carmélite dans le couvent dont la sœur de M. Le Clec’h était sous-prieure, sous le nom de Mère Augustine de Saint-François de Sales ; aussi n’hésita-t-elle pas à recevoir le pauvre abbé, bien qu'elle ne le connût pas autrement, et malgré tout le péril auquel elle et les siens savaient s’exposer en donnant asile à un prêtre réfractaire. Du reste, ce danger était plus prochain qu’on ne pouvait le prévoir et M. Le Clec’h ne devait pas profiter longtemps de l’hospitalité qu’on lui accordait.

221. Par une fatalité extraordinaire, deux commissaires de la municipalité de Morlaix, employés à relever le nom des personnes indigentes de la ville, pénétrèrent dès le lendemain soir dans la maison habitée par la veuve Le Blanc et d’autres ménages ouvriers. Sa fille n’eut pas plutôt aperçu les deux personnages officiels, que, pressentant un malheur et perdant la tête, elle gravit quatre à quatre l’escalier conduisant à la mansarde où se trouvait logé leur hôte, afin de prévenir celui-ci du danger qu’elle jugeait le menacer. Les deux commissaires, intrigués par une fuite si précipitée à leur aspect, eurent tôt fait de s'élancer sur les pas d’Anastasie Le Blanc et arrivèrent ainsi au réduit dans lequel l’abbé Le Clec’h était caché.

Lui faire subir un interrogatoire sommaire, puis, devant ses réponses, le mettre en état d’arrestation, fut l’affaire de quelques instants, à cette époque où tout le monde était plus ou moins suspect. Si bien que lorsqu'ils se retirèrent, les deux commissaires emmenaient avec eux deux prisonniers : l’abbé Augustin Le Clec’h et la fille d’Anne Le Prince, Anastasie Le Blanc. On a du reste publié intégralement ailleurs le procès-verbal qui fut dressé de cette arrestation et de la perquisition dont on la lit suivre le lendemain 20 juin, afin de trouver les témoignages indispensables pour faire guillotiner l’abbé Le Clec’h.

A la suite de cette fouille, on saisit elle-même la veuve Le Blanc, laquelle, indépendamment du recel de l’abbé Le Clec'h, fut reconnue coupable d’abriter du mobilier appartenant aux anciennes Ursulines de Morlaix.

A peine le procès-verbal de perquisition fut-il déposé au district de Morlaix, que le directoire de cette localité, malgré l’heure avancée, procéda à l’interrogatoire de l’abbé Le Clec’h. On a publié ailleurs le procès-verbal qui en fut dressé. Les réponses du proscrit sont remarquables par leur extrême souci de ne pas blesser la vérité. Alors que personne ne le connaissait, il dévoile sans réticence sa qualité de prêtre réfractaire, ayant une sœur Carmélite, et déclare que c’est à ce titre qu’il a demandé l’hospitalité chez la veuve Leblanc. Ces paroles suffisaient du reste pour assurer sa perte et celle de son hôtesse. Leur résultat fut un arrêté du district de Morlaix, en date du 21 juin 1794, renvoyant Le Clec’h et ses receleuses devant le tribunal révolutionnaire de Brest. On a publié intégralement ailleurs le texte de cette pièce.

222. — Les inculpés arrivèrent deux jours après dans cette ville et furent aussitôt incarcérés dans la prison du Château. On s’occupa sans tarder de rédiger leur acte d’accusation. Il se borne à énoncer les faits que nous relatons. On met à la charge de M. Le Clec’h de ne pas avoir prêté le serment prescrit aux ecclésiastiques, bien que la municipalité de Plestin l’eût invité à le faire. C’est du reste le principal grief articulé contre lui. On inculpa la veuve Le Blanc et sa fille d’avoir recelé sciemment un ecclésiastique réfractaire qu'elles ne connaissaient pas autrement et qui s'était annoncé chez elle comme un malheureux prêtre obligé de fuir. On y ajoutait aussi contre elles le crime d’avoir caché des objets servant au culte, « lesquels feraient présumer chez elles la présence d’un prêtre, lors même qu’Augustin Le Clec’h n’y eût pas été découvert ». On peut du reste lire tout entier le texte de ce réquisitoire, car il a été plusieurs fois publié. Il est signé de l’ex-jésuite Donzé-Verteuil.

Ce fut le 1er juillet que M. Le Clec’h et ses compagnes de captivité comparurent devant le tribunal révolutionnaire de Brest.

Les questions posées aux jurés par le président Ragmey établissent nettement le caractère religieux de la condamnation des receleuses de l’abbé Le Clec’h. Voici leur énoncé :
1er Question : Est-il constant qu’à Morlaix, le 2 messidor, présent mois, il ait été commis un recelé de prêtre réfractaire ?

2° question : Anne le Prince, veuve de Sylvain le Blanc ; Anastasie le Blanc ; Marthe Levron, sont-elles auteurs ou complices de ce recelé ? Signé : Ragmey.

On était si sûr à l’avance de leur condamnation que, lorsqu’on leva leur écrou pour les conduire au tribunal, le registre porte cette mention : « sortis pour aller à la gullotine ». C’est en effet cette peine qu’ils devaient subir : M. Le Clec’h, en vertu de la loi du 30 vendémiaire an II, et l’octogénaire Anne Le Blanc et sa fille Anastasie, en qualité de receleuses d’un prêtre réfractaire, cas prévu par les articles 2 et 3 du décret du 22 germinal an II.

L’arrêt fut rendu le 1er juillet au midi, il fut exécuté le même jour et le procès-verbal de constat aussitôt rédigé par le greffier du tribunal.

Le souvenir de M. Le Clec’h n’est pas encore éteint à Plestin- les-Grèves. Son nom est gravé sur une plaque de marbre apposée près de l’autel du Sacré-Cœur dans l'église paroissiale de cette localité, après l’inscription « Mort pour la Foi à Brest ».

Sa famille, toujours existante dans des branches collatérales, se transmet pieusement la croyance à son martyre. Son cas, celui de ses receleuses sont classiques les uns et les autres, et rien n’apparaît dans leur dossier que l’on puisse apporter contre ces serviteurs de Dieu pour permettre de douter de la réalité de leur mise à mort en haine de la religion catholique, dont on prétendait alors exterminer les derniers fidèles.

BIBLIOGRAPHIE. — Guillon, Les Martyrs de la Foi, etc., op. cit. (1821), II, p. 440 et 449. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, etc., op. cit. (1845), II, p. 5. — Levot, Histoire de la ville et du port de Brest, etc., op. cit. (1869), p. 345. — Téphany. Histoire de la Persécution religieuse dans les diocèses de Quimper, etc., op. cit. (1879), p. 540. — Le Diocèse de Saint-Brieuc pendant la période révolutionnaire, Saint-Brieuc, 1895, in-8e, II, p. 174-181. — Le Bihan, L'abbé Augustin Clec'h, p. 91-107, in Mémoires de la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord, année 1913. — Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc mis à mort de 1794 à 1800, op. cit. (1927), p. 104-128. On y trouve toutes les pièces officielles concernant M. Clec’h.

(Archives Nationales, série W, n° 543).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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