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La paroisse de Pleslin durant la Révolution.

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Renseignements ecclésiastiques. — Pleslin, autrefois cure du diocèse de Saint-Malo, relevait alors de l'archidiaconé de Dinan et du doyenné de Poudouvre, au siège de Saint-Enogat. Saint Pierre et Saint Paul étaient naguère comme maintenant, les titulaires de l'église.

D'après le Pouillé du banquier Porcelet, rédigé en 1598 (Bibliothèque Nationale, Ms Fr. 4328, f. 30), cette paroisse était dès lors à la collation de l'évêque diocésain. Cette situation durait encore au XVIIIème siècle.

Le recteur était décimateur pour un tiers. M. du Coudray-Mahé et le seigneur de la paroisse, en l'espèce, en 1789, M. Jean-François Le Nepvou de Crenan, époux de Claire Péan de Pontfilly, se partageaient le reste.

Pour sa part de dîmes, le recteur percevait en 1790 : 62 boisseaux de froment, 17 boisseaux de mouture, 152 boisseaux et demi de blé noir, 38 boisseaux d'avoine, 70 gerbes de lin ; sans compter le trait de dîme de « Sous le Chemin », loué 260 l. à cette époque, le tout avec les pailles, atteignant un total de 1.549 livres. Mais, là-dessus, les frais de perception s'élevaient à 418 l. et le recteur, sur sa part de dîme, avait son vicaire à payer.

La terre de la Motte-Olivet, à laquelle était attachée la seigneurie de la paroisse, relevait du marquisat de Châteauneuf de la Noé, dont le possesseur, d'après le chanoine G. de Corson, dans le numéro de décembre 1893, de la Revue de Bretagne, p. 426, jouissait à Pleslin des droits de prééminence à l'église. La Motte-Olivet, qui fut possédée au cours du XVIIIème siècle par le comte et la comtesse de la Garaye, « les époux charitables », avait été acquise le 18 septembre 1778 pour 157.257 livres par M. Le Nepvou, déjà cité, président aux enquêtes au Parlement de Bretagne, lequel mourut émigré à Jersey le 25 mai 1813.

Le Pouillé de la Bastie, vers 1760, donne l'église de Pleslin comme « pas absolument mal, à la sacristie près ». L'an 1791, la municipalité de Pleslin demandait l'autorisation de démolir une chapelle latérale construite en 1771 et qui déjà menaçait ruines. Une note de la série Q des Archives des Côtes-d'Armor, nous apprend que l'église de Pleslin, reconstruite en partie en 1734, mesurait 96 pieds de long et 25 pieds de large. Quant à son transept, il comptait 59 pieds de long sur 20 pieds de large.

Du presbytère, le Pouillé que nous utilisons nous apprend seulement « qu'à part le jardin, il est peu de chose, mais se trouve proche l'église ».

Le Pouillé de la Bastie signale à Pleslin deux chapelles domestiques. Celle des Quinze-Croix, écrit-il, « interdite faute de fondations, est d'ailleurs en mauvais état ». Il y a, ajoute ce document, « une troisième chapelle qu'on dit avoir été fondée autrefois ». Ces chapelles, que le Pouillé ne nomme pas, étaient celle de l'Abbaye, dédiée à Saint Etienne, et celle de la Gorandière, dédiée à Saint Gourgand. La chapelle actuelle de la Motte-Olivet est de construction récente. Le Pouillé G 292 des Archives de la ville de Saint-Malo donne cet édifice comme ruiné vers 1720. La statue en bois de Saint Eloy, patron de la chapelle des Quinze-Croix, se voit maintenant dans l'église de Pleslin, où l'on remarque aussi les statues en bois de la Sainte Vierge et de Saint Pierre [Note : Un compte du XVème siècle publié par Longnon, mentionne à cette époque la chapelle de la Motte-Olivet, sous l'invocation de Saint Blaise].

« Il y a, dit le Pouillé de la Bastie, un grand nombre de fondations pieuses à Pleslin, mises en ordre par M. Le Ray dans la visite de 1714 ». Nous avons en mains, acheté à Paris, un tableau en parchemin mentionnant les messes de fondations desservies naguère à Pleslin. Ce tableau, exécuté en 1767, fut jusqu'à la Révolution affiché dans la sacristie. Nous y avons relevé 40 services à 2 et 3, et même 5 messes chacun. Quant à la fabrique, elle possédait 150 livres de revenus, « sur lesquelles, dit-on, il y a quelques charges ».

Nous possédons un compte des trésoriers de Pleslin en 1737. A cette date, les recettes de l'église se montaient à 362 livres 12 sols, et les dépenses à 270 livres 9 sols. A l'encontre des habitants de Ploubalay, les Pleslinais se montraient généreux pour leur église. Les offrandes en blé s'élevaient à 9 livres, celles de lin à 12 l., et celles de beurre à 4 l. ; la dîme dite Saint-Pierre, rapportait 21 livres 12 deniers, et les champs à la fabrique étaient loués 168 livres. D'après les dépenses, on voit qu'il se célébrait alors une messe de minuit à Pleslin et que l'on achevait de solder le coût de la construction de l’église.

Quant aux propriétés de l'église de Pleslin, elles ne furent liquidées que le 9 août 1800, et furent acquises, la plupart par un nommé Chauvel, lequel n'était qu'agent en la circonstance d'un groupe de huit Pleslinais. C'est ainsi que furent soldés les champs de la Sente Jouanne, pour 900 livres ; le Clos Pointu pour 405 livres ; le Devant de la Ville et la Fontaine Yvonne, le Long Réage pour 485 l. ; Sur le Chemin, le Clos Morel et le Là-Devant pour 1.305 livres (Cf. Dubreuil : La Vente des Biens nat., etc., op. cit., p. 389). Enfin, un marchand de biens, le dénommé Jéhanne, acquérait le même jour pour 220 livres Le Pré Champhay, et pour 650 livres les Rochettes, Sous le Moulin et le Bois d'Aine. Précédemment, le 5 février 1799, la lande de Carna, propriété du « ci-devant ordre souverain de Malte », avait aussi trouvé acheteur à Pleslin.

Mais la Révolution, à Pleslin comme ailleurs, ne fit pas que dépouiller l'Eglise de ses biens fonciers : elle mit un acharnement extrême à lui enlever successivement tout ce qui pouvait servir à perpétuer le culte.

Le 12 avril 1793, « de crainte de se voir obligée de supporter mal à propos des frais », la municipalité de Pleslin délégua son maire et deux autres de ses membres pour porter au Directoire du District de Dinan la croix et l'encensoir de l'église de cette paroisse, pesant 18 marcs, 1 gros, 5 onces d'argent blanc.

Mais ces deux objets ne purent suffire à satisfaire la rapacité des révolutionnaires. Le 2 octobre 1793, l'agent national Corseul adressait un pressant appel à la municipalité de Pleslin d'avoir à livrer plus d'argenterie qu'elle ne l'avait fait jusqu'ici, sous peine de voir son retard à exécuter la loi, « regardé comme un crime et puni comme tel ».

Malgré ces brutales mises en demeure, il fallut cependant aux hommes au pouvoir attendre l'année suivante pour dépouiller entièrement l'église de Pleslin. Mais, cette fois, leur succès fut complet. Le 17 juin 1794, Hédal inventoriait à Dinan comme provenant de Pleslin, une lampe et trois assiettes en cuivre, un bénitier, quatre chandeliers, une tasse, seize chasubles, trois chapes, deux dalmatiques, deux dais, une bannière, etc., etc... On fit une vente de ces ornements le 16 juillet suivant. Elle produisit 154 livres.

Cependant, l'on n'avait pas encore cherché jusqu'au tréfonds des armoires. Un mouchard se trouva à point pour en aviser les administrateurs montagnards du District. Aussitôt, leur zèle s'enflamma à cette nouvelle, et ces citoyens déléguèrent au plus vite un commissaire pour perquisitionner à Pleslin. Une croix, une lampe, quatre chandeliers, un vieux fanal, une tasse et un bénitier apportés à Dinan le 10 juillet furent les trophées de cette glorieuse expédition.

Aussi, le 24 août 1794, pouvait-on procéder, à Dinan, à la pesée d'un ostensoir, d'un pied de calice et du couvercle d'une custode faisant 6 marcs, 1 once, 3 gros d'argent blanc, et d'un ciboire, un calice, une coupe de calice, deux patènes, une coupe de custode et un croissant, le tout pesant 5 marcs, 2 onces, 1 gros d'argent doré, plus 4 marcs, 5 gros de galon d'argent, et 1 marc, 1 once, 1 gros et demi de galon doré. Le tout, provenant des dépouilles de l'église de Pleslin, fut envoyé à la Monnaie, mais n'empêcha point l'Etat français de faire faillite les années suivantes.

Il ne fallait plus que les papiers de l'église de Pleslin pour que la dévastation fût complète. On ne manqua pas de les exiger. Le 19 septembre 1794, Julien Briand, agent national de la commune, remit au District de Dinan « une pochée de papiers qu'il assura être les archives de la ci-devant fabrique de Pleslin ». Et, depuis cette date, de tous ses documents anciens, témoins fidèles de sa vie paroissiale, Pleslin ne conserve que ses registres d'Etat-Civil, qui remontent à 1589. Tout ce que l'on avait emporté à Dinan, dilapidé au XIXème siècle, à la mort de l'italien Odorici, est devenu présentement introuvable. Nous en avons recueilli quelques pièces éparses chez des bouquinistes à Paris, mais les Archives des Côtes-d'Armor n'en possèdent pas la plus petite parcelle.

Veut-on connaître maintenant l'état de l'église de Pleslin après toutes les spoliations dont elle avait été victime ? Le voici, décrit par la plume du nommé Jean Le Sage, délégué de la municipalité à la date du 22 novembre 1796 « L'église, écrit ce bon paysan, n'a servi à aucune chose depuis qu'elle fut fermée par ordre, mais dans le temps de la commisération (sic), la messe y fut dite plusieurs fois. Actuellement, elle ne sert à rien. Quant aux réparations, le remarquable (sic) citoyen Dereuse y a descendu différentes fois et enleva les balustrades et celles des fonds, et à différents autels auxquels il fit beaucoup de désordre et fit charoïé toutes ces boisures à Dinan. Elle pourrait être mise en réparation afin de pouvoir y exercer le culte divin déjà tems désiré par les habitans de notre commune et de tous les français ».

Pour en finir avec l'oeuvre de la Révolution à Pleslin, nous allons faire passer sous les yeux de nos lecteurs les observations du District de Dinan sur le projet d'une nouvelle circonscription des paroisses à la date du 19 mai 1792. Seuls les événements qui se précipitèrent, et l'impossibilité de trouver des curés assermentés, empêchèrent la pleine réalisation de ce vaste plan. Mais, comme on va le voir, on n'y allait pas de main-morte à cette époque pour tailler et accommoder les paroisses pour ces messieurs du clergé constitutionnel. Indépendamment du document que nous citons, et qui provient des Archives de Dinan, on peut voir aussi Archives des Côtes-d'Armor, L 134, folio 10 et sq.

« Vous avez adopté notre avis sur la formation d'une seule paroisse comprenant les territoires de Tréméreuc, Pleslin, Trigavou, la partie orientale de Languenan et le quartier occidental de Taden, appelé de Tréla. Nous avons été d'avis qu'outre la paroisse, il y eut une succursale ; vous l'avez admis ; mais on nous a dit que l'église de Pleslin était conservée comme paroisse et celle de Trigavou comme succursale. C'est sans doute une erreur. Nous en avons parlé à MM. Bameulle, président, et Ozou, administrateur, qui nous ont témoigné leur surprise et dit avoir suivi notre avis. Il nous parait nécessaire de rectifier cette erreur et de faire substituer un nom à un autre.

Le territoire est coupé en deux parties par un ruisseau qui descend de Tréla. Ce ruisseau, qui a déterminé l'établissement d'une succursale, en fixe invariablement l'étendue.

Si Pleslin ne peut être composé que des deux tiers de son territoire actuel et de la petite paroisse Tréméreuc, ce qui présente un aperçu d'environ 1.000 toises dans la plus grande largeur et 2.000 dans la plus grande longueur ; par contre, Trigavou, composé de son territoire, du quart de Cordel formant le tiers de la paroisse de Pleslin, du quart de celle de Taden, du tiers de celle de Languenan, aura plus d'une lieue de largeur et une lieue et demie de longueur.

La population de Pleslin sera d'environ 1.000 âmes ; celle de Trigavou de plus de 2.000 âmes. Un prêtre suffira à Pleslin, et il en faudrait trois à Trigavou.

L'église de Trigavou est à peu près au centre de la paroisse. Celle de Pleslin à une des extrémités...

L'église de Trigavou est meilleure et plus spacieuse que celle de Pleslin. Tout démontre la nécessité d'établir la succursale à Pleslin et la paroisse à Trigavou ».

Disons, pour achever cette trop longue étude, que Pleslin était groupé pour les prédications avec Plouër et Trigavou, et que ses jours d'adorations avaient été fixés aux 11 et 12 février de chaque année.

 

CLERGÉ.JACQUES-MARIE EBALLARD, recteur, naquit à Saint-Jouan de l'Isle le 1er mai 1727, de François et de Marie Millet. A Saint-Servan, où il fit son Séminaire comme boursier, on le note de « très bonnes moeurs, ayant une grande voix, examens médiocres, belle écriture ». Après avoir reçu la prêtrise le 18 octobre 1751, nous retrouvons ensuite M. Eballard vicaire de sa paroisse en 1762, puis, en 1771, directeur de la Maison de Retraite de la Croix, en Saint-Servan. Enfin, M. Jean Tézé, qui, depuis le 9 avril 1760, au décès de M. Morin Sorel, gouvernait la paroisse de Pleslin, ayant résigné cette cure en cour de Rome en faveur de M. Eballard, celui-ci obtint le visa pour le rectorat de Pleslin le 23 juin 1773. (Archives d'Ille-et-Vilaine, G 90).

Dans cette cure, au témoignage du seigneur de la paroisse, M. Eballard se dévoua corps et âme au soulagement de ses ouailles. Le recteur, écrivait-il en 1786 à l'intendant de Bretagne, en sollicitant des secours pour les habitants de Pleslin, « le recteur ne se réserve rien pour lui-même. Aussi meurt-il de faim ; je lui dois cette justice » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1744).

Ce prêtre si charitable, qui avait accepté avec joie les premières réformes de la Révolution, béni le nouveau drapeau national le 18 avril 1790 et prêté sans hésiter, au mois de juin suivant, le serment civique à la nouvelle Constitution, refusa cependant d'accepter en 1791 les innovations schismatiques que les nouveaux législateurs avaient édictées dans la seconde moitié de l'année précédente.

Voici donc ce que M. Eballard déclara en chaire à ses ouailles, le 6 février 1791, concernant la Constitution Civile : « Dépourvu des biens de la fortune, âgé de 64 ans, à la veille de manquer du nécessaire à la vie, j'aurais plus d'intérêt que personne à prêter le serment qu'exige de moi, en et moment ici, l'Assemblée Nationale... mais je ne puis me résoudre à prêter purement et simplement un serment que ma conscience et ma religion ne me permettent pas de prêter, et qui pourrait peut-être, dans la suite, m'exposer à perdre votre estime et votre confiance... ».

Aussi, la municipalité de Pleslin donnait-elle avis, le 16 février 1791, au district de Dinan, « qu'après la publication faite par elle le 6 précédent (le curé et le vicaire s'y refusant), dans l'église paroissiale de Pleslin, au prône de la grand'messe, suivant le décret de l'Assemblée Nationale du 27 novembre 1790, sanctionné par le roi le 26 décembre suivant : M. Eballard, notre recteur, et M. Margely, son curé, ne nous ont fait offre pour serment que d'une moralle tout à fait contraire à l'esprit du décret prononcé à ce sujet. C'est pourquoi, au lieu de l'accepter et de l'approuver, nous le révoquons comme invalide et sans conformité audit décret » (Archives municipales de Pleslin).

Par suite de son refus de s'assermenter, M. Eballard devait être, aux termes de la loi, remplacé dans sa cure ; mais, bien que les électeurs réunis au District eussent réclamé sa déchéance le 4 octobre 1791, il dut à la pénurie du clergé constitutionnel dans la région de conserver ses fonctions rectorales jusqu'à son départ pour l'exil. Sa présence à Pleslin était cependant impatiemment supportée par les révolutionnaires, si bien que, sur une pétition signée par vingt citoyens « actifs » de Plouër, le Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) adressa, le 30 août 1792, au district de Dinan, l'ordre de faire arrêter et incarcérer au Château de Dinan le vénérable pasteur, sous l'inculpation d'être « un perturbateur de la paix publique ». Le vicaire de Pleslin et d'autres prêtres originaires de cette paroisse : MM. Le Moinne, doyen de Poudouvre ; Avril, de la Poissonnais ; Le Moinne, vicaire de Plouër, étaient compris dans ce mandat d'arrêt. (Archives Côtes-d'Armor, L 161, folio 87). Nous ignorons pourquoi l'on ne le mit pas à exécution, mais M. Eballard, bien que sexagénaire, crut plus prudent, lors de l'application de la loi du 26 août 1792, de ne point profiter des dispositions de celle-ci, qui lui permettaient de demeurer en France à condition de se faire interner à Saint-Brieuc. Aussi, après avoir pris un passeport à Pleslin le 10 septembre 1792, devant la municipalité de cette commune, s'embarqua-t-il à Saint-Briac pour Jersey, en compagnie de plusieurs autres prêtres des environs, le 14 septembre suivant, ce qui n'empêcha pas, peu après, les municipaux de Pleslin de réclamer à ses héritiers les réparations du presbytère dont on l'avait chassé, et, le 5 février 1794, les administrateurs du District de faire perquisitionner au bourg de Pleslin, chez Anne Nicolas, soupçonnée de recéler le recteur de la paroisse.

Nous retrouvons M. Eballard dans l'île de Jersey, le 10 mars 1795, apposant son seing sur l'acte de mariage de Gabriel de Cadaran de Saint-Mars avec Claire Péan de Pontfilly, de la Roche, en Lancieux. (L’Estourbeillon : Les Familles Françaises, etc., op. cit., p. 49).

Ce prêtre figure aussi sur les registres de Mgr. de Cheylus comme ayant reçu des secours à Jersey du mois d'août à celui de décembre 1796. Nous ignorons ce qu'il advint ensuite de M. Eballard. Cependant, en relisant la Biographie bretonne de Levot, nous avons trouvé dans le notice du prêtre Alain, d'Yvignac, quelques détails qui nous paraissent se rapporter au recteur de Pleslin. M. de la Villethassetz, l'auteur de cet article, y raconte en effet que Marie Eballard, mère du recteur de Pleslin, faisait de fréquents voyages à Jersey pour y porter des secours aux prêtres exilés, et que le bateau qu'elle montait ayant sombré dans une tempête, elle périt corps et biens. Cependant, tout bien informé que soit M. de la Villethassetz de la chronique du pays de Poudouvre, où il avait de nombreuses attaches, il fait certainement confusion en l'espèce : car, outre que la mère de M. Eballard s'appelait Marie Millet, il est indéniable, si l’on en juge par l'âge de son fils, qu'elle devait être (au cas où elle aurait vécu encore) pour le moins octogénaire à l'époque de la Révolution ; par conséquent, elle n'a donc pu se livrer alors aux périlleuses missions que lui prête La Villethassetz.

Nous serions plutôt incliné à croire que Marie Eballard n'était autre que le recteur de Pleslin en personne, lequel s'appelait en effet Jacques-Marie Eballard, et, quoique sexagénaire, pouvait être encore assez vigoureux pour entreprendre des expéditions de cette nature. Un indice à l'appui des retours intermittents du recteur de Pleslin dans sa paroisse, serait à notre avis la perquisition dont nous avons déjà parlé et qu'opéra la bande d'Aubry le 5 février 1794 « chez Anne Nicolas, dénommée pour recéler M. Eballard » et chez laquelle on trouva en effet divers objets appartenant à ce prêtre, mais dont le maire de Pleslin prétendit bienveillamment connaître l'existence. (Cf. Actes des prêtres insermentés, op. cit., I, p. 134).

Nous sommes si peu documenté sur les faits et gestes du clergé durant la Révolution, qu'il nous a paru intéressant de restituer à M. Eballard ce beau rôle de ravitailleur de ses confrères qu'il aurait ainsi rempli une partie du temps de son exil.

Du reste, une autre note laissée par M. De la Villethassetz confirme indirectement ce que nous venons de dire, en assurant, sans entrer dans aucun détail, que M. Eballard aurait péri dans une tempête en voulant rentrer en France.

JULIEN-ELOY MARGELY, vicaire, naquit à Bourseul le 25 juin 1750, du mariage de Julien et d'Anne Marchix. Sa pauvreté l'obligea de faire chez lui une partie de ses études théologiques. Après des examens passables, l'abbé Margely reçut la prêtrise à Saint-Méen le 22 septembre 1781. Il fut ensuite, nous a écrit M. Arsène Leray, vicaire à Goyen, puis à la Trinité-Porhoët avec l'abbé Macé, son compatriote ; ensuite à Glenac, et enfin à Pleslin, où il arriva le 28 mai 1790.

Comme tel, l'abbé Margely prêta serment le 16 février 1791, mais avec de nombreuses restrictions qui en changeaient la physionomie : « Dieu et sa conscience ne lui permettant pas, dit-il, de faire le serment civique sans ces restrictions ». Le vicaire de Pleslin, très intransigeant avec les bons principes, ne pouvait manquer d'avoir quelques histoires avec les révolutionnaires. Le 12 décembre 1791, le district de Dinan écrivait à la municipalité de Pleslin pour l'inviter à faire poursuivre devant le juge de paix l'abbé Margely « qui, après avoir reçu un sou pour la publication d'un billet portant invitation d'assister au service de G. Richard, de Langrolay (célébré par un assermenté), a refusé brusquement de faire ladite publication ». Du reste, à Pleslin, comme ailleurs, les esprits étaient très surexcités par la malheureuse Constitution Civile, et, comme toujours, les femmes avaient adopté l'un ou l'autre parti avec acharnement, et passaient facilement des arguments sensés aux insultes : Gillette Bouexière, des Aubrières, « jouant le rôle de bonne Soeur », et Jeanne Leroux, s'oublièrent jusqu'à traiter Antoine Pèlerin de « franc coquin » parce qu'il assistait aux offices et messes des Constitutionnels. De tout cela, les prêtres insermentés étaient rendus officiellement responsables ; c'est ce qui nous explique l'ordre d'incarcération concernant le recteur de Pleslin et son vicaire, dont nous avons parlé à la biographie de M. Eballard.

Il n'était guère facile, dans ces conditions, à M. Margely, de demeurer à Pleslin lors de l'application de la loi du 26 août 1792 ; aussi prit-il près de sa municipalité un passeport le 10 septembre de cette année « pour Saint-Malo, Cancale, Saint-Jacut et paroisses circonvoisines », afin de gagner la côte anglaise.

D'après des renseignements que nous a fournis M. l'abbé Arsène Leray, M. Margely, pour réaliser son projet et obéir à la loi s'embarqua à Saint-Briac le 14 septembre suivant, avec son recteur, le doyen de Poudouvre, les prêtres de Trigavou et plusieurs autres, en tout une vingtaine d'ecclésiastiques.

Le séjour de M. Margely à Jersey, où, a-t-il déclaré, « il périssait de misère », ne fut pas de longue durée. A Noël 1792, il rentra en Bretagne par Cancale et repassa la Rance. Caché tantôt à Pleslin, tantôt à Trigavou, à Plouër, à Langrolay, à Pleurtuit, à Taden, « vivant, a-t-il raconté, le jour dans les bois et la nuit allant mendier son pain de maison en maison », M. Margely avait reçu, le soir du 5 mars 1793, l'hospitalité de Scolastique et de Perrine Brard, au village de la Duché, en Saint-Briac, et se trouvait encore en leur demeure quand il y fut arrêté, le lendemain, ainsi que Jean Prual, de Belestre, en Ploubalay, son compagnon, et emmené devant Guibourg, juge de paix de Saint-Briac, par un détachement de la garde nationale de Saint-Enogat dont les hommes, conformément à la loi, se partagèrent 100 livres pour cet exploit. (Archives municipales de Saint-Malo, série LL, liasse 102, n° 268).

L'abbé Margely ne fit que comparaître devant le magistrat briachin, qui l'adressa le jour même au Directoire de Saint-Malo, lequel, sans désemparer, rendit sa décision le renvoyant comme prêtre réfractaire devant le Tribunal du District. (Archives municipales de St-Malo, LL, 102, et Grandes recherches de l'abbé Manet, inédites).

Les juges malouins gardèrent le vicaire de Pleslin jusqu'au 16 juillet 1793 prisonnier en cette ville. Ils le firent à cette date diriger sur Rennes et, le 21 juillet de cette année, les portes de l'ancien couvent de la Trinité, alors transformé en prison, se refermèrent sur lui. Voici quel était alors le signalement de l'abbé Margely : « taille 4 pieds 9 pouces, chevaux, sourcils et barbe gris, front un peu haut, yeux gris, nez un peu gros, bouche grande, menton rond, visage ovale » (Archives Ille-et-Vilaine, L 441).

Transféré au Mont Saint-Michel avec ses co-détenus le 15 octobre 1793, M. Margély fut mis en liberté, ainsi que ses compagnons, par un détachement vendéen, lors de l'arrivée de ces troupes à Dol, en novembre de cette même année. Mais combien bref devait être son élargissement ! Deux jours après, des gardes nationaux de Miniac et de Plerguer arrêtèrent le vicaire de Pleslin près de la Ville-Aubry, en Miniac-Morvan, « comme il fuyait à travers les campagnes », et l'emmenèrent à Saint-Malo, devant la commission O'Brien, malgré que le pauvre prêtre eût supplié ses capteurs, « ou de lui rendre sa liberté, ou de le reconduire sans tarder au Mont Saint-Michel ».

A Saint-Malo, l'abbé Margely comparut devant ses juges le 30 décembre 1793. Il eut la bonne fortune d'échapper à la peine capitale que distribuait alors si libéralement la Commission militaire chargée d'instruire son affaire. Son jugement; en date du 1er janvier 1794, déclare en effet « qu'une lettre du procureur de la commune du Mont-Libre (le Mont Saint-Michel) à l'administration du district de Port-Malo annonce, comme l'avance Margely, qu'il a été contraint de sortir de sa maison de détention ; que Margely annonce n'être resté que deux heures avec les rebelles et qu'un certificat de la municipalité de Pleslin du 20 mars dernier, dont il était saisi lors de son arrestation, rapporte que ce prêtre n'a jamais écrit, ni prêché contre la loi... ; en conséquence, renvoie Margely hors d'accusation et ordonne qu'il sera reconduit par bonne et sûre garde à la maison d'arrêt du Mont-Libre, pour y rester en détention, conformément aux lois relatives aux prêtres soumis à la déportation » (Archives de Saint-Malo, LL, 88).

Réintégré au Mont Saint-Michel le 21 janvier 1794, sous escorte militaire, M. Margely ne recouvra sa liberté que le 11 mars 1795, par arrêté signé de Le Got, représentant du peuple. Il s'en alla de suite à Pleslin, où le travail ne lui fit pas défaut. Nombre d'enfants n'étaient pas alors baptisés, faute de prêtres osant sortir de leurs caches durant la Terreur.

Aussi, le 13 juillet 1795, Margely baptise à l'église quatre enfants nés en 1792 et 1793. Le 14 juillet, c'est 54 enfants nés en 1792, 1793, 1794 et 1795 auxquels il confère le sacrement. Pour quelques-uns seulement, baptisés à la maison, il se contente de suppléer les cérémonies, aidé dans cette tâche par l'abbé Pierre Gicquel. Lorsqu'au mois de septembre de cette année, la loi du 7 vendémiaire an IV obligea les ecclésiastiques qui ne voulaient pas s'y soumettre à cesser d'exercer publiquement les fonctions curiales, M. Margely demeura caché Pleslin et aux environs, et, à tous ceux qui venaient le trouver, aussi bien ses paroissiens qu'aux gens de Trigavou, Languenan, Taden, Ploubalay, Lancieux, et jusqu'à Saint-Enogat et Saint-Malo de Dinan, il prêtait le secours de son ministère, tant pour le sacrement de baptême que pour celui de mariage.

Un registre rédigé par ce prêtre, et dont M. l'abbé Ragueneau a bien voulu nous adresser de larges extraits, contient le détail de tous les actes de mariages et de baptêmes accomplis par M. Margely au cours des années 1795, 1796, 1797. A partir de Pâques 1798, il n'apparaît plus aucun acte du courageux vicaire, et nous n'avons pour cette époque aucun renseignement sur la vie religieuse à Pleslin. Puis, vers la fin de l'an 1800 et jusqu'au milieu de 1803, c'est M. François Le Moinne, ancien vicaire de Plouër, qui remplit les fonctions de desservant dans son pays natal, où il décéda, comme nous l'avons vu ailleurs, le 26 juillet 1803. Nous avons trouvé que ce prêtre célébrait un mariage à Saint-Lunaire le 12 juin 1793.

JULIEN MARGELY déclarait au sous-préfet de Dinan le 17 juin 1800 résider à Pleslin chez le nommé Luzé. L'enquête de Boullé nous apprend que M. Margely résidait vers 1802 à Bourseul depuis dix-huit mois. Ce prêtre ne devait pas être sympathique aux hommes de la Révolution, qui le notent, à tort ou à raison, comme « ayant pris parti avec les insurgés, ayant peu de mérites, à laisser simple prêtre ». M. Margely demeura en effet simple vicaire dans sa paroisse natale jusqu'au 20 mai 1807, époque à laquelle il fut nommé recteur de Saint-Solen. Il démissionna en 1815 et revint à Bourseul, où il vécut jusqu'à sa mort, arrivée le 23 décembre 1820, à l'âge de 70 ans.

Vers 1925, un ecclésiastique deux fois cité à l'ordre du jour au cours de la guerre, représente encore dans le clergé le nom de Margely.

Quatre prêtres seulement étaient, en 1924, originaires de Pleslin. Etaient natifs de cette paroisse, en 1790, MM. :

GUILLAUME-JOSEPH LE MOINNE (sic), né dans cette localité le 20 octobre 1726, du mariage de Jean, sieur de la Ville-Aubault, et de Marie Le Moinne, qui fit ses humanités à Dinan et sa philosophie à Saint-Servan. On le note au Séminaire comme « de bonnes mœurs, bon sujet, possédant une bonne voix et présentant des examens médiocres ». Ses parents, paysans aisés, lui constituèrent son titre clérical sur la maison noble de la Herviais, une pièce de terre dite Malebry, une nommée Quidebis, une autre appelée le Courtil du Noyer et une autre dite la Lande, le tout valant ensemble 75 livres 12 sols 6 deniers de rente. Ses quatre frères et sœurs (dont l'un, Julien, fut le père de l'abbé François, que ncus avons vu vicaire à Plouër), se divisèrent le reste de l'héritage paternel. La part de chacun s'éleva, le 10 juillet 1756, à 85 livres de rentes.

Messire Guillaume Le Moinne, après avoir reçu la prêtrise le 23 mars 1751, vécut quelque temps encore dans sa paroisse natale, devint vicaire à Vildé-Guingalan, puis, le 20 juillet 1763, il obtint la cure de cette paroisse, sur la présentation de l'abbé de Beaulieu, mais il résigna ce bénéfice l'année suivante et s'en fut comme vicaire à Saint-Servan, de 1764 à 1771. Le 6 novembre de cette année, au trépas de Gilles Duchesne, sieur des Noyers, et originaire de Cancale, décédé doyen de Saint-Enogat le 22 mai 1771, M. Le Moinne fut pourvu, au concours, de la cure de cette paroisse et du décanat de Poudouvre, et se dévoua au cours d'une épidémie qui ravagea sa population peu après son arrivée. (Cf. Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1362). Nous n'entreprendrons pas de raconter l'administration de l'abbé Le Moinne à Saint-Enogat, mais on trouvera des détails la concernant dans la brochure de M. le chanoine Mathurin : Le Conseil général de Saint-Enogat de 1726 à 1778, in-8, Saint-Servan, 1902.

Lors de la Constitution Civile, M. Le Moinne n'ayant voulu prêter serment qu'avec restrictions, le 6 février 1791, fut dénoncé par sa municipalité le 6 avril suivant pour faire de la propagande anticonstitutionnelle, si bien qu'on le déclara déchu de ses fonctions le 6 mai 1791. Il dut même abandonner sa cure à l'arrivée de l'ex-cordelier Dubois, élu à son lieu et place le 29 mai de cette année. Avant son départ, M. Le Moinne voulut faire en chaire ses adieux à ses ouailles. Mais comme il renouvelait sa profession de foi et proclamait qu'en dehors de l'union au Pape, il n'y a ni Eglise véritable, ni sacerdoce efficace, les révolutionnaires qui assistaient à l'office lui imposèrent silence : « Assez, assez », lui crièrent-ils, sans respect pour le saint lieu.

Il vivait retiré à Pleslin, quand, sur une dénonciation de « vingt bons citoyens » de Plouër, ce prêtre se vit décrété d'arrestation parle Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), le 30 août 1792. C'est dans ces conditions que, sous le coup par ailleurs de la loi du 26 août précédent, M. G. Le Moinne prit à Pleslin, le 10 septembre 1792, un passeport pour s'exiler à Jersey. Quatre jours après, il s'embarquait à Saint-Briac, et moins d'un an ensuite, le 24 juillet 1793, il décédait à l'âge de 67 ans, dans la ville de Saint-Hélier, et son corps fut inhumé dans le cimetière de cette paroisse. (L’Estourbeillon : Les Familles Françaises, etc., op. cit., p. 422). [Note : M. Le Moinne plaça une horloge dans le clocher en 1774, répara le presbytère et agrandit le cimetière. Enfin, il fit peindre un tableau pour l'autel du Rosaire en 1789].

YVES-JEAN-MARIE LE MOINNE naquit au bourg de Pleslin, le 21 novembre 1753, du mariage de Jean et de Gillette Le Cointe, et fit son cours à Dinan, où il achevait sa cinquième en 1767.

Ordonné prêtre le 4 avril 1778, M. Le Moinne était, lors de la Révolution, aumônier des religieuses ursulines de Montfort, et se trouvait encore dans cette ville le 21 août 1792, occupé, dit un rapport de police, à aider le déménagement de ses religieuses, menacées de prochaine expulsion.

Bien que n'étant pas fonctionnaire public, et par suite non assujetti au serment, M. Le Moinne, qui s'était retiré à Pleslin à la dispersion de ses bonnes soeurs [Note : Son mobilier fut vendu 43 livres au profit de la République, le 12 floréal an II (1794)], crut plus prudent, lors de l'application de la loi du 26 août 1792, de prendre les devants et de s'en aller demander à la terre d'exil une liberté et une sécurité que l'article 6 de la loi précitée lui faisait paraître trop précaire en son propre pays.

M. Le Moinne prit donc son passeport à Pleslin le 10 septembre 1792, avec les autres prêtres de cette localité, et s'en alla à Jersey puis, vraisemblablement, de là en Angleterre. Nous ignorons l'époque du retour de cet ecclésiastique, que Boullé indique comme remplissant depuis deux ans les fonctions de curé d'office à Tréfumel vers 1802. Il le note dans ce document comme « à présent paisible, et passablement instruit ». Nommé recteur de Pleslin le 16 janvier 1804, M. Le Moinne y mourut en fonctions le 3 juin 1826, âgé de 73 ans, et sa tombe, pieusement conservée, se voit encore près de l'église de cette paroisse.

JEAN-PHILIPPE AVRIL, naquit au village de la Poissonnais, en Pleslin, le 28 novembre 1754, du mariage de Philippe et de Jeanne Conseil. Il reçut les cérémonies du baptême le même jour des mains de son parent, l'abbé Gilles-Jean Avril, qui fut longtemps curé à Evran et à Comblessac, et mourut recteur de Saint-Briac le 8 août 1777, âgé de 50 ans.

Le jeune Avril étudia à Dinan en vue du Séminaire. Il était néanmoins très faible comme bagage littéraire et philosophique, lorsqu'il se présenta à la tonsure et fut différé. Cependant, à la même époque, M. Eballard, son recteur, le notait d'excellentes moeurs, doué de beaucoup d'affabilité et du meilleur caractère. Il fut fait diacre le 21 septembre 1781, après avoir mérité les notes suivantes : « sous-diacre de la Trinité 1780, élève du collège dès Laurents, beaucoup mieux à son dernier examen, passable à celui-ci ».

L'abbé Avril reçut la prêtrise à Saint-Malo le 22 septembre 1782, et, lors de la Révolution, il était chargé de celle des quatre chapellenies Sainte-Anne du Bois de la Motte que les châtelains faisaient desservir habituellement par un prêtre du pays, soit à leur chapelle domestique du Bois de la Motte, soit en l'église de Trigavou.

Nous avons raconté, au tome 1 des Actes des Prêtres insermentés du Diocèse de St-Brieuc, p. 131, comment l'abbé Avril fut arrêté une première fois à Saint-Malo au mois de juillet 1792, nous y renvoyons nos lecteurs. Ce même prêtre fut aussi compris dans la dénonciation des vingt « bons citoyens actifs » de Plouër, et décrété d'arrestation le 30 août 1792 par le Directoire des Côtes-du-Nord (Archives des Côtes-d'Armor, L 161, folio 87). C'est sans doute à la suite de tous ces tracas que M. Avril se décida, le 10 septembre suivant, à prendre à Pleslin un passeport pour s'expatrier. Pour quelles raisons l'abbé ne mit-il pas son projet à exécution et demeura-t-il en France ? Nous n'en savons rien. Toujours est-il qu'il passa, caché chez sa mère, la fin de l'année 1792 et l'année 1793, sans se mettre en peine des dangers que les lois des 21 avril et 21 octobre 1793 faisaient peser sur sa tête et rendant, au dire de l'abbé Carron, son premier biographe, les plus grands services à ses compatriotes privés des secours religieux.

L'abbé Avril et sa mère furent arrêtés au village de la Poissonnais, le 5 février 1794, au cours d'une véritable chasse aux prêtres dirigée par Jean-Marie Aubry, de Dinan, l'homme habituel de ces expéditions. Nous renvoyons nos lecteurs pour les détails, tant de l'arrestation que du jugement et de la mort de ce Confesseur de la Foi, au tome 1er, p. 133-149 des Actes des Prêtres insermentés déjà cités. Nous tenons cependant à souligner que le prêtre Avril fut condamné à mort, « comme convaincu d'avoir été SUJET A LA DÉPORTATION et n'avoir pas exécuté la loi des 21 et 22 avril 1793 ». Or, c'est comme ecclésiastique insermenté que M. Avril était sujet à le déportation, Aux termes, en effet, de la loi du 26 août 1792 et des arrêtés rendus le 10 septembre et le 1er décembre de cette année par le Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), ainsi que de la loi des 21 et 22 avril 1793 précitée, tous les ecclésiastiques français qui n'avaient pas prêté le serment de Liberté-Egalité, se trouvaient sujets à la déportation. A ces remarques, qui ont pour but de bien établir le caractère religieux de la condamnation capitale de M. Avril, ajoutons que la troupe qui arrêta ce prêtre et sa mère, trouva moyen, au dire de Besné, l'accusateur public, de leur voler 400 livres en numérair.

M. Avril fut exécuté à Saint-Brieuc le 10 février 1794, à trois heures de l'après-midi. Sa courageuse mère, après avoir fait tous ses efforts pour sauver la vie de son fils, ne fut pas comprise dans le jugement qui l'envoya au trépas. Malo Besné, de Dinan, l'accusateur public, fut pris d'un scrupule à son sujet. « Il lui sembla répugner à la nature qu'une mère dénonçât son fils », et le cas lui parut mériter qu'on en référât à la Convention Nationale quant à la peine à appliquer.

En attendant, Mme Avril demeura en prison. Elle s'y trouvait encore, la Terreur passée, le 23 novembre 1794, expiant le crime impardonnable d'avoir donné asile à un prêtre persécuté, alors que ce prêtre était son fils.

Perrine Conseil, veuve Avril, fille de Jacques et Pélagie Coudrays, mourut à Pleslin âgée de 72 ans, le 18 mars 1804.

Pour la bibliographie de cette étude, voir le tome 1er des Actes des Prêtres insermentés, déjà cité, et Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 57.

FRANÇOIS-PIERRE HAGUEZ naquit à Pleslin le 30 juin 1755, de Pierre et de Françoise Julien (sic), et fit ses études à Dinan. Noté au Séminaire « de moeurs excellentes, fort bien par ailleurs, mais insuffisamment studieux » l'abbé Haguez reçut la prêtrise à Saint-Malo le 22 septembre 1782. Lors de la Révolution, ce prêtre remplissait les fonctions de vicaire à Saint-Enogat avec beaucoup de sollicitude. Au mois d'avril 1790, la disette des grains se faisant cruellement sentir à Saint-Enogat, M. Haguez fut dépêché par le général de cette paroisse, avec le nommé Jean Piet, afin de s'en procurer. Ils en trouvèrent, au bout de quelque temps, 100 boisseaux à la Tonche à la Vache, en Créhen, qu'ils achetèrent, mais le maire de Créhen s'opposant à l'enlèvement de ce blé, la municipalité de Saint-Enogat fit marcher le 1er mai 1790 ses gardes nationaux jusqu'à Créhen, et leur attitude énergique obtint à la fin la livraison du marché.

M. Haguez refusa de s'assermenter, en même temps que son recteur, et par suite il fut déclaré déchu de ses fonctions le 6 mai 1791, par décision du Directoire d'Ille-et-Vilaine. Obligé de s'éloigner de Saint-Enogat à l'arrivée du curé constitutionnel, M. Haguez se retira dans sa paroisse natale. Il y prit un passeport pour s'exiler à Jersey le 10 septembre 1792, puis il passa vraisemblablement de là en Grande-Bretagne ; son mobilier, déposé à la Rougerais, en Trigavou, fut vendu 108 livres 15 sols le 13 floréal an II.

Nous ignorons la date du retour en France de l'abbé Haguez. Il attendit la promulgation du Concordat pour faire, le 13 prairial an X (2 juin 1802), sa soumission à la Constitution de l'an VIII, et résidait à Trigavou le 27 juillet 1802. L'enquête de Boullé se contente de le noter comme « sujet à la goutte ». Nommé officiellement vicaire à Trigavou à la réorganisation du culte, M. Haguez remplit ces fonctions jusqu'à sa mort, arrivée le premier août 1820, à l'âge de 65 ans.

PIERRE-JEAN GICQUEL, sieur de, la Ménardière, naquit à Pleslin le 10 juillet 1755 de Jean et de Jeanne Le Lionnais. Nous savons que les études théologiques de cet ecclésiastique furent plutôt médiocres et qu'on le note au Séminaire comme « assez mal doué pour le chant ». Il reçut la prêtrise le 16 septembre 1779. En 1790, M. Gicquel desservait une chapellenie à Pleurtuit, mais quand la Révolution, imbue, dès le commencement, des plus déplorables principes philosophiques, eut fait table rase de toutes les pieuses fondations des fidèles, M. Gicquel revint se fixer dans son pays natal, et devant les événements, il prit un passeport pour s'expatrier, ainsi que les autres prêtres de Pleslin, le 10 septembre 1792. Cependant, réflexions faites, il ne s'exila pas plus alors qu'après l'arrêté du Département des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) du 1er décembre de cette année, et passa toute la Révolution caché dans le pays. On ne l'ignorait pas en haut lieu : « Il y a encore des prêtres réfractaires à Pleslin, écrivait, le 15 février 1794, Besné, l'accusateur public à l'administration du District de Dinan. Ces gens-là sont aussi malfaisants qu'opiniâtres. Mon zèle secondera le vôtre quand ils seront arrêtés ». Mais on ne put ou on ne voulut pas se saisir de l'abbé Gicquel. Le 12 mai 1794, Corseul, agent national terroriste du district de Dinan, écrivait en effet au conventionnel Le Carpentier : « Je t'observerai qu'il existe dans cette commune (de Pleslin) des prêtres réfractaires qui sont cachés et que l’on ne pourra jamais avoir, tant que la municipalité sera composée telle qu'elle est » (Dubreuil : Le Régime révolutionnaire, etc., op, cit., p. 55).

Un registre conservé au presbytère de Pleslin nous fait voir l'abbé Gicquel baptisant à Pleslin le 16 décembre 1792, le 22 septembre 1793, en août et en novembre 1794 et le 3 août 1795. En mai 1797, il faisait un baptême à Trigavou et un autre à Languenan, et depuis le 17 décembre 1801, sa signature paraît habituellement sur les registres sacramentels de sa paroisse natale.

L'enquête du préfet Boullé note ce prêtre comme « paisible, mais attaqué de la gravelle ». Nommé officiellement vicaire de Pleslin en 1804, à la réorganisation du culte, M. Gicquel, bien qu'indiqué déjà comme « infirme » en 1805 sur les registres de l'évêché de Saint-Brieuc, conserva ses fonctions jusqu'à sa mort, survenue le 11 juin 1807, à l'âge de 52 ans.

AUGUSTIN-ALAIN LE MOINNE, ayant versé, son sang pour la cause religieuse, nous reproduisons ici son acte de baptême :

« Le 18 septembre 1758, Augustin-Alain Le Moinne (sic), fils du sieur Jean Le Moinne et de Gillette Le Cointe, son épouse, né ce jour dans ce bourg, a été baptisé sur les saints fonts, par moy soussigné recteur, et a eu ce jour pour parrain Jean Le Moinne, son cousin germain, qui signe, et pour marraine Helenne Brisejonc, qui ne signe ». Signé : Jean Le Moinne ; M.-A. Sorel, recteur de Pleslin.

Après de bonnes études théologiques faites à Dinan, l'abbé Le Moinne reçut le diaconat le 7 juin 1784, et fut ordonné prêtre à Rennes, par dimissoire en date du 17 septembre 1785.

Envoyé en 1786 vicaire à Gommené, alors dans le doyenné de la Nouée, et du diocèse de Saint-Malo, cet ecclésiastique y refusa le dimanche 6 mars 1791 le serment à la Constitution Civile, de même que son recteur, J.-B. Juliot du Plessis, et Pierre Denoual, l'autre vicaire (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 11).

Son frère, l'abbé Yves Le Moinne, que nous avons vu plus haut, essaya vainement de décider l'abbé Augustin à le suivre en exil. Venu à Pleslin à cette époque, celui-ci, se trouvant sous le coup de la loi du 26 août 1792, consentit tout d'abord à prendre un passeport pour s'expatrier, le 10 septembre de cette année, mais ce ne fut de sa part qu'une velléité. Convaincu que des devoirs rigoureux lui incombaient ailleurs vis-à-vis des âmes, le Confesseur de la Foi s'en retourna précipitamment à Gommené, où l'on retrouve sa signature dès le 18 septembre et jusqu'au 28 de ce mois. Obligé alors de disparaître pour quelque temps, M, Le Moinne trouva un refuge à Dinan même, chez Mlle Adélaïde de Saint-Pern, puis au manoir de la Rougerais, en Trigavou, chez Mme Le Court de la Villethassetz, née Le Moinne, dont le fils, l'érudit dinannais, a noté les pérégrinations du bon prêtre et nous les a transmises [Note : D'après une autre source de renseignements, le manoir de la Rougerais aurait eu pour châtelaine, lors de la Révolution, Julie de Coëttando, épouse d'Armand, comte du Gaspern, d'où Flavie, née en 1805, épouse de M. Forot de Villeneuve, et deux autres filles, mais nous croyons que ces personnes occupèrent la Rougerais postérieurement aux La Villethassetz.

Grâce à cet annaliste, nous savons que, regagnant ensuite sa paroisse de Gommené, l'intrépide vicaire se fixa dans ces parages, où il se trouvait vers les débuts de janvier 1793, comme aumônier des chouans de la division de M. Célestin-Guy de Troussier, qui commanda de 1794 à 1796 les troupes du canton de La Trinité-Porhoët. Comme nombre de bons esprits de cette époque, l'abbé Augustin était en effet persuadé que la cause religieuse n'avait rien à espérer d'un gouvernement que semblait inspirer un vent de folie persécutrice et qui renchérissait chaque jour sur les mesures destinées à anéantir le catholicisme ; en sorte qu'aux yeux du vicaire de Gommené, le rétablissement des autels à cette époque paraissait étroitement lié au rétablissement du trône. Qui saurait l'en blâmer ? Heureux ceux qui, dans des temps aussi troublés, savent assez s'abstraire des contingences présentes pour prendre toujours la détermination que l'histoire, avec le recul des ans, jugera avoir été la meilleure !

Quoiqu'il en soit, M. Le Moinne fit preuve, dans ses fatigantes fonctions d'aumônier militaire, du plus beau dévouement et du plus pur héroïsme, se dépensant sans compter pour assurer à ses chouans, ainsi qu'aux habitants de Gommené, les secours de la religion. On cite encore dans cette paroisse les villages où l'ecclésiastique proscrit célébrait les saints mystères : le Vaux-Janot, la Chesnaye, la Ville-ès-Pies, la Chièvrue, la Chastenière, mais ce n'est cependant pas là qu'il devait périr. Au printemps de 1795, les conventionnels Brue, Guezno, Guermeur et Boursault avaient été obligés par les circonstances, de prendre au sujet du culte et de ses ministres, des mesures pacificatrices, qui avaient amené un semblant de paix dans notre Bretagne jusqu'alors si troublée. Sur la foi des arrêtés des représentants du peuple, les prêtres recommencèrent à se produire et à officier publiquement, offrant ainsi, dans beaucoup d'endroits, une proie facile aux soldats des colonnes républicaines, ennemis jurés du clergé fidèle qu'ils accusaient bien à tort de causer tous leurs maux, en entretenant la guerre civile.

C'est ainsi que, le mercredi 5 août 1795, M. Le Moinne, qui avait confessé dès le matin, célébrait la messe dans l'église de Gommené, lorsqu'on vint l'avertir qu'une colonne mobile, à laquelle un étranger avait dénoncé sa présence, s'approchait du bourg de Gommené. Mais le pieux vicaire ne voulut point interrompre le divin sacrifice, disant que « si sa dernière heure était venue, c'était une raison de plus d'achever sa prière, et pour lui, et pour les assistants ». Aussi les militaires pénétraient-ils déjà dans le bourg, lorsque l'abbé ayant terminé sa messe, sortit de l'église pour se dérober par la fuite aux maltraitements des soldats. Le prêtre avait déjà gagné les hauteurs qui avoisinent Gommené, lorsque la troupe, qui s'était lancée à sa poursuite, le rejoignit et l'entraîna vers le cimetière qui entourait alors la maison de Dieu.

Arrivés près de la fenêtre de la sacristie de l'église, c'est-à-díre à la hauteur de l'autel où M. Le Moinne venait de célébrer le Saint Sacrifice, ces forcenés se précipitèrent sur le prêtre sans défense et sans désemparer l'assassinèrent à coups de baïonnettes, puis les bourreaux traînèrent au-devant du clocher le corps pantelant de leur victime, afin que les habitants du bourg, terrorisés, ne puissent douter un instant de leur exécrable forfait.

Un paysan, nommé Mathurin Coisbot, époux d'Anne Berthelot, âgé de 24 ans, qui accompagnait M. Le Moinne dans ses courses apostoliques, subit au même instant le même sort que l'abbé, et son acte de décès figure sur les registres d'état-civil de la commune de Gommené, immédiatement après celui de son saint ami, dont nous allons reproduire textuellement la teneur : « Ce jour, six août mil sept cent quatre-vingt-quinze, à onze heures du matin, par-devant moi, maire de ladite commune, ent l'absence de lofficié publique, sont comparut Guillaume Portic et Jacques Levois, cultivateur et plus que majeur d'âge, demeurant dans le bourg, m'ont déclaré que Augustin Lemoinne, curé de notre commune, décédat hier dans ce bourg de Gommené, âgé d'environt quarante huit ans, et aprais m'avoir informé de la mort du dit Augustin Lemoinne et sur la représentation quont ma fait de son cors (sic), mois, je rapporte le presant acte sous mont signe et dautant que les déclarants ont déclaré ne savoir signé. Ledit jour et tant que davant  ». — Signé : Pierre Duchauchix, maire.

Vers 1925, deux prêtres originaires, l'un de Languenan, l'autre de Pleslin, représentent encore dans le clergé de Saint-Brieuc le nom des Le Moinne, qui s'est vaillamment illustré pour la défense de la Foi, durant la Révolution Française.

[Note : Bibliographie : — Guillon : Les Martyrs de la Foi, in-8, Paris, 1821, t. III, p. 533. — Annuaire des C.-du-N., article signé de Garaby, année 1847, p. 82-87. — Revue de Bretagne, année 1888, p. 55-58. Ces deux études sont écrites d'après des notes de M. L. de la Villethassetz. — Tresvaux du Fraval : Histoire de la Persécution, etc., op. cit., II, p. 113. — Le Diocèse de Saint-Brieuc, etc., op. cit., II, p. 73-77].

JEAN-JOSEPH ROUXEL, naquit à Pleslin le 15 juillet 1764 du mariage de Joseph et de Michelle Rouault. Il étudia à Dinan et, après avoir mérité d'excellentes notes, il reçut la prêtrise le 10 septembre 1788. En 1790, M. Rouxel desservait une chapellenie dans la paroisse de Châteauneuf de la Noé, siège d'une seigneurie considérable, dont dépendait en grande partie Pleslin au point de vue féodal.

Aux débuts de l'année 1791, et bien que la loi ne l'obligeait pas alors à cette formalité, M. Rouxel se laissa aller à prêter serment, et, d'après Paris-Jallobert, il signa en juillet 1791 les registres paroissiaux de Châteauneuf en qualité de vicaire constitutionnel. Cependant, ce prêtre ne persista pas dans le schisme et se rétracta à une date que nous ignorons. L'abbé Rouxel se retira alors à Pleslin, et c'est là qu'il prit un passeport pour l'exil le 10 septembre 1792. C'est vraisemblablement lui, malgré la différence de prénoms, que nous retrouvons à Portsmouth en avril 1793, sous le nom d'André-François Rouxel, curé de Châteauneuf, exilé pour la Foi.

L'enquête de Boullé, vers 1802, indique cet ecclésiastique comme revenu depuis deux mois à Pleslin, et le note comme « insermenté déporté, bon prêtre, peut être employé comme vicaire ». Dès cette même année 1802, l'abbé Rouxel retourna, comme curé d'office à Châteauneuf, et l'année suivante, il exerçait dans cette paroisse les fonctions de vicaire. Il succéda plus tard comme curé à M. Bodinier, mort en 1813, et décéda lui-même dans cette localité le 1er janvier 1835, âgé de 69 ans.

Etaient encore originaires de Pleslin et demeurèrent en France tout le temps des mauvais jours : MM. FRANÇOIS LE MOINNE, que nous voyons à l'article Plouër ; FRANÇOIS HENRY, que nous voyons à l'article Tréméreuc ; LAURENT LE BIGOT, que nous voyons à l'article Plumaudan où il était vicaire ; PIERRE-LOUIS LE SAGE, que nous voyons à l'article Corseul.

Pour être complet, signalons aussi qu'une religieuse de la Sagesse, appelée Françoise Bouaissière, était native de Pleslin et se trouvait chez son frère le 1er septembre 1795. Elle avait dû quitter Dol sur son refus de prêter aucune espèce de serment. (Cf. Delarue : Le District de Dol, op. cit., II, p. 251).

Ainsi donc, sur les 11 prêtres originaires de Pleslin qui vivaient en 1790, pas un ne versa pour y rester dans le schisme constitutionnel. Sur les 13 prêtres dont nous venons d'écrire les biographies, deux moururent exilés pour la Foi, deux autres, pour la même cause, firent le sacrifice de leur vie, l'un sur l'échafaud et l'autre sous les baïonnettes homicides des soldats bleus ; un cinquième passa deux ans en prison et n'échappa que par extraordinaire aux balles des fusillades du Talard. Ne sont-ce pas là d'admirables exemples, et la population de Pleslin n'a-t-elle pas le droit d'être fière de ses prêtres à l'heure de l’épreuve ? Pourquoi donc, puisque les Pleslinais ont à juste titre glorifié leurs morts, héros de la grande guerre, pourquoi donc aucune plaque, dans leur vieille église, n'y vient-elle commémorer le souvenir de leurs prêtres, Confesseurs de la Foi ? Il y a là un acte de réparation et de reconnaissance qui s'impose. Des exemples et un enseignement comme ceux qu'a donné le clergé de Pleslin durant les mauvais jours, ne doivent pas demeurer à jamais ensevelis sous le voile de l'oubli.

 

CLERGÉ CONSTITUTIONNEL.BERNARD-CHARLES POILEVILAIN DE MISOUARD, vicaire provisoire, appartenait à une famille de bonne noblesse de l'Avranchin. Ordonné prêtre le 27 mars 1784, il était en 1790 religieux cistercien à l'abbaye de Savigny. A la fermeture de sa maison, il sortit du cloître et prêta le serment de Liberté-Egalité du 14 août 1792. Il occupa ensuite le poste de vicaire intrus à Saint-Léonard de Fougères, le 17 novembre de cette même année, puis s'en vint comme vicaire de Pleurtuit le 17 mars de l'année suivante. Il ne passa que quelques mois dans cette situation, et l'évêque Jacob lui ayant accordé des lettres de vicaire provisoire pour Pleslin, Poilevilain prit possession de cette paroisse le 18 août 1793.

Bien que le procès-verbal de l'installation de cet assermenté prétende qu'il a été appelé à ces fonctions par « les voeux de la commune », l'infortuné desservant vit de suite la solitude se créer à Pleslin autour de sa personne, et la plus grande partie de la population lui manifester de toutes façons son animadversion pour le schisme dont il était le représentant.

Aussi, lorsque, par ordre de Ruamps du 9 Mars 1794, M. Poilevilain, qui voulait bien promettre de s'abstenir d'exercer ses fonctions, mais refusait d'« abdiquer son état et fonctions », suivant la formule en usage, fut incarcéré à Dinan avec ses collègues constitutionnels [Note : Cf. Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 60, une correspondance très intéressante concernant Poilevilain, en date du 5 germinal et du 29 fructidor an II. Il y déclare « que plus jamais, il n'exercera ses fonctions, la loi lui servant de base et de modèle dans ses entreprises »], il courut dans le pays de Pleslin une poésie dont l'abbé Ragueneau, ancien vicaire de cette paroisse, a recueilli quelques fragments : « Notre intrus s’en est allé, - Nous en sommes tous charmés. - Ce vilain loup ravisseur - Voulait tous nous dévorer. - Et nous faire pratiquer - Une religion païenne ; -  Ce n'est point là le système de nos pasteurs. - Les voyez-vous, ces prêtres au si grand coeur, - Monter hardiment sur les échafauds, ? - N'est-ce pas toutes nos offenses - Qui sont cause de si grands maux ? ».

« Sans doute, nous a justement observé M. l'abbé Ragueneau, l'inspiration, tout comme la prosodie, laissent, en ces rimes, grandement à désirer ; mais le sentiment qui les a dictées les rend quand même dignes de mémoire ».

Et cependant le malheureux Poilevilain, tant houspillé par la catholique population pleslinaise, devait encore être l'objet d'une persécution particulière de la part des révolutionnaires qui, suivant l'expression de l'un d'eux, « visaient à l'anéantissement du sacerdotisme ». Non contents de l'avoir emprisonné, les terroristes dinannais envoyèrent Poilevilain à Saint-Brieuc devant le tribunal criminel des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) et, par l'organe de l'agent national, le futur banqueroutier Corseul, fournirent à ses juges, le 17 juillet 1794, les renseignements suivants, aussi honorables que dangereux pour celui qui en était l'objet : « Parfait fanatique, qui, non content de ne pas se conformer à l'arrêté de Le Carpentier (proposant le mariage comme condition de libération aux assermentés détenus), a fait tous ses efforts pour en détourner ses collègues ». Du reste, Poilevilain n'avait-il pas eu l'audace d'écrire dès le 19 juin 1794 aux autorités constituées : « J'ai promis fidélité à Dieu, je la tiendrai jusqu'à la mort ». De tels propos auraient pu le conduire à peu près sûrement à la guillotine. Heureusement pour l'inculpé, la chute de Robespierre inclina à la clémence les juges briochins qui, tenant compte du serment constittitionnel naguère prêté par Poilevilain, refusèrent de le condamner et décidèrent de le faire ramener à Dinan, où les autorités de cette ville le maintinrent en prison jusqu'au 10 novembre 1794.

Le pauvre prêtre y souffrait de la détresse la plus profonde : « Je suis nud, écrivait-il le 22 septembre 1794 aux autorités du District ; une mauvaise lévite fait tout mon vêtement », et le prisonnier achevait sa requête en suppliant qu'on lui fit payer l'arriéré de sa pension.

La mise en liberté de Poilevilain, ordonnée le 10 novembre suivant, fut de courte durée. La municipalité de Pleslin, qui, dès le 19 août 1794, avait loué le presbytère, refusa le 20 novembre de recevoir son ex-curé sous sa surveillauce, et le fit prier de se retirer ailleurs. En conséquence, le Comité de surveillance de Dinan crut devoir, le 12 décembre, faire interner à nouveau l'ex-cistercien de Savigny, et cette seconde détention ne prit fin que le 30 décembre 1794, date à laquelle il fut permis au prêtre constitutionnel de regagner l'Avranchin, après avoir subi 270 jours de captivité pour n'avoir pas voulu renier ses croyances les plus sacrées.

Que devint alors M. Poilevilain de Misouard après son retour dans son pays natal ? L'une des versions que nous avons recueillies, prétend qu'il y fut mis à mort par les chouans, tandis que l'autre assure que « Dom Bernard de Misouard, devenu aveugle, assista à son lit de mort, le 22 septembre 1838, son frère Augustin, dernier vicaire général de l'évêque d'Avranches Mgr de Belboeuf, et chanoine honoraire de Coutances, puis trépassa lui-même peu après » (Revue de l'Avranchin, année 1898, n° 2, p. 80). Tout ce que nous pouvons dire de certain, c'est que nous avons en vain recherché le décès de ce prêtre sur les listes nécrologiques des anciens Ordo de l'évêché de Coutances.

Voici quel signalement on donnait de Poilevilain le 17 mars 1793 : « taille quatre pieds dix pouces, cheveux et sourcils bruns, yeux bruns, nez aquilin, bouche moyenne, front bas, menton rond ».

Sur Poilevilain de Misouard, cf. Delarue : District de Dol, op. cit., III, p. 110-116, concernant un vol dont ce prêtre fut l'objet à Hirel le 22 août 1792.

 

SUPPLÉMENT A L'ARTICLE PLESLIN. Les officiers municipaux de Pleslin écrivaient aux administrateurs du district de Dinan, le 25 mars 1794 : « Républicains : Vous nous enjoignez de notifier par écrit la conduite de Charles-Bernard Poilevilain, ou de dire les raisons de notre refus (de lui accorder un certificat de civisme). Nous allons vous marquer son civisme et les raisons pour lesquelles nous nous y refusons :

1° Civisme : Depuis le 18 août du mois d'août dernier jusqu'à son arrestation, Poilevilain a résidé dans notre commune en qualité de curé, y a prêté le serment de Liberté-Egalité, nous a paru très exact à ses fonctions le temps qu'il y a été et nous n'avons aucune connaissance qu'il ait prêché d'autre morale que l’Evangile et qu'il ait jamais parlé contre la Constitution.

2° Motifs du refus (d'une carte) de civisme :

A) Son arrestation et son subit enlèvement de notre commune par ordre des administrateurs sages et éclairés du District, est pour nous un motif très conséquent de suspection (sic) à son égard.

B) Il nous a déclaré qu'il était noble et qu'il s'en faisait gloire et qu'il avait dans le commencement de la Révolution émigré avec ses frères et parents.

C) Il ne s'est point présenté pours signer sur notre tableau civique. Il a voulu inquiéter les gens qui n'allaient point à sa messe et les a toujours regardés comme aristocrates.

D) Depuis son arrestation, il a fait enlever nuitamment ses effets du presbytère, quoiqu'il nous eut déclaré à son départ que nous en restions responsables, et les a fait cacher dans la terre en différents endroits, dans de la feuille et dans la paille des lits. C'était sans doute à dessein de payer ses créanciers, qui sont en grand nombre, et nous, ayant eu connaissance des faits, nous avons fait la perquisition à plusieurs reprises et nous avons trouvé des caches et les avons rapportées au presbytère, avons mis les scellés et chassé sa servante du presbytère... ». Signé : Nicolas, maire ; Pierre de Launay et Michel Rouault, officiers municipaux. (A. Lemasson).

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