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LES ANCIENS FIEFS ET SEIGNEURIES DE LA PAROISSE DE PLERIN

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Haute justice.

Le droit par excellence, aux temps féodaux et moyen-âgeux, celui auquel les seigneurs tenait le plus, non seulement par vanité, mais encore parce qu'il impliquait d'autres privilèges, c'était le droit de haute justice. Le seigneur qui possédait ce droit connaissait de tous les crimes et délits commis dans sa juridiction, et pour lesquels il y avait peines afflictives ; tandis que les seigneurs bas et moyens justiciers ne pouvaient juger les crimes qui avaient comporté effusion de sang.

De là l'explication et l'origine de ces insignes dressés sur différents points de la juridiction de haute justice : fourches patibulaires, piloris, échelles, carcans, etc. Non loin du Tertre-Vert, dans un champ, nommé aujourd'hui encore "Champ de la potence" s'élevait, suivant un acte du 3 octobre 1564, le poteau sinistre qui rappelait aux malfaiteurs sa terrible destination. Nous n'avons trouvé, dans la période de la féodalité et du Moyen-Age, aucune trace d'exécution à ce patibulaire. C'est à Trégomeur, siège de la haute justice, qu'habitaient les officiers judiciaires. Là aussi se trouvaient les prisons et tout le matériel pénitenciaire : là avaient lieu les exécutions capitales d'ailleurs fort rares. A s'en référer aux registres de cette juridiction, datant de 1523, les criminels étaient le plus souvent condamnés aux galères ou emprisonnés durant un temps assez court, et toujours leur entretien à la charge du seigneur de haute justice.

Ne faisant mention de la haute justice de la Roche-Suhart que dans ses rapports, avec la paroisse de Piérin, nous ne nous attarderons pas à énumérer tous les droits très nombreux et très étendus du seigneur haut justicier.

Notons seulement parmi ces privilèges, le droit d'épaves ou appropriation par le seigneur des objets mobiliers perdus et des successions tombées en déshérence : les droits de lots et ventes ou rétribution due au seigneur suzerain par l'acquéreur d'un héritage dépendant du seigneur. Ce droit se payait ordinairement à "denier douze" c'est-à-dire était égal au douzième du prix de la vente, soit un sou huit deniers pour une livre.

Ceci noté, nous continuerons l'historique des fiefs qui se partageaient notre paroisse de Plérin : Bellemarre, Couvran, la Ville-Rault, la Ville-Gohel, le Grand-Pré, la Grange, la Ville-Solon, Claire-fontaine, la Ville-Huet, la Porte-Bréhand, les Rosays, La Cadoire, le Port-Aurèle.

Bellemare.

La moyenne justice, à laquelle était soumise la paroisse de Plèrin sauf quelques villages qui dépendaient des Regaires ou juridiction épiscopale, tenait ses audiences à Bellemare.

Le lieu qui aujourd'hui encore porte ce nom, ne garde plus trace de son ancienne destination ; l'aspect même a été totalement modifié. Cependant. il n'est pas nécessaire de remonter bien loin dans le passé. pour retrouver un peu de la physionomie antique de ce quartier. Nombreux sont les gens de Plérin qui se souviennent encore de la " Marre " et des vieilles maisons qui la bordaient. Aujourd'hui, la marre a disparu. Comblée et asséchée, elle a fait place à un champ fertile ; des aspérités de terrain recouvrent à peine et laissent facilement deviner les fondations des antiques bâtisses qui s'élevaient en ce lieu. A quel endroit précis s'élevait le " palais de justice " ? Il est difficile de le dire. Les documents précis font défaut... A en croire de respectables traditions rurales, le " palais de justice " était situé non dans la plaine de Bellemarre, mais bien sur le " frèche ", dans les parages de la Communauté du Saint-Esprit. Ce " palais de justice " n'avait évidemment rien de somptueux. Spacieux, mal éclairé de petites fenêtres, il ressemblait aux gentilhommières de l'époque. Même, rien ne permettait à première vue de lui attribuer sa véritable destination. Les emblèmes de la justice, la potence, par exemple, se dressaient à quelque distance de l'immeuble, au Tertre-Vert. Il est vrai que la route départementale n'existant pas à cette époque, il n'y avait pas solution de continuité dans le terrain, qui d'un seul tenant, allait du Tertre-Vert à la Noë-Ridot. Si tout cet espace dépendait de la " justice de Bellemarre ", comme enclos, la potence placée au Tertre-Vert indiquait assez exactement l'entrée du domaine, et par son symbolisme, révélait la destination de l'immeuble qui s'y dressait.

Il serait extrêmement intéressant de savoir quelles causes étaient jugées à Bellemare et la nature des différends soumis à cette juridiction. Malheureusement, ces registres ont disparu, sauf un " Déal " ou cahier qui contient le sommaire des causes qui y ont été évoquées, depuis le 10 décembre 1649, jusqu'au 16 juin 1651. La majeure partie des affaires inscrites en ce registre ont trait à des nominations de tuteurs, ou pourvoiements de mineurs, à des dévolutions et translations d'immeubles et à la répression de quelques délits, maraudages ou contraventions de peu d'importance, qui prouvent bien que ce n'est pas le XXème siècle qui a introduit l'habitude déplorable de violer le précepte : " Bien d'autrui ne prendras ".

En 1436. la seigneurie de Bellemarre appartenait aux héritiers de Francois Bérard-Villemain.

Suivant aveu du 6 novembre 1525, la juridiction de Bellemarre s'étendait sur !es terres de Ville-Crohen. du Vau-Fossart, de la Ville-Tourault, du fief Tirot, de la Ville-Comart, de la Ville Nizant et de la Ville-Hervy.

En 1574. un héritier des Bérard-Villemain, Lancelot Bérard, aux tenues précédents ajouta celles de la Ville-Guymard, et de la Villc-Gervaux.

Le seigneur de Bellemarre possédait certains droits et privilèges assez curieux :

Droit de sceau, inventaire et provision de mineurs.
Droit de Moulin sur la rivière de Gouët et de moulin-à-vent sur son domaine.
Droit de colombier au lieu dit Bellemarre.
Droit de faire moudre au moulin de Colvé, lorsqu'il réside à Bellemarre, une "jûte" de froment, chaque semaine, sans aucune redevance de moulte.

" Et lui est deu au dit moullin de Colvé, lors de chaque foys qu'il va à la chasse du pain pour ses chiens, de la chair à son oyseau et de l'avoyne pour son cheval ".

En 1600, Lancelot Bérard vendit son fief et toutes ses dépendances, droits et privilèges afférents, à Messire Jean Tanouarn et Marguerite Raquel, seigneur et dame de Couvran, qui joignirent cette propriété à leur seigneurie et maintinrent les audiences de leur nouvelle juridiction à Bellemarre.

 

Couvran.

Moyenne justice : ayant droit d'armoiries, portant d'or à sept mâcles d'azur : 3-1-3.

Sous le règne du roi de France, Jean II, en l'année 1351, servait dans les troupes royales et guerroyait en Picardie contre les Anglais, un hardi, brave et habile "compagnon" sorti de la Flandre hollandaise et venu en France sans doute pour s'engager dans ces troupes formées de nobles aventuriers qu'une paix momentannée avait réduits à l'inaction et qui cherchaient tout prétexte pour combattre, prêts à offrir leurs services au premier venu et qui s'étaient organisés sous le nom de "grandes compagnies".

Il s'appelait Baudin de Couvran, du nom de ses ancêtres, anciens seigneurs de Couvran dans l'antique comté de Hasbain. Il se signala plusieurs fois par sa bravoure sur les champs de bataille où Français et Anglais étaient aux prises et où les troupes d'Edouard d'Angleterre eurent bien souvent l'avantage.

Là s'arrête ce que l'on sait de Baudin de Couvran : on ignore de quelle manière et en quel lieu il mourut.

Baudin était père de deux fils : Jean et Robin de Caouvran ou Couvran, qui s'associèrent quelques années plus tard à la fortune de Bertrand Duguesclin et firent avec lui la guerre en Champagne. Le Connétable, comme nous le verrons d'ailleurs. récompensa leurs services et Jean ayant quitté le métier des armes et s'étant marié à Louise Budes du Plessis-Budes (en Saint Carreuc), vint à Plérin fonder le château et la propriété qui porte aujourd'hui son nom et qui a été, pendant plus de 300 ans, le principal fief de la paroisse de Plérin.

Cependant, le château de Couvran, te! que nous le connaissons aujourd'hui, portant le nom de "Noblesse" n'est pas celui qui fut primitivement bâti. Du premier, il ne subsiste plus actuellement la moindre trace, sinon peut-être, encastrée dans le fronton de la porte d'entrée, une pierre armoriée, qu'une chute regrettable a rendue indéchiffrable ou autant dire.

Le château primitif, à en juger par l'importance de l'enclos muré, devait être vaste et beau. Monument de l'art féodal, il tomba ou sous l'action dévastatrice des siècles rongeurs, ou sous la pioche des démolisseurs, au temps de Richelieu, lorsque fut démantelée la tour de Cesson.

A la construction primitive, succéda un vaste bâtiment de style "renaissance" qui eut belle allure C'était une maison à deux étages à l'intérieur de laquelle serpentait un large escalier de pierre.

De vastes fenêtres, à l'encadrement simple de granit jaune, éclairaient des appartements pavés de brique en forme de losange.

La porte d'entrée de la maison actuelle est, elle aussi, intéressante : style renaissance. Mais déjà les cannelures des pilastres, comme leurs bases, sont mordues par le temps, et s'effritent. Quant au fronton. il n'en reste que le triangle bordé de denticules. Les arabesques ou les levrables qui soutenaient sans doute le blason disparu du seigneur, ont été complètement usées : on soupçonne encore de vagues formes, mais il est impossible de reconstituer le dessin.

Les cheminées, portes et encadrements des fenêtres du rez-de-chaussée sont tout ce qui subsiste, dans la banale construction actuelle, de l'ancien château renaissance. et n'était la grande porte cintrée de la cour, on ne se douterait vraiment pas que là, avant 1880. s'élevait un manoir important, construit vers l'an 1670.

Avant 1789, le château de Couvran avait des dépendances beaucoup plus considérables que celles d'aujourd'hui.

Il était entouré de deux étangs, actionnant deux moulins : l'un en bordure du "chemin carrosse", l'autre, occupant le pré qui s'étend devant ls fontaine sainte Elisabeth.

Un peu au-dessus de cet étang, à droite, presqu'en face du portail actuel de la cour, s'élevait un colombier, totalement démoli en 1885. Ses pierres en ont été transportées à la Ville-au-Roux, et forment aujourd'hui, des canaux en bordure du "chemin Vert".

Dans un angle du jardin, au-dessus de la vallée, s'élevait une chapelle assez spacieuse à N.-D. de Couvran et à sainte Elisabeth. De cette chapelle, subsistent aujourd'hui deux murs sans autre ornement que le lierre qui s'y accroche et lentement les disloque. En face de la chapelle, en contrebas. si trouve une fontaine.

Ces lieux sont aujourd'hui sans notoriété. Jadis, la chapelle Sainte-Elisabeth était un but de pèlerinage très suivi et la fontaine, elle aussi, recevait la visite des pieux pèlerins qui allaient y boire et s'y laver.

Devant le portail de la cour d'entrée, s'étend une avenue assez large. Aujourd'hui, elle est bordée en certains endroits de chênes amputés, drapés de lierre. Docilement, elle suit les capricieux méandres de la vallée qu'elle accompagne jusqu'au Légué.

Autrefois. cette avenue était célèbre dans le pays, par les chênes magnifiques qui la bordaient. Beaucoup de ces chênes ont servi à reconstruire, en partie, la charpente de l'église paroissiale en 1773.

Outre l'importance du château lui-même et de ses dépendances immédiates, la seigneurie de Couvran était à bon droit considérée comme l'une des plus belles propriétés du pays, à cause des nombreuses et belles métairies que possédaient ses seigneurs et à cause des rentes dont ils jouissaient et des redevances qui leur étaient dûes.

Lors de l'abolition des fiefs, les revenus de la seigneurie de Couvran se répartissaient comme suit :
1° La retenue de Couvran affermée : 300 fr. ;
2° La métairie de la porte de Couvran : 860 fr. ;
3° La ferme des Prémens (Préménos) : 630 fr. ;
4° La ferme de Bellemarre : 280 fr. ;
5° La ferme dit Fourio : 586 fr. ;
6° La dîme prélevée par la seigneurie de Couvran, sur la paroisse de Plérin, affermée : 600 fr.
7° La métairie de la Ville-Houart : 250 fr. ;
8° Le moulin du Port-Aurel 215 fr. ;
9° La métairie ou champagne des Mazières : 760 fr..

En plus : des Tenues ou "chef-rentes", dont la nombre se monte à 18 ou 20 et parmi lesquelles on compte celles de Cadoret, de la Ville-Hellio, de la Ville-Hervé, de la Ville-Nizan rapportant environ 165 boisseaux de froment.

Au total, le revenu des terres dépendant de la seigneurie de Couvran était de 5.200 francs environ.

Nous laissons pour mémoire le chapitres des droits seigneuriaux purement honorifiques et des préséances dûes aux seigneurs de Couvran. En qualité de possesseurs d'une chapelle latérale, dans l'église de Plérin, ils y avaient un enfeu : dans un autre chapitre, nous parlerons du tombeau du premier fondateur de cette chapelle : Messire Thébault de Tanouarn, seigneur de Couvran, conseiller au Parlement de Bretagne : 1583-1655.

Au nord du château seigneurial de Couvran, se trouve un chemin appelé, encore aujourd'hui, "chemin-carrosse". C'est par là que le seigneur se rendait à l'église paroissiale pour y assister aux offices et, seule, sa voiture avait le droit d'y passer. Tous les fiefs un peu importants avaient, du reste, paraît-il, un chemin semblable exclusivement réservé au seigneur et appelé ordinairement "chemin-vicomtier".

Parmi les nombreux possesseurs du fief de Couvran, nous ne relèverons qu'un nom : celui de Thébault de Tanouarn, inhumé dans l'église de Plérin.

Thébault de Tanouarn, né vers 1583, était !'époux de Marie Raoul et conseiller au Parlement de Bretagne. Il agrandit considèrablement son fief de Couvran, où il aimait à séjourner. En hiver, il habitait Saint-Brieuc. C'est là qu'il mourut le 2ème jour de décembre 1655, en sa maison de Kertanouarn (Cardenoual), où il reçut tous les sacrements de l'Eglise et fut enterré en sa chapelle dans l'église paroissiale de Plérin, le 22ème jour du même mois.

En regardant ce chevalier de pierre, gisant sur un sarcophage, on se fait une haute idée du puissant seigneur qui repose dans ce lieu sous l'arcade qui séparait la chapelle Sainte-Elisabeth du choeur de l'autel majeur.

Cette tombe de pierre a été mutilée, stupidement, en 1793, par des vandales inconnus. En 1803, quand le calme revint, et que les scènes antireligieuses firent place à des moeurs plus douces, les fabriciens en recueillirent les débris et les déposèrent dans le cimetière. Plus tard, une administration intelligente alla les chercher en ce coin où ils étaient entassés et les plaça où ils se trouvent aujourd'hui. Ce monument a été sculpté dans un granit de Kersanton. Le socle, élevé de dix centimètres, porte un sarcophage rectangulaire de deux mètres de long et large de 80 ou 85 centimètres.

Les deux faces principales sont ornées d'un écusson portant des armoiries grattées, mais que l'on reconnaît cependant pour être celles de la famille de Tanouarn, qui étaient "d'azur, à trois molettes (d'éperon) d'or ; à la bordure de même, chargée de huit mâcles d'or (ou d'azur)". A chacun des bouts et sur la face plus petite, sont sculptés, en ronde bosse, des lions supportant les mêmes écussons, surmontés d'un heaume.. Le cimier de l'un de ces casques est ouvert et creusé, de manière à former un bénitier destiné à recevoir l'aspersoir, lors de la cérémonie de l'absoute, quand on disait des messes aux intentions de la famille.

Tombeau de Thébault de Tanouarn, né vers 1583 et décédé en 1655,  conseiller au Parlement de Bretagne.

Sur le sarcophage est étendu un chevalier bardé de son armure, les yeux clos, les mains jointes, la poitrine couverte d'une cuirasse, le cou entouré d'une fraise plissée, les membres enveloppés de cuissards formés de lames d'acier ; les genoux garnis de genouillères en forme de losange.

Deux anges, à genoux, soutiennent l'oreiller du mort qui repose dans ses plis sa tête aux longs cheveux, aux lèvres encadrées de moustaches retroussées. Une levrette accroupie aux pieds le regardait (la tête, détachée, gît sur le sarcophage), jadis, ce tombeau si finement sculpté, était complété par les statues de deux moines qui lisaient leurs livres de prières devant le tombeau.

En 1674, à la mort de Pierre de Tanouarn, la seigneurie de Couvran cessa d'appartenir aux seigneurs qui portaient ce nom, pour passer aux mains de Jean-Jacques Regnouard de la Ville-Ager, conseiller au Parlement, et qui en devint propriétaire pour la somme de 92.852 livres 15 sous, en 1685 ou début de 1686.

Le domaine de Couvran resta dans la famille Regnouard de la Ville-Ager jusqu'en 1745 ; alors elle passa entre les mains de collatéraux qui étaient plus de trente et qui la vendirent le 25 juillet 1746, par devant Richelot, notaire à Rennes, pour la somme de 100.000 francs, à M. François-Marie de la Lande, chevalier, seigneur de Caslan et à Dame Anne Mahé de Kermorvan, son épouse, qui joignirent ce domaine à leur seigneurie de la Ville-Rault et maintinrent l'audience de leur juridiction à Bellemare.

En 1760. Messire Claude de la Lande et Dame Jeanne de Botherel-Quintin en étaient propriétaires. Ils laissèrent une fille unique, mariée le 30 décembre 1772 à Messire Innocent Adrien Maurice de Roquefeuille, qui était possesseur de cette terre en 1789.

 

La Ville-Rault.

Il n'existait en cet endroit aucune habitation importante avant la construction du château actuel qui ne remonte guère au-delà de l'année 1700. Jean Louis de la Lande Calan y naquit le 3 janvier 1713, il fut Commandeur de l'Ordre de Malte. Bâti avec précipitation, paraît-il, ce manoir avait prématurément vieilli, et dès l'année 1788. on fut obligé d'en réédifier la façade principale qui donne sur cour d'honneur.

Ses dépendances, sans être aussi considérables que celles du château de Couvran, étaient cependant importantes. Les vastes batiments qui servaient d'écuries et un potager de plus d'un hectare, clos de murs, en font foi et témoignent de la richesse des propriétaires de ce fief et du genre de vie qu'ils menaient.

A ce château attenait une chapelle dédiée à saint Jacques, et lieu d'un pélerinage très suivi. Cette chapelle était édifiée dans l'avant cour du château. Elle fut détruite immédiatement avant la révolution de 1793. Sur son emplacement on édifia une tour destinée à servir au télégraphe d'alors : télégraphie par signaux, suivant les principes aujourd'hui encore en vigueur dans les sémaphores. La disparition de cette chapelle vénérée et son remplacement par une tour de télégraphe ne furent pas du goût des vieux plérinais : et nous trouvons, en un vieux registre paroissial, un écho du mécontentement populaire. ainsi exprimé : " Les anciens puissants du pays avaient consacré cette chapelle de la Ville-Rault : et avaient dédiée au grand saint Jacques, pour y rétablir entre le ciel et la terre un saint commerce de vœux, d'hommages, d'ordres et de grâces ; les modernes l'ont employée à faire passer de Brest à Paris, et de Paris à Brest, des nouvelles, des ordres d'armements, de guerres, d'émeutes, de triomphes, de malheurs de toutes sortes ! ".

Avec ce vieux chroniqueur, un peu mélancolique, regrettons la disparition de cette chapelle : un lieu de culte fermé ou détruit, c'est un lambeau des traditions religieuses locales qui tombe, sans profit pour personnes, tout au contraire, au grand détriment de plusieurs. Nous aurons encore, à maintes reprises, à déplorer la disparition de plusieurs chapelles de villages, au cours de cette histoire.

On ne comprend guère en examinant la Ville-Rault, telle qu'elle apparaît en ce moment qu'une famille riche, puissante et quelque peu mondaine ait pu songer à y faire son séjour. On en sera moins surpris, toutefois, sachant que cette propriété, si nue maintenant. et dont les environs paraissent quelque peu austères et réfractaires à la végétation, était anciennement entourée de très beaux bois, dont une partie fut abattue et vendue en 1783, pour la somme de seize mille louis.

Les derniers propriétaires, malgré leur résidence habituelle à St-Brieuc, en leur hôtel de Kertanouarn (Cardenoual) avaient fait du château de la Ville-Rault leur résidence favorite. Ils s'étaient mis à le meubler et décorer magnifiquement. Par les récits de vieillards, morts depuis peu, on parle avec admiration de la galerie de portraits, qui ornaient ses boiseries finement sculptées. Cette galerie, dont quelques tableaux étaient remarquables, fut détruite lors de l'émigration de 1793. Ces tableaux furent brûlés dans le four à pain. Les riches tentures de velours et de soie furent sauvées et servirent à confectionner des ornements sacerdotaux pour l'église de Plérin, lorsque le culte y fut rétabli en 1802.

Nous avons donné l'état des revenus de la terre de Couvran en 80. Voici le relevé de ceux de Ville-Rault, à la même époque, avec le nom des différentes propriétés qui en dépendaient :

Quelques réserves du château affermées : 24 livres.
Ferme de l'Ile-Rault : 680 livres.
La Ville-Gled : 792 livres.
Le Buisson-Frésur : 648 livres.
La Ville-Neuve : 800 livres.
Beauregard : 330 livres.
La Marre-au-Bude : 450 livres.
Le moulin de Grognet : 150 livres.
La dîme d'Argantel : 138 livres.
Diverses fermes parmi lesquelles étaient ce de la Ville-Jou..et, de la Ville-au-Roux, de la Planche avaient 161 boisseaux de froment vendus ordinairement : 644 livres.
La tenue du Port-Martin, affermée 208 boisseaux de froment vendus bon an mal an : 800 livres.
Les droits sur les lots et ventes, dus à la seigneurie de la Ville-Rault, affermés annuellement 1570 livres.
Total : 7026 livres.

Ces biens, ajoutés à ceux de Couvran, donnaient à la propriétaire, Mlle de Calan, des revenus, qui à cette époque étaient considérés comme princiers. Mais là ne se bornait pas son avoir. Elle possédait encore les terres de Ker...ly et de l'Oursière avec leurs dépendances toutes deux sises en la paroisse d'Etables et la terre de la Lande, en Saint-Pôtan ; elle possédait aussi des fiefs en Tréméloir et Corlay et d'importants domaines dans les marais de Dol. La révolution de 1789 qui fit peut-être un peu de bien, mais certainement beaucoup de mal, déposséda de presque tous ses biens la propriétaire de la Ville-Rault et de Couvran, à tel point qu'en 1825, elle avait à peine de quoi vivre.

En 1423 existaient deux maisons portant le nom de Ville-Rault. Elles appartenaient alors à Jacques de Quédillac. L'une de ces maisons a gardé son nom, l'autre a pris celui de l'Ile-Rault, mais toutes deux faisaient partie du même fief.

Aujourd'hui, la Ville-Rault patinée par le temps, a encore grande allure et quand on aperçoit au fond de la longue avenue qui y mêne, cette massive et imposante construction, au toit effilé, on se rend compte de l'importance qu'eut jadis ce manoir seigneurial. A noter que le porche a été supprimé dans les années 1950.

Il court, dans le pays certaines légendes au sujet de cette maison. La tradition les a conduites jusqu'à nos jours. Faut-il y ajouter foi ? Faut-il croire à l'existence d'un souterrain reliant la
Ville-Rault à Couvran ? Pourquoi pas ? Il n'y a là rien d'extraordinaire, quand on se rapelle que pendant de longues années les deux châteaux avaient le même propriétaire.

Au passage, accordons un pleur aux beaux bois disparus et non remplacés tout autour de la maison seigneuriale de la Ville-Rault.

 

La Ville-Gohel.

Antique seigneurie, vassale de la Ville-Rault, la Ville-Gohel, dès l'an 1523, avait à Plérin une assez grande importance.

A cette époque. elle appartenait à Alain Favigot.

Elle doit sans doute son nom à l'un de ses plus anciens propriétaires Godefroy-Juhel qui en était seigneur en 1424.

Le domaine de la Ville-Gohel, dont faisait partie la Ville-Juhel, située de l'autre côté de la vallée du Gouët comprenait avec ses vastes terres de cultures, des bois étagés sur les pentes de la vallée. La maison d'habitation elle-même était entourée de hautes futaies.

Les revenus des seigneurs de la Ville-Gohel étaient évalués, vers 1525, à huit cents boisseaux de froment.

Jusqu'à la Révolution, la Ville-Gohel demeura toujours seigneurie et les divers propriétaires qui détinrent ce fief se montrèrent toujours jaloux des droits et privilèges qui y étaient attachés.

Parmi ces droits, un de ceux auxquels ils tenaient le plus, fut celui de chasse, garenne et colombier. Et cela s'explique fort bien. Le gibier abondait dans les côtes boisées dépendant de la Ville-Gohel. Le seigneur donnait des chasses renommées dans toute la région, et maints sangliers et chevreuils furent les victimes des "Nemrod".

A tort, le seigneur de la Ville-Gohel s'attribuait le droit de moyenne et basse justice. C'était là un artifice dont il usa pour donner plus de valeur à son domaine, lorsqu'il le mit en vente en 1523.

Au fait, la Ville-Gohel dépendait de la juridiction de Bellemarre.

Les privilèges des seigneurs de Bellemarre étaient une chapelle et un banc en la chapelle du Rosaire et Saint-Antoine dans l'église de Plérin. Là également, se trouvait, sous dalles armoriées, le caveau de la famille de la Ville-Gohel. En 1583. ils obtenaient que leur blason fut mis en noble place dans la chapelle du Sépulcre.

Attenant au manoir de la Ville-Gohel et dépendant de lui, s'élevait une petite chapelle.

Cette chapelle n'existe plus aujourd'hui. A peine quelques pierres en marquent-elles encore l'emplacement. Il en subsiste cependant quelques reliques : notamment la pierre d'autel, reconnaissable aux cinq croix gravées pour recevoir les onctions ; également subsistent quelques vieilles statues, sans grand intérêt artistique, conservées dans la ferme.

 

Le Grand-Pré.

Cette maison est très ancienne. Il fut un temps où seule, avec Couvran, elle avait droit d'armoiries. C'est la plus vieille seigneurie de Plérin et elle dépendait du seigneur de la Roche-Suhart. Son écusson était " d'argent à trois merlettes de sable, au chef d'or ". Nous n'avons pu connaître ses propriétaires au-delà de 1440, mais à cette date, on trouve déjà mention du Grand-Pré comme d'un vieux manoir.

Précisément, à cause de son antiquité, le Grand-Pré reste un peu mystérieux et son histoire connue et d'ailleurs assez banale ne remonte pas au-delà de la seconde moitié du XVème siècle. Toutefois la situation du manoir, et l'importance de ses bâtiments, il y a encore peu d'années, attestent que cette maison dut être puissante et riche, autrefois.

En 1440, le Grand-Pré appartenait à Prigent Le Métaër. Etait-il noble et indépendant à cette époque ? Nous l'ignorons. Mais en 1535, il est fait mention dans une « réformation » de Jean Le Métaër descendant de Prigent, et qui "se gouverna noblement".

En 1553. le propriétaire du Grand-Pré, Toupin, sieur de Kerprat, du Grand-Pré et autres lieux, faisait aveu à son suzerain (peut-être le seigneur de Couvran ?) pour droits d'hommage, bois de décorations, refuge à pigeons, volière, garennes, sur toutes ses terres.

Parmi ces terres, dépendant du Grand-Pré, se trouvaient la métairie noble de la Ville-Bédoret (aujourd'hui, sans doute, Ville-Erdoret) et la métairie noble de la Perrière.

En 1674, le Grand-Pré appartenait à Pierre du Bourblanc, sieur d'Apréville. Mais à cette époque, le domaine s'était considérablement agrandi, car il comprenait les tenues de la Ville-Gervault, de la Ville-Gaudu et de la Ville-Pipe-d'Or, plus des maisons au Légué. En 1757. la terre du Grand-Pré était la propriété de M. Gouyon des Briands, qui résidait à Ménéac (diocèse de Saint-Malo).

 

La Grange.

En 1441, la maison et manoir de la Grange appartenaient à Adrien du Fay et Catherine Madeuc, sa femme.

En 1535, cette propriété appartenait à noble homme Adrien Facil.

En 1583, le 3 juillet, elle devenait fief de Mathurin Bedel, qui ajoutait au domaine de la Grange un moulin sur le Gouët.

Suivant acte du 20 septembre 1674, écuyer Jean Silguy et dame Marie Botherel, son épouse, sieur et dame de Kadenec, possédaient alors la maison noble de la Grange, fief et partie des terres en dépendant, ci-devant possédées par le sieur Dufont-Leclerc. L'autre portion des terres en dépendant appartenait à la dame douairière de Caslan (ou Calan), qui l'avait acquise du sieur Henry de la Grange.

En 1678, la Granges. appartenait à Guillaume Le Hodec, sieur de Saint-Luc, qui, au nom de la Grange, ajouta " Guillehay " : La Grange-Guillehay.

En 1695, elle appartenait à Jacquemine Loysel ; en 1759, à M. de Kergueneck de Kerjeuf. En 1760 et jusqu'à la Révolution. elle appartint à la famille Fortin, de Saint-Brieuc. Les armoiries des Du Fay, seigneurs de la Grange, étaient : de gueules à sept mâcles d'argent : 3, 3, 1.

 

La Ville-Solon

Il existait très anciennement deux maisons nobles de ce nom. Elles étaient voisines et pour les distinguer, on appelait l'une, Ville-Solon-Rosmadec et l'autre Ville-Solon-Collet. En 1583, il est indiqué dans une acte de vente, en faveur de Guillaume de Rosmadec, que cette seigneurie possédait "le privilège de justice". Quant à la Ville-Solon-Collet, qui comprenait un colombier et de beaux bois, un acte de vente de 1750 lui reconnaît un "privilège de base justice". Toutes deux sont depuis longtemps converties en fermes.

A) VILLE-SOLON-ROSMADEC.

En 1439, la maison et le manoir de la Ville-Soullen ou Solon, appartenaient aux sieur et dame de la Roche-Jagu.

Cette dame de la Roche-Jagu était originaire sans doute de Plérin. Elle s'appelait Jeanne Péan, de la Ville-Mario. Son fils Jean de la Roche-Jagu fut tué en 1488, à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier.

Cette propriété était entre les mains de la dame de Vantebaux, en 1535.

En 1583, elle appartenait à Guillaume de Rosmadec, et dans l'acte de vente, on signale que la Ville-Solon, à cette époque, possédait le privilèqe de haute justice ce qui indique que cette seigneurie avait une importance considérable, que sa situation ne suffit pas à expliquer. Peut-être ce droit de haute justice était-il un privilège personnel et non local.

En tout cas, le 5 mai 1690. Eustache-Charles de Lys et Claire de Boisgelin. son épouse, acquéraient la Ville-Solon "domaine de basse justice".

Les documents font défaut pour savoir, de façon précise, à quelle époque, pourquoi et sous quel propriétaire, la maison noble de la Ville-Solon-Rosmadec a été dégradée, quant au privilège de la justice.

En 1695. dépendaient des propriétaires de la Ville-Solon, le fief du Vau-Hamon et le moulin des "Boissières".

B) VILLE-SOLON-COLLET.

La Ville-Solon-Collet, ainsi appelée, du nom de ses premiers propriétaires connus : Louis Collet, en 1442, Ollivier Collet, en 1535, Bertrand Collet, en 1543, Christophe Collet, en 1565, Georges Collet, en 1674, n'a pas laissé beaucoup de traces dans l'histoire de Plérin, à en juger par le nombre infime et insignifiant des documents qui concernent ce manoir. Toutefois, en 1750, un acte de vente reconnaît à ce domaine, privilège de basse justice et mentionne qu'il comprenait un beau colombier et de beaux bois qui s'étendaient jusqu'à Argantel.

 

Claire-Fontaine.

Domaine noble, qui de 1398 à 1587, changea maintes fois de propriétaires. Il appartint aux du Chatellier, aux de Plédran, aux seigneurs de Craffault, etc.

A partir de 1587, et jusqu'en 1695, d'abord, puis après un court intervalle, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, Claire-Fontaine demeura propriété de la famille Le Noir de Carlan.

Pendant très longtemps, les seigneurs de Claire-Fontaine eurent leur blason au-dessus de la grande porte de la chapelle Saint-Eloi, où d'ailleurs prééminence leur était dûe.

Les seigneurs de Claire-Fontaine avaient sous leur juridiction, les tenues de Bellande, la Ville-Godu, la Ville-Graslan (Grasle), Kerpoul (Kerpeux) et la Charpenterie.

 

La Ville-Huet.

Maison noble, de laquelle dépendaient la Planche, la Ville-Hervé et le Pont.

De 1441 à 1583, elle fut la propriété de la famille Gourrès. De 1583 à 1703. elle appartint à la famille Gendrot.

On ne trouve guère d'exemples, pour ces temps reculés, de propriétés aussi stables dans une même famille. On y voit encore deux pigeonniers d'origine et deux écussons représentant un heaume et un lion.

 

La Porte-Bréhand.

« Les peuples heureux n'ont pas d'histoire ». La Porte-Bréhand, non plus. A peine trouve-t-on mention du nom de trois ou quatre de ses anciens propriétaires : de la Roche-Brand, Berthou, Renouard, de la Villagers, seigneur de Couvran en 1701.

 

Les Rosays.

Le nom traditionel et original est « Rosays », et non « Rosaires ».

Le manoir des Rosaires a connu trois compagnes de construction : la partie à gauche serait la plus ancienne. Sur le linteau d'une fenêtre on peut lire la date de 1599 ou 1699. La partie centrale date du XVIIIème siècle. La partie la plus récente est la tour édifiée à l'initiative de la comtesse de Kergariou, en 1820, et les dépendances sont du XIXème siècle.

 

La Ville Houart.

Le corps du bâtiment est une construction du XVIème siècle. Les bâtiments annexes ont, semble-t-il, été reconstruits avec l'emploi de vieilles pierres, dont l'une porte la date de 1641..

 

La Cadoire.

De temps immémorial, lit-on dans le "Rentier" du Chapitre de la Cathédrale de Saint-Brieuc, La Cadoire a appartenu au Chapitre.

Celui-ci y faisait exercer, par ses officiers : sénéchal, procureur fiscal, notaires et sergents, la moyenne et basse justice, pour la contrainte de ses vassaux insoumis ou récalcitrants. Chaque année, au terme de Noël, chaque famille de la Cadoire devait fournir au Chapitre une rente de deux « justes », autrement dit, huit boisseaux de froment, mesure de Saint-Brieuc, moitié combles, moitié râcles. En cas de refus de payer cette rente, une amende de quinze sols frappait le délinquant.

Ce fief de la Cadoire fut donné au Chapitre par le roi de France et par les ducs et duchesses de Bretagne, avec charge, aux chanoines, « de prières, oraisons et intercessions ».

Et ainsi, il se trouvait qu'à l'exception des autres fiefs de la paroisse de Plérin, le fief de La Cadoire ne dépendait nullement des seigneurs de la Roche-Suhart, mais directement et uniquement du roi de France ou des ducs de Bretagne.

En 1419, les habitants de La Cadoire voulurent. on ne sait trop pourquoi, s'affranchir de certaines de leurs obligations envers le Chapitre propriétaire des terrains qu'ils exploitaient. Notamment, ils voulaient faire moudre leur froment aux moulins voisins de chez eux : Souzain et Grognets, sans doute, qui existaient déjà, au lieu de porter leur grain au moulin de Gouëdic. propriété du Chapitre.

Les chanoines furent obligés d'intervenir pour faire cesser cet abus et ramener dans le droit chemin des fermiers têtus qui voulaient s'en écarter.

Evidemment, les chanoines ne se souciaient qu'assez médiocrement du moulin choisi par leurs fermiers de La Cadoire ; mais judicieux, ils savaient qu'en tolérant un petit abus, c'était frayer la voie à des abus plus considérables.

Au XVème siècle. comme aujourd'hui, et comme toujours, il était plus sage de prévenir le mal que de le guérir.

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