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LA CHAPELLE SAINTE-ANNE DU HOULIN EN PLAINE-HAUTE

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Cette chapelle mérite notre respect ; elle a des origines très anciennes. Le vénérable abbé Robert, recteur de Plaine-Haute pendant de longues années, a laissé quelques pages pleines de simplicité et de foi vive où éclate son enthousiasme pour sa vénérable paroissienne.

Plaine-Haute (Bretagne) : chapelle Sainte-Anne du Houlin.

« La construction de cette chapelle, dit-il, remonte la plus haute antiquité ; nos archéologues la font remonter au XIIIème siècle, plus ancienne, par conséquent, de 300 ans que la chapelle de Sainte-Anne d'Auray ».

Quelles que soient les foules qui viennent à Sainte-Anne du Houlin, ne cherchons pas à établir des comparaisons avec le pèlerinage national des Bretons à Auray, mais ne tentons pas non plus de fixer une date trop précise dans les siècles lointains à notre modeste chapelle. Quelques vieillards l'appelaient encore, il y a plusieurs années, la grand'mère de Sainte-Anne d’Auray. Ils ne connaissaient pas très bien l'histoire ; mais ils savaient que les origines de ce culte se perdaient dans la nuit des temps. Les siècles avaient préparé la gloire moderne de sainte Anne.

« C'est là, s'écrie Mgr Freppel au couronnement de Sainte-Anne d'Auray, une de ces éclosions mystérieuses qui ne frappent l'esprit des peuples qu'au moment où ils en recueillent les fruits ».

Sainte Anne a raconté elle-même, au bon Nicolazic, la date de l'érection de son premier sanctuaire en Bretagne. Il fallait donc qu'elle tînt ferme à établir l'ancienneté de son amour de prédilection pour notre pays. — « Il y a eu, même avant qu'il n'y eût ici aucun village, une chapelle dédiée en mon nom. C'était la première qu'on eût bâtie en Bretagne, en mon honneur ».

Cet oratoire jouissait déjà d'une grande célébrité en 699. Il semble donc qu'il fut le premier érigé à sainte Anne en Occident, et contemporain de l'église élevée à Constantinople par l'empereur Justinien Ier, en l'honneur de sainte Anne.

« Elle suivit de bien près l'émigration bretonne, à laquelle nous croyons devoir l'attribuer », écrit Lallemand (chapelle de Sainte-Anne). La coïncidence de la propagation du culte de sainte Anne, en Orient, et la construction d'églises sous son invocation, à Jérusalem et à Constantinople, avec cette époque de paix et de prospérité commerciale pour le diocèse de Vannes, en communication maritime avec la Grande-Bretagne, avec l'Orient et les pèlerins de Jérusalem ; enfin le rapprochement des monuments du culte rendu à Sainte Anne et à saint Mériadec : quelles inductions plus fortes, dans le silence de l'histoire, pourraient nous fixer sur l'origine de la très ancienne chapelle de Sainte-Anne ? (Sainte-Anne d'Auray, p. 3).

« Déjà, ajoute l'abbé Nicol, d'intrépides marins, bravant les fatigues d'un long voyage, étaient allés vénérer les lieux sanctifiés par la présence du Sauveur, et des Bretons insulaires auraient suivi les ambassadeurs, envoyés par Childebert à l'empereur Justinien. Les premiers avaient pu voir, en Palestine, les trois églises dédiées à la mère de la Vierge ; les autres purent admirer, à Constantinople, le temple que Justinien élevait en son honneur ».

La première chapelle de Sainte Anne disparut en l'an 700. Sainte Anne a pris soin de nous le dire elle-même, en parlant au bon Nicolazic, le 25 juillet 1635. — « Il y a 924 ans et six mois qu'elle a été ruinée ».

Cette destruction remonte donc aux guerres civiles qui mirent aux prises les descendants de Budic avec ceux d'Hoël, après Judicaël qui avait donné à la Bretagne de grands exemples de vertu.

Comme ces détails, fournis par sainte Anne elle-même, nous mettent à l'aise pour recueillir avec un saint respect les récits des anciens qui nous parlent avec tant d'égards du modeste pèlerinage cher à leur piété ! Puisque la Bretagne connaissait et aimait si bien Anne au temps de ses saints et de ses premiers émigrants, pourquoi les habitants de notre région, seuls parmi tous les autres, l'auraient-ils ignorée ?

Le culte de sainte Anne peut donc remonter à une date très lointaine dans notre vallée du Gouët et la région qui l'entoure. Qui sait s'il ne vient pas indirectement de l'admiration que professait le clan de Fracan pour sainte Guenn, femme incomparable par sa vertu, mère de saints, qui enfanta sur ce sol que nous foulons saint Guennolé, le fondateur de l'abbaye de Landevenec, le type parfait des moines de ce temps ? Comment, en effet, ne pas songer à sainte Anne, en voyant une reproduction de sa physionomie morale ? Bossuet aurait pu redire de la maison de Fracan et de Guenn ce qu'il pensait de celle de Joachim et d'Anne, dans ses Elévations sur les Mystères XX sem. II élév.) « Leur maison était une vraie école de religion où l'on apprenait à servir Dieu dans la crainte ». Saint Jacut, saint Guethenoc, sainte Clerice formaient avec saint Guennolé la couronne de ces parents chrétiens.

Non loin du Houlin, au Tertre Jouan, dans la paroisse de Ploufragran, une ruine attire vos regards attristés. Près du château du Tertre Jouan, possédé jadis par le fameux Sylvestre Budes, gonfalonnier du Pape et filleul de du Guesclin, s'élevait une chapelle dédiée à sainte Guenn. Le temps, qui a transformé le vieux manoir en modeste ferme, a rongé les toitures du modeste sanctuaire. Des murs encore debout, mais menacés par les intempéries des saisons, nous rappellent le culte de celle qui a le mieux imité sur notre terre l'exemple de sainte Anne par sa piété et la sainteté de sa maison. En contemplant avec mélancolie ces ruines d'un oratoire vénéré, nous bénissons le ciel qui a conservé au Houlin sa chapelle et au peuple sa dévotion à sainte Anne.

A quelle époque se dressa le premier autel ? L'histoire, la tradition restent muettes, mais tout d'un coup nous rencontrons un document qui nous parle de la chapelle de Sainte-Anne comme existant à ce moment et peut-être depuis très longtemps. Un contrat nous révèle une vente faite le 8 avril 1529 par Guillot Le Roy à Jehan Le Voyer, sr de la Ville-Daniel, d'une rente de froment due audit Le Roy par Jacques Eouzan sur une maison et pièce de terre sises proche la place de la chapelle Sainte-Anne du Houlain.

Cette chapelle avait des sœurs dans la paroisse de Plaine-Haute. Nos campagnes bretonnes en étaient parsemées. Pas un quartier où ne s'élevât dans nos cantons un sanctuaire qui servait de centre à la dévotion des habitants d'alentour. La paroisse de Plaine-Haute possédait la chapelle de Saint-Méen et de Saint-Ignace, mais au moment dont nous parlons Sainte-Anne se construit. Les paroissiens, au prône de la grand'messe, le dimanche 17 octobre 1529, consentent au seigneur Jehan Le Voyer, du manoir de la Ville-Daniel, d'avoir les prééminences, armoiries et intersignes de noblesse aux lieux qu'il lui plaira.

De la chapelle de Saint-Méen, aujourd'hui détruite, nous est resté un porche qui, transporté sur les hauteurs du bourg, fait le plus bel ornement de l'église paroissiale.

Notre chapelle de Sainte-Anne pouvait lui envier une pareille porte ; mais les saints ne se jalousent point dans le paradis, et saint Méen, notre vieux saint breton, demande sans doute là-haut que les Bretons embellissent un jour la maison de leur patronne.

A la date du 12 septembre 1652, nous lisons une déclaration signée à la Ville-Daniel, par Nicolas Crespel, sr de la Maisonneuve, pour la tenue de la cave Saint-Méen, par où l'on voit que le dit Crespel devait par chacun an et jour de pardons et assemblées étant à la chapelle de Saint-Méen trois fois l'an, savoir : à chaque mardi de Pasques, les jours et férie de saint Jean-Baptiste et second dimanche de septembre, audit seigneur de la Ville-Daniel, ses fermiers ou commis en scavoir : au mardi de Pasques, une pinte de vin et un échaudé de froment bien boulangé, plein de nouées (noix), et aux autres jours d'assemblées suivantes une pinte de vin par chaque jour et par chaque barrique de vin...

Plaine-Haute (Bretagne) : manoir de la Ville-Daniel ou Kerdaniel.

Ce simple texte nous permet d'entrevoir les pardons l'autrefois combien plus nombreux à Sainte-Anne qu'à Saint-Méen. Le peuple accouru trouvera du vin, mais à chaque barrique une pinte sera prélevée pour les seigneurs de la Ville-Daniel.

Nous entendons bien parler de la cave de Saint-Méen, mais non de celle de Sainte-Anne. En ces temps où les communications se faisaient plus lentement, l'approvisionnement des sanctuaires en vin de messe réclamait beaucoup de prévoyance.

Il y avait aussi un privilège pour la vente du vin en ces assemblées et pardons.

Le 12 juin 1748, un procès s'engage entre le duc de Lorges et M. Florian Desnoës, au sujet de l'aveu du 23 novembre 1687 par M. Desnoës, père, par où l'on voit que les seigneurs de la Ville-Daniel avaient le droit d'avoir armes et droits honorifiques, tant en l'église de Plaine-Haute qu'en la chapelle de Sainte-Anne du Houlin, tant en pierre qu'aux vitres intérieurement. Si les pierres existent encore, comme nous l'avons constaté plus haut, les verrières ont disparu depuis longtemps.

Les seigneurs de la Ville-Daniel possédaient encore à Sainte-Anne, comme à Plaine-Haute, les droits de ceintures, escabeaux, accoudoirs, etc.

Il nous faut aussi chercher de menus détails pour nous représenter à peu près l'ancienne chapelle de Sainte-Anne, qui avait exactement les mêmes proportions que la chapelle d'aujourd'hui. Ces données incomplètes ne satisfont pas pleinement notre curiosité, mais nous fournissent quelques indices précieux. Ne faut-il pas recueillir les miettes quand la table est desservie ?

La plus ancienne chapelle nous restera toujours inconnue ; mais nous savons son existence et cela même ajoute à l'antiquité du pèlerinage et au respect qu'il nous inspire. Nous aimons à nous la représenter plus belle que son héritière, car les artistes du moyen âge avaient plus que ceux des temps modernes le sens de l'art religieux.

La chapelle actuelle du Houlin date de moins loin que la dévotion elle-même. Elle doit son érection aux Le Voyer, seigneurs de la Ville-Daniel, dont les armoiries se trouvent encore en plusieurs endroits et portent d'argent au chef de gueule, chargé de trois coquilles d'or. On distingue deux écussons assez bien conservés sur les deux culs-de-lampe des niches qui surmontent la porte principale.

Plaine-Haute (Bretagne) : chapelle Sainte-Anne du Houlin.

Quelques parties de l'édifice portent, malgré les restaurations postérieures, les caractères du XVIème siècle breton.

La Révolution, comme nous le verrons, ne l'a pas épargné, mais il fut relevé avec le culte catholique, dès que la Bretagne commença à respirer un peu et à recouvrer la liberté de sa foi et de sa piété.

La cloche de son campanile très simple n'a rien des bourdons solennels de nos cathédrales, mais sa voix chante, comme un pâtre, au milieu de la verdoyante vallée, pour convier tout le troupeau fidèle.

Ses fenêtres ont de modestes meneaux et ses murailles ne montent guère plus haut que celles des chaumières.

Si des étrangers venaient du diocèse de Vannes, où l’on honore si bien sainte Anne d'Auray, pour visiter notre pèlerinage du Houlin, nous en éprouverions quelque honte ! Pour nous excuser, nous invoquerions le soin avec lequel sainte Anne est célébrée dans notre grande église de Saint-Michel, à Saint-Brieuc, nous montrerions l'église de la séparation, Sainte-Anne de Robien, construite au lendemain même de la rupture du concordat, comme un témoignage de la foi du curé de la cathédrale en l'avenir religieux de son peuple ; au milieu même de tant de destructions. Oserions-nous parler de la piété des fidèles pour sainte Anne du Pont-Garnier et justifier ainsi la pauvreté de notre sanctuaire par la multiplicité des dévotions à sainte Anne ? Nous ne le tenterions pas et dirions simplement pour notre décharge que les Recteurs de Plaine-Haute ont eu si souvent à construire et à reconstruire leur église paroissiale, qu'ils ont négligé leur chapelle.

A notre époque, les églises de nos bourgs absorbent toutes les ressources des fidèles. Partout elles s'élèvent ou jeunes ou rajeunies, quelques-unes belles comme des cathédrales. Voyez les splendeurs de Ploufragan dont nous avons salué la flèche, en nous rendant à pied à Sainte-Anne, par la vieille route de Quintin. Tandis que le peuple chrétien prodiguait ses générosités pour ces admirables monuments, il négligeait ses chapelles de village.

Plaine-Haute (Bretagne) : chapelle Sainte-Anne du Houlin.

Consolons-nous en contemplant les routes qui dévalent vers Sainte-Anne... voici le mois de juillet. Elles sont noires de pèlerins qui accourent autour de la statue miraculeuse pour lui former un temple spirituel mille fois plus magnifique que son modeste temple de pierre;

 

LA STATUE.

Déjà vous vous mettez à genoux, pieux pèlerin, pour réciter les litanies de sainte Anne, ou lui adresser vos prières ; vous lui recommandez toutes les intentions qui vous tiennent au cœur, vos parents, vos amis, vos affaires, vos soucis, vos malades, voire même vos morts ; vous lui parlez de votre âme, de vos désirs de sanctification, de vos œuvres, de votre paroisse, du diocèse, de la sainte Eglise ; vous n'oubliez pas la France, notre chère Patrie, et cette petite patrie qui tient au cœur de ses fils, notre Bretagne. Votre oraison se prolonge et je n'aurai garde de l'interrompre, car voilà bien l'heure désirée, le but de votre voyage, le moment précieux de votre journée.

Maintenant que vous avez tout dit à sainte Anne, levez les yeux et regardez.

Au fond de la chapelle apparaît la statue de la reine de céans. Un jour céleste jette ses lueurs teintées d'azur sur la vieille sculpture aux tons vieillis. Ce contraste attire l'attention et tout d'abord étonne un peu le visiteur. L'antique chapelle s'est enluminée d'un ornement éclatant qui jure quelque peu avec sa vétusté. Oublions cette clarté étrange et regardons plutôt l'image sainte. Pour elle nous avons pris le bâton du pèlerin, à ses pieds nos genoux fléchissent : prions et contemplons. La prière des générations flotte encore, comme une fumée d'encens, autour du vieux tronc de chêne sculpté, que l'imagier d'autrefois a sculpté avec amour, pour glorifier Madame Sainte Anne, la mère-grand de l'Enfant-Dieu. Oui, c'est vraiment une grand'mère que nous avons sous les yeux, et nos pères ont voulu glorifier la mère de l'Immaculée, sous cet aspect très particulier. Elle est habillée à la mode orientale et coiffée en matrone, mais sa couronne nous dérobe en partie sa coiffure.

Remarquez que sainte Anne est assise, détail à noter, car les statues assises sont rares chez nous depuis le XVIIème siècle ; elle tient sur son genou droit l'Enfant-Jésus et montre à lire à la Sainte Vierge, petite fille revêtue d'une tunique historiée, qui est montée debout, à sa gauche, sur un tabouret.

Ce groupe, simplement encaustiqué dans le principe, a été rehaussé d'or et d'argent dans le courant du siècle dernier, et nous trouvons dans le manuscrit de l'abbé Robert quelques données assez curieuses à cet égard.

« On dit dans le pays, écrit-il, que le meunier du moulin de la Coste, voyant un de ses enfants tomber dans la rivière et passer sous la roue du moulin, le voua à sainte Anne en promettant que s'il était sauvé il ferait dorer la statue de la Bienheureuse. A l'instant même on vit l'enfant flotter sur la rivière, d'où on le retira facilement. Le père n'ayant pas tenu sa parole, l’enfant tomba une seconde fois ! Le père renouvela sa promesse et l'enfant fut sauvé de nouveau. Cette fois le meunier tint sa promesse, car les anciens attribuent à cet événement la dorure des statues de sainte Anne, de la Sainte Vierge, de l'Enfant-Jésus et de deux anges réunis autour du groupe ».

Nous aimons notre sainte Anne du Houlin telle que le passé nous l'a léguée, et avec notre Brizeux, nous chanterons : Merci, Mère si bonne ! - Quand l'univers jaloux - Voudrait avoir ton trône, - Tu l'as mis parmi nous !

Nous avons rencontré plusieurs fois, en Italie, des groupes composés de sainte Anne, de la Sainte Vierge et de l'Enfant-Jésus, analogues à celui de Sainte-Anne du Houlin. Ne vous arrêtez pas à l'anomalie de ces trais âges assemblés. Le sens mystique de cette statue en fait oublier le contresens historique.

Saint François de Sales en a délicieusement interprété le symbolisme dans une lettre à sainte Jeanne de Chantal : Le 29 Mai 1605. « Voilà ma fille, l'image que je vous envoie : elle représente Vostre Saincte Abesse pendant qu'elle estoit encore au monastère des Mariées, et sa bonne Mère qui estoit venue au Couvent des Veuves pour la visiter. Voïez la Fille comme elle se tient les yeux baissés ; c'est parceque elle ne peut regarder ceux de l'Enfant : la Mère au contraire les élève parcequ'Elle regarde son Poupon. Les Vierges ne lèvent les yeux que pour voir ceux de leur époux, et les Veuves les baissent si ce n’est pour avoir le même honneur. Votre Abesse est glorieusement ornée d'une couronne sur la teste, mais regarde embas sur certaines petites fleurs éparses sur le marchepied de son siège. La bonne Mère-grand a près de soi à terre un panier plein de fruits. Je pense que ce sont les actions de saincteté, des vertus humbles et bases qu'elles veut donner à son Mignon, tout auscitost qu'elle l'aura entre ses bras. Au demeurant, vous voïés que le doux Jésus se penche et se tourne du costé de sa Mère-Grand, toute Veuve qu’elle est, mal coëffée et simplement vestue : il tient un monde en ses mains, lequel il détourne doucement à gauche, parcequ'il scait bien qu'il n'est pas propre, aux Veuves ; mais, de l'autre, il lui présente sa saincte bénédiction…. . Signé : + FRANÇOIS, Ev. de Genève ».

Existe-t-il un type historique de sainte Anne ? Il ne semble pas que la tradiiton nous ait rien laissé qui permette de fixer sa physionomie. Ordinairement, les artistes la représentent en compagnie de la Sainte Vierge. Cependant, à Quintin, dans la Collégiale de N.-D. de Délivrance, le sculpteur l'a représentée en vieille femme marchant seule, un bâton de voyageur à la main.

Au musée de Bruxelles les touristes admirent un triptyque de Van Orley, représentant le mariage de Joachim et d'Anne et son offrande au temple. Un triptyque est un tableau peint sur trois volets dont deux attachés en côté du troisième par des charnières, se replient sur lui et le ferment comme une fenêtre.

Unissons dans notre culte, chers pèlerins, le père et la mère de la Sainte Vierge, car ils ont eu l'un et l'autre l'honneur d'avoir donné le jour à la plus belle, à la plus parfaite des créatures.

Joachim s'appelait aussi Héli et comptait parmi ses ancêtres dix-huit rois de Juda. Comme Abel, il était pasteur. Il résidait à Nazareth.

Anne ou Hannah (grâce) habitait Bethléem et descendait aussi de la race de David. Une partie de son enfance s'écoula à Sephoris, non loin de Nazareth, ce qui explique comment, à 19 ans, elle rencontra Joachim.

Leur mariage se célébra selon le rite juif, à la grande joie des deux maisons. La probité, la vertu de Joachim lui attirèrent les bénédictions du ciel dans ses affaires et la fécondité de ses troupeaux, mais ne semblaient pas lui valoir de postérité. Aucun enfant, hélas ! n'égayait son foyer. Anne brillait par sa charité et partageait en trois parts ses modestes revenus, nous dit saint Jérôme, celle de l'autel, celle des pauvres et troisième pour leurs besoins personnels. Elle souffrait aussi cruellement de sa stérilité.

Une sorte d'opprobre s'attachait à leur situation, parce que Dieu leur enlevait tout espoir de voir naître le messie de leur postérité. Comment se fait-il donc qu'aujourd'hui, dans cette statue de sainte Anne du Houlin, nous honorions la patronne de la Bretagne patriarcale, la protectrice de la famille bretonne, le modèle des mères et des grand’mères ? En la voyant, nous songeons à ces fermes d'autrefois, où, dans la grande salle de nos vieilles gentilhommières, plusieurs ménages se groupaient sous le regard des grands-parents, où plusieurs berceaux se balançaient à la fois sur la terre battue de l’aire du logis. Trois générations se rencontrent et s’unissent dans ce groupe naïf ; comme elles cohabitant et s'entendent dans les races paysannes qui gardent les mœurs d'autrefois.

L'heure de la divine fécondité sonna après celle de la douloureuse stérilité.

L'histoire de l'Immaculée-Conception ne nous apparaît guère qu'à travers les brumes de la légende de ses origines historiques. Et cependant nous aimerions à savoir comment Joachim et Anne méritèrent de donner au monde l'enfant sans tache qui, seule dans l'humanité, échappa au péché originel. Depuis vingt ans qu'ils avaient contracté mariage selon les rites mosaiques, ils n'avaient donc pas de postérité. Cette malédiction paraissait d'autant plus grave que les temps du messie approchaient et qu'il devait naître de la race de David.

Se souvenant de l'épouse d'Elcana, sainte Anne priait avec toute la ferveur de son âme :

« Mon Seigneur et mon Dieu, vous qui dans votre miséricorde prenez pitié des malheureux, considérez malheur... Sous le coup des malédictions portées par nos prophètes, me voilà repoussée de mon peuple et méprisée des femmes mes sœurs. O Dieu de bonté, ayez pitié de votre servante, abaissez sur elle un regard favorable ».

Ah! qu'ils furent tristes pour eux, les jours de fête au temple de Jérusalem, quand leurs amis les considéraient avec défiance et mépris, à cause de leur stérilité.

« Seigneur des armées, disait Anne, comme au 1er Livre des Rois (I, II), si vous daignez regarder l'affliction de votre servante, si vous vous souvenez de moi et si vous donnez à votre esclave un enfant, je vous le donnerai moi-même pour tous les jours de sa vie ».

Un jour même, au temple, le prêtre Ruben refusa son offrande et celle de Joachim.

— Il ne t'est pas permis, dit-il à celui-ci, d'après le pseudo évangile de Mathieu (Chap. II), de te mêler à ceux qui offrent leurs sacrifices à Dieu, ni de présenter ton offrande, car le Seigneur ne t'a pas béni, puisqu’il ne t'a pas donné d'avoir un rejeton en Israël.

Joachim, inconsolable, s'en alla dans la campagne solitaire. Là il dressa sa tente au milieu des brebis, et pendant cinq mois personne n'entendit plus parler de lui.

Un jour, Anne se promenait dans son jardin. Il m’était ni aussi frais, ni aussi verdoyant que notre vaallée du Gouët, bien que tracé dans la riante Galilée. Elle aperçut un nid de passereaux, un de ces petits mids d’où les oiseaux vont prendre leur essor, comme le pèlerin en aperçoit dans les buissons des collines de la coste et de la Ville-Daniel.

« Hélas ! s'écrie-t-elle, nous dit le Protévangile au Chap, III, à qui suis-je semblable ? Je ne puis être comparée aux oiseaux du ciel, car les oiseaux du ciel sont feconds devant vous, Seigneur ».

Ce fut à Jérusalem, dans leur maison de la Probatique, que le Seigneur leur accorda Marie.

« C'est là, dit Dom Guéranger, que, dans la sérénité du paradis, germa sur la tige de Jessé le béni rejeton salué du prophète, et qui devait porter la divine fleur éclose au sein du Père avant tous les temps ».

En cette statue de sainte Anne du Houlin, admirons à la fois la tige de Jessé, sainte Anne ; le béni rejeton, Marie ; la divine fleur de l'éternité, Jésus.

C'était le 8 décembre ! Ineffable mystère que Pie IX a défini le 8 décembre 1854, que Notre-Dame de Lourdes a proclamé elle-même par cette parole, le 25 mars 1858 : « Je suis l'Immaculée-Conception ! ».

Comprenez-vous maintenant, pèlerins, pourquoi un recteur de Plaine-Haute et de pieux fidèles ont creusé, en face de la chapelle, dans le granit de la colline, une grotte de Lourdes ? Saisissez-vous maintenant le lien qui unit la dévotion à sainte Anne et la dévotion à l'Immaculée de Lourdes ? Seule une Immaculée pouvait donner Jésus au monde ; seule une sainte Mère- préparer l'Immaculée.

Les menuisiers et les ébénistes ont pour patron sainte Anne. Au-dessous de l'image de leur corporation représentant sainte Anne instruisant Marie, ils inscrivent ces mots : Sic fingit tabernaculum Dei. Ainsi elle fait un tabernacle à Dieu. Les menuisiers et les ébénistes ne fabriquent-ils pas les autels et les tabernacles pour Jésus-Hostie, comme Anne a donné au monde le sein qui devait être l'autel et le tabernacle de Jésus-Enfant ?

A Saint-Brieuc, à Quintin, à Lamballe, à Châtelaudren, les menuisiers ornent leurs maisons et leurs ateliers de fleurs le jour de la fête de sainte Anne. Voilà le gracieux et touchant symbolisme qui justifie le choix de leur fête patronale. Ils le comprendront en venant à Sainte-Anne et en regardant sainte Anne du Houlin, notre brochure en mains. Et vous, mères, contemplez-la comme un exemple.

Un vieux chant breton, d'après une gravure de Jérôme Wieria, chantait ainsi la Vierge Marie dans les bras de sainte Anne et dans son berceau : Dormez, dormez, ma toute belle, - Plus belle que le soleil ; - Dormez, ma douce colombelle, - Dormez ce beau sommeil, - O gente enfant, dedans le monde - Sans tache grandirez ; - Oncques n'aurez nulle seconde ; - Reine au ciel vous serez, - Du paradis anges descendent - N'ont vu d'enfant si beau, - D'aise ravis, leurs vols suspendent - Dessus votre berceau.

A Sainte-Anne du Houlin la Vierge a grandi et sa mère lui apprend à lire dans les livres sacrés. Imitez votre modèle, mères, institutrices chrétiennes, dames catéchistes qui enseignez; apprenez la docilité, enfants du logis et du catéchisme, élèves de nos écoles ; imitez tous Anne et Marie.

Sainte Anne et saint Joachim reposèrent dans le sépulcre familial, d'où la Vierge Marie s'échappa un jour en son Assomption glorieuse ; mais ils ne sont pas morts tout entiers ; ils vivent au ciel et dans notre mémoire.

Anne, surtout, revit dans cette statue du Houlin qui nous rappelle que toute gloire lui vient à elle par Marie et à Marie par Jésus. Ce vieux tronc de chêne sculpté a entendu bien des prières, des plaintes et des confidences, il a vu beaucoup de larmes. Il ne racontera rien, mais il paraît bien qu'il en est resté quelque trace, car aucune statue neuve ne nous parlerait si doucement au cœur.

Vous vous en éloignez à regret, pieux pèlerins, mais vous ne quitterez pas les rives du Gouët sans lui dire un bonsoir filial. Aussi la bonne Madame sainte Anne vous sourit comme si elle nous répondait par un maternel à bientôt. Que ne pouvons-nous dresser ici nos tentes ?

 

LES VOISINS DE SAINTE ANNE.

Après les hommages rendus d'abord par les paysans et les seigneurs du voisinage, la dévotion à sainte Anne du Houlin avait gagné le pays de Saint-Brieuc et le Quintin. La proximité du manoir des Châtelets, où nos évêques venaient se reposer des fatigues de leur harge pastorale, valait souvent aux fêtes de la chapelle la présence d'un pontife. Leur tendre dévotion à sainte Anne du Houlin a laissé un fidèle souvenir dans mémoire des habitants du pays, qui se rappellent leurs largesses et leur protection.

Un acte de Nicolas, abbé de Saint-Melaine, nous montre Guy de Montfort, évêque de Saint-Brieuc, au manoir épiscopal des Châtelets, en 1339.

Jean de Montfort confisqua ce manoir à Hugues de Monrelais, l'un des plus illustres pontifes qui aient honoré le siège de Saint-Brieuc. Ce prélat fameux dans histoire avait pris le parti de Charles de Blois.

Sainte Anne ne tarda pas à retrouver ses voisins traditionnels. Hugues de Montrelais, procurateur de la comtesse Jeanne de Montfort, au traité de Guérande, y obtint, le 12 avril 1365, la restitution de son manoir rural au milieu des bois. En 1409, Preczart, trésorier du duc Jean, voulut rejoindre son maître à la Roche-Derrien, avec un convoi parti des Châtelets et riche de 300 écus en espèce et en vaisselle d'argent, robes et autres biens et ustensiles. Il prit la route de Quintin. Est-ce que par hasard la bonne Madame sainte Anne était du parti de Blois ? Je ne le sais, mais les gens d'armes de Guingamp et Lamballe arrêtèrent le convoi.

Oncques le pauvre trésorier ne revit ses trésors.

Christophe de Penmarc'h aima beaucoup cette résidence et la reçut en état en 1503 et 1504.

Mgr Frétat de Boissieux ne dut guère fréquenter Sainte-Anne du Houlin, car il s'attacha si peu à ses Châtelets qu'il en détruisit la chapelle, au grand déplaisir de son successeur, Mgr de la Vieuxville.

En général, les Evêques de Saint-Brieuc fréquentaient donc régulièrement les Châtelets, comme l'atteste une précaution économique des statuts du Chapitre de Saint-Brieuc : « Que le seigneur Evêque, tant qu'il est dans la ville, reçoive le pain capitulaire comme les chanoines, c'est-à-dire un boisseau et demi de froment par semaine ; mais quand il sera aux Châtelets ou ailleurs hors ville, il ne recevra rien ».

Mgr de la Vieuxville reconstruisit du reste le manoir des Chaitelets. C'est dire qu'il s'y attacha et qu'il aima ses bois et ses eaux.

En 1765, les magnifiques bois des Châtelets redevinrent des landes, mais furent ensuite replantés par les derniers évêques de Saint-Brieuc avant la Révolutions. Les comptes de Mgr de Bellescize nous révèlent qu’il aimait à se rendre soit en chaise, soit à cheval, à sa mainson les champs.

Aux beaux jours d'été, quand les soirées se prolongeaient, les voisins de sainte Anne aimaient à descendre chez elle pour y réciter leur prière du soir. Ils remontaient ensuite aux dernières lueurs du crépuscule, sous les bois sombres et dans les avenues déjà maires, pour rejoindre leur logis.

Aussi le vieux sanctuaire a-t-il gardé un vrai parfum d’antiquité. Une impression religieuse nous saisit en y entrant, comme si toutes les prières de nos pères s’additionnaient aux nôtres pour leur donner une valeur nouvelle.

La chapelle se détache à nos regards sur le fond de verdure des grands bois de la Coste Saint-Julien, et nous n’aurions pas fini avec le passé, si nous oubliions de parler de ce voisinage immédiat que nous avons seulement indiqué.

Quel chemin prendrez-vous, curieux pèlerin, pour admirer la propriété de la Coste ? Si vous entreprenez une pénible ascension à travers bois, vous vous heurterez aux murailles qui entourent le parc privé.

N'avez-vous pas observé leur masse imposante à l'endroit où le coteau se ravine ? Cet épaulement de Pierre est un dernier reste des ouvrages fortifiés de l'antique château, aujourd'hui disparu. Tout proche s'ouvre le souterrain parfaitement conservé sur une longueur de soixante mètres. N'écoutez point les bonnes femmes qui vous raconteraient tout ce que les galeries souterraines inspirent à l'imagination des conteurs de veillée. Comme les peuples heureux, il n'a pas d'histoire. Les hôtes de la Coste furent d'ordinaire pacifiques et généralement aimés des populations d'alentour. Les nouveaux propriétaires, mieux encore que les anciens, y ont exercé une heureuse influence par leur dévouement et leur charité. Leur demeure actuelle consiste en une maison moderne, accostée de pavillons de meilleur style. Le parc est merveilleux avec ses avenues, ses eaux, ses taillis, ses trouées à travers la futaie d'où le regard s'étend en profondeur jusque dans les méandres de la vallée du Gouët, en hauteur jusque sur le sommet de la haute colline que couronne le clocher de Plaine-Haute.

Bretagne pittoresque nous apparaît là dans tout son charme, avec ses brusques mouvements de terrain, ses blocs de granit isolés par le travail des eaux, ses sources claires, ses grands bois, ses ravins où coulent de courantes rivières, voire même ses menhirs et ses pierres sacrées, témoins d'un autre âge.

Voilà, certes, une des plus belles propriétés de la région. Les dernières pentes s'inclinent pour recevoir au bord du Gouët les pèlerins de Sainte-Anne et leur procurer sur les gazons verdoyants un repos mérité par les fatigues de la route.

Plus d'une fois, le long de ces pentes gazonnées et boisées, descendirent deux pieuses châtelaines de la fin du XVIIème siècle, Sainte et Magdeleine du Gouray, toutes deux filles de Jean-François du Gouray, marquis de la Coste, baron de Crapado, et de Madeleine de Rosmadec. Elles vénéraient sainte Anne du Houlin. Sainte du Gouray épousa Louis de Bréhant, comte de Mauron et de Plélo ; Magdeleine, le marquis de Langeron, lieutenant général des armées du Roi. Les deux sœurs se rappelaient que leur aïeul, messire Guy du Gouray, filleul du maréchal de Guébriant et plus tard son beau-frère, avait répandu d'abondantes largesses en ce lieu béni, avant de quitter le monde pour entrer dans l'état ecclésiastique, à la suite de la mort prématurée d'une épouse tendrement aimée, Renée Budes, sœur du maréchal. Cet héritage de foi et de piété leur tenait au cœur d'autant plus fortement que deux de leurs tantes avaient voué leur virginité au Seigneur, et qu'elles se retrempaient de temps en temps près d'elles en de pieux entretiens.

La terre de la Coste était entrée dans la maison du Gouray par le mariage d'Olive Dolo, dame de la Coste, avec Louis du Gouray, favori du duc François et gouverneur de Moncontour.

Plus tard, le comte de Langeron faillit compromettre l'avenir de ce magnifique domaine. Il avait la manie du jeu. Un jour, à Paris, il se lança dans une partie de dés avec un gentilhomme de ses amis. Entraîné par sa funeste passion, source de tant de ruines, et fille de l’avarice et de l'orgueil, il épuisa ses derniers ressources et mit pour enjeu le château de la Coste et les terres qui en dépendaient. Il détourna les dés et perdit ! Son partenaire, resté seul avec un des laquais du comte, lui demanda s'il venait de faire un gain de haut prix… Le rusé domestique, qui affectionnait son maître, répondit nonchalamment que la Coste était bien nommée, que c'était un nid de cordeaux perché sur une côte isolée au milieu d'une lande inculte. Peu satisfait de la description, le gentilhomme jugea que cette terre ne valait même pas la peine d'une visite. Il alla trouver le comte de Langeron, lui propasa une nouvelle partie ; la Coste est remise en jeu ; le comte tourne les dés ; il avait regagné sa terre. Heureux de sa victoire, et corrigé à jamais de la passion du jeu, le comte de Langeron revint à la Coste que lui était devenue chère : « O fontaine d'argent, s’écria-t-il en la revoyant, trésor inépuisable, jamais, nom jamais je ne te jouerai... ».

Autrefois, à l'occasion du pardon de Sainte-Anne du Houlin, il y avait des réjouissances analogues à celles des fêtes de Saint-Mathurin de Moncontour. De même que les seigneurs des Granges ouvraient sur la fameuse esplanade la danse de la dérobée, de même le marquis de Langeron, seigneur de la Coste, ouvrait lui-même les danses sur l'esplanade du château de la Coste, dominant l'admirable paysage qui se voit encore du perron du nouveau château. Au son des binious et des instruments de musique populaire, les gens du voisinage prenaient leurs ébats avec un ordre et une modestie que nous ne retrouvons plus dans les danses voluptueuses de notre époque. Les plaisirs eux-mêmes, en ces âges de foi, se tempéraient sous l'empire de la religion. Nos pères n'étaient point toujours des saints, mais ils admettaient que la morale évangélique imposât ses bornes à leurs passions, et lorsqu'ils s'en éloignaient, ils ne cherchaient point à s'en excuser au moyen de théories ingénieuses ou d'un commode scepticisme, mais avouaient ingénument leurs faiblesses avec des larmes de repentir.

Un Dolo, seigneur de la Coste, érigea la croix qui se trouve en Saint-Julien, près de Plaintel. Cet ex-voto rappelle l'intervention miraculeuse de saint Pierre qui le guérit de la fièvre des marais. Elle ne manque pas de cachet archéologique ; mais surtout elle nous invite à mieux invoquer les saints. Notre-Seigneur se plaît à exaucer nos requêtes, mais il aime à les recevoir des mains de ses serviteurs les plus aimés. Nos campagnes ont mieux conservé que les villes cette tradition, et le ciel les récompense par des grâces extraordinaires accordées aux pèlerins de nos fontaines saintes et de nos petites chapelles perdues au loin. et trop souvent négligées par les paroisses d’où elles dépendent. La croix Dolo nous avertit que le bras du prince des apôtres ne s’est pos raccourci.

Sur cette croix Dolo, que est du XVème siècle, est sculpté dans le granit un chevalier armé de toutes pièces, à genoux, les mains jointes, et paraissant faire amende honorable à un évêque crossé et mitré, également scuplté au centre du croisillon, et debout au-dessus de la tête du chevalier. M. Gaultier du Mottay pense que c’est un Dolo, seigneur de la Coste, invoquant saint Nicolas qui a, non loin de là, une chapelle bâtie en son honneur. Nous croyons plutôt qu’il invoque saint Pierre pour obtenir la guérison mentionnée plus haut.

Le manoir le plus voisin de Sainte-Anne du Houlin n’est pourtant pas la Coste Saint-Julien. Levez les yeux, pélerins, ou plutôt prenez le chemin que monte à flanc de coteau près de la chapelle, et vous vous trouverez en face de la Ville-Daniel. Les Daniel appartenaient à l'évêché de Saint-Pol-de-Léon et jouissaient au XVème siècle de la seigneurie de Helin. Ils portaient dans leurs armoiries : D'azur à deux coupes couvertes d'or. M. le comte de Tournemine se demande, dans son Aperçu de l'Histoire de Crenan, s'il y a quelque rapprochement à faire en cette seigneurie de Helin et le Houlin de Plaine-Haute, vers lequel nous avons dirigé nos pas par dévotion à sainte Anne. La question reste sans réponse : elle méritait d'être soulignée, car il y a là plus peut-être qu'une coïncidence bizarre.

Cette vieille gentilhommière date du XVIème siècle. Si vous avez de bons yeux, regardez en haut de la tourelle et vous lirez ces chiffres, 1559 qui nous indiquent sans doute la date de l'achèvement du manoir.

Autour d'elle il y avait des maisons, cours, métairies, vergers, jardins, plesses, rabines, bois de haute futaie, garrennes, colombier, moulin avec son « érusse », c'est-à-dire son déversoir.

Regardez-la de la cour intérieure avec sa tourelle au toit trop surbaissé, ses fenêtres. et ses portes, le haut pignon et le toit élevé d'une de ses ailes, ses cheminées hardies, vous y trouverez le type de ces vieux manoirs bretons où une noblesse, tour à tour guerrière et laborieuse, tantôt conquérait de la gloire sur les champs de bataille, tantôt se mêlait à la foule obscure des laboureurs pour gagner sa vie.

A Saint-Julien se trouvent un beau menhir, dit la pierre longue, de 6 m. 25 de hauteur, près de la Ville-Thiénot, un autre menhir fusiforme de 3 m. 60 de hauteur dans le champ des Bréjeons, près de la Ville-Toqué, un dolmen renversé près de Saint-Gilles, des pierres à bassins sur le sommet d'un promontoire, près de la Ville-Chambrin.

M. Gaultier du Mottay, dans son Répertoire Archéologique, nous a signalé ces richesses, et bien que ces monuments nous rappellent des temps antérieurs, de longs siècles, au culte de sainte Anne, ils font partie du trésor historique de notre pays et de la beauté de nos paysages. Nous ne reconnaîtrions pas notre Bretagne sans ces étranges monuments autour desquels notre imagination construit mille légendes.

Les menhirs, les cromlec'hs, les dolmens ne sont pas des monuments druidiques. Ils sont antérieurs de plusieurs siècles à l'arrivée des Celtes dans les Gaules.

Les archéologues les appellent des mégalithes ou grandes pierres. Ces monuments funéraires et religeux ont été construits par les peuples des temps préhistorique, dont nous ignorons l'origine et l'histore. Longtemps on les a attribués aux druides, parce que ceux-ci ont continué les sacrifices humains, qui se pratiquaient chez ces peuplades mystérieuses, mais en réalité ils leur sont bien antérieurs.

Vous ne saurez pas, touristes curieux, les trouver tous après avoir achevé vos dévotions à sainte Anne du Houlin, mais vous n'omettrez pas le plus beau, celui que Mgr David se plaisait à admirer et près duquel il aimait à s’asseoir pour savourer la poésie de l'évocation du plus lointain passé de son peuple.

A deux kilomètres de Saint-Anne s’élèvent en effet le beau menhir de la Croix-Cadio et les pierres à bassins destinées aux sacrifices. Nos ancêtres préhistoriques rattachaient leurs croyances à la vie du sol, aux grands bois, aux rocs sauvages, à tous les beaux spectacles de la nature. Ils vénéraient les chênes, les ifs, les frênes et les pierres. Aussi nous ne sommes pas surpris qu'ils aient choisis les pentes de cette vallée du Gouët, si pittoresque et cet endroit. Ils dressèrent ce monolithe de granit pour y marquer le lieu cher à leur religion.

Ah ! le beau site, le merveilleux paysage, le vrai lieu de repos pour se détendre des soucis de gouvernement et de la fatigue des courses apostoliques ! Vraiment, Mgr David avait bon goût !

Quel contraste entre ce pontife aimable de la religion de Jésus-Christ et les prêtres antiques dont les doctrines mélangées de sagesse philosophique et de grossières superstitions, attestaient l'impuissance de l’homme à trouver, par la raison même la plus haute, le secret de nos destinées et le chemin du paradis ?

Si nous gravissons la côte qui conduit de Sainte-Anne du Houlin au bourg de Plaine-Haute, armons-nous de courage, car elle ne se lasse point de monter pendant 3 kilomètres environ. Les gens vous montreront avec fierté une église restaurée en plein régime de séparation de l'Eglise et de l'Etat, par un accord de tous les citoyens et la majorité du Conseil municipal de la commune.

Vous en observerez les vieux saints bannis de beaucoup d’autres églises et pieusement conservés dans celle-ci. L’horizon est immense. A nos pieds nous avons tout le bassin de Plaintel, mais le vent souffle fort sur ces sommets : regardez promptement.

Cette église de Plaine-Haute qui vient d'être restaurée un plutôt reconstruite, avait eu sa première pierre posée le 21 octobre 1838. La première partie du XIXème siècle ne nous a préparé que de jeunes ruines. La paroisse comptait à la fin du XVIIIème siècle 1.800 communiants, ce qui suppose près de 2.500 habitants.

Aujourd’hui elle n'en compte plus que 1.241. La Bretagne se dépeuple soit à cause de l'émigration, soit à cause de la diminution de la natalité, soit à cause de l'alcoolisme et du luxe, destructeurs de la race. Vous ne vous douteriez guère, chers pèlerins, que notre pays perde ainsi sa population, à voir l'affluence des gens qui encombrent les alentours de la chapelle du Houlin, pendant les mois de juillet. Il faut pourtant le constater avec une patriotique douleur. Demandons à sainte Anne, patronne de notre province, que ses fils s'attachent à leur petite patrie et écoutent la parole éloquente de Mgr Morelle, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, prêchant la fidelité au sol breton.

L’église de Saint-Julien ne mériterait guère une visite du pèlerin, tant elle manque d'architecture ; la médiocrité des matériaux ajoute encore au défaut de dessin et de lignes ; mais Notre-Seigneur habite dans cet humble sanctuaire, comme dans les plus riches. En y pénétrant, vous éprouverez une agréable surprise. Cette église est mieux ornée et plus artistiquement meublée que beaucoup d'autres plus fières de leur architecture. Les autels, les statues, le parfait état d'entretien de tout ce qui sert au culte, encourageront votre piété et vous prierez avec ferveur. Après cette première étape, en descendant de la halte de Saint-Julien, si vous arrivez par le chemin de fer, vous reprendrez votre route avec une nouvelle ardeur, l'âme tout embaumée par ce premier acte de foi.

 

LA RESTAURATION DE LA CHAPELLE ET DU CULTE.

Quel soupir de soulagement poussèrent les habitants du Houlin, quand, auprès de leur brasier qui achevait de s'éteindre, ils se retrouvèrent seuls ! La Providence réservait pour la consolation des générations futures l'image sainte qui reçoit aujourd'hui nos hommages. Le souvenir de l'emplacement de la cachette demeure dans la mémoire des gens de Sainte-Anne, et ils racontent que l'herbe reste toujours fraîche en cet endroit.

Les buissons d'églantines et d'aubépines qui entouraient ce lieu sacré avaient grandi pendant les années de troubles ; leur floraison était précoce et se continuait jusqu'en automne, comme pour maintenir un bouquet odorant et rustique au-dessus du précieux trésor.

Dès qu'une accalmie se produisit en France, les habitants du Houlin tirèrent sainte Anne de sa cachette, déblayèrent les ruines de la chapelle et la débroussaillèrent pour y replacer la maîtresse de céans. Des anciennes peintures qui retraçaient l'histoire du pèlerinage et les miracles obtenus, il ne restait plus rien que des traces à peine visibles. Mais autour du nouvel autel improvisé, les populations, de plus de dix lieues à la ronde, accouraient pour rendre hommage à leur protectrice bien-aimée.

La Fabrique ne prit possesson du sanctuaire qu'en 1810, par décret impérial du 18 avril.

Une première restauration sommaire permit aux pèlerins de satisfaire leur dévotion, mais la reconstruction de l'église paroissiale de Plaine-Haute ne permit pas aux prêtres de consentir de grands sacrifices pour le trop modeste sanctuaire. Il fallait courir au plus pressé.

Mgr de la Romagère célébrait tous les ans, au Houlin, une fête à sainte Anne, avec le concours de la musique du Collège de Saint-Brieuc, sans détriment pour la fête du 26 juillet.

Mgr Le Mée, évêque de Saint-Brieuc, connaissant la dévotion que ses diocésains avaient pour sainte Anne du Houlin, prit l'initiative d'une restauration. Le bon abbé Robert s'appliqua de son mieux à suivre les indications de son Evêque et consulta un homme expérimenté, M. le chanoine Prud'homme, qui construisait à cette époque la basilique actuelle de N.-D. d'Espérance.

L'ancienne chapelle demeura intégralement dans ses parties principales. Nous aimerions à voir en ce lieu un monument plus digne des foules qui y accourent chaque année ; mais ce modeste oratoire garde son prix par son antiquité même.

Les rois et les empereurs n'ont pas passé en cet endroit, mais le bon abbé Robert notait, le 29 juillet 1846, le passage d'un prince russe, Galitzin, amené par notre barde briochin, le comte Achille du Clésieux. La colonie de Saint-Ilan les accompagnait. « Le bon prince, nous raconte naïvement le chroniqueur, trouva le lieu admirablement placé pour la dévotion et y parut dans une attitude de véritable piété ».

L'année suivante, Mgr Le Mée obtint pour sa chapelle du Houlin des reliques de sa patronne et les y porta triomphalement. Le bon abbé Robert n'eut garde de perdre le souvenir de cette solennité et il prit la plume pour narrer son bonheur.

« En l'année 1847, le recteur de Plaine-Haute soussigné fit de grandes réparations à la chapelle de Sainte-Anne-du-Houlin. Ces réparations commencèrent au mois de mai, consistant dans la dorure des deux statues de sainte Anne, la grande et la petite, la dorure de l'autel dont on rétrécit le tabernacle, la façon des gradins, la forme gothique qu'on lui donna ensuite. Le parquet et la balustrade furent entièrement réparés, les fenêtres gothiques restaurées et des vitraux peints y furent posés. Le lambris fut repeint et des nervures y furent tracées par un artiste. A l'extérieur, au-dessus de la porte d'entrée, les trois statues de sant Joachim, de sainte Anne et de la sainte Vierge furent retouchées. Le portail n'ayant jamais été terminé, l'on continua les chapiteaux.

Les degrés extérieurs de la chapelle furent construits pour empêcher l'eau d'entrer dans la chapelle. Les confessionnaux qui sont au bas de la chapelle et les bancs que peuvent utiliser les pèlerins sont aussi de la même date.

Les reliques de sainte Anne, que Monseigneur Le Mée, évêque de Saint-Brieuc, s'était procurées de Rome, furent inaugurées et placées dans la chapelle le 22 août 1847. Sa Grandeur présidait à cette grande cérémonie où une foule innombrable de peuple se trouvait : on suppose qu'il s'y trouvait ben 14.000 personnes de tous pays.

Voici l'ordre de cette procession : la procession sortit de l'église paroissiale vers trois heures, à l'issue des vêpres. Une croix blanche était en tête, portée par une jeune fille habillée de la manière la plus commune ; deux autres personnes tenaient les cordons de la croix, suivies de 300 personnes habillées communément et rangées deux par deux. Ensuite venaient soixante-deux filles et femmes habillées de blanc, de la manière la plus élégante, des gants aux mains, et portant les unes des étendards, les autres des girandoles ou des cierges. La bannière était portée par Marie Le Floch, fille de Pierre, jeune personne d'une modestie exemplaire. Venaient ensuite les enfants de chœur au nombre de trente ; ensuite le clergé composé comme il suit : Monseigneur Le Mée, évêque ; MM. Auffret, vicaire général ; Gouello, chanoine ; Prud'homme, chanoine honoraire ; les vicaires de toutes les paroisses environnantes et plusieurs élèves du Grand Séminaire.

Deux reposoirs étaient dressés pour les reliques de sainte Anne, le premier au village du Poucet, le deuxième dans la prairie au pied de la colline. En ce dernier lieu se trouvait une place réservée pour le prédicateur. M. l'abbé Prud'homme s'acquitta admirablement de sa tâche, ayant pris un ton suffisamment élevé pour se faire entendre de 20.000 personnes. Tout le monde était dans l'attendrissement. La semaine suivante, on ne parlait à la ville et à la campagne que de cette instruction qu'on appelait admirable. La musique de la garde nationale de Saint-Brieuc rehaussait de beaucoup l'éclat de la cérémonie. M. le maire de Plaine-Haute avait mis sous les armes une bande de trente jeunes gens qui, réunis à la gendarmerie de Quintin, contribuèrent beaucoup à maintenir l'ordre.

Après l'instruction, la procession se mit en marche vers la chapelle. Cette touchante cérémonie fut terminée par la bénédiction du T. S. Sacrement donnée par Monseigneur et par le baisement des reliques de sainte Anne.

La pluie qui avait menacé pendant la procession se mit à tomber à torrents aussitôt la cérémonie achevée. C'est ainsi que se termina cette journée marquée par une belle et brillante manifestation de foi.

L'enthousiasme de ces jours de fête se renouvelle aux processions dans lesquelles le clergé transporte les reliques de sainte Anne, et quand le peuple est admis à l'honneur de les baiser respectueusement. A notre époque les restes des saints attirent moins les peuples que dans les temps anciens, mais nous le déplorons comme un signe de l'affaiblissement de la foi. A Sainte-Anne du Houlin, chaque fois que des vœux et des prières ont été formulés avec une vraie foi, des grâces extraordinaires et des miracles ont récompensé la confiance de ces dévots fidèles.

A Plaine-Haute, le clergé conserve comme un trésor un livre qui relate de nombreuses guérisons obtenues par l'intercession de sainte Anne, en son sanctuaire du Houlin. Je suis convaincu que si les prêtres interrogeaient les chrétiens qui accourent ici en pèlerinage, ils apprendraient beaucoup de faveurs surprenantes qui resteront à jamais inconnues, et ne serviront pas à encourager la foi des pèlerins.

(A. Du Bois de la Villerabel).

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